Date de début de publication du BOI : 04/12/2012
Identifiant juridique : BOI-BIC-BASE-20-10

BIC - Base d'imposition - Créances acquises et dettes certaines - Définition et règles de rattachement

I. Notion de créances acquises et de dettes certaines

A. Créances acquises

1. Définition

1

Une créance ne peut être considérée comme acquise que si elle est certaine dans son principe et déterminée dans son montant, c'est-à-dire que si l'accord a été réalisé entre les parties sur la chose et sur le prix, même si ce prix n'est payable qu'ultérieurement.

10

Ce principe a une portée générale et vise également :

- les créances correspondant à des « fruits civils », qui en droit s'acquièrent au jour le jour et doivent, en principe, être pris en compte pour l'assiette de l'impôt dès lors qu'ils sont courus à la date de clôture de l'exercice ;

- les créances de toute nature acquises à l'entreprise et qui ne sont pas nécessairement la contrepartie de ventes de marchandises ou de services (cf. au I-A-1).

20

En définitive, une créance peut être considérée comme acquise indépendamment de la date de son exigibilité et de l'époque effective de son recouvrement.

Remarque : Une créance acquise peut, sans pour autant être considérée comme définitivement perdue, être compromise à la clôture de l'exercice en raison :

- soit, de la mauvaise situation du débiteur (créances douteuses) ;

- soit, de l'existence d'un litige opposant le créancier et le débiteur (créances litigieuses).

L'entreprise créancière est alors autorisée, en contrepartie de l'inscription obligatoire de la créance à l'actif du bilan, à déduire de ses résultats une provision égale au montant ou à la fraction de cette créance dont le recouvrement est compromis.

2. Créances incertaines quant à leur principe ou indéterminées quant à leur montant

30

Si à la clôture d'un exercice, une créance demeure incertaine quant à son principe ou indéterminée quant à son montant, elle ne peut être considérée comme une créance acquise et ne doit donc pas être prise en compte pour la détermination du résultat imposable de cet exercice.

Le Conseil d'État a ainsi jugé :

- que dans le cas d'une société ayant pour objet le commerce de bois, et qui, au moment où sa dissolution avait été décidée, avait fait figurer à son compte d'exploitation les plus-values escomptées sur la vente des coupes de bois sur pied, ces plus-values ne devaient pas être retenues, pour l'établissement de l'impôt afférent à l'exercice pour lequel ce compte avait été dressé, dès lors que le liquidateur avait poursuivi l'exploitation pendant un certain nombre d'années (CE, arrêt du 20 juillet 1933, req. n° 19676, RO, 6022). Au cas particulier, les créances correspondant aux coupes de bois ne pouvaient être réputées acquises puisque les ventes devaient intervenir ultérieurement ;

- que, s'agissant d'un concessionnaire et d'un concédant, la créance est considérée comme acquise lorsque les droits et obligations réciproques ont été définitivement fixés par une transaction mettant fin à l'incertitude régnant à leur sujet (CE, arrêt du 9 juillet 1943, req. n° 70881, RO, p. 355) ;

- que les créances qui résultent, pour l'exploitant d'un établissement de santé privé, de l'application d'un nouveau tarif de responsabilité entraînant à son profit des remboursements complémentaires par diverses caisses primaires de Sécurité sociale en rémunération de soins dispensés à des assurés sociaux, ne doivent être regardées comme devenues certaines, dans leur principe et dans leur montant, qu'à la date de fixation dudit tarif (CE, arrêt du 22 mars 1967, req. n° 68986) ;

- qu'une société faisant partie d'un groupe international n'était pas tenue d'inclure dans le bénéfice d'un exercice la créance qu'elle détenait sur les autres sociétés du groupe, dès lors que, si cette créance était certaine dans son principe, son montant n'a pas été précisé, eu égard au délai que nécessite la réunion des éléments permettant de la calculer, que postérieurement à la clôture dudit exercice (CE, arrêt du 22 juin 1984, n°s 38108 et 37368).

La Haute Assemblée s'est également prononcée sur le cas d'une société qui loue des bouteilles de gaz moyennant le versement, par le client, d'un dépôt de garantie qui ne lui est restitué qu'à la résiliation du contrat en échange de la remise de la bouteille. À ce moment , le client doit verser une redevance dite d'entretien calculée d'après le tarif en vigueur au jour du paiement et proportionnelle au temps écoulé depuis la conclusion du contrat. ll a été jugé que si, dès la signature de la convention, les redevances dues par les clients ont le caractère de créances certaines dans leur principe, elles ne peuvent être regardées, à cette même date, comme des créances certaines dans leur montant dès lors qu'elles ne peuvent être exactement liquidées qu'à l'expiration du contrat. En conséquence, les redevances courues mais non encore encaissées n'ont pas à être prises en considération pour la détermination des résultats des exercices au cours desquels les clients sont devenus débiteurs en exécution du contrat d'abonnement et l'entreprise ne doit retenir pour la détermination de son bénéfice imposable que les seuls redevances encaissées au cours de l'exercice (CE, arrêt du 20 mars 1968, req. n° 62561).

En outre, dans un arrêt du conseil d'Etat du 13 mai 1988 (req. n° 56468), ce dernier a précisé qu'en cas de résiliation d'un bail commercial, la créance résultant, pour le locataire évincé, de l'engagement pris par le bailleur, de l'indemniser de tous impôts ou rappels d'impôts dus à raison de l'indemnité de résiliation, est certaine dans son principe dès la clôture de l'exercice au cours duquel a été souscrit l'engagement.

Mais, en cas de contestation du redressement, la créance ne devient certaine dans son montant, qu'à la date à laquelle le juge de l'impôt statue sur l'évaluation de l'indemnité de résiliation.

40

Enfin, lorsqu'au cours d'un exercice un bien ou un produit a été vendu ou un service rendu moyennant un prix de base contractuellement fixé mais susceptible d'être majoré ou minoré en fonction d'éléments ou d'événements qui ne surviendront ou ne seront connus qu'après la clôture de l'exercice, l'incertitude qui affecte cette modification éventuelle fait obstacle à ce qu'elle soit prise en compte dans le bilan de clôture de l'exercice autrement que par voie de provision dans le cas où, à cette date, une minoration pourrait être tenue pour probable.

En tout état de cause, une telle éventualité ne saurait retirer au prix de base tel qu'il est connu et arrêté à la date de clôture du bilan, le caractère d'une créance acquise qui doit donc être prise en compte à ce titre pour la détermination du bénéfice imposable (CE, arrêt du 29 novembre 1978, req. n° 8313).

Au cas particulier, il s'agissait d'une société chargée de promouvoir et de coordonner les ventes de ses actionnaires qui avait perçu, en 1968, des redevances établies selon un barème provisoire et qui, après la clôture de cet exercice, avait ajusté ses recettes à ses dépenses en retenant un barème définitif inférieur.

A la clôture de l'exercice au cours duquel elle avait effectué ces prestations de services au profit de ses actionnaires, la société était donc détentrice d'une créance acquise d'un certain montant.

50

En résumé, les créances non encore recouvrées à la date de clôture d'un exercice ne doivent pas être retenues pour la détermination du bénéfice de cet exercice lorsqu'à cette date elles demeurent incertaines, soit dans leur principe, soit dans leur montant et ne peuvent donc pas être regardées, dans la première hypothèse, comme définitivement acquises et, dans le second cas, comme susceptibles d'être exactement liquidées.

Remarque : Une créance peut être incertaine quant à son principe ou indéterminée quant à son montant en raison d'un litige opposant l'entreprise créancière et son débiteur (ou celui qu'elle considère comme tel).

Lorsque, pour mettre un terme au litige qui les oppose, les parties décident de s'en remettre à un arbitre ou lorsque le litige est soumis à l'appréciation d'une juridiction, le montant de la créance dont le sort est subordonné au règlement du litige ne sera réputé certain que lors de l'intervention de la décision arbitrale ou du jugement.

B. Dettes certaines

60

Une dette peut être tenue :

- pour certaine dans son principe, lorsque la créance née corrélativement dans le patrimoine de l'autre contractant est acquise à ce dernier ; autrement dit, lorsque les parties au contrat sont d'accord sur la chose (bien ou service) et sur le prix et que cet accord n'est subordonné à aucune condition ;

- pour déterminée, quant à son montant, lorsqu'elle peut être liquidée, c'est-à-dire quand elle est susceptible d'être chiffrée avec précision, compte tenu de l'ensemble des données qui sont connues à la date de l'estimation.

II. Rattachement des créances acquises et des dettes certaines

A. Créances sur la clientèle et acomptes (CGl, art. 38, 2 bis)

70

Conformément aux dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts (CGl), les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix doivent être rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et, sauf exceptions, l'achèvement des prestations pour les fournitures de services.

1. Ventes de biens et opérations assimilées

80

S'agissant des ventes ou opérations assimilées c'est la date de la livraison qui détermine l'exercice de rattachement des créances sur la clientèle ou des acomptes.

Les opérations assimilées à des ventes de biens s'entendent :

- des apports en société (apports purs et simples ou apports à titre onéreux) ;

- des échanges ;

- des prêts de consommation (article 1892 du code civil).

a. Notion de livraison

90

La livraison d'un bien doit s'entendre de la délivrance de ce bien au sens de l'article 1604 du code civil, c'est-a-dire du « transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

100

La délivrance s'opère, pour les effets mobiliers « ou par la tradition réelle, ou par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent, ou même par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s'en faire au moment de la vente, ou si l'acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre » (article 1606 du code civil).

110

Pour les biens immeubles, la délivrance s'entend de la remise des clefs, s'il s'agit de bâtiments, ou de la remise des titres de propriété dans les autres cas (article 1605 du code civil).

b. Vente avec clause de réserve de propriété

120

Lorsqu'un contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété, la livraison s'entend de la remise matérielle du bien.

2. Prestations de services

130

En ce qui concerne les fournitures de services, l'exercice de rattachement des créances et acomptes dépend de la date d'achèvement des prestations.

140

Toutefois, le 2 bis de l'article 38 du CGl prévoit des dérogations qui concernent des prestations dont les résultats sont connus avec certitude avant l'achèvement complet :

- les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers, et les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices (contrats d'entretien, d'abonnements). Les produits correspondants doivent être pris en compte au fur et à mesure de l'exécution de ces prestations.

- les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle (travaux du bâtiment, travaux publics, travaux de construction d'usines clefs en main). L'exercice de rattachement est celui au cours duquel intervient la réception, même si elle est provisoire ou faite avec réserves, ou celui de la mise à disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure à la réception.

Ainsi, le Conseil d'État a jugé qu'une société qui, exerçant une activité de bureau d'études pour le secteur du bâtiment, exécute, dans le cadre de projets déterminés, des études subdivisées en phases successives donnant lieu à des facturations et des règlements distincts, doit être regardées comme réalisant des prestations discontinues, mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices. Les acomptes sur honoraires perçus à ce titre doivent, en conséquence, conformément aux dispositions du 2 bis de l'article 38 du CGI, être pris en compte au fur et à mesure de l'achèvement et de la facturation des prestations et être ainsi rattachés à chaque exercice y correspondant (CE, arrêt OTH Loire Bretagne du 19 juin 1989 ; req. n° 58 246 et 59 828).

a. Commissions de courtage perçus par les courtiers en vins spiritueux

150

RES N°2005/51 (FE) :

Commissions de courtage perçues par les courtiers en vins et spiritueux

Question :

Quel est le régime fiscal applicable aux commissions perçues par les courtiers en vins et spiritueux pour la rémunération de leurs prestations de services. A quelle date la prestation est-elle considérée comme achevée ?

Réponse :

Les courtiers en vins, dont la profession est réglementée par la loi n° 49-1652 du 31 décembre 1949, sont des intermédiaires qui, sans s'engager eux-mêmes et sans être liés par un contrat écrit, prêtent leur entremise pour permettre la réalisation de transactions entre les producteurs ou vendeurs de vins et les négociants-acheteurs qu'ils mettent en rapport. Leur rôle consiste à faciliter la conclusion d'une affaire mais, n'ayant reçu aucun mandat de l'une ou de l'autre des parties contractantes, ils n'ont pas, contrairement aux commissionnaires, à rendre de compte de leur activité.

Ils sont rémunérés par des commissions qui sont fonction de l'importance des affaires traitées par leur entremise. En principe, leur rôle cesse à partir du moment où les parties ont contracté entre elles.

Toutefois, selon les usages de cette profession (1) et nonobstant les dispositions des articles 1er et 5 de la loi précitée, le rôle des courtiers en vins ne consiste pas seulement à favoriser la conclusion d'un accord entre un acheteur et un vendeur mais s'étend le plus souvent à l'organisation et à la surveillance de plusieurs opérations qui concourent à l'exécution du marché et qui se terminent, généralement, par l'agréage de conformité des vins, qui accompagne leur retiraison et leur réception par le négociant.

En application des dispositions des 2 et 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, les produits correspondant à des créances sur la clientèle sont rattachés, pour les fournitures de services, à l'exercice au cours duquel intervient l'achèvement des prestations. La prise en compte de ces produits implique donc la réunion de deux conditions, à savoir que la créance doit être acquise et que la prestation de services doit être réalisée.

S'agissant de la première condition, une créance est considérée comme acquise si elle est certaine dans son principe et déterminée dans son montant.

S'agissant de la seconde condition, la date d'achèvement de la prestation correspond à la date à laquelle sont complètement exécutées toutes les missions confiées au courtier, soit celles explicitement mentionnées sur le bordereau de vente signé par les parties, soit en cas de silence des parties celles résultant des dispositions de l'article 1587 du code civil (2), qui sont supplétives à la volonté des parties, la date d'achèvement de la prestation correspondant alors à celle de l'agréage de conformité du vin, qui est une question de fait.

Toutefois, cette date ne peut être postérieure, compte tenu de l'objet du contrat de courtage, à la date de l'agréage de conformité du vin qui accompagne chaque retiraison et réception par le négociant. En particulier, il peut être constaté un achèvement de la prestation à hauteur de cette réception partielle et la commission y afférente peut, à titre de simplification, être déterminée au prorata des quantités réceptionnées.

En revanche, si le bordereau de transaction prévoit expressément que la prestation du courtier en vins se limite au rapprochement des parties, la prestation est achevée dès que l'accord entre le vendeur et l'acheteur est intervenu et la rémunération correspondant à cette prestation doit être comprise dans le résultat imposable de l'exercice en cours à la date de cet accord, c'est-à-dire, en pratique, à la date de signature de ce bordereau.

La prestation sera donc considérée comme achevée à la date de l'agréage de conformité du vin qui accompagne chaque retiraison et réception par le négociant, sous réserve que cette mission soit exécutée par le courtier.

(1) Conseil d'Etat du 28 juillet 2000, n° 180412, 9ème et 10ème s-s, Sté Gardère-Haramboure ; RJF 11/00, n° 1216.

(2) Art. 1587 du code civil : « à l'égard du vin, de l'huile et des autres choses que l'on est dans l'usage de goûter avant d'en faire l'achat, il n'y a point de vente tant que l'acheteur ne les a pas goûtés et agréés ».

b. Honoraires perçus par les entreprises d'expertise comptable

160

Les opérations effectuées par ces entreprises s'analysent en des prestations de services discontinues à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices. Sont notamment visées, les opérations consistant en la tenue ou la surveillance de la comptabilité et en l'établissement des comptes annuels et des autres éléments de déclaration fiscale ou sociale.

Conformément aux dispositions du deuxième alinéa du 2 bis de l'article 38 du CGI déjà cité, les honoraires perçus par les entreprises d'expertise comptable doivent être pris en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations.

Les honoraires facturés pour un montant forfaitaire ou les acomptes versés ne sont pris en compte dans le résultat imposable d'un exercice que pour la part correspondant à des prestations déjà réalisées à la clôture de cet exercice. Cette part pourra être déterminée, pour chaque client, en fonction du temps passé par rapport au total du temps qui doit être théoriquement passé pour réaliser les prestations en cause.

L'entreprise devra justifier les éléments de ce rapport.

Il est précisé que la notion d'échéances successives a trait au seul fractionnement des prestations dans le temps et non aux modalités de paiement du prix convenu.

c. Cotisations perçues par les centres de gestion et associations agréés

170

Dans le cadre des missions que le législateur a entendu confier aux centres de gestion et associations agréés, les opérations rémunérées par les cotisations forfaitaires versées par les adhérents s'analysent en des prestations de services discontinues à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices.

Sont notamment visées les opérations suivantes:

- les actions de formation et d'information ;

- les prestations visant à développer l'usage de la comptabilité auprès des adhérents des associations agréées ;

- le contrôle formel des déclarations de résultats transmises par les adhérents préalablement à leur dépôt ;

- l'élaboration d'un dossier de gestion permettant aux adhérents des centres de gestion agréés de faire le point sur la situation économique et financière de leur entreprise ;

- l'examen de la cohérence et de la vraisemblance des déclarations de résultats des adhérents.

Conformément aux dispositions du deuxième alinéa du 2 bis de l'article 38 du CGI, les cotisations perçues par les organismes agréés doivent être prises en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations. Les modalités de rattachement des cotisations perçues par ces organismes sont identiques à celles prévues pour les entreprises d'expertise comptable (cf.  II-A-2-b).

B. Autres créances

180

Les autres créances doivent être retenues pour leur totalité dans les résultats de l'exercice au cours duquel elles peuvent être considérées comme définitivement acquises, c'est-à-dire certaines dans leur principe et dans leur montant.

190

Le conseil d'Etat a jugé ainsi :

- que le gain, auquel donne lieu le rachat d'une concession par l'autorité concédante, constitue un profit passible de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux qui doit être compris dans les résultats de l'exercice au cours duquel la créance du concessionnaire est devenue définitive (CE, arrêt du 27 mai 1946, req. n° 75316, à rapprocher de l'arrêt du 4 juillet 1941, req. n° 66672) ;

- que la plus-value réalisée à l'occasion de la vente de titres de son portefeuille par une entreprise doit être comprise dans le bénéfice imposable de cette dernière alors même qu'elle n'aurait pas eu immédiatement la disposition de la plus-value en cause, toute créance devant être rattachée à l'exercice au cours duquel elle est née, quelle que puisse être la date de son recouvrement (CE, arrêt du 23 juillet 1951, req. n° 11911).

C. Dettes

200

Les dépenses à retenir pour l'assiette de l'impôt sont toutes celles qui, engagées au cours de l'exercice et non exclues des charges déductibles, ont fait naître à la charge de l'entreprise des dettes certaines dans leur principe et dans leur montant. ll en est ainsi quelle que soit la date d'exigibilité ou de paiement de ces dettes.

210

Les dettes certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant, lorsqu'elles n'ont pas été payées avant la clôture de l'exercice, doivent être inscrites au passif du bilan de l'entreprise, soit à un compte de régularisation (frais à payer) soit, lorsqu'elles sont individualisées, à un compte de tiers.

D. Exceptions

1. Rattachement de la créance et de la dette nées du non respect du délai de paiement par un client

220

Conformément aux dispositions du 2 de l’article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est déterminé en tenant compte de l’ensemble des produits définitivement acquis et des dettes engagées ou, en d’autres termes, des créances et des dettes devenues certaines dans leur principe et dans leur montant au cours de la période considérée.

Le non-respect par le client des délais de paiement fait donc naître, en principe, une créance au profit du vendeur ou du prestataire qui doit être prise en compte dans les résultats de l’exercice au cours duquel intervient le défaut de règlement.

230

Afin d’éviter aux fournisseurs se trouvant dans une situation de dépendance économique vis à vis de leurs clients d’être imposés sur des produits qui ne leur seraient pas versés en définitive, l’article 237 sexies du code général des impôts prévoit des modalités spécifiques de rattachement des pénalités de retard.

Ainsi et dès lors que les pénalités de retard sont exigibles sans mise en demeure, l’article 237 sexies du code général des impôts prévoit que les produits et charges correspondant aux pénalités de retard mentionnées aux articles L. 441-3 et L. 441-6 du code de commerce sont respectivement rattachés, pour la détermination du résultat imposable à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, à l’exercice de leur encaissement et de leur décaissement. 

Remarques : à titre de règle pratique, ces mêmes modalités s'appliquent également aux intérêts moratoires prévus à l'article 98 du code des marchés publics.

Il est admis que ces modalités s'appliquent également aux indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement en cas de retard de paiement dans les transactions commerciales instituées par l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012. En revanche, les indemnités complémentaires susceptibles d'être demandées par les créanciers sur justification doivent être rattachées aux résultats de l'exercice au cours duquel la décision de justice les octroyant est devenue définitive (BOI-BIC-PDSTK-10-30-20 au IV).

240

En revanche, les règles de rattachement des créances sur la clientèle et des dettes chez le client demeurent inchangées (cf. II-A).

2. Règles de rattachement des intérêts afférents à des créances déclassées dans la catégorie des encours douteux compromis, détenues par les entreprises relevant du comité de la réglementation bancaire

250

Le régime fiscal des intérêts sur créances douteuses compromises est aligné sur le traitement comptable défini par le règlement comptable n°2002-03 du 12 décembre 2002 modifié relatif au traitement comptable du risque de crédit dans les entreprises relevant du comité de la réglementation bancaire et financière. Les provisions constatées sur les encours douteux et les encours douteux compromis restent soumises au respect des conditions mentionnées au 5° du 1 de l'article 39 du CGI pour être admises en déduction du résultat fiscal.

a. Champ d'application

260

Les intérêts sur les créances douteuses déclassées dans la catégorie des « encours douteux compromis » ne sont pas comptabilisés (comité de la réglementation comptable, règlement comptable n°2002-03 du 12 décembre 2002 modifié, article 10 alinéa 2).

1° Entreprises concernées

270

Seules sont concernées les entreprises visées à l'article 1 du règlement comptable n°2002-03 du 12 décembre 2002 modifié.

Il s'agit des entreprises suivantes :

- les établissements de crédit et les compagnies financières mentionnés respectivement aux articles L. 511-1du code monétaire et financier (Comofi) et articles L. 517-1 du Comofi ;

- les entreprises d'investissement visées à l'article L. 531-4 du Comofi (hors sociétés de gestion de portefeuille) ainsi que des personnes morales membres des marchés réglementés ou effectuant une activité de compensation d'instruments financiers, visés respectivement à l'article L. 421-8 du Comofi et aux 3, 4 et 5 de l'article L. 440-2 du Comofi si elles effectuent des opérations génératrices d'un risque de crédit au sens de l'article 2b du même règlement.

2° Nature des créances concernées

280

L'article 9 du règlement comptable n°2002-03 du 12 décembre 2002 modifié précise que "lorsque les conditions de solvabilité d'une contrepartie sont telles qu'après une durée raisonnable de classement dans les encours douteux, aucun reclassement en encours sain n'est prévisible, les encours concernés sont spécifiquement identifiés au sein des encours douteux comme encours douteux compromis, soit par enregistrement comptable au sein de comptes créés à cet effet, soit au moyen d'attributs (procédé informatique permettant d'identifier le déclassement des encours douteux en encours douteux compromis sans création de comptes spécifiques dédiés)".

L'identification en encours douteux compromis intervient lors de la réalisation des événements juridiques ou temporels suivants (article 8 du règlement comptable précité) :

- à la déchéance du terme ou, en matière de crédit bail, à la résiliation du contrat ;

- dans le cas de créances à durée indéterminée, l'exigibilité intervient à la clôture des relations notifiée à la contrepartie selon les procédures prévues par le contrat ;

- en tout état de cause, l'identification en encours douteux compromis intervient au plus tard un an après la classification en encours douteux.

L'établissement de crédit sort les encours concernés de ses actifs par la contrepartie d'un compte de perte, lorsque le caractère irrécouvrable des créances est confirmé.

290

Cette identification en « encours douteux compromis » s'effectue créance par créance. Le classement pour une contrepartie donnée en « encours douteux » de certaines de ces créances entraîne par contagion un classement identique de l'ensemble des créances détenues sur cette même contrepartie (article 8 règlement comptable n°2002-03 du 12 décembre 2002 modifié). Il n'est pas tenu compte de ce principe de contagion mentionnée lors du déclassement de créances en « encours douteux compromis ».

Les possibilités de recouvrement de chacune des créances sont appréciées individuellement avant leur identification en encours douteux compromis. Le déclassement de la créance est alors constaté en cas d'irrecouvrabilité confirmée.

300

L'article 9 du règlement comptable n°2002-03 du 12 décembre 2002 modifié précise également que cette identification intervient « en tout état de cause au plus tard un an après la classification en encours douteux ».

L'avis du Comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité (avis n° 2003-G du 18 décembre 2003) précise toutefois que les « encours douteux compromis » correspondent à des encours dont les perspectives de recouvrement sont fortement dégradées et que le passage en « encours douteux compromis » à l'issue du délai d'un an n'a pas pour objet de déclasser les encours douteux pour lesquels les clauses contractuelles sont respectées ou ceux qui ont vocation à sortir de l'actif du fait de la mise en oeuvre de garanties permettant leur recouvrement quasi-intégral.

Le délai mentionné est destiné à contraindre les entreprises à examiner chacune des créances d'une contrepartie à l'issue d'une période d'un an au maximum, et régulièrement ensuite, afin de décider créance par créance d'un déclassement éventuel. L'avis du Comité d'urgence mentionne que « le caractère recouvrable d'un encours peut être démontré non seulement par la régularité des paiements correspondant aux échéances contractuelles, mais également par l'existence de garanties suffisantes (personnelles ou réelles) qui doivent être retenues » .

310

Cette identification doit s'effectuer, au choix de l'entreprise, soit dans des comptes distincts, soit au moyen d'attributs permettant le recensement et l'extraction des créances douteuses compromises notamment lors des vérifications de comptabilité. Dans ce dernier cas, il peut s'agir notamment d'écritures badgées faisant l'objet de sous fichiers informatiques clairement identifiables.

320

Le traitement fiscal est aligné sur le traitement comptable. Ainsi, par exception aux règles de rattachement normalement applicables, notamment celle du 2 de l'article 38 du CGI, les intérêts sur les créances douteuses déclassées dans la catégorie des « encours douteux compromis » ne sont pas à prendre en compte pour la détermination du résultat imposable de l'exercice au cours duquel ces intérêts sont acquis.

b. Méthodes d'imputation des sommes reçues après déclassement des créances en encours douteux compromis

330

Pour la détermination du résultat comptable et fiscal, il convient donc de distinguer deux cas selon qu'un règlement partiel s'impute sur les intérêts ou sur le capital.

En principe, le règlement partiel s'impute sur les intérêts. En effet, selon l'article 1154 du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

Par ailleurs, l'article 1254 du code civil mentionne que le débiteur d'une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages, ne peut pas, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu'il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et les intérêts, mais qui n'est pas intégral, s'impute d'abord sur les intérêts.

Toutefois, il peut être prévu contractuellement que les sommes perçues s'imputent prioritairement sur le capital, diminuant ainsi la base sur laquelle sont liquidés les intérêts du fait du retard de paiement.

Cela étant, l'octroi d'un prêt est souvent accompagné de l'ouverture d'un compte courant dans lequel sont enregistrées, le cas échéant, les échéances impayées du prêt ainsi que les règlements ultérieurs. Aucune distinction entre le capital et les intérêts n'étant effectuée au niveau du compte courant, il est fait masse du capital et des intérêts. Dans ce cas, les paiements s'imputent de façon indifférenciée sur la masse.

340

Exemple :

Soit un prêt de 100 000 € d'une durée de 10 ans à un taux d'intérêt de 5 % dont l'échéancier est retracé dans le tableau suivant :

Année

Capital restant dû

Capital remboursé

Intérêts

Annuité

1

100000

7950

5000

12950

2

92050

8348

4602

12950

3

83702

8766

4184

12950

4

74936

9204

3746

12950

5

65732

9664

3286

12950

6

56068

10147

2803

12950

7

45921

10654

2296

12950

8

35267

11187

1763

12950

9

24080

11746

1204

12950

10

12334

12334

616

12950

0

100000

29500

129500

La première échéance est présumée payée. Le premier incident de paiement survient à la deuxième échéance. Par hypothèse, il est convenu que la déchéance du terme est prononcée après ce non-paiement. La créance est alors déclassée de la catégorie des encours douteux à la catégorie des « encours douteux compromis ».

Les sommes restant dues se décomposent de la manière suivante :

Capital restant dû

92050

Intérêts échus impayés

4602

Flux initiaux

96652

L'établissement de crédit estime pouvoir recouvrer 40 000 €. Par conséquent, il provisionne (il est rappelé que la déduction fiscale des provisions reste soumise aux dispositions mentionnées au 5° du 1 de l'article 39 du CGI) a minima les intérêts comptabilisés pour 100 % de leur montant, soit 4 602 € (obligation prudentielle) et à hauteur de 52 050 € le capital restant dû (92 050 - 40 000), soit une provision globale de 56 652 € {92050 - (40 000 - 4602)}.

En année n, l'établissement de crédit perçoit 10 000 € (l'estimation initiale du montant attendu reste égal à 40 000 €).

Imputation sur le capital

Dans ce cas, il n'y aucun impact sur le résultat et aucune reprise de provision n'est comptabilisée tant que les flux reçus ne dépassent pas les flux effectivement attendus soit 40 000 €.

Par la suite, si la créance (capital + intérêts comptabilisés) est soldée à la suite des versements reçus et la mise en jeu éventuelle des garanties, toutes les sommes perçues ultérieurement, correspondant aux intérêts liquidés sur la totalité de la créance mais non comptabilisés conformément au règlement, devront être enregistrées dans un compte de produits au fur et à mesure de leur encaissement pour la détermination du résultat imposable de l'établissement de crédit.

Imputation selon les règles civiles

La règle civile est appliquée aux intérêts, effectivement comptabilisés avant le déclassement de la créance en encours douteux compromis, qui comprennent les intérêts échus impayés et les intérêts courus non échus impayés. Il est rappelé que les intérêts ne sont plus comptabilisés après le déclassement en encours douteux compromis conformément aux dispositions du règlement CRC déjà cité.

On considère alors qu'à hauteur de 4 602 €, le versement de 10 000 € correspond à l'encaissement des intérêts échus im payés mais déjà comptabilisés et pris en compte pour la détermination du résultat au cours duquel ils ont été acquis. Le montant restant est alors imputé sur le capital, sans incidence sur le résultat.

Par la suite, si la créance (capital + intérêts comptabilisés) est soldée à la suite des versements reçus et la mise en jeu éventuelle des garanties, toutes les sommes perçues, correspondant aux intérêts liquidés sur la totalité de la créance mais non comptabilisés conformément au règlement comptable devront être enregistrées dans un compte de produits au fur et à mesure de leur encaissement pour la détermination du résultat imposable de l'établissement financier.