Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTOI-10-10-20-40

ENR – Mutation de propriété à titre onéreux d'immeubles autres que les échanges – Assiette des droits – Valeur vénale réelle

I. Notion de valeur vénale

1

Par deux arrêts du 23 octobre 1984, la Cour de cassation a précisé la notion de valeur vénale.

Les clauses d'une promesse de vente d'un immeuble rural prévoyaient la conclusion d'un bail au profit du promettant concomitamment à la régularisation de la vente par acte authentique.

La Cour de cassation a estimé que, pour l'assiette des droits de mutation, les terres cédées devaient être considérées comme occupées au motif que « la valeur vénale réelle d'après laquelle les immeubles sont estimés pour la liquidation » de ces droits « en vertu de l'article 667-I du CGI (actuellement codifié sous l'article L17 du LPF), est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel compte tenu de l'état dans lequel se trouve l'immeuble avant la mutation et des clauses de l'acte de vente » (Cass. Com., 23 octobre 1984, 82-17054).

Dans un arrêt rendu le même jour en matière de mutation à titre gratuit, la Cour suprême a considéré que les droits résultant du bail préalablement consenti au donataire affectaient la valeur intrinsèque d'une propriété rurale au jour de la donation de celle-ci et que la moins-value qui s'ensuivait devait, par conséquent, être prise en considération pour fixer la valeur vénale réelle à retenir à cette date (Com., 23 octobre 1984, 83-11051).

10

Ces deux décisions participent d'une conception objective de la notion de valeur vénale réelle d'un bien immobilier, conception déjà affirmée par la Cour en droit commun en cas de rescision pour lésion (Cass. Civ. 1ère, 16 novembre 1959, Bull. I, n° 477, p. 396), et selon laquelle il convient, pour appréhender cette valeur, de se placer du point de vue d'un acheteur quelconque (valeur commune, intrinsèque) et non d'une personne déterminée (valeur de convenance). Autrement dit, seuls sont à prendre en compte pour l'estimation du bien les éléments réels d'appréciation -qu'il s'agisse de facteurs d'ordre socio-économique, physique ou juridique -, abstraction faite de circonstances propres à la situation personnelle des parties.

Ainsi, la Haute Juridiction a jugé qu'il convenait de rechercher quel était le prix qui pouvait être obtenu, au jour de la mutation, par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état résultant de facteurs physiques et juridiques dans lequel se trouvait le bien avant la mutation et des clauses de l'acte de vente, notamment en ce qui concernait la valeur intrinsèque de l'appartement et les caractères indivis et partiels des droits acquis (Cass. Com., 12 novembre 1986, 85-13942).

Au cas particulier, deux avocats avaient acquis, chacun pour un dixième, des droits de propriété indivis d'un appartement en vue d'y exercer en commun leur profession avec des confrères, également propriétaires indivis, qui y poursuivaient leur activité, tandis que le cédant se retirait. Le service a opéré un redressement en retenant une valeur vénale des biens transmis supérieure au prix exprimé dans l'acte d'acquisition.

La Cour de cassation a estimé que n'avait pas donné de base légale à sa décision le jugement qui, tout en énonçant qu'il convenait de se placer à la date de la mutation sans tenir compte de faits postérieurs, telle la difficulté qu'il pourrait y avoir à revendre une part indivise d'un appartement occupé professionnellement par un groupe d'avocats, a retenu que le prix était égal au dixième de la valeur d'ensemble du bien, sans affecter les dixièmes indivis d'une décote en raison des caractéristiques de certaines parties des locaux.

20

Bien entendu, lorsqu'il s'agit d'un ensemble de biens, c'est la valeur de cet ensemble qui doit être prise en considération.

30

L'évaluation des biens d'après leur valeur vénale s'oppose à l'utilisation de tableaux indicatifs, par exemple relatifs à la valeur au mètre carré des appartements ou aux coefficients de capitalisation pour les immeubles loués. De même, la publication par l'administration de barèmes ou de coefficients conduirait à des estimations forfaitaires contraires à l'esprit de la loi.

40

Enfin, pour la détermination de l'assiette des droits à percevoir, l'administration n'a pas à prendre en considération les conventions que les contractants ont tenues occultes à son égard.

Ainsi, ayant constaté que l'accord antérieur, invoqué par les parties, n'avait été connu que d'elles seules et n'avait pas été enregistré, c'est à bon droit qu'un tribunal a décidé que la date de l'acte authentique devait, à l'égard de l'administration, être considérée comme étant celle de la mutation génératrice de l'impôt, et, qu'en conséquence, celui-ci devait être assis sur la valeur vénale de l'immeuble, appréciée à cette date (Cass. com. 74-10902).

II. Procédure

50

L'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations (en ce qui concerne le cas des adjudications judiciaires d'immeubles, cf. BOI-ENR-DMTOI-10-10-30-20).

La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations (LPF, art. L. 17).

60

Il convient donc d'indiquer dans les propositions de rectification, les éléments chiffrés et les termes de comparaison qui justifient les rehaussements envisagés sur les prix ou les évaluations (cf. BOI-CF-IOR-10-40 § 130 à 170).

Les termes de comparaison doivent être mentionnés avec suffisamment de précision pour que le contribuable puisse les discuter ; ils ne doivent cependant pas comporter d'indications susceptibles de porter atteinte au secret professionnel.