CTX - La juridiction gracieuse - Intervention de la commission du chef des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage dans le cadre des procédures de conciliation, de sauvegarde et de redressement judiciaire
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L’article L626-6 du code de commerce, issu de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, ouvre la possibilité pour les créanciers publics de remettre tout ou partie de ses dettes à une entreprise, dans le cadre d’une procédure de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Ces remises peuvent être accordées « dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation » (code de commerce, art. L626-6).
Remarque : Par « créanciers publics », il faut entendre les créanciers mentionnés à l'article D626-9 du code de commerce, soit : les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, l'institution mentionnée à l'article L5312-1 du code du travail pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime.
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La circulaire interministérielle du 4 mai 2007 a, d’une part, précisé la portée des efforts que peuvent consentir les créanciers publics dans le cadre de l’application de l’article L626-6 du code de commerce, et d’autre part, présenté les règles de fonctionnement que doit suivre la commission mentionnée à l’article D626-14 du code de commerce réunissant, dans chaque département, le chef des services financiers et les représentants des organismes et institutions intéressés mentionnés aux articles D626-9 et D626-14 du code de commerce.
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Selon les dispositions des articles D626-9 à D626-15 du code de commerce et du décret n° 2007-686 du 4 mai 2007, la commission du chef des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage (CCSF) est désignée comme la commission servant de cadre à la concertation entre les créanciers publics, à l’instar des comités de créanciers privés mis en place pour les établissements de crédit et les principaux fournisseurs au terme de l’article L626-30 du code de commerce.
I. Économie générale du dispositif
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La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, amendée notamment par la loi n° 2009-179 du 17 février 2009, ouvre la possibilité aux créanciers publics de consentir dans le cadre de la CCSF des efforts supplémentaires, au travers d’une remise de dettes, afin de faciliter la restructuration financière de l’entreprise en difficulté, la poursuite de son activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement de son passif.
En application de l’article L626-6 du code de commerce, ces efforts peuvent ainsi aller jusqu’à la remise de tout ou partie des sommes dues aux créanciers publics : cette remise est possible en conciliation (cf. code de commerce, art. L611-7), en sauvegarde (cf. code de commerce, art. L626-6) et en redressement judiciaire (cf. code de commerce, art. L631-19).
La remise de dettes ne doit pas constituer un avantage injustifié pour l’entreprise bénéficiaire au regard des règles de concurrence communautaires. En d’autres termes, les interventions en la matière des créanciers publics doivent être équivalentes à celles d’un opérateur privé placé dans des conditions normales de marché. En effet, lorsqu’il est considéré que l’autorité publique s’est comportée comme un tel opérateur, son intervention n’est pas de nature à conférer un avantage concurrentiel à une entreprise, et n’est donc pas qualifiée d’aide d’État. Ainsi, en pratique, chaque créancier public peut accorder une remise de dettes pour faciliter le redressement de l’entreprise et permettre le recouvrement de recettes publiques futures.
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La CCSF est le lieu d’échanges entre les créanciers publics sur les décisions de mise en place de plans d’apurement échelonnés de dettes et/ou d’octroi de remises de dettes. Toute demande de remise, présentée en application de l’article L626-6 du code de commerce, est adressée au secrétariat permanent de la CCSF, placé auprès du directeur départemental des finances publiques du département du domicile de l’entreprise (code de commerce, art. D626-14).
Cette mission s’exerce dans le cadre des conditions de fonctionnement de la CCSF en application du décret n° 2007-686 du 4 mai 2007.
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L’attention doit être enfin appelée sur le fait que toute remise de dette publique est impossible pour un débiteur ayant fait l’objet au cours des dix années précédentes d’une condamnation définitive pour travail dissimulé (infractions sanctionnées par les articles L8224-1, L8224-2, L8224-3 et L8224-5 du code du travail).
II. Créanciers publics concernés (code de commerce, art. D626-9)
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Les créanciers concernés sont les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, l'institution mentionnée à l'article L5312-1 du code du travail pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime (code de commerce, art. D626-9).
III. Champ des dettes concernées
A. Dettes susceptibles d’être remises (code de commerce, art. D626-10 et D626-11)
1. Dettes exigibles
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Sont susceptibles d’être remises, les dettes exigibles à la date de réception de la demande de remise déposée auprès du secrétaire permanent de la commission du chef des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage (CCSF) (code de commerce, art. D626-11).
Remarque : Dès lors, les acomptes de contribution économique territoriale, d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés ne font pas partie des dettes susceptibles d’être remises.
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La demande de remise vaut saisine de la CCSF.
2. Nature des dettes concernées
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Aux termes de l'article D626-10 du code de commerce, sont susceptibles d’être remises :
- les pénalités (intérêts de retard, intérêts moratoires, amendes fiscales ou douanières, majorations), ainsi que les frais de poursuite, quel que soit l'impôt ou le produit divers du budget de l’État auquel ces pénalités ou frais s'appliquent ;
- les majorations de retard, frais de poursuite, pénalités et amendes attachés aux cotisations et contributions sociales recouvrées par les organismes de sécurité sociale, par les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et par les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime ;
- les majorations de retard, frais de poursuite et pénalités attachés aux contributions et cotisations recouvrées par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage ;
- les cotisations et contributions sociales patronales d’origine légale ou conventionnelle qu’un employeur est tenu de verser au titre de l’emploi de personnel salarié ;
- les droits au principal afférents aux seuls impôts directs perçus au profit de l’État et des collectivités territoriales ;
- les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine, les redevances domaniales, les redevances pour services rendus et les autres produits divers du budget de l’État.
B. Principales dettes exclues du dispositif de remise
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Certaines dettes sont exclues du dispositif de remise, en raison notamment du droit communautaire, de dispositions législatives spécifiques ou de décisions judiciaires.
Il s’agit par exemple :
- des impôts indirects, et en particulier la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
- des ressources propres des Communautés européennes ;
- de la part salariale des contributions et cotisations sociales ;
- des crédits de fonds structurels européens, lorsqu’une décision commande de les recouvrer auprès de l’entreprise qui en a bénéficié.
IV. Modalités d’octroi des remises au sein de la commission du chef des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage
A. Examen de la situation de l’entreprise
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Chaque dossier est étudié au cas par cas.
Les membres de la commission du chef des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage (CCSF) examinent la demande de remise à partir de l’étude de la situation économique et financière de l’entreprise effectuée par le secrétariat permanent de la CCSF, sur la base des documents produits par le débiteur, le conciliateur, l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire et énumérés aux articles D626-12 et D626-13 du code de commerce (cf. infra IV-D).
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Les décisions de remise s’inscrivant dans le cadre de l’élaboration d’un plan global d’apurement des dettes de l’entreprise, les créanciers publics s’attachent, au préalable, à favoriser la mise en place de délais de paiement.
En effet, la remise de tout ou partie de ses dettes ne répond pas forcément aux difficultés rencontrées par une entreprise en conciliation, en sauvegarde ou en redressement judiciaire. Une entreprise dont la survie est menacée à court terme est davantage à la recherche de trésorerie, problématique à laquelle ne répond pas une remise de dettes.
En conséquence, la mise en place d’un plan d’apurement échelonné des dettes de l’entreprise peut bien souvent lui permettre de poursuivre son activité dans de bonnes conditions, tout en préservant au mieux les deniers publics. La remise de dettes n’est d’ailleurs accordée qu’occasionnellement par les créanciers privés, qui acceptent eux aussi davantage un étalement du remboursement de leurs créances.
B. Détermination de l’effort de remise
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Le taux de remise consenti par les créanciers publics est déterminé en fonction des éléments suivants :
- les efforts des actionnaires, des dirigeants et des partenaires de l’entreprise : les éventuels apports nouveaux et les efforts des actionnaires, des dirigeants, des établissements de crédit, des clients et des fournisseurs sont notamment pris en compte. De même, les créanciers publics apprécient les efforts consentis par les sociétés d’un même groupe au profit de la filiale en difficulté. Ainsi le montant maximum de remise ne peut-il être envisagé que lorsque l’ensemble des parties, y compris les actionnaires et les dirigeants de l’entreprise, ont fait des efforts financiers conséquents et pris des décisions stratégiques pour assurer la viabilité à moyen terme de l’entreprise ;
- le comportement habituel de l’entreprise : le respect des obligations déclaratives et contributives au plan fiscal, social et douanier, le reversement intégral de la part salariale des cotisations sociales, le respect d’éventuels plans accordés antérieurement, sont autant d’éléments qui favorisent l’octroi de remise ;
- les éventuels autres efforts consentis par les créanciers publics : les cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou l’abandon de ces sûretés, les délais de paiement, constituent autant d’efforts à prendre en compte justifiant une moindre remise.
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En phase de conciliation, le taux de remise est également déterminé en fonction :
- du montant des garanties nouvelles proposées ;
- de l’assurance que le débiteur n’est pas en mesure d’assurer son redressement avec ses ressources propres ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires.
C. Règle d’imputation de la remise
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Les abandons de créances publiques sont consentis :
- par priorité sur les frais de poursuite, les majorations et amendes ;
- puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires ;
- et enfin sur les droits et les sommes dus au principal.
D. Procédure applicable (code de commerce, art. D626-12 et D626-13)
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Toute demande de remise et/ou de délais effectuée au bénéfice d’une entreprise en procédure de conciliation, sauvegarde ou redressement judiciaire doit être déposée auprès du secrétariat permanent de la commission du chef des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et de l’assurance chômage (CCSF) compétente.
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La CCSF doit être saisie de ladite demande de remise, dans les deux mois à compter de la date d’ouverture de la procédure de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sous peine de forclusion.
La CCSF est saisie y compris par voie dématérialisée :
- en conciliation : par le débiteur ou le conciliateur ;
- en sauvegarde ou en redressement judiciaire : par l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire.
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La demande doit être accompagnée :
- de l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;
- des comptes annuels et des tableaux de financement des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis, ainsi que de la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible ;
- du montant des dettes privées.
A défaut de production des éléments énumérés ci-dessus dans le délai imparti, la demande est irrecevable.
Elle peut être utilement complétée par tous documents, notamment :
- un plan de trésorerie prévisionnel ;
- un état prévisionnel des commandes ;
- le montant des remises sollicitées ou obtenues auprès des créanciers privés.
Les créanciers publics se prononcent au sein de la CCSF au vu de ces éléments.
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Le directeur départemental des finances publiques du département, en sa qualité de président de la CCSF, recueille les décisions des administrations, organismes et institutions représentés, et en assure la notification.
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Le défaut de réponse dans un délai de deux mois à partir de la date de réception de l’ensemble des éléments mentionnés aux articles D626-12 et D626-13 du code de commerce vaut décision de rejet.
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Les décisions de remise par les créanciers publics sont subordonnées au respect des conditions et réserves qui les assortissent et à la validation par le tribunal de l’accord global finalisé.
La décision du président du tribunal, en conciliation (code de commerce, art. L611-8 § I) ou le jugement du tribunal, en conciliation (code de commerce, art. L611-8 § II), sauvegarde et redressement judiciaire, est transmis sans délai par le débiteur, le conciliateur, l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire, au secrétaire permanent de la CCSF, qui en informe l’ensemble des créanciers publics parties au dit accord.
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Annuellement au cours du mois de mars suivant chaque exercice, chaque directeur départemental des finances publiques de département, en sa qualité de président de la CCSF, adresse au directeur général des finances publiques un tableau destiné à mesurer l’effort des créanciers publics consenti dans le cadre de l’article L626-6 du code de commerce.