Date de début de publication du BOI : 03/07/2019
Identifiant juridique : BOI-IS-BASE-70

IS - Base d'imposition - Exclusion des montages mis en place dans un but principalement fiscal

Actualité liée : 03/07/2019 : IS - RPPM - Clause générale anti-abus applicable en matière d'impôt sur les sociétés (loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, art. 108)

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Conformément aux dispositions de l'article 205 A du CGI, il n'est pas tenu compte, pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés, d'un montage ou d'une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité du droit fiscal applicable, ne sont pas authentiques compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents.

Pour l'application de cette clause anti-abus, un montage ou une série de montages, qui peut comprendre plusieurs étapes ou parties, est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.

Cette clause anti-abus transpose l'article 6 de la directive 2016/1164/UE du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (dite « ATAD » pour anti-tax avoidance directive).

Cette disposition est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

La date à laquelle le montage a été mis en place est sans incidence pour apprécier si la clause anti-abus générale est applicable : cette dernière s'applique à toutes les opérations ayant une incidence sur le calcul du résultat des sociétés au titre de leurs exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Corrélativement, le dispositif anti-abus propre au régime des sociétés mères et filiales jusqu'alors prévu au k du 6 de l'article 145 du CGI est abrogé.

I. Montages visés par la clause anti-abus générale

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La clause anti-abus générale prévue à l'article 205 A du CGI s'applique en matière d'impôt sur les sociétés.

Elle s’applique indifféremment à une opération ou un acte isolé ou à des opérations ou actes pris dans leur ensemble.

Par ailleurs, un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties et la règle anti-abus peut ne s'appliquer qu'à l'une de ces étapes ou parties.

L’application de la clause anti-abus nécessite la réunion de deux conditions :

- le montage, ou la série de montages, est mis en place avec pour objectif principal l'obtention d'un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité du droit fiscal applicable ;

- le montage, ou la série de montages, n'est pas considéré comme authentique, ce qui signifie qu'il n'a pas de justification économique.

La combinaison de ces deux conditions conduit à appliquer la clause anti-abus générale prévue à l'article 205 A du CGI aux opérations ou actes dont le but essentiel est l'obtention d'un avantage fiscal à  l'encontre de l'objet ou de la finalité du droit fiscal applicable.

A. Montage à objectif principalement fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité du droit fiscal applicable

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La notion d'objectif principal est plus large que la notion de but exclusivement fiscal au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF), qui définit la procédure de l’abus de droit fiscal commentée au BOI-CF-IOR-30

Lorsqu’un montage est mis en place avec plusieurs objectifs différents, l’analyse du caractère principal d’un des objectifs résulte d’une appréciation de fait tenant notamment compte de l’évaluation de l’avantage fiscal qui serait obtenu à l’encontre de la finalité du régime fiscal en question, en proportion de l’ensemble des gains ou avantages de toute nature obtenus au moyen de montage considéré.

Il est précisé qu'un montage peut entrer dans le champ de la clause anti-abus même s'il poursuit plusieurs objectifs concurrents.

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La notion d'objet ou de finalité du droit fiscal applicable renvoie à l'objectif poursuivi par le législateur au travers de la mise en œuvre des dispositions en cause.

Ainsi, par exemple, l'objectif du régime des sociétés mères et filiales, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et de ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, est de favoriser l'implication des sociétés mères dans le développement économique des sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française.

Voir en ce sens : CE, arrêt du 23 juin 2014, n ° 360708, ECLI:FR:CESSR:2014:360708.20140623 et CE, arrêt du 23 juin 2014, n ° 360709, ECLI:FR:CESSR:2014:360709.20140623.

B. Montage non authentique

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Selon les termes de l'article 205 A du CGI, un montage est considéré comme non authentique dans la mesure où il n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.

Pour l’application de cette disposition, la notion de motifs commerciaux s’entend au sens large de toute justification économique, même si elle n’est pas liée à l’exercice d’une activité commerciale au sens de l’article 34 du CGI. Sont donc susceptibles d’être considérées comme répondant à des motifs valables au sens de l'article 205 A du CGI des structures de détention patrimoniale, ayant des activités financières ou encore des structures répondant à un objectif organisationnel.

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Dans le cas où un montage procure des avantages d’ordre à la fois économique et fiscal, mais où l’avantage d’ordre économique est très marginal par rapport à l’avantage fiscal obtenu, le motif économique est susceptible d’être considéré comme non valable.

Voir en ce sens : CJUE, décision du 10/11/2011, aff. C-126/10 Foggia-SGPC ECLI:EU:C:2011:718.

L’analyse du caractère valable du motif économique résulte d’une appréciation au cas par cas, au regard tant des objectifs que des effets du montage considéré.

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Ainsi, pour apprécier si une opération relève des dispositions de l'article 205 A du CGI, il convient de rechercher si, dans la mesure où elle n'est pas mise en place pour des motifs commerciaux valables, l'obtention d'un avantage fiscal constitue la finalité essentielle de l'opération.

II. Articulation avec les autres dispositifs anti-abus

A. Articulation avec l'abus de droit fiscal

1. Abus de droit fiscal prévu à l'article L. 64 du LPF

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La clause anti-abus générale est une règle d'assiette de l'impôt sur les sociétés, insérée en tant que telle à l'article 205 A du CGI. Elle est distincte de la procédure de l'abus de droit fiscal de l'article L. 64 du LPF, qui permet à l'administration d'écarter les actes fictifs ou à but exclusivement fiscal et qui prévoit des garanties et des sanctions spécifiques applicables en cas de montages abusifs.

A l'instar de la clause anti-abus spécifique au régime des sociétés mères, dont elle reprend les termes, elle constitue une condition supplémentaire d'appréciation des modalités de détermination de l'impôt sur les sociétés ne modifiant pas les dispositions de l'article L. 64 du LPF, ainsi que l'a jugé le Conseil Constitutionnel dans une décision relative au régime des sociétés mères, transposable à la clause anti-abus générale en matière d'impôt sur les sociétés.

Voir en ce sens : Conseil Constitutionnel, décision du 29 décembre 2015, n° 2015-726 DC, ECLI:FR:CC:2015:2015.726.DC.

Elle s'applique pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés, et peut être mise en œuvre lorsque la situation constitutive de l’abus porte notamment sur le taux ou l'assiette de l'impôt, ou encore sur des réductions ou crédits d'impôt, que la société soit ou non bénéficiaire.

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En pratique, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, deux dispositifs coexistent.

Si l'opération est constitutive d'un montage qui vérifie les conditions d'application de l'article 205 A du CGI (I § 10 à § 60), il convient d'en écarter les conséquences sur le fondement de cet article. Dans ce cas de figure, l'administration peut en outre, à condition de les justifier au regard des circonstances de fait et de droit propres à l'opération considérée, appliquer les pénalités pour insuffisances, omissions ou inexactitudes prévues aux a et c de l'article 1729 du CGI (BOI-CF-INF-10-20-20). L'application de ces pénalités ne saurait se déduire uniquement du fait que les conditions d'application de l'article 205 A du CGI sont remplies. La mise en œuvre de ces dispositions ne relève pas de la compétence du comité de l'abus de droit fiscal.

En présence d'actes fictifs ou d'actes ou de montages mis en place dans un but exclusivement fiscal, il convient d'appliquer la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du LPF avec les garanties spécifiques qu'elle comporte. Il est rappelé que, lorsque le motif autre que fiscal apparaît négligeable et sans commune mesure avec l'avantage fiscal retiré de l'opération, l'abus de droit fiscal de l'article L 64 du LPF peut être caractérisé (CE, arrêt du 17 juillet 2013, n° 352989, ECLI:FR:XX:2013:352989.20130717).

2. Abus de droit fiscal prévu à l'article L 64 A du LPF

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La procédure prévue à l'article L. 64 A du LPF, concerne tous les impôts, à l'exception de l'impôt sur les sociétés.

Conformément à l'article 109, II-A de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, l'article L. 64 A du LPF, dans sa rédaction résultant du 1° du I de l'article 109 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 précité, s'applique aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.

B. Articulation avec la clause anti-abus prévue au III de l'article 210-0 A du CGI

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La  clause anti-abus générale prévue à l'article 205 A du CGI s'applique sous réserve de celle prévue au III de l'article 210-0 A du CGI.

Ainsi, si l'opération litigieuse concerne une opération de fusion, scission ou apport partiel d'actif et vise à bénéficier abusivement de l'un des régimes spéciaux mentionnés au I de l'article 210-0 A du CGI, l'administration pourra la remettre en cause sur le fondement du III de ce même article (BOI-IS-FUS-10-20-20 au II-D-1 § 193) et la clause anti-abus générale prévue à l'article 205 A du CGI ne s'appliquera pas.

III. Procédure de rescrit fiscal prévue au 9° bis de l'article L 80 B du LPF

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En application des dispositions du 9° bis de l'article L. 80 B du LPF, les entreprises qui souhaitent sécuriser le traitement fiscal d'un acte ou d'une opération qu'elles envisagent de réaliser peuvent demander à l'administration la confirmation que la clause anti-abus générale prévue à l'article 205 A du CGI ne leur est pas applicable.