Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-REC-GAR-20-30-10

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REC - Sûretés et garanties du recouvrement – Mesures conservatoires particulières sur le fonds de commerce- Définitions du fonds de commerce

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Avant de déterminer le champ et les conditions d'application de la législation consacrée aux mesures de publicité en cas de vente amiable ou d'apport du fonds ainsi qu'à l'opposition au paiement du prix, il convient d'identifier précisément les éléments qui forment un fonds de commerce.

A cette fin, la présente section décrit la nature et les caractères du fonds de commerce et définit les éléments essentiels (corporels et incorporels) qui le composent.

I. Définition légale du fonds de commerce

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Aucune loi française ne définit le fonds de commerce. La loi fournit seulement un certain nombre de critères permettant de préciser la notion de fonds de commerce.

Ainsi, le titre IV du livre 1er du code de commerce sur la vente et le nantissement des fonds de commerce énumère les éléments qui composent le fonds et pose certaines règles qui permettent de définir des principes sur les conditions d'existence et la nature du fonds de commerce.

Le fonds de commerce n'est pas homogène. Il est composé d'éléments disparates qui peuvent être aisément détachés du fonds et sont essentiellement périssables.

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La loi distingue les éléments incorporels des éléments corporels et y attache certaines conséquences (par exemple, l'obligation de fixer des prix distincts).

A. Les éléments incorporels

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L'article L141-5 du code de commerce, cite l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage.

L'article L142-2 du code de commerce indique en outre les brevets d'invention, les licences, les marques de fabrique et de commerce, les dessins et modèles industriels et généralement les droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés.

L'énumération donnée par la loi n'est pas limitative.

40

En principe, les créances et dettes de l'exploitant du fonds, les contrats qu'il conclut, ne font pas partie du fonds de commerce.

Dans certains cas, créances et dettes deviennent des éléments du fonds.

C'est ainsi que le droit au bail est expressément prévu par l'article L141-1 du code de commerce comme un élément du fonds de commerce.

50

L'article L1224-1 du code du travail prévoit également qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les contrats en cours subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise.

De même, en matière d'impôt sur le revenu, l'article 1684 du code général des impôts (CGI) rend, à certaines conditions, le cessionnaire d'un fonds de commerce solidairement responsable des impôts dus par le cédant pour les bénéfices réalisés pendant l'exercice en cours. La dette d'impôt se trouve ainsi incorporée au fonds et se transmet avec lui.

60

Par ailleurs, un certain nombre de commerces nécessitent pour leur création, leur exploitation, des autorisations, des licences, des agréments, des cartes professionnelles, etc...

Certaines de ces autorisations ont un caractère personnel, de sorte qu'elles ne peuvent être un élément du fonds.

70

Dans d'autres cas, ces autorisations ont un caractère réel car, attribuées pour l'exploitation d'un fonds de commerce déterminé, leur acquisition est de plein droit pour l'acquéreur du fonds, devenant ainsi un élément du fonds.

Il en est ainsi des licences des débits de boissons. La licence de quatrième catégorie a pris une importance capitale pour le fonds, dès lors qu'en l'état de la législation, l'ouverture de tout nouvel établissement de quatrième catégorie est interdite. Elle constitue donc un élément déterminant du fonds de commerce.

80

De même, les commerçants qui s'établissent ou transfèrent leur fonds dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national, le font grâce à un droit d'occupation privative d'emplacement qui est concédé par l'administration du marché.

Le titulaire de l'emplacement peut présenter à l'agrément de l'administration un successeur qui sera subrogé dans ses droits, de sorte que ce droit d'occupation tend à devenir une valeur patrimoniale.

90

Enfin, lorsqu'il existe un droit de concession immobilière, qui constitue un droit réel, le concessionnaire peut donner son droit en location-gérance. Il doit donc être considéré comme un élément du fonds de commerce au même titre que le droit au bail.

B. Les éléments corporels

100

Les articles L 141-1 et L 141-5 du code de commerce indiquent comme éléments corporels le matériel et les marchandises.

Le matériel comprend tous les meubles corporels qui permettent l'exploitation du fonds de commerce : meubles meublants, outillage, machines.

Les marchandises (stocks) comprennent tous les meubles corporels destinés à être vendus, l'achat et la revente de ces meubles étant l'objet même de l'exploitation.

110

Le code de commerce ne mentionne jamais les immeubles et ne les comprend pas dans la liste limitative des éléments pouvant être donnés en nantissement.

En conséquence, le comptable de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) créancier qui demande la vente en bloc d'un fonds exploité par un commerçant dans un immeuble dont il est propriétaire, ne peut obtenir que le débiteur soit tenu de consentir un bail à l'adjudicataire.

120

Les immeubles par nature et par destination ne constituent jamais un élément du fonds de commerce.

II. Définition jurisprudentielle du fonds de commerce

A. Les éléments essentiels du fonds

130

Un fonds de commerce peut être constitué d'un grand nombre d'éléments. Mais il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait un fonds, que tous ces éléments soient réunis.

Il est admis que les éléments corporels ne sont pas des éléments essentiels du fonds.

En revanche, la clientèle constitue l'élément essentiel du fonds de commerce (Cass. civ. 3ème 18 mai 1978, n° 76-13943 ; Com, 16 janvier 1990, n° 87-20156).

En outre, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que la cession d'une branche autonome d'activité à laquelle est attachée une clientèle propre constitue une cession de fonds de commerce indépendante (Cass. com 14 avril 1992, n° 89-20908).

Le droit au bail ne constitue pas, de plein droit, un élément nécessaire du fonds de commerce (Cass. com. 27 avril 1993, n° 91-10819).

Dès lors, la seule cession de bail ne constitue celle du fonds de commerce que lorsqu'elle implique la cession de la clientèle (Cass. civ. 20 juin 1979, n° 78-11559).

140

La licence de débits de boissons est un accessoire du fonds de commerce et elle ne peut, à elle seule, constituer un fonds de commerce.

Il a été jugé que la cession distincte du mobilier et d'une licence de débit de boissons ne comportant aucun élément relatif à la nature et à l'importance d'une clientèle, ni au chiffre d'affaires d'un fonds de commerce, ne constitue pas la vente d'un fonds de commerce (Cass. com. 26 mars 1996, n° 93-20073).

Par ailleurs, en cas de cession du fonds, la licence est présumée être cédée avec le fonds (Cass. Cass. com. 26 avril 1984, n° 82-17047), mais le fonds peut être cédé sans la licence.

B. Le caractère commercial du fonds de commerce

150

L'objet du fonds est d'accomplir des actes de commerce dans l'exercice d'une profession, de telle sorte que celui qui exploite le fonds, effectuant des actes de commerce et en faisant sa profession habituelle, ait normalement la qualité de commerçant.

Par suite, à défaut de revêtir une nature commerciale dans le cadre de l'exercice d'une activité commerciale, ne constituent pas des fonds de commerce :

- les clientèles civiles des professions libérales (avocats, médecins, chirurgiens-dentistes, architectes ) ;

- les établissements artisanaux.

Les tribunaux de l'ordre judiciaire donnent de la notion d'artisan une définition beaucoup plus restrictive que celle résultant du droit fiscal. La jurisprudence civile exige que l'artisan tire l'essentiel de ses ressources de son travail personnel et ne spécule pas sur la valeur des marchandises (Cass. com. 12 mai 1969, n° 67-13532).

160

En revanche, lorsque l'exploitant d'un tel établissement ne se contente pas d'une manière générale de commander des marchandises au fur et à mesure de ses besoins, mais fait des achats constituant de véritables approvisionnements dont il peut tirer des bénéfices spéciaux, il est considéré comme faisant des actes de commerce. Dès lors, la vente du fond de ces «artisans-commerçants» est soumise aux formalités du code de commerce.

170

S'agissant des entreprises publiques, les établissements publics ne sont pas propriétaires d'un fonds de commerce.

Remarque : il a été jugé que les débits de tabac ne constituaient pas des fonds de commerce.

III. La nature du fonds de commerce

A. Le fonds de commerce est une universalité

180

Le fonds de commerce est une universalité, en ce sens qu'il est un bien distinct des éléments qui le composent, mais il n'est pas une universalité de droit, c'est-à-dire un patrimoine ayant un passif propre.

Il est en outre observé que le fonds considéré globalement a, en fait, une valeur supérieure à la somme des valeurs de ses divers éléments. C'est pourquoi le code de commerce, en son titre IV du livre 1er, prévoit, sur poursuites en vue de la vente séparée d'éléments, la possibilité d'une conversion en vente globale du fonds (cf. articles L143-3, L143-4 et L143-10 du code de commerce.

B. Le fonds de commerce est un meuble incorporel

190

La nature mobilière du fonds est indiscutable, les fonds de commerce ne comprennent d'ailleurs que des éléments mobiliers.

Par ailleurs, il résulte de la nature du fonds de commerce, universalité mobilière de nature incorporelle, que l'article 2279 du code civil, sur l'action possessoire, n'est pas applicable Il ne peut y avoir également prescription acquisitive du fonds.