Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTOM-10-10-30

ENR - Mutations de propriété à titre onéreux – Cessions de fonds et commerce et de clientèles - Conventions assimilées à des cessions

I. Principe d'assujettissement des conventions de successeur

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L'article 720 du code général des impôts (CGI) étend les dispositions applicables aux cessions de fonds de commerce à toute convention à titre onéreux ayant pour effet de permettre à une personne d'exercer une profession, une fonction ou un emploi occupé par un précédent titulaire, même lorsque ladite convention ne s'accompagne pas d'une cession de clientèle.

Remarque : Les conventions visées à l'article 720 du CGI sont parfois dénommées « conventions de successeur ».

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Sous réserve que les conditions examinées ci-dessous se trouvent réunies, iI y a lieu de considérer que I'article 720 du CGI s'applique, d'une façon très générale, à toutes les conventions à titre onéreux, écrites ou verbales, quel qu'en soit I'objet et quelles que soient la forme et la qualification qui leur ont été données par les parties, qui ont pour effet de permettre à une personne, physique ou morale, l'exercice d'une activité quelconque, civile ou commerciale.

Il n'y a pas à distinguer, à cet égard, selon la nature de la profession, de la fonction ou de l'emploi considéré, ni à rechercher si la convention implique ou non cession de clientèle.

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Les droits sont exigibles sur toutes les sommes dont le paiement est imposé, du chef de la convention, sous quelque dénomination que ce soit, au successeur, ainsi que sur toutes les charges lui incombant au même titre.

II. Conditions d'assujettissement des conventions de successeur

A. Condition de procédure d'accords contractuels

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En règle générale, l'appréciation de cette condition ne soulève pas de difficultés.

Toutefois, Ies opérations peuvent se présenter de manière complexe, des actes séparés ou plusieurs conventions successives étant conclus : dans ce cas, il convient de leur restituer leur véritable caractère (Cour de Cassation, Chambre commerciale (Cass. com.), 10 juin 1974 n° 73-10696 ; Cass. com., 20 février 1990, n° 88-12521 ; Cass. com., 9 novembre 1987, n° 85-18688).

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Seules les conventions ayant pour effet de permettre à l'une des parties de succéder dans l'activité de l'autre partie, précédemment titulaire de l'activité, sont taxables. Le successeur ne peut être un tiers à la convention (Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-20411).

Toutefois, la présence d'un administrateur judiciaire qui se borne à assister, sans représenter, la société cédante en redressement judiciaire, ne prive pas l'opération de son caractère de convention conclue entre l'ancien et le nouveau titulaire de l'activité cédée. Il n'y a pas, en l'occurrence, intervention d'un tiers.

50

Par ailleurs, la convention peut prendre la forme de la résiliation d'un accord par lequel une société confiait jusque là une de ses activités à une autre société, puisque cette résiliation, contre indemnisation, lui permet de reprendre l'activité en cause (Cass. com., 4 juin 1996, n° 94-20359).

B. Conclusion de la convention à titre onéreux

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L'administration n'est pas liée par la dénomination donnée par les parties aux sommes dont le paiement est imposé au cessionnaire. Ainsi, il a été jugé que la succession d'une SARL à une société en participation dans la même activité d'expertise pour le compte de compagnies d'assurances ayant eu lieu en exécution d'une convention intervenue entre les dirigeants des deux sociétés alors que des sommes étaient perçues par la société en participation, tant au titre de la rétribution de I'activité déployée en vue de la formation par cette dernière d'experts adhérant à la SARL que de la cession à celle-ci d'un mobilier, c'est à bon droit qu'un tribunal en a déduit le caractère onéreux de la convention dont il s'agit, quelles que soient par ailleurs ses modalités d'exécution et la dénomination donnée aux sommes dont le paiement était imposé (Cass. com., 13 octobre 1981, n° 80-10694).

70

Les dispositions de l’article 720 du CGI sont susceptibles d’être appliquées aux conventions conclues entre des sociétés appartenant au même groupe, dès lors que, par ailleurs, se trouvent remplies les conditions requises par ce texte. À cet égard, la circonstance que l’opération en cause soit réalisée dans le cadre d’une restructuration ou d’une réorganisation du groupe n’est pas de nature à lui ôter son caractère onéreux.

Le caractère onéreux de la convention résulte du seul paiement exigé de la société cessionnaire pour la cession des biens devant lui permettre de succéder à l’activité de l’autre société partie à la convention, peu important que les deux sociétés appartiennent au même groupe.

80

Ainsi, il a été jugé qu’au regard de l’article 720 du CGI, les motifs selon lesquels le transfert d’une branche complète d’activité de distribution ne pouvant se réaliser que si cette activité est autonome, ce qui suppose une cession de savoir-faire et de droits de propriété industrielle, sont impropres à caractériser l’absence de cession d’une activité de distribution de produits. En effet, cette activité était, au cas particulier, distincte de la production de ces mêmes produits qui seule requiert la disposition de droits de propriété industrielle et d’un savoir-faire, lesquels n’étaient concédés à la société cessionnaire que pour une durée limitée (Cass. com., 12 novembre 1996, n° 94-20442).

Dans l'arrêt précité, la haute juridiction reconnaît le caractère onéreux d'une convention passée entre deux sociétés filiales d'un même groupe. Ce caractère onéreux résulte du seul paiement exigé pour la cession des biens. En l'espèce, le prix convenu ne s'attachait qu'aux stocks et immobilisations. Par ailleurs, la cour sanctionne le tribunal qui avait considéré que l'activité de distribution des produits aux clients finaux, transférée à une autre société, n'était pas autonome de l'activité de production des mêmes produits à défaut de cession concomitante du savoir-faire et des droits de propriété industrielle qui n'étaient concédés, quant à eux, que pour une durée limitée. Elle précise ainsi que l'activité de commercialisation faisant l'objet de la cession est distincte de celle de production, seule activité à laquelle sont attachés le savoir-faire et les droits de propriété industrielle.

90

Enfin, si une convention de successeur suppose l’existence d’une contrepartie, peu importe la dénomination donnée aux sommes dont le paiement est imposé (par exemple : cession de matériel [Cass. com., 16 décembre 1997, n° 95-13791]).

C. Condition de similitude entre la profession, l'emploi ou la fonction exercés par le successeur et ceux qui étaient exercés par le précédent titulaire

100

Pour l'application de I'article 720 du CGI, il a été jugé que les deux activités successives doivent être non seulement similaires mais identiques (Cass. com., 8 février 1984, n° 82-12297 ; Cass. com., 4 novembre 1987, n° 86-10271).

110

Il convient de se placer à la date de conclusion de la convention pour apprécier s’il y a bien succession dans l’activité du précédent titulaire.

Ainsi, peu importe qu’il ne soit pas démontré que la cession de matériel ait entraîné un accroissement d’activité (Cass. com., 2 novembre 1994, n° 92-21603).

De même, c’est à cette date qu’il faut se placer pour s’assurer que l’acquéreur n’est pas dans l’impossibilité de succéder dans l’activité précédemment exercée par le cédant (Cass. com., 13 mai 1997, n° 95-16113).

Cependant, il est indifférent au regard de l’article 720 du CGI, que l’obtention d’une autorisation administrative soit nécessaire pour exercer l’activité cédée (Cass. com., 7 mars 1995, n° 93-10931).

120

En réalité, l’opération taxable se limite bien souvent à une cession de matériel (Cass. com., 2 novembre 1994, n° 92-21603 ; Cass.com., 21 janvier 1997, n° 94-20411 ; Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-13930), même sans qu’il y ait cession de clientèle ( Cass. com., 4 juin 1996, n° 94-20359), cette dernière cession étant imposable à l’article 719 du CGI. La cession de matériel est taxable sur le fondement de l'article 720 du CGI dès lors qu'il est constaté que l'acquéreur exploite le matériel acquis à titre onéreux, tandis que le vendeur a cessé de l'exploiter à la date de l'opération (Cass. com., 27 juin 2000, n° 97-20056 ; Cass. com., 11 juillet 2000, n° 97-20078).

Remarque : Dans les deux dernières affaires citées, la partie adverse avait invoqué la doctrine administrative résultant de la réponse ministérielle Taittinger du 8 juin 1989 (Sén. n° 2968, p.873), aux termes de laquelle la cession de gré à gré de matériels d'occasion échappe à la taxation aux droits de mutation à titre onéreux. En estimant que le tribunal n'avait pas à répondre à ce moyen inopérant en l'espèce, la Cour de cassation tranche elle-même la question de fond en rappelant que cette doctrine n'est pas applicable dès l'instant où les conditions d'application de l'article 720 du CGI sont réunies.

130

Elle peut également consister en une simple reprise d’activité précédemment abandonnée (Cass. com., 4 juin 1996, n° 94-20359). En l’espèce, les deux sociétés n’étaient pas liées par un contrat de sous-traitance. Toutefois, la solution est transposable à la résiliation de tels contrats, y compris lorsque le donneur d’ordre n’a jamais cessé d’exercer l’activité partiellement confiée au sous-traitant (Cass. com., 24 juin 1986, n° 85-11347).

140

Cette identité peut n'être que partielle (Cass. com., 25 octobre 1977, n° 76-12819 ; Cass. com., 28 avril 1981, n° 80-10092 ; Cass. com., 18 octobre 1982, société Codibois ; Cass. com., 14 mars 1983, société Location Transports Fontoy ; Cass. com., 2 novembre 1994, n° 92-21603 ; Cass. com., 14 novembre 1995, n° 93-17989 ; Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-20411 ; Cass. com., 16 décembre 1997, n° 95-13791 ; Cass. com., 27 juin 2000, n° 97-20056 ; Cass. com., 11 juillet 2000, n° 97-20078).

En outre, s'agissant par exemple de la reprise d'une activité foraine partielle, il importe peu que l'activité poursuivie soit d'une ampleur différente de celle de l'activité exercée par le prédécesseur et qu'elle ne soit pas exercée dans les mêmes lieux (Cass. com., 11 juillet 2000, n° 97-20078).

150

La partie d’activité cédée doit être exercée de façon identique.

À cet égard, peu importe que le cédant conserve une partie de son activité après la cession de matériel (Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-20411) ou que la convention ne comprenne pas d’engagement de la part de la société cédante de cesser définitivement la fabrication concernée, de ne pas la reprendre ou de ne pas concurrencer l’acquéreur (Cass. com.,14 novembre 1995, n° 93-17989).

160

Enfin, l’ancien titulaire de l’activité et son successeur pouvaient parfaitement, antérieurement au transfert taxable, exercer, au moins partiellement, la même activité sans que cela influe sur la mise en œuvre de l’article 720 du CGI.

Ainsi, la cession de fûts et de matériel de bureau par un groupement d'intérêt économique de viticulteurs à une société d'intérêt collectif agricole entre dans le champ d'application de l'article 720 du CGI, même si avant la cession litigieuse, les activités des deux parties étaient au moins partiellement identiques, dès lors que cette cession a pour effet de transférer du GIE vers la SICA une activité de négoce de produits viticoles. L'évolution comptable de l'activité respective des parties avant et après la cession est sans incidence au regard de la preuve du transfert d'activité (Cass. com., 2 novembre 1994, n° 92-21603) .

170

Cette identité peut résulter du fait que les conventions d'exploitation passées respectivement par les sociétés cédante et cessionnaire étaient rédigées en termes pratiquement identiques.

Le tribunal a pu ainsi décider que l'opération litigieuse était soumise aux droits d'enregistrement prévus par l'article 720 du CGI, dès lors que résultent des énonciations du jugement le caractère distinct des deux personnes morales, ainsi que le caractère onéreux de la cession (Cass. com., 16 décembre 1997, n° 95-13791).

180

D'autre part, l'extension de l'étendue territoriale de l'activité par l'acquéreur est indifférente, dès l'instant où le cédant avait lui-même vocation à y procéder. Il s'ensuit que l'activité de I'ancien et du nouveau titulaire doit être considérée comme identique (Cass. com., 13 octobre 1981, n° 80-10694).

190

En outre, le fait que l'exploitation ait été interrompue ne fait pas échec aux dispositions de l'article 720 du CGI, ce texte n'exigeant pas que la profession, l'emploi ou l'activité qui était exercée par le précédent titulaire l'ait été sans interruption (TGI Nevers, jugement du 11 octobre 1978, Beauprix : arrêt d'activité d'un an).

200

Enfin, la circonstance qu'antérieurement à la convention de successeur, l'acquéreur exerçait une activité identique à celle du cédant ne fait pas obstacle à l'application de l'article 720 du CGI. Ainsi, a été reconnue taxable la convention par laquelle une société d'exploitation portuaire a repris Ia totalité des opérations de transbordement précédemment assurées par la société titulaire, alors même que la société cessionnaire pratiquait déjà une telle activité dans le même port (Cass. com., 24 juin 1986, n° 85-11347).

D. Conventions entrant dans les prévisions d'une autre disposition spéciale de la loi fiscale

210

La Cour de cassation a jugé que « l'article 720 du CGI n'est pas applicable aux conventions entrant dans les prévisions d'une autre disposition de la loi fiscale » (Cass. com. 5 mars 1991, n° 89-17515 ; Cass. com., 17 décembre 1991, n° 89-17028).

220

Dans ces deux espèces, la cour a écarté la mise en œuvre de l'article 720 du CGI :

- aux conventions portant mutation de jouissance temporaire (en l'occurrence : jouissance de la mise à disposition d'une clientèle à titre précaire [Cass. com., 5 mars 1991, n° 89-17515]) ;

- aux apports en société (Cass. com., 17 décembre 1991, n° 89-17028). De fait, les conventions de successeur ne sont pas expressément visées par l'article 809-I-3° du CGI.

230

Le principe énoncé par la cour a déjà été mise en œuvre par celle-ci pour le non-assujettissement des cessions de droits sociaux à l'article 720 du CGI (Cass. com., 22 mars 1988, n° 86-17052).

240

Cette même règle doit bien entendu être scrupuleusement observée lorsqu'il s'agit de définir les champs d'application respectifs des articles 719 du CGI et 720 du CGI, les cessions de clientèles et de fonds de commerce relevant exclusivement de l'article 719 du CGI (cf. BOI-ENR-DMTOM-10-10-10).

III. Solutions diverses

A. Conventions entrant dans le champ d'application de l'article 720 du CGI

1. Conventions entre médecins, vétérinaires, chirurgiens-dentistes

250

Il s'agit des conventions passées entre médecins, vétérinaires, chirurgiens-dentistes, qui contiennent l'engagement par le titulaire de ne pas se rétablir et de présenter son successeur à sa clientèle, ou portant cession du droit au bail des locaux servant à I'exercice de la profession, ou du matériel et des installations servant à l'usage de celle-ci.

Ainsi ont été jugées imposables :

- l'acquisition par un médecin, de parts d'une société civile de moyens réalisée conjointement avec celle du droit de présentation à la clientèle médicale qui lui ont fourni le moyen matériel d'exercer la profession du précédent titulaire (Cass. com., 8 novembre 1983, n° 81-15482) ;

- la cession par un vétérinaire à son confrère de la moitié de Ia valeur des apports de biens meubles consentis à la société créée de fait entre eux, consistant en locaux, matériel et stock dès lors que cette convention a permis au cessionnaire l'exercice d'une profession exercée par le précédent titulaire et alors même que ladite convention ne s'accompagne pas d'une cession de clientèle (Cass. com., 3 mai 1984, n° 82-16354).

260

Cependant, malgré les termes très généraux de l'article 720 du CGI, l'administration s'abstient, en principe, de faire application de ce texte en cas de simple mutation de jouissance consentie pour une durée déterminée. Tel est le cas d'un chirurgien-dentiste donnant à bail pour une durée déterminée, en vue de l'exercice par le preneur de la profession de chirurgien-dentiste, l'immeuble et le matériel dentaire dont il est propriétaire.

2. Conventions portant cession de la gérance d'un débit de tabac

270

En principe, la cession de la gérance d'un débit de tabac n'est autorisée qu'à l'occasion de la cession du fonds de commerce exploité conjointement avec le débit (article 4 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010).

Dans ces conditions, le prix global convenu dans la convention unique est soumis aux droits frappant les cessions de fonds de commerce en application de l'article 719 du CGI et l'article 720 du CGI ne trouve pas à s'appliquer, sauf pour le service à établir, le cas échéant, une insuffisance du prix porté dans l'acte de cession à raison de la cession de la gérance.

Toutefois, la réglementation des débits de tabac prévoit deux exceptions pour les débits situés dans des communes rurales au sens des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la dotation globale d'équipement des départements et ne comportant aucun autre débit de tabac. Dans ces communes, la gérance d'un débit de tabac peut être cédée sans cession du fonds associés en cas :

- de contrat de location-gérance conclu dans les conditions prévues aux articles L 144-1 et suivants du code de commerce avec une commune ou un groupement de communes ou, en zone de revitalisation rurale au sens de l'article 1465 du CGI, avec une personne privée ;

- d'exploitation du fonds dans le cadre d'un contrat de franchise au sens de l'article L 330-3 du code de commerce.

Dans ces deux situations, la cession du contrat de gérance est taxable en application de l'article 720 du CGI.

3. Cessions de licence de débit de boissons

280

Elles sont taxables même sans cession de la clientèle attachée à I'établissement, Ia possession d'une telle licence étant indispensable pour l'exploitation d'un débit de boissons (cf. toutefois III-B).

4. Traités des agents généraux d'assurances

290

Sont taxables les traités par lesquels un agent général d'assurances s'engage à présenter un successeur à l'agrément de la société dont il est le représentant, observation faite toutefois que l'article 720 du CGI ne trouverait pas à s'appliquer si, à défaut de présentation d'un successeur par le titulaire dans un délai de deux mois, ce successeur était nommé directement par la société (en ce qui concerne les indemnités compensatrices, cf. III-B).

5. Cessions de concession de service public.

300

Il a été jugé que Ia cession par une société à responsabilité limitée de sa créance sur la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Rungis (SEMMARlS), qui s'analyse en la transmission par un commerçant ayant exercé dans le secteur supprimé des halles centrales de Paris, de son droit à l'attribution d'un emplacement et de diverses installations dans l'enceinte du nouveau marché, constituait une opération imposable au titre de l'article 720 du CGI, dès lors que le cessionnaire a acquis la possibilité d'exercer à Rungis une activité identique à celle qui était exercée précédemment par le cédant à Paris (Cass. com., 2 octobre 1978, n° 77-13396). 

Remarque : A la suite du transfert à Rungis des halles centrales de Paris, les commerçants exerçant déjà une activité sur l'emplacement supprimé se sont vu attribuer une créance d'une certaine somme d'argent à l'encontre de la Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS). Cette créance donnait vocation, en vertu de la réglementation en vigueur, à la concession d'un emplacement et de diverses installations dans l'enceinte du marché national. En l'espèce, un commerçant ayant acquis d'une société, qui avait cessé toute activité aux halles centrales de Paris, une créance sur la SEMMARIS, prétendait avoir obtenu directement de celle ci le droit d'exercer son activité sur le nouveau marché et être exempt de tout droit de mutation Mais, dès lors que la société gestionnaire n'avait fait qu'octroyer au cessionnaire de la créance l'emplacement réservé au cédant, la cour a estimé qu'il y avait convention de successeur entre celui-ci et le nouveau titulaire du même commerce.

310

Par ailleurs, il a été jugé que les conditions d'application de l'article 720 du CGI se trouvaient réunies dans le cas d'une société A qui, par trois actes distincts passés le même jour, avait subrogé une société B dans ses droits à la concession d'occupation d'un emplacement situé dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national, et cédé diverses installations à caractère immobilier et du matériel d'exploitation. En effet, ces cessions procédaient d'une négociation unique ayant permis à la société cessionnaire grâce aux installations réalisées par la société cédante et avec le même matériel, d'avoir une activité semblable à celle que la société A exerçait antérieurement ; peu importait que les installations constituassent des immeubles par nature ou par destination, et qu'elles fassent partie du domaine public dès lors qu'elles étaient affectées à l'exercice d'une activité professionnelle (Cass. com., 16 mars 1982, société Sélection).

6. Cessions de contingent de mouture à un exploitant de moulin

320

Il a été jugé qu'entrait dans le champ d'application de l'article 720 du CGI, la location d'un immeuble à usage de minoterie, du matériel servant à l'exploitation ainsi que du contingent de mouture indispensable à cette exploitation, dès lors que, dans une mention pour l'enregistrement, la totalité du loyer stipulé s'applique, à due concurrence, aux immeubles et éléments immobiliers, d'une part, et au matériel, d'autre part, à I'exclusion du contingent de mouture, que, par ailleurs, une somme représentant exactement la valeur de ce contingent a été versée aux bailleurs sans qu'il en soit fait mention audit acte, et qu'enfin le « Iocataire » n'a pu apporter la preuve que ce paiement ne constituait qu'un simple cautionnement et non le moyen lui permettant de poursuivre l'activité exercée antérieurement par les bailleurs (Cass. com., 4 février 1974, n° 72-13348 ).

En ce qui concerne les rachats par la Caisse professionnelle de l'industrie meunière, cf. III-B.

7. Cessions de contrats d'approvisionnement en lait

330

Sont taxables en vertu de l'article 720 du CGI les cessions, entre industriels laitiers, de contrats passés avec des fournisseurs de lait, ainsi que le contrat par lequel un industriel laitier renonce, au profit d'un concurrent, et moyennant indemnité, à ramasser le lait dans une zone déterminée.

8. Cessions de carte de représentant de commerce

340

Sont également taxables les cessions de carte de représentant de commerce non salarié. En ce qui concerne les représentants salariés, cf. III-B.

9. Autorisation de stationnement de taxi

350

Entrent dans le champ d'application de l'article 720 du CGI les conventions écrites ou verbales afférentes à un transfert d'autorisation de stationnement de taxi.

10. Cessions de cabinet d'expert-comptable

360

Sont taxables sur le fondement de l'article 720 du CGI les cessions de cabinet d'expert-comptable. En revanche, les cessions de la clientèle proprement dite d'un expert comptable relève de l'article 719 du CGI.

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11. Autres opérations taxables

370

La Cour de cassation a jugé que les opérations suivantes entrent dans le champ d'application de l'article 720 du CGI :

- la cession d'une souche aviaire (Cass. com., 24 février 1970, n° 67-14774) ;

- l'apport fait à une société du bénéfice du traité de concession d'un téléphérique en exploitation avec le droit à la jouissance des installations moyennant le règlement par la société du coût des travaux exécutés pour Ie compte de I'apporteur (Cass. com., 6 mars 1973, n° 70-14285) ;

- la transmission par une société à une autre du droit d'exploitation d'un procédé de fabrication à elle précédemment concédé par un tiers, concomitante, quoique faite par acte séparé, à la cession du matériel, du stock et des bâtiments affectés à cette exploitation, ayant permis à la société cessionnaire de succéder à I'activité commerciale de la collectivité cédante (Cass. com., 10 juin 1974, n° 73-10696) ;

- la cession d'une concession d'exploitation de compteurs d'eau intervenue entre deux sociétés (Cass. com., 15 février 1977, n° 75-15229) ;

- la cession du droit exclusif d'exploitation d'un savoir-faire, de moyens de publicité et de la marque s'analysant en un transfert de fonction, même si celui-ci est réalisé au profit d'un GIE qui ne peut se rendre acquéreur d'un fonds de commerce ou d'une clientèle (Cass. com., 23 janvier 1979, n° 77-13801) ;

- les conventions, aboutissant à la cession d'une branche d'activité, par lesquelles d'une part, une société A, après avoir décidé de cesser ses activités de transport et de louage d'engins, s'était séparée de son directeur des transports et d'une certaine quantité de son matériel destiné à cette branche d'activité, et d'autre part, son ancien directeur des transports avait aussitôt constitué une société B, ayant également pour activité le transport et la location d'engins, puis s'était installé dans le local utilisé auparavant par la société A pour cette même activité qu'elle avait cessé d'exercer (Cass. com., 14 mars 1983, société Location Transports Fontoy) ;

- la cession de la totalité du matériel servant à l'exploitation de son fonds de commerce par un exploitant d'un manège forain dès lors que cette cession avait mis un terme à son activité et avait permis au cessionnaire d'exercer la même fonction que celle occupée par le précédent titulaire (Cass. com., 11 juin 1985, n° 84-10436) ;

Remarque : La partie adverse avait objecté que les autorisations municipales nécessaires - personnelles et annuelles - sont précaires et révocables et qu'ainsi, en raison de son caractère aléatoire, la convention en cause échappait à l'application de l'article 720 du CGI.

- la convention portant cession du matériel garnissant une usine de découpe de viande et de fabrication de charcuterie, dès lors que la société venderesse a abandonné l'activité de même nature qu'elle exerçait au moyen de ce matériel pour se consacrer uniquement à la revente de produits élaborés, tandis que la société acquéreuse a utilisé ledit matériel pour accroître sa propre activité de découpe de viande et de fabrication de charcuterie. Cette convention a, en effet, permis à la société cessionnaire d'exercer la profession antérieurement pratiquée, fût-ce partiellement, par la société cédante (Cass. com., 8 juillet 1986, n° 84-17537) ;

Remarque : Cette cession de matériel accompagnait la vente des bâtiments et terrains de l'usine. Dans cette affaire, la Cour de cassation a écarté Ie moyen adverse tiré de Ia circonstance que la société cessionnaire exerçait déjà auparavant l'activité professionnelle considérée.

- la cession du matériel et des objets mobiliers permettant l'exploitation d'un parc d'élevage de moules : la circonstance que la profession de mytiliculteur ne puisse être exercée sans l'agrément de l'administration sous la forme d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime ne s'oppose pas à la taxation de la cession du matériel et des objets mobiliers permettant l'exploitation d'un parc d'élevage de moules, dès lors que le nouveau titulaire exerce la même activité que le précédent (Cass. com., 7 mars 1995, n° 93-10931) ;

- l'opération par laquelle une société acquiert des machines de jeux automatiques d'occasion placées chez les clients et devient, du jour au lendemain, le fournisseur de la moitié des clients du cédant, tous situés à proximité du nouvel exploitant, ce qui lui permet de commencer à exercer une activité rigoureusement identique à celle du cédant de ce matériel, à proportion de la cessation d'activité résultant pour celui-ci de cette vente. En l'occurrence, la Cour a estimé qu'il était inutile de rechercher si les machines dont le placement était convenu chez des clients leur étaient déjà remises matériellement lors de la vente au nouvel exploitant ou de prendre en considération d'éventuels mouvements de clientèle survenus ultérieurement (Cass. com., 21 janvier 1997, n° 95-11649) ;

- les cessions de matériel successives par lesquelles la société cédante, qui avait déjà abandonné deux de ses activités à la société cessionnaire lors de la création de celle-ci, lui transfère les trois activités qu'elle avait conservées jusqu'alors en lui cédant la totalité des moyens nécessaires à leur exercice (Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-13930).

B. Conventions n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 720 du CGI

380

On peut citer :

- les cessions d'offices ministériels qui demeurent soumises à un régime spécial (cf. BOI-ENR-DMTOM-20) ;

- les cessions du bénéfice d'un contrat passé avec un groupement d'achat, en vue de I'exercice d'une profession commerciale, lorsqu'elles interviennent avant tout commencement de cet exercice ;

- les conventions n'ayant pas pour effet de permettre au cessionnaire d'exercer la profession du cédant ; c'est ainsi, par exemple, que ne sont pas taxables les indemnités compensatrices allouées aux agents généraux d'assurances en cas de cessation de fonction ou de réduction du taux des commissions, dès lors qu'elles résultent de conventions avec la compagnie et non avec des personnes appelées à reprendre l'activité professionnelle des bénéficiaires de ces indemnités ;

- l'indemnité de clientèle payée à un voyageur de commerce salarié. En effet, cette indemnité, malgré sa désignation, n'est pas le prix d'une cession de clientèle ; elle a seulement pour but de dédommager le voyageur de commerce pour la clientèle qu'il a, par son travail, apportée à l'entreprise dont il était le salarié et qui reste attachée à celle-ci même après son départ ;

- les indemnités versées par des organismes professionnels à des entreprises industrielles ou commerciales en contrepartie d'une cessation totale ou partielle de leur exploitation, dans le cas où ces organismes n'exercent pas eux-mêmes une activité similaire à celle des exploitants bénéficiaires desdites indemnités ; il en est ainsi, notamment des rachats de contingents de mouture par la Caisse professionnelle de l'industrie meunière, dès lors que cette caisse n'a pas la qualité d'exploitant de moulin et que l'acquisition n'est faite qu'en vue de l'annulation du contingent racheté (ce rachat est soumis au droit fixe des actes innomés) ;

- les indemnités de dépossession de clientèle versées par les intermédiaires en publicité, dès lors que la transmission de clientèle ne procède pas d'un accord contractuel intervenu entre deux agents publicitaires ;

- les indemnités pour rupture de contrat versées aux agents commerciaux, dès lors que cette indemnité ne peut, en fait, être considérée comme formant le prix de cession, totale ou partielle, à un nouveau titulaire du portefeuille de l'agent commercial ;

- l'accord qui ne tend qu'à résilier, moyennant le versement d'une indemnité, les relations de sous-traitance existant entre deux sociétés afin de permettre à celle d'entre elles ayant la qualité d'entrepreneur principal de reprendre l'activité confiée à I'autre (Cass. com., 9 novembre 1987, n° 85-18459) ;

- la convention par laquelle un fermier exploitant cède à titre onéreux à un autre fermier exploitant la totalité des biens et valeurs dépendant de son fonds (immobilisations corporelles, participations à des organismes professionnels agricoles, amélioration de fonds, stocks et en-cours de production) et lui transfère, sans indemnité ni prix, le bail rural sur les terres et bâtiments d'exploitation ;

- les sommes que les administrateurs judiciaires entrant en fonction sont amenés à verser à leurs confrères démissionnaires. Selon Ia jurisprudence de la Cour de cassation, les administrateurs judiciaires n'ont pas de successeurs au sens de l'article 720 du CGI dès lors qu'ils n'exercent leur activité que sur désignation des juridictions compétentes et que les tâches à accomplir par eux ne constituent que l'exécution des mandats de justice, lesquels ne sont pas des choses dans le commerce et ne peuvent pas faire l'objet d'une convention (Cass. com., 25 novembre 1986, n° 85-12264 et 85-15810) ;

- les cessions de droits sociaux, celles-ci entrant dans les prévisions de l'article 726 du CGI, ou le cas échéant de l'article 727 du CGI, et non dans celles de l'article 720 du CGI (Cass. com., 22 mars 1988, 86-17052). Pour autant, cette jurisprudence - applicable aux cessions de titres de sociétés d'exercice - ne remet nullement en cause la doctrine selon laquelle, lorsqu'elle est corrélative à la cessation de l'activité du cédant, Ia cession des parts de sociétés civiles de moyens est imposable dans les conditions prévues à I'article 720 du CGI (cf. III-A-1 § 250) ;

- les conventions au moyen desquelles un concédant de service public opère, à son initiative et aux fins qui lui sont propres, le remplacement d’un concessionnaire par un autre. En effet, de telles conventions ne peuvent être assimilées à des contrats conclus entre parties privées ayant pour effet, par le seul accord de celles-ci, de permettre la succession de l’une dans l’activité antérieurement exercée par l’autre au sens de l’article 720 du CGI, l’existence de contreparties stipulées étant à cet égard inopérante (Cass. com., 9 novembre 1987, n° 85-18688) ;

- le rachat par un GAEC adhérent d'une société coopérative agricole ultérieurement dissoute de matériels et bâtiments nécessaires au conditionnement et à la commercialisation de ses produits (Cass. com., 5 mars 1991, n° 89-19836) ;

- la cession du droit d'exercice exclusif de l'activité de radiologie dans une clinique, consentie par le médecin radiologue à la société gérant la clinique, dès lors que le véritable successeur dans l'activité était un autre médecin radiologue, tiers à la première convention, auquel la société gérante, qui ne pouvait elle-même exercer d'activité médicale, avait ultérieurement concédé ce droit (Cass. com., 21 janvier 1997, n° 94-20411) ;

- l'acquisition par une société civile immobilière d'une licence de débit de boissons et de meubles meublants d'un local à usage de bar-dancing qu'elle louait à l'exploitant, avant la mise en règlement judiciaire de celui-ci, dès lors que cette société, en sa qualité de SCI, se trouve dans l'impossibilité d'exploiter ce bien à titre professionnel (Cass. com., 13 mai 1997, n°95-16113) ;

- la cession du matériel et de l'outillage servant à la fabrication de fils industriels, par une entreprise industrielle de fabrication de fils à une entreprise de travail à façon, dès lors que celle-ci, exécutant les instructions de ses donneurs d'ouvrage et rémunérée à la prestation de services, est exclue de toute décision relative à la production, et que l'administration n'apporte pas la preuve de l'identité au moins partielle des activités du cédant et du cessionnaire (Cass. com., 30 juin 1998, n°96-16155).