Date de début de publication du BOI : 03/08/2016
Identifiant juridique : BOI-REC-SOLID-10-10-20

REC - Solidarités diverses et actions patrimoniales - Actions contre les dirigeants - Action en responsabilité pécuniaire civile des dirigeants - Conditions d'application

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Lorsque les dirigeants sociaux ont fait obstacle par leur comportement au paiement des dettes fiscales d'une personne morale, les comptables de la DGFIP chargés du recouvrement de l'impôt, ont la faculté, en vertu de l'article L.267 du livre des procédures fiscales (LPF) , de demander au juge qu'il constate les irrégularités et qu'il déclare ces dirigeants solidairement responsables du paiement des impositions éludées.

Aux termes de l'article L.267 du LPF, pour être déclaré solidairement responsable du paiement des impositions et des pénalités, le dirigeant doit être tenu responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la personne redevable, qui ont rendu impossible le recouvrement de ces impositions et pénalités.

La responsabilité personnelle du dirigeant dans l'inobservation doit être caractérisée. L'impossibilité de recouvrer en résultant répond à des conditions définies par la jurisprudence. L'établissement du lien de causalité entre, d'une part la responsabilité personnelle et, d'autre part, l'impossibilité de recouvrer, constitue une condition d'application à part entière.

I. Inobservations graves et répétées – manœuvres frauduleuses

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La mise en cause du dirigeant est envisagée lorsque celui-ci est responsable de manquements aux obligations fiscales ayant empêché le recouvrement de la créance du Trésor. Sa responsabilité peut être déduite de la seule constatation de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société. Mais sa responsabilité peut aussi être recherchée en cas d'accomplissement de manœuvres frauduleuses.

A. Inobservations graves et répétées

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Les tribunaux apprécient au cas par cas la nature et la fréquence des inobservations relevées. Les manquements concernent toutes les obligations fiscales dont le respect est exigé des redevables, en particulier :

- défaut de déclaration d'existence, de début d'activité, de modification des conditions d'exploitation et de localisation de la société ;

- comptabilité irrégulière ou non sincère ;

- en matière d'impositions auto-liquidées : minoration des bases imposables, déclarations non déposées, déductions abusives ;

- mention abusive de la TVA sur les factures (CGI, art. 283, 3 et 4) ;

S'y ajoutent, au stade du recouvrement, les déclarations effectuées dans les délais mais dépourvues du paiement à l'échéance.

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La qualification a été retenue par la jurisprudence à propos des agissements suivants :

- s'abstenir de payer l'impôt lorsque les déclarations sont régulièrement déposées (Cass. com. arrêt du 22 novembre 2005, n° 03-20885 ; arrêt du 4 mai 2010, n° 09-14054) ;

- ne pas mentionner sur des déclarations le montant de la taxe réellement exigible en minorant volontairement les bases d'imposition (Cass. com. arrêt du 20 juin 2006, n° 04-17398 ; arrêt du 12 octobre 2010, n° 09-71002) ;

- obliger l'administration à régulariser la situation fiscale de la société redevable par voie de rappels d'impôts opérés par taxation d'office ou selon la procédure de rectification contradictoire (Cass. com. arrêt du 24 mai 1971 n°69-11867 ; Cass. com. arrêt du 10 mars 1975 n° 74-10963; Cass. com. arrêt du 9 février 1981 n° 79-11293 ).

40

L'inobservation répétée d'obligations fiscales revêt un caractère de gravité. Les tribunaux apprécient souverainement le caractère de gravité des manquements invoqués par le comptable de la DGFIP demandeur à l'action. Cet examen s'exerce néanmoins sous le contrôle de la Cour de cassation (Cass. com. arrêt du 28 novembre 2006, n° 05-12463).

En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la jurisprudence considère que le défaut de paiement à l'échéance est particulièrement grave puisque l'entreprise redevable conserve dans sa trésorerie des fonds collectés auprès de ses clients et destinés à être reversés au Trésor (Cass. com. arrêt du 23 juin 2004, n° 01-11821 ; arrêt du 22 novembre 2005, n° 03-20885 ; arrêt du 25 avril 2006, n° 03-20709). Cette pratique fait obstacle à la neutralité de la TVA et au libre jeu de la concurrence entre les entreprises assujetties.

Pour cette même raison, la Cour de cassation a approuvé les juges qui retenaient le caractère de gravité des inobservations résultant de la minoration du chiffre d'affaires taxable, constatée au cours d'une vérification de comptabilité et obligeant l'administration à procéder par voie de rappel d'impôt (Cass. com. arrêt du 20 juin 2006, n° 04-17398 ; arrêt du 3 juin 2008, n° 07-19033arrêt du 12 octobre 2010, n° 09-71002).

50

La notion de gravité s'apprécie généralement au regard de la nature de l'inobservation ou de la fréquence des manquements aux obligations fiscales. En revanche, elle n'exige pas que soit établie la mauvaise foi du dirigeant (Cass. com. arrêt du 7 juillet 2004, n° 02-15792 ; arrêt du 31 octobre 2006, n° 05-15302).

B. Manœuvres frauduleuses

60

Au sens de l'article L.267 du LPF , les manœuvres frauduleuses s'entendent des agissements ayant pour finalité d'éluder la déclaration ou le paiement de l'impôt (élément matériel), accomplis en toute connaissance de cause (élément intentionnel) et ne pouvant être considérés comme des erreurs excusables ou des omissions involontaires.

70

L'article L.267 du LPF constitue une procédure de recouvrement à caractère civil. Son champ d'application est distinct d'une action pénale (Cass. com. arrêt du 13 janvier 2009, n° 07-21680).

Par conséquent, la responsabilité visée par le texte fiscal peut être mise en jeu sans qu'il soit nécessaire de prouver le caractère intentionnel des agissements ni le fait qu'ils ont été commis dans le but d'éluder le paiement de l'impôt.

80

Toutefois, la qualification de manœuvres frauduleuses repose sur deux types d'éléments d'appréciation, dont l'élément intentionnel, qui consiste dans l'accomplissement conscient des infractions fiscales, lesquelles revêtent alors un caractère de mauvaise foi.

L'élément matériel correspond à des agissements tendant soit à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle et de vérification de l'administration fiscale, soit à faire obstacle au recouvrement de l'impôt par le Trésor. Il en est ainsi, par exemple, de l'utilisation par le dirigeant de factures fictives à des fins de déduction indue de TVA, mises en évidence dans le cadre d'un contrôle fiscal (Cass. com. arrêt du 21 janvier 2004 n°00-160789 ).

90

En règle générale, la simple constatation des agissements, notamment dans le cadre d'opérations de contrôle fiscal, suffit à qualifier les manœuvres frauduleuses.

100

Au sens de l'assiette, il s'agit d'actes, opérations, artifices ou manœuvres ayant pour effet soit de faire disparaître ou de réduire la matière imposable, soit d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés.

Lorsqu'elle constate des manœuvres de telle sorte, l'administration est amenée à assortir les suppléments d'impôts découlant du redressement de ces insuffisances ou omissions, de sanctions fiscales prévues à l'article 1729 du CGI.

110

Au sens du recouvrement, il s'agit d'agissements caractérisant l'intention délibérée de priver le comptable des chances de recouvrer les créances fiscales sur le patrimoine du débiteur. Ainsi, constitue une manœuvre frauduleuse le fait de distraire du gage du Trésor des fonds facilement appréhendables, en les gaspillant sciemment ou en les mettant en sûreté chez des tiers dont le gérant ne révèle pas l'identité.

120

Mais la preuve de la mise en œuvre de manœuvres frauduleuses peut découler plus simplement de circonstances révélant la mauvaise foi du redevable :

- dissimulation de recettes taxables encaissées sur des comptes privés avec une comptabilité portant des mentions fictives ou falsifiées (Cass. com. arrêt du 24 mai 1971 n° 69-11867 ) ;

- déduction de taxes figurant sur de fausses factures émanant de sociétés inexistantes ;

- non-comptabilisation des recettes et falsification des pièces justificatives de ces recettes (CE, 24 février 1986 n° 50433 ) ;

- minoration systématique des recettes accompagnée de l'exagération des frais professionnels et d'indications erronées sur le lieu de résidence (CE, arrêt du 4 mai 1979 n° 09358 ) ;

- surévaluation systématique des prix de revient d'appartements en cours de construction et donc du montant de la taxe déductible accompagnée de l'absence de dépôt de déclarations de régularisation après achèvement de l'immeuble (CE, arrêt du 17 février 1982, n°18935 ).

II. Responsabilité personnelle du dirigeant et direction effective

130

Le dirigeant poursuivi en application de l'article L.267 du LPF est reconnu responsable s'il est l'auteur des manquements ou des manœuvres constatés. Dès lors, la mise en œuvre de l'action se fait au titre des inobservations survenues après sa prise de fonction et avant sa démission, sauf s'il est prouvé qu'en dehors de cette période, la personne visée a participé aux fonctions de direction et concouru aux manquements.

Pour déterminer si la responsabilité du dirigeant est engagée, il convient de se placer exclusivement à la date à laquelle devaient être accomplies les obligations fiscales méconnues (exigibilité) et non à celle du fait générateur de l'impôt ni de sa mise en recouvrement (Cass. com. 4 novembre 1986 n) 85-10850 ; arrêt du 9 novembre 1987 n°86-16025; arrêt du 7 juin 1988 n° 86-19253 ) ni même des mesures de poursuite effectuées en vue du recouvrement.

A. La détermination du lien de responsabilité

140

Au sein de la société, c'est au dirigeant qu'incombe normalement la bonne exécution des obligations fiscales, mais compte tenu des termes de l'article L.267 du LPF , la responsabilité ne peut être tirée de la seule qualité de dirigeant statutaire, dès lors que le texte spécifie : " Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement ".

150

Toutefois, dès lors que le dirigeant ne conteste pas avoir exercé ses fonctions, la seule constatation de l'inobservation des obligations fiscales permet d'établir sa responsabilité.

La Cour de cassation rappelle en effet qu'un dirigeant social, ayant accepté d'apparaître comme le représentant légal de la société et ne contestant pas avoir exercé effectivement cette fonction au cours de la période pendant laquelle les inobservations ont été commises, ne se décharge que sous sa responsabilité personnelle des obligations fiscales lui incombant.

160

Un dirigeant ne peut prétendre échapper à cette responsabilité en soutenant que le défaut de paiement des impositions était dû aux difficultés économiques rencontrées par la société (Cass. com. arrêt du 3 octobre 2006, n° 04-16748). Il ne peut écarter ou atténuer sa responsabilité en soutenant que le non paiement de la TVA est en réalité dû aux circonstances économiques défavorables (Cass. com. arrêt du 31 mai 2005, n° 04-15551 ; arrêt du 29 septembre 2009, n° 08-19504).

B. La notion de direction effective

170

La responsabilité personnelle du dirigeant est caractérisée lorsque les manquements ont été commis pendant la période au cours de laquelle il a exercé la gestion. Lorsque la direction effective du dirigeant n'est pas contestée ou en l'absence de précision ou justification à l'appui de ses affirmations, la seule constatation des inobservations fiscales permettra d'établir sa responsabilité (Cass. com, arrêt du 11 février 2003 n° 99-18003 ).

180

En étendant la responsabilité solidaire à toute personne exerçant en droit ou en fait la direction effective de la société, le législateur a néanmoins assorti l'article L.267 du LPF d'une disposition restrictive. Un dirigeant de société peut, en effet, s'exonérer de sa responsabilité personnelle en apportant la preuve qu'il n'a pas exercé effectivement ses pouvoirs.

Il s'agit là de la seule circonstance exonératoire en matière de responsabilité des dirigeants au sens de l'article L.267 du LPF.

Est ainsi écartée la mise en cause d'un dirigeant statutaire qui n'a pu exercer sa mission générale de gestion et de surveillance par suite de circonstances suffisamment graves et probantes pour l'affranchir totalement de sa responsabilité.

La direction effective par un tiers n'est exonératoire pour le dirigeant de droit que si celle-ci est exclusive (Cass. com. 20 novembre 2001 n° 98-17333 et Cass. com. arrêt du 12 février 2002 n°98-22397 ).

190

Lorsque le dirigeant de droit fait état de circonstances concrètes et sérieuses desquelles il résulterait qu'il n'a pu assurer son mandat social, il appartient aux juges, qui disposent en la matière d'un pouvoir souverain d'appréciation, d'identifier et d'analyser les documents sur lesquels ils se fondent pour retenir ou écarter le cas échéant la responsabilité du dirigeant (Cass. com. arrêt du 21 janvier 2004 n°02-13860 et Cass. com. arrêt du 3 mars 2004 n° 02-17372 ).

Le dirigeant effectif est responsable du bon fonctionnement de la société. Il ne peut utilement invoquer le mauvais fonctionnement du service comptable de la société qu'il dirige pour s'exonérer de sa responsabilité (Cass. com. arrêt du 25 janvier 2000 n°97-19086 ).

Il est rappelé que l'application de l'article L.267 du LPF qui n'exige pas que soit établie la mauvaise foi du dirigeant n'est pas non plus subordonnée à la preuve du caractère intentionnel des manquements imputables à ce dernier, sauf manœuvres frauduleuses (Cass. com. 7 juillet 2004, 02-15792 ; 31 octobre 2006, n° 05-15302).

200

La Cour de cassation a précisé la portée de la disposition en indiquant que les juges du fond, qui disposent en la matière d'un pouvoir souverain d'appréciation, devaient caractériser de manière concrète, la responsabilité personnelle du dirigeant pendant l'exercice effectif, direct ou indirect, de son mandat social.

C'est pourquoi, lorsque les juges font ressortir que le dirigeant de droit a concouru, dans l'exercice effectif de son mandat social, aux inobservations reprochées, leur décision n'encourt pas la censure de la Cour suprême (Cass. com. 28 novembre 1989 n°88-16966 ; Cass. com. arrêt du 20 novembre 1990 n° 89-11649 ).

210

La responsabilité du dirigeant de droit peut être écartée si ce dernier démontre, suivant le cas :

- qu'il a délégué l'ensemble de ses pouvoirs au profit d'un tiers (Cass. com. 20 novembre 2001, n° 98-17333 ; arrêt du 12 février 2002, n° 98-22397).

Cette délégation de pouvoir doit être générale : un dirigeant qui soutient avoir confié les tâches de gestion administrative et financière de la société à un salarié, et qui n'invoque aucune délégation générale de pouvoir, ne peut s'exonérer de sa responsabilité vis-à-vis de l'administration fiscale (Cass. com. arrêt du 26 juin 2007, n° 06-15867).

En outre, le simple défaut de surveillance à l'égard de la personne titulaire d'une telle délégation de pouvoirs n'est pas suffisant pour établir la responsabilité du dirigeant (Cass. com. arrêt du 17 janvier 1989, n° 86-19252).

- que l'entreprise était en fait dirigée par une autre personne (Cass. com. arrêt du 3 octobre 1989 n° 87-15723 ).

Lorsqu'il apparaît que le dirigeant de droit a également participé à la direction de la personne morale en cogestion avec un dirigeant de fait ou une personne titulaire d'une délégation générale de pouvoir, sa responsabilité pourra néanmoins être engagée (Cass. com. arrêt du 7 février 1989 n° 87-13988 ).

220

La seule qualité de dirigeant de droit n'étant pas suffisante, la démission de ce dernier, publiée ou non (Cass. com. arrêt du 17 janvier 1989 n° 86-19252 ; arrêt du 8 janvier 1991 n° 89-13847 ) ne revêt pas une importance décisive : le dirigeant démissionnaire a pu continuer d'exercer, en fait, la direction de la société. Dans ce cas, il convient de prouver la gestion de fait.

230

Il appartient au dirigeant mis en cause de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas exercé effectivement son mandat social. A défaut de toutes précisions ou justifications à l'appui de sa contestation, il ne peut valablement s'opposer à la demande du comptable.

En revanche, dans les cas où le dirigeant poursuivi opposerait une argumentation sérieuse, le comptable public qui entendrait maintenir que les manquements constatés demeurent imputables à l'intéressé devrait démontrer, de manière concrète, que le dirigeant de droit a concouru à la gestion de la société.

240

La charge de la preuve est fonction de l'argumentation développée dans les conclusions en réponse:

- si un gérant de fait vient à se révéler (soit titulaire d'une délégation générale de pouvoir, soit exerçant directement les prérogatives du dirigeant de droit), l'intéressé devra être poursuivi dès l'assignation, le cas échéant, ou au cours de la procédure par la voie de l'intervention forcée aux fins de condamnation ou de la demande incidente (Code de procédure civile, art. 66 et 68) ;

- la mise en cause d'un tiers pour la première fois devant la cour d'appel n'est pas recevable lorsque les éléments qui la motivent étaient connus dès la procédure devant les premiers juges. De la même manière, serait irrecevable comme nouvelle, la demande formée pour la première fois en appel, si le dirigeant de fait était présent en première instance sans que le comptable n'ait conclu contre lui.

III. Lien de causalité avec le recouvrement de l'impôt

250

Pour son application, l'article L.267 du LPF prévoit la nécessité de démontrer que les manœuvres frauduleuses ou les inobservations imputables au dirigeant ont rendu impossible le recouvrement de l'impôt. Autrement dit, l'échec des tentatives de recouvrement qui concrétise cette impossibilité est la conséquence des manœuvres ou manquements reprochés au dirigeant concerné. Le contrôle de la motivation des décisions au fond par la Cour de cassation s'exerce notamment sur l'indication des éléments constitutifs du lien de causalité (Cass. com. arrêt du 3 mars 2004 n° 02-16547 ).

A. Impossibilité de recouvrer la dette fiscale

260

Conformément à l'article L.267 du LPF , les manquements imputables au dirigeant doivent avoir rendu impossible le recouvrement de l'impôt, de sorte que l'administration a la charge de la preuve de sa diligence à l'égard de la personne morale, redevable principale.

1. Les diligences du service du recouvrement à l'égard de la société

270

L'impossibilité de recouvrement, qui doit nécessairement résulter des manquements aux obligations fiscales commis par les dirigeants, s'apprécie principalement au regard des difficultés rencontrées par le comptable pour recouvrer les sommes dues à sa caisse.

280

Le comptable public demandeur à l'action doit démontrer que l'administration a mis en œuvre des actes de poursuites pour obtenir en temps utile le paiement des impositions par la personne morale et que cette action s'est révélée vaine (Cass. com. arrêt du 17 décembre 2002 n° 01-02490 ).

(290)

2. Échec total ou partiel des mesures de poursuites engagées en temps utile

300

Lorsque le comptable public n'est pas resté inactif à l'égard de la société, la Cour de cassation a jugé que le lien de causalité exigé était suffisamment établi dès lors que les décisions soumises à sa censure retiennent en particulier :

- que la société a laissé s'accumuler une dette fiscale excessive et accroître son passif, ce qui a abouti à son redressement judiciaire, le dirigeant n'ayant pris aucune disposition pour remédier à cette situation, tandis que de nombreux avis de mise en recouvrement et avis à tiers détenteur étaient restés sans effet (Cass. com. arrêt du 7 février 1995) ;

- que les dirigeants ont laissé s'accumuler un passif excessif qui n'a pu être recouvré contre la société en liquidation des biens en dépit de l'émission de plusieurs avis de mise en recouvrement et avis à tiers détenteur restés sans effet (Cass. com. arrêt du 11 février 1992 n°89-20852) ;

- que le dirigeant a laissé s'accumuler une dette fiscale excessive, de sorte que l'Administration ayant dû procéder à une taxation d'office, cinq avis de mise en recouvrement, deux mises en demeure et deux avis à tiers détenteur délivrés en temps utile, étaient restés sans effet (Cass. com. arrêt du 11 février 1992 n° 90-13439) ;

- que les manquements aux obligations fiscales ont contraint l'Administration à délivrer six mises en demeure, treize avis de mise en recouvrement et sept avis à tiers détenteur, que cette Administration a accepté successivement deux plans de règlement qui n'ont pas été respectés, que les inobservations ont ainsi accentué considérablement l'important passif de la société et ont rendu impossible le recouvrement de la créance fiscale dont la production à la procédure collective de la société est demeurée infructueuse (Cass. com. arrêt du 7 avril 1992, n° 90-16236),

- que l'impossibilité de recouvrer résulte suffisamment de l'émission par l'Administration d'un avis de mise en recouvrement, d'une mise en demeure et d'un avis à tiers détenteur, tous actes demeurés sans effet et qui attestent suffisamment de ses diligences normales (Cass. com. arrêt du 23 février 1993, n° 91-13208) ;

Enfin, la Cour de cassation a considéré qu'un juge justifie sa décision lorsqu'il constate que les dirigeants ont eu recours de façon répétée à des artifices pour éluder le paiement des impositions, obligeant l'Administration à procéder par voie de taxation d'office, alors que les transferts successifs du siège social rendaient impossible le recouvrement des impositions dues (Cass. com. arrêt du 10 juillet 1989 n° 87-19589).

3. Incidence des délais de paiement sur l'impossibilité de recouvrer

310

La demande de délai présentée par le dirigeant doit être interprétée comme une manifestation de bonne volonté. Toutefois, le fait qu'un plan de règlement soit devenu caduc en l'absence d'exécution de la part du dirigeant et alors même que les manquements de l'intéressé se sont poursuivis, a pour effet d'aggraver la responsabilité de ce dernier, au sens de l'article L267 du LPF (Cass. com. arrêt du 16 janvier 2001 n°98-12667 ; Cass. com. arrêt du 5 novembre 2002 n°0020331 et Cass. com.arrêt du 21 janvier 2004 n° 01-14949 ).

320

En revanche le lien entre l'inobservation des obligations fiscales et l'impossibilité de recouvrer n'est pas établi lorsque l'action en recouvrement n'est retardée que par les effets d'un plan de règlement accordé et respecté jusqu'à l'ouverture de la procédure collective (Cass. com. arrêt du 11 février 2003 n° 99-18003 ).

330

Le comptable public doit informer le dirigeant que sa responsabilité pourra être engagée en cas de non respect du plan de règlement et de non-paiement de l'arriéré ou des taxes courantes (Cass. com. arrêt du 18 décembre 2001, pourvoi n° 99-11994 ; Cass. com arrê du 17 décembre 2002 n°01-02490 ).

Pour un plan de règlement accordé à la société par le comptable ou la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale, une mention expresse informe le dirigeant que son inexécution ou le défaut de paiement des taxes courantes pourrait entrainer la mise en œuvre de l'action prévue à l'article L.267 du LPF (Cass. com. arrêt du 23 juin 2004, n° 01-16498). Cette information doit être claire.

La Cour de cassation censure la décision qui écarte le moyen tiré de l'absence d'information du dirigeant sans rechercher si ce dirigeant avait été formellement informé par le comptable de ce qu'il pourrait être ultérieurement poursuivi sur le fondement de l'article L.267 du LPF (Cass. com. arrêt du 25 février 2003, n° 00-12070 ).

Cette recherche doit également être effectuée dans le cas d'un accord verbal non contesté entre les parties (Cass. com. arrêt du 17 décembre 2002 n° 01-02490 ).

B. Défaut de résultat de l'action en recouvrement imputable aux dirigeants

(340)

1. Diligences des services de l'assiette

350

La Cour de cassation rappelle de manière constante l'obligation de caractériser ce lien de causalité par des circonstances, autres que les seuls défauts de déclaration ou de paiement, en raison desquelles le comptable public s'est trouvé dans l'impossibilité de recouvrer les impositions dues par la société.

Outre les diligences du service de recouvrement, la Cour suprême entend que les juges du fond surveillent les diligences effectuées tant par les services du recouvrement que par ceux de l'assiette.

La responsabilité du dirigeant ne peut être retenue lorsqu'il résulte des circonstances de l'affaire que les diligences du comptable public n'ont pu être effectuées en temps utile, en raison de l'action tardive des services d'assiette et de contrôle (Cass. com. arrêt du 22 octobre 1991, n° 90-10029).

a. Le suivi du dossier fiscal de la société

360

Pour caractériser le lien entre l'inobservation par le dirigeant des obligations fiscales de la société et l'impossibilité de recouvrer, le juge doit relever non seulement l'absence de négligence de l'administration dans les poursuites mais aussi dans le suivi de l'assiette (Cass. com. arrêt du 18 décembre 2001 n° 99-11994 ; Cass. com. arrêt du 3 mars 2004, n° 02-16547).

370

La Cour de cassation examine dans le détail les diligences de l'administration (Cass. com. arrêt du 18 décembre 2001 n° 99-11994 précité).

b. Exigence de diligences normales

380

La Cour de cassation a considéré qu'il ne peut être exigé de l'administration qu'elle adresse une mise en demeure dès le premier incident relatif aux obligations légales en matière de TVA (Cass. com. arrêt du 5 novembre 2002, n° 99-16614).

390

Lorsque les manquements résultent des dissimulations de chiffre d'affaires qui ne peuvent être révélées qu'à l'occasion d'un contrôle fiscal, aucune négligence ne peut être reprochée au comptable public qui a émis l'avis de mise en recouvrement peu de temps avant ou après l'ouverture de la procédure collective, la notification de redressements et l'émission de l'avis de mise en recouvrement étant exempts de tardiveté (Cass. com. arrêt du 25 janvier 2000 n° 97-190086 ; Cass. com. arrêt du 25 avril 2001, n° 98-12244 ; Cass. com. arrêt du 26 novembre 2003, n° 01-17162, Cass. com. arrêt du 21 janvier 2004, n°00-16089 ; arrêt du 19 septembre 2006, n° 05-11-366).

2. Incidence de la procédure collective de la personne morale sur l'action en responsabilité

400

Le dirigeant de la société ne peut être déclaré tenu du paiement de la dette fiscale que dans la mesure où le recouvrement sur la société elle-même est impossible dans le cadre de la procédure collective (Cass. com. arrêt du 10 mars 1998 n° 95-22216 ). Toutefois, l'action peut être engagée sans attendre la clôture pour insuffisance d'actif dès lors que les conditions sont remplies.

a. Impossibilité d'agir due à l'ouverture d'une procédure collective

410

L'engagement de l'action par les comptables de la DGFIP n'est pas subordonné au prononcé de la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure collective (Cass. com. arrêt du 16 janvier 2001 n°98-12667 ).

420

Le lien de causalité entre l'inobservation des obligations fiscales et l'impossibilité de recouvrer se trouve caractérisé lorsqu'en raison même des manquements auxdites obligations, l'élaboration des titres exécutoires nécessaires au recouvrement est intervenue à des dates précédant immédiatement ou suivant l'ouverture d'une procédure collective, de telle sorte que le Trésor n'est plus en mesure d'exercer utilement une action individuelle à l'encontre de la société débitrice.

Tel est le cas lorsque des minorations systématiques de déclaration de TVA ont obligé l'Administration à établir les impositions exigibles par voie de redressements ou lorsque le dépôt sans paiement de plusieurs déclarations fiscales est intervenu tardivement peu avant ou après l'ouverture d'une procédure collective.

L'impossibilité de recouvrer est également établie lorsque le comptable ne peut poursuivre une action en paiement déjà engagée du fait de l'ouverture d'une procédure collective (cf. III-B-1-b § 390).

Tel est le cas lorsqu'après avoir authentifié sa créance et fait délivrer des mises en demeure, le comptable est privé de toute action par le dépôt de bilan de la société redevable (Cass. com. arrêt du 4 mai 1993, n° 91-15046).

b. Déroulement d'un plan de sauvegarde ou d'un plan de redressement

430

En revanche, le fait qu'un plan de redressement de la personne morale débitrice proposé par l'administrateur judiciaire et prévoyant le paiement échelonné et total des créances fiscales déclarées soit exécuté normalement, les versements au comptable étant effectués régulièrement, permet d'escompter à terme l'apurement final de la créance. Dès lors, l'impossibilité de recouvrer au sens de l'article L.267 du LPF n'est pas vérifiée et il ne peut être fait application de ces dispositions.