Date de début de publication du BOI : 27/06/2019
Identifiant juridique : BOI-CF-INF-40-10-10-40

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CF - Infractions et sanctions pénales - Poursuites correctionnelles - Délit général de fraude fiscale - Personnes responsables du délit

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I. Auteurs principaux

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Conformément aux dispositions de l'article 1741 du code général des impôts (CGI) c'est, en principe, le contribuable lui-même débiteur des impôts auxquels il s'est soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement qui doit être considéré comme l'auteur principal du délit de fraude fiscale.

Deux situations doivent être distinguées selon qu'il s'agit d'une personne physique ou d'une personne morale.

A. Personnes physiques

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Si le contribuable est une personne physique, l'application de ce principe ne soulève pas de difficultés particulières.

Pour les impôts, droits ou taxes établis suivant le système déclaratif, le délit est en effet consommé par le défaut de déclaration ou lors du dépôt de la déclaration mensongère. L'auteur de ce délit est donc, normalement, le signataire de la déclaration entachée de fraude ou, en cas d'omission volontaire, la personne qui était légalement tenue de souscrire et de signer la déclaration manquante.

Les époux doivent conjointement signer la déclaration d'ensemble des revenus de leur foyer et chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Il en est de même pour les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) et soumis à une imposition commune.

En revanche, les procédures relatives aux activités catégorielles (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux et bénéfices agricoles) sont suivies avec le titulaire des revenus.

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Sur le plan pénal, il convient donc de distinguer :

- si la fraude affecte la déclaration d'ensemble des revenus, le mari et la femme peuvent conjointement être poursuivis, dans la mesure où le caractère intentionnel des agissements sera établi à leur encontre, conformément aux principes généraux du droit pénal tels que rappelés par l'article L. 227 du livre des procédures fiscales (LPF) ;

- si la fraude n'affecte que la déclaration catégorielle de l'un des conjoints, seul celui-ci sera poursuivi, sauf si l'autre peut être déclaré coauteur ou complice des agissements du premier.

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Par ailleurs, les juridictions ont estimé que, bien qu'il n'ait pas signé lui-même la déclaration frauduleuse, un contribuable était néanmoins pénalement responsable des dissimulations qu'elle comportait dès lors que le document avait été signé, non à son insu, mais avec son autorisation et son accord, et qu'il ne pouvait pas, en sa qualité de chef d'entreprise, ignorer la fraude (Cass. crim., 22 mars 1977, RJ, IV, p. 175).

Dans le même sens, la Cour de cassation a estimé que les juges du fond avaient à bon droit écarté le moyen de défense invoqué par le contribuable, selon lequel les agissements frauduleux qui lui étaient reprochés auraient trouvé leur origine dans l'incompétence de son conseil ou de ses employés (Cass. crim., 24 février 1977, n° 76-92378).

B. Le débiteur de l’impôt est une personne morale

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Le code pénal (C. pén) rappelle que la responsabilité pénale est personnelle (C. pén., art. 121-1).

Il prévoit également dans certaines conditions la responsabilité pénale des personnes morales (C. pén., art. 121-2).

1. Le dirigeant de droit

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L’administration a pour règle de viser dans la plainte, en tout état de cause, le dirigeant de droit quel que soit son degré présumé de responsabilité dans la réalisation de la fraude.

Cela étant, un dirigeant social ne peut être déclaré coupable de fraude fiscale que pour les sommes à déclarer pendant la période de son mandat (Cass. crim., 2 mars 1987, n° 85-93947).

a. L’imputabilité de la fraude

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En présence de dirigeants successifs, il conviendra de déterminer les dates précises de l’exercice des fonctions de chacun des dirigeants. Elles s’apprécient au regard des procès-verbaux d’assemblée générale extraordinaire. Toutefois, ces changements ne seront opposables aux tiers qu’après avoir été publiés au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

b. La présomption de responsabilité du dirigeant de droit

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La chambre criminelle de la Cour de cassation a, dans un arrêt rendu le 14 novembre 1994  (Cass. crim., 14 novembre 1994, n° 93-81294) opéré un revirement de jurisprudence en énonçant le principe de la présomption de responsabilité du dirigeant de droit.

Ainsi, le dirigeant d’une société à responsabilité limitée, qui est investi vis-à-vis des tiers, par l'alinéa cinq de l'article 49 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, est considéré comme nécessairement responsable des obligations fiscales de celle-ci vis à vis de l’administration.

Au cas d’espèce, après avoir constaté que les déclarations de chiffre d’affaires avaient été minorées et qu’ainsi avait été éludée la TVA due à ce titre, la Cour de cassation, pour reconnaître le dirigeant de la société coupable de fraude fiscale, énonce que le caractère volontaire de l’infraction résulte de l’inscription au bilan comptable des montants de la taxe due,que nombre des créances escomptées par le mécanisme de la loi Dailly ont été omises dans les déclarations et que les fautes ou l’incompétence du comptable salarié ou de toute autre société comptable à laquelle il a pu être fait appel, à les supposer établies, ne sauraient constituer une excuse absolutoire.

La Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence.

Ainsi, le gérant de droit a été reconnu coupable de fraude fiscale en énonçant qu’en raison de sa présence et son implication dans la marche de la société, le prévenu avait nécessairement eu connaissance de la décision prise par sa sœur de ne plus remplir ses obligations fiscales pesant sur l’entreprise, en vue de pallier les difficultés de trésorerie de celle-ci, et que, de l’aveu même de sa sœur, ce choix avait été effectué avec l’accord du prévenu (Cass. crim., 29 février 1996, n° 95-83838).

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Par suite, cette jurisprudence a été complétée par de nombreux arrêts :

- le dirigeant d’une société, ne saurait, pour éluder sa responsabilité, invoquer une délégation de pouvoirs au profit du directeur financier, dans la mesure où il avait, en se réservant la signature des chèques et en exigeant un compte rendu hebdomadaire sur cette question, conservé le contrôle effectif du respect, par l’entreprise, de ses obligations vis à vis de l’administration fiscale (Cass. crim. 19 août 1997, n° 96-83944) ;

- le dirigeant de droit d’une SARL est tenu, sauf délégation de pouvoirs, pour responsable des obligations fiscales de l’entreprise (Cass. crim., 8 décembre 1999, n° 99-80350 et Cass. crim., 30 mai 2001, n° 00-85557) ;

- un président du conseil d’administration n’ayant pas soutenu qu’il avait délégué ses pouvoirs en matière fiscale (Cass. crim., 24 mars 1999, n° 98-81979) ou un dirigeant de droit qui ne démontre pas avoir été abusé par d’autres personnes (Cass. crim., 4 avril 2001, n° 00-84851) doivent être considérés comme pénalement responsables des fraudes se produisant au sein de leur société.

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La réalité et la portée de la délégation de pouvoirs que le dirigeant de droit peut invoquer pour combattre la présomption de responsabilité qui pèse sur lui sont laissées à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Ainsi, dès lors qu’il n’est ni établi ni allégué qu’un dirigeant de droit n’a pas effectivement exercé ses responsabilités, l’intéressé ne peut prétendre être exonéré de sa responsabilité propre de dirigeant en soutenant avoir délégué la responsabilité des déclarations fiscales à son expert comptable (Cass. crim., 3 décembre 1998, n° 97-85615 ; également en ce sens Cass. crim., 6 octobre 2004, n° 03-86643 : le dirigeant de droit ne peut s’exonérer de sa responsabilité en se retranchant derrière la faute de son comptable car il lui appartient de veiller lui-même à l’établissement et au paiement de ses déclarations dans les délais légaux et notamment de fournir à son comptable tous les éléments nécessaires à l’établissement de déclarations et de vérifier la régularité de leur contenu).

Il en est de même d’un dirigeant de droit qui n’avait pas délégué l’ensemble de ses pouvoirs au dirigeant de fait et qui participait avec celui-ci à la gestion de l’entreprise (Cass. crim., 11 décembre 2002, n° 01-88493).

De même, les juges ont estimé qu’après avoir accepté d’accomplir les démarches requises pour devenir cogérant, sans rien ignorer des obligations fiscales des sociétés, il ne s’est plus occupé de la société, qu’il n’a pas justifié d’une délégation de pouvoir et qu’il ne saurait arguer son absence d’implication réelle dans le fonctionnement de la société, pour être exonéré de responsabilité (Cass. crim., 28 mai 2003, n° 02-85017).

Enfin, les juges ont relevé qu’un dirigeant de droit qui s’est déchargé sur un personnel non qualifié de l’établissement et de la signature des déclarations mensuelles de TVA ne saurait s’en prévaloir pour échapper à la responsabilité qu’il encourt alors qu’il a assuré continûment, malgré un état de santé déficient, la gestion de la société, il doit être tenu pour responsable des obligations fiscales de l’entreprise, sauf force majeure, circonstance dont la preuve n’a pas été rapportée (Cass. crim., 16 juin 1999, n° 98-82916).

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La responsabilité du dirigeant de fait n’exonère pas le dirigeant de droit de sa responsabilité.

Ainsi, la Cour de cassation a énoncé, après avoir constaté l’existence des éléments constitutifs des infractions, pour en imputer la responsabilité à la dirigeante de droit, que celle-ci, malgré son âge, n’a jamais cessé de contrôler la marche de l’entreprise et ajoute que la fille de l’intéressée a cogéré la société avec sa mère et qu’elle disposait, en fait des prérogatives nécessaires (Cass. crim., 19 mai 1999, n° 98-81482).

De même, le président d’une société anonyme, responsable des obligations fiscales, peut être condamné pour fraude fiscale conjointement avec un dirigeant de fait dont la participation à la gestion de l’entreprise a été établie (Cass. crim., 15 novembre 2000, n° 00-81166).

Enfin, les juges ont estimé qu’il était certain que si la procédure de vérification a pu démontrer la gestion effective d’une autre personne, il n’en demeure pas moins que le dirigeant de droit devait veiller à ce que les déclarations déposées par sa société soient conformes à la réalité (Cass. crim., 6 septembre 2000, n° 99-85434).

2. Le dirigeant de fait

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Le dirigeant de fait peut également être poursuivi en qualité d’auteur principal ou de coauteur.

Toutefois, la gestion de fait ne doit jamais être simplement affirmée mais elle doit être corroborée par des éléments objectifs.

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Parmi les décisions qui peuvent illustrer cette notion on peut citer :

- le contribuable interdit bancaire et dans l’impossibilité d’exercer les fonctions de dirigeant suite à la liquidation judiciaire d’une société dont le matériel et le personnel ont été transférés à la nouvelle société, qui notamment, signait les marchés, recrutait le personnel, commandait les matériaux, dirigeait les chantiers et les réunions, était présent lors des opérations de contrôle aux côtés des dirigeants de droit et était le seul en mesure de répondre avec pertinence (Cass. crim., 24 mai 2000, n° 99-86005) ;

- le contribuable à l’origine de la création de la société, qui a apporté le capital social, qui a procédé à l’embauche des salariés en négociant les conditions de leur rémunération, qui a négocié les marchés de travaux (Cass. crim., 13 juin 2001, n° 00-85963) ;

- le contribuable qui était employé comme directeur technique salarié par la société en cause disposait d’une procuration sur les comptes bancaires ouverts par la société à la Société Générale et à la Caisse régionale de Crédit agricole du Pas de Calais et accomplissait, en outre, de nombreuses formalités incombant à la société : déclaration d’accident du travail, attestation d’ASSEDIC, entretiens d’embauches ; le vérificateur avait constaté que l’intéressé était son principal interlocuteur lors du contrôle de comptabilité et répondait aux questions sur la comptabilité alors que la gérante était épisodiquement présente ; que l’ensemble de ces éléments attestent que le prévenu avait tout pouvoir de direction et de gestion de la société et ce en toute indépendance ; que ceci résulte d’une part de ce qu’il signait les contrats engageant la vie de la société et assurait la gestion quotidienne de l’activité ; la gérante de droit qui travaillait à mi-temps au cabinet médical de son père à CAMBRAI était de surcroît gérante de droit de trois autres sociétés, dont le siège était situé dans des départements différents n’étant pas en mesure d’accomplir effectivement ses fonctions de gérante (Cass. crim., 7 avril 2004, n° 03-86121) ;

- la prévenue qui embauchait le personnel, était en contact avec les clients, les fournisseurs et la banque, donnait les instructions dans le cadre du travail, effectuait les actes de gestion (Cass. crim., 19 octobre 2005, n° 05-82182).

3. Responsabilité pénale des personnes morales

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Aux termes de l’article 121-2 du C. pén., les personnes morales peuvent être considérées comme pénalement responsables des infractions commises.

a. Par leurs organes ou leurs représentants (principe d’imputabilité)

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Pour que la personne morale puisse être poursuivie, il faut que l’infraction ait pour origine une décision ou une série de décisions prise par une personne physique représentant la société. Si cette décision ou cette série de décision ne peuvent être mises en lumière, la jurisprudence ne reconnaît pas la responsabilité de la personne morale.

b. Pour leur compte

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Les personnes physiques doivent avoir réalisé l’infraction dans l’intérêt de la personne morale, au sens le plus large. Il faut montrer que l’infraction a été réalisée dans le cadre de l’activité normale de la société.

Par exemple, en matière de pollution, la responsabilité de la personne morale pourra être mise en cause si la pollution s’est réalisée dans le cadre d’activités qui correspondent à l’objet social de la société.

La démonstration que l’infraction réalisée est la résultante de la politique économique ou sociale de la personne morale caractérise l’élément intentionnel qui permet de mettre en cause la personne morale.

La responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée pour l’ensemble des crimes, délits et contraventions existants dès lors qu’il s’agit de faits commis à partir du 31 décembre 2005 et que les conditions d’imputabilité de ces faits à une personne morale sont réunies.

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Il est donc possible, en matière de fraude fiscale, de cumuler la responsabilité des personnes physiques, qui doit toujours être recherchée en priorité, et des personnes morales pour la même infraction.

C. Les complices

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En vertu de l'article 1742 du CGI et conformément aux dispositions de l'article 121-6 du code pénal et de l'article  121-7 du code pénal auxquels il renvoie, les complices du délit prévu à l'article 1741 du CGI sont passibles des mêmes peines que l'auteur de l'infraction.

En se référant à l'article 121-6 du code pénal et à l'article 121-7 du code pénal, ce texte confirme qu'il s'agit de l'application pure et simple des principes généraux du droit pénal existant en la matière.

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La complicité suppose donc l'existence d'un fait principal punissable, d'un accord de volonté (preuve de l'intention délictuelle) entre le complice et l'auteur de l'infraction, et une action positive (provocation, instruction, fourniture de moyens, aide et assistance) qui doit être antérieure au délit ou concomitante de celui-ci.

Pour être punissable, la complicité nécessite en effet chez celui à qui elle est imputée une participation volontaire et consciente à l'infraction commise par l'auteur principal, cette connaissance devant avoir existé au moment où l'aide a été apportée ou les moyens fournis (Cass. crim., 1er octobre 1984, ISAUTIER Laurent et autres).

Si le fait principal cesse d'être punissable, notamment s'il est prescrit, le complice, comme l'auteur principal, échappe à toute sanction. Par contre, le complice sera poursuivi même si, par suite d'une cause extérieure au dossier telle que par exemple son décès, l'auteur principal ne peut plus être atteint par la répression (Cass. crim., 13 mai 1975, n° 74-92402).

Peuvent de même être poursuivies et sanctionnées pour des faits de complicité, les personnes convaincues d'avoir apporté leur concours à la réalisation d'une fraude dont les auteurs ne sont pas identifiés (Cass. crim., 18 novembre 1976, n° 75-92805).

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Parmi les décisions de justice ayant illustré la notion de complicité précédemment définie, les décisions suivantes ont fait application des dispositions de l'article 1742 du CGI à l'encontre :

- de l'épouse d'un chirurgien-dentiste qui établissait les déclarations fiscales de son mari, tenait elle-même les livres de trésorerie et l'aidait à dissimuler une partie de ses recettes (Cass. crim., 1er juin 1981) ;

- de l'employé d'une entreprise de travail temporaire, principal collaborateur du dirigeant qui lui déléguait une grande partie de ses pouvoirs : en effet, loin de n'être que le chef d'une des agences de l'entreprise, cet employé se comportait en maître des chefs d'agence puisqu'il embauchait et licenciait le personnel, désignait les gérants de sociétés d'intérim, louait les locaux et traitait avec les clients (Cass. crim., 19 juillet 1983, non numéroté) ;

- du contribuable qui a intentionnellement aidé un dirigeant et sa société commerciale à organiser leur insolvabilité afin de se soustraire au paiement de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée (Cass. crim., 23 janvier 1984) ;

- du prévenu qui, ne pouvant assurer la gérance d'une société en raison de l'incapacité qui le frappait, a donné à la gérante de droit qu'il tenait en sujétion par menaces et abus d'autorité, les instructions nécessaires pour éluder le paiement des impôts, se faire remettre toutes les disponibilités de l'entreprise et faire comptabiliser des factures fictives (Cass. crim., 27 février 1984) ;

- de la gérante de droit d'une société qui a utilisé son compte bancaire et celui de son mari, dirigeant de fait, sur lequel elle possédait une procuration, pour encaisser des sommes revenant à la société (Cass. crim., 21 avril 1986) ;

- du contribuable qui reçoit des sommes prélevées sur les recettes d'une autre société que la sienne dans la mesure où il a été l'instigateur de la fraude en abusant de l'autorité que lui conférait sa position de gérant de la société-mère pour imposer ses vues au gérant de la filiale agissant en tant qu'auteur principal (Cass. crim., 2 mars 1987, n° 85-93947) ;

- du prévenu, véritable maître de l'affaire, qui assumait en fait la direction de l'établissement sur le plan du contrôle des recettes, de la comptabilité et de la rédaction des déclarations fiscales alors que le gérant de droit n'était en réalité que son exécutant docile (Cass. crim., 29 juin 1987) ;

- du prévenu, chargé par les dirigeants d'une entreprise du recouvrement de leurs créances sur les clients dont une partie a été encaissée de manière occulte, qui a accepté d'ouvrir et de gérer pour ses mandants des comptes bancaires et a conservé pour lui des fonds collectés en règlement d'une dette du dirigeant à son égard (Cass. Crim., 4 août 1992, n° 90-84555).

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L'article 1742 du CGI permet donc d'atteindre tous ceux qui ont aidé l'auteur principal dans la perpétration du délit.

Parmi eux figurent les professionnels de la comptabilité et les différents conseils qui, salariés ou non, utilisent leurs connaissances techniques pour masquer les irrégularités comptables commises par les personnes utilisant leurs services.

Ont ainsi été retenus dans les liens de la complicité :

- le comptable qui, par ses agissements et ses interventions, a participé en toute connaissance de cause, par aide et assistance, à la consommation des délits de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures comptables dans le cadre d'une société qui avait pour seule activité la délivrance de factures de complaisance (Cass. crim., 24 novembre 1980, n° 80-90469) ;

- l'expert-comptable qui, non seulement a facilité les dissimulations comptables opérées par les cogérants d'une société en négligeant les contrôles élémentaires dont il avait la charge et concernant les déclarations de chiffre d'affaires, mais encore a sciemment apporté son concours actif à cette fraude et à cette tenue de comptabilité irrégulière, notamment en ayant délibérément fait disparaître du passif du bilan la dette envers le trésor public (Cass. crim., 24 septembre 1987, n° 86-95480) ;

- le comptable qui a sciemment manqué à ses obligations de régularité et de sincérité en n'exigeant pas la production de documents permettant une vérification réelle des opérations enregistrées, alors que la comptabilité présentait des lacunes et des irrégularités (Cass. crim., 30 mai 1988) ; le spécialiste de la fiscalité et comptable professionnel, qui s'est contenté de recueillir les documents remis par son client sans la moindre diligence complémentaire et l'a fait bénéficier indûment du régime du forfait, alors même qu'il savait que la comptabilité était pratiquement inexistante et peu crédible, puisque ne mentionnant pas les recettes correspondant à des travaux payés et non facturés (Cass. crim., 24 avril 1989, n° 88-81887).

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Outre les peines prévues par l'article 1741 du CGI, les agents d'affaires, experts-comptables, comptables agréés et teneurs de livres sont passibles des sanctions pénales édictées par le 1° du 1 de l'article 1772 du CGI qui réprime l'établissement de faux bilans et autres documents produits pour la détermination des bases imposables (BOI-CF-INF-40-10-20 au II-A-1-b § 250). De plus, lorsqu'ils sont condamnés comme complices du délit général de fraude fiscale visé à l'article 1741 du CGI, les officiers publics ou ministériels, ainsi que les experts-comptables ou comptables agréés, encourent également les peines disciplinaires prévues par les textes particuliers qui réglementent leur profession.

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L'article 1742 du CGI permet également d'impliquer d'autres catégories de professionnels, parmi lesquels figurent notamment les officiers publics ou ministériels. Il en est ainsi :

- du notaire, familier de la pratique et de la réglementation fiscales, qui prête son concours à une organisation frauduleuse en omettant de faire figurer le prix d'achat du bien dans un acte de vente, permettant ainsi de dissimuler aux tiers, et en particulier aux Services fiscaux, une majoration de douze millions de francs (Cass. crim., 22 décembre 1986, n° 85-91140) ;

- du notaire qui a aidé et assisté le contribuable dans son délit de fraude fiscale en établissant un contrat de vente ne correspondant pas à la réalité de la transaction, qui s'analysait en fait en une donation déguisée faite dans le dessein d'éluder les droits de mutation (Cass. crim., 23 mars 1987, n° 86-92272) ;

- du responsable d'une agence bancaire qui conseille à son client l'ouverture d'un « compte de passage » lui permettant de disposer d'une trésorerie occulte utilisée à des achats et ventes sans factures, dès lors que ce type de compte (dont aucun autre client de l'agence n'avait bénéficié) ne faisait l'objet d'aucun relevé et n'était pas assorti de la délivrance d'un chéquier (Cass. crim., 24 novembre 1986, n° 85-94140).