Date de début de publication du BOI : 18/06/2019
Identifiant juridique : BOI-CF-INF-40-30

CF - Infractions et sanctions pénales - Le délit d'escroquerie de nature fiscale

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Au côté des plaintes pour fraude fiscale, la dénonciation des faits d'escroquerie en matière fiscale constitue un élément important de l'action pénale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) contre l'incivisme fiscal.

Les plaintes pour escroquerie à la TVA ou à tout autre impôt permettent de faire sanctionner sévèrement des comportements particulièrement graves et d'obtenir pour l'État, en réparation de son préjudice, des dommages et intérêts à la hauteur des agissements commis.

L'escroquerie est un délit de droit commun régi par l'article 313-1 du code pénal et suivants (C. pén.).

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Fiscalement, l'escroquerie est le plus souvent caractérisée en matière de TVA, mais peut également porter sur l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu avec notamment une revendication abusive en matière de crédits d'impôts.

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I. Définition et caractéristique du délit

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Selon les dispositions de l'article 313-1 du C. pén., l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 € d'amende.

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Il est précisé que, de même qu'en matière de fraude fiscale, le délit d'escroquerie peut être commis non seulement par le dirigeant de droit d'une société, mais aussi par le dirigeant de fait (Cass. crim., arrêt  du 21 décembre 1971, n° 70-92142).

La constitution du délit nécessite que soient réunis un élément matériel et un élément intentionnel.

A. Élément matériel

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L'élément matériel de l'escroquerie est constitué par l'existence de procédés dont la mise en œuvre a conduit à la remise d'un bien, de fonds ou de valeurs,

L'escroquerie nécessite la réalisation de deux actes :

- la mise en œuvre de procédés frauduleux par l'auteur du délit ;

- et la remise d'un bien, de fonds ou de valeur par la victime.

1. La mise en œuvre de manœuvres frauduleuses

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Les manœuvres frauduleuses supposent une machination, une ruse ou une combinaison d'actes extérieurs destinés à créer une apparence trompeuse d'où l'exclusion du simple mensonge, même réalisé par écrit. À l'allégation mensongère doit se joindre, pour constituer la manœuvre frauduleuse, un fait extérieur, un acte matériel destiné à lui donner force et crédit.

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Parmi ces actes extérieurs, on trouvera le plus fréquemment :

- la falsification de factures d'achats réels ;

- l'établissement de factures d'achats fictifs ;

- la constitution d'entreprises sans activité économique ou ayant une activité économique artificielles (sociétés taxis) chargées de porter une TVA sur leurs factures de complaisance en vue d'en permettre la récupération par leur client, tout en s'abstenant de la reverser à la DGFiP.

La jurisprudence de la Cour de Cassation confirme la possibilité de poursuivre pour escroquerie les gérants d'une société « taxis » ainsi que leur complice même si le remboursement ou l'imputation de la TVA fictive a été réalisé au profit de tiers de bonne foi (Cass. Crim., arrêt du 9 février 2011, n°10-82.446).

2. La remise d'un bien, de fonds ou de valeur

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La remise peut intervenir de deux manières différentes :

- par remboursement direct ou tentative de remboursement au vu d'une demande de restitution ;

- par imputation sur le montant de la TVA due à raison du chiffre d'affaires imposable réalisé.

Sur ce point en l'absence de remise matérielle des fonds comme en l'absence de délivrance effective d'une quittance ou d'une décharge, la Cour de cassation a adapté sa jurisprudence aux formes les plus modernes de la fraude et a posé quelques principes qui paraissent bien établis :

- la déclaration de chiffre d'affaires vaut titre de créance à l'encontre du Trésor public pour le montant des taxes déclarées comme déductibles ;

- la circonstance que le titre qui constate l'extinction par déduction de la créance du Trésor public ait été créé par l'assujetti ne fait disparaître aucun des éléments matériels du délit d'escroquerie ;

- il en est de même en l'absence de remise de fonds dès lors que le paiement effectué par voie scripturale vaut remise d'espèce ;

- le délit d'escroquerie se trouve alors consommé par l'acceptation par l'administration de la déclaration de chiffre d'affaires. (Cass. crim., arrêt du 25 janvier 1967, n° 66-92.968 ; Cass. crim., arrêt du 17 octobre 1967, n° 66-92.187 ; Cass. crim., arrêt du 6 février 1969, n° 66-91.594 ; Cass. crim., arrêt du 10 décembre 1969, n° 67-91.046 ; Cass. crim., arrêt du 13 octobre 1971, n° 70-92.124 ; Cass. crim.,arrêt du 19 décembre 1973, n° 73-90.224).

B. Élément intentionnel

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L'escroquerie est une infraction intentionnelle qui suppose la commission d'un acte positif en toute connaissance de cause de son caractère frauduleux.

Si l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité ou l'abus d'une qualité vraie, dès lors qu'ils ont permis, notamment, la remise d'une chose appartenant à autrui, suffisent à constituer le délit d'escroquerie, il n'en est pas de même de l'emploi de manœuvres frauduleuses. Il faut démontrer qu'elles ont été pratiquées dans le but de tromper la victime et de l'inciter ainsi à la remise de la chose (en l'espèce, persuader l'administration fiscale de l'existence d'un crédit fictif de TVA ou d'un autre impôt), et l'inciter au remboursement. Les manœuvres doivent avoir déterminé la remise ou la tentative de remise de fonds.

(70 à 130)

C. Tentative d'escroquerie

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L'article 313-3 du C. pén. réprime la tentative d'escroquerie au même titre que le délit lui-même. Mais les tentatives de délit ne sont punissables qu'autant qu'elles remplissent les conditions énoncées par l'article 121-5 du C. pén., à savoir être manifestées par un commencement d'exécution et n'avoir été suspendues ou manqué leur effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur.

(150 et 160)

II. Répression du délit

A. Action publique

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Seul, le ministère public a qualité pour exercer l'action publique relative au délit d'escroquerie. Il est à noter cependant que la mise en œuvre des poursuites n'est  subordonnée ni au dépôt d'une plainte ni à une dénonciation obligatoire, comme c'est le cas pour le délit de fraude fiscale.

Mais, dans la pratique, l'administration porte plainte afin de fournir au Parquet les éléments d'information qu'elle a pu recueillir, sur l'escroquerie fiscale, ainsi que les documents en sa possession.

180

Conformément aux dispositions de l'article 8 du code de procédure pénale (CPP), modifié par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, l'action publique des délits se prescrit par six années révolues.

Remarque : Ce délai est applicable aux délits non encore prescrits à la date d'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017 précitée, soit le 1er  mars 2017.

Le point de départ du délai de six ans se situe à la date de la consommation du délit, c'est-à-dire :

- à la date du remboursement (date d'ordonnancement) ;

- au jour du dépôt de la déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires si le remboursement a lieu par imputation ;

- et, dans l'hypothèse de la simple tentative, à la réception de la demande de remboursement.

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S'agissant d'une action fondée sur l'article 313-1 du Code pénal, il n'y a pas lieu de recueillir l'avis de la Commission des infractions fiscales avant d'engager la procédure judiciaire, même si l'escroquerie a eu pour but ou pour effet d'obtenir le paiement indû de la TVA ou de tout autre impôt (Cass. crim., arrêt du 19 octobre 1987, n° 85-94605).

Enfin, l’information du parquet par un signalement réalisé en application de l’article 40 du CPP, plutôt que par une plainte, permet de mettre en mouvement très rapidement l'action publique et peut donc constituer une première réponse pour faire cesser au plus vite certaines formes de fraude.

B. Réparation du préjudice subi par l’État

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L'action en réparation du préjudice subi par l'État du chef du délit d'escroquerie se fonde sur les dispositions de l'article 2 du CPP, de l'article 3 du CPP, de l'article 85 du CPP et de l'article 418 du CPP qui régissent le droit commun et non pas sur les dispositions de l'article L. 232 du LPF autorisant l'administration à se constituer partie civile sur ses propres plaintes pour venir au soutien de l'accusation.

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La constitution de partie civile est dès lors faite au nom de l'État français et des dommages-intérêts peuvent être réclamés au tribunal par voie de conclusions, quelle que soit par ailleurs la situation du recouvrement des rappels de taxe effectués par le service après découverte de l'escroquerie.

Il est en effet de jurisprudence constante que « les juges du fond ne sauraient rejeter les demandes de l'État fondées sur le préjudice causé au Trésor par un délit d'escroquerie au seul motif que les prévenus peuvent se voir réclamer par les voies propres à l'Administration, la réparation du préjudice résultant du délit de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt » (Cass. crim., arrêt du 19 juin 1978, n° 73-92.900).

Cela étant, le montant des dommages et intérêts à allouer en réparation du préjudice causé par le délit relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, selon les circonstances de chaque espèce et dans les limites des conclusions des parties civiles (Cass. crim., 19 juin 1978, n° 73-92.900 et Cass. crim., arrêt du 15 novembre 1989, n° 88-82343).

(220 et 230)