Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-CTX-JUD-10-80-20

CTX – Contentieux de l'assiette de l'impôt - Procédure devant le tribunal de grande instance (TGI) – Frais irrépétibles

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Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile (C. proc. Civ):

« Comme il est dit au I de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ».

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Par un arrêt en date du 22 juillet 1986, la Chambre commerciale de la Cour de Cassation a estimé que la recevabilité d'une demande présentée par un contribuable aux fins d'allocation de sommes non comprises dans les dépens au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne pouvait être contestée au motif d'une incompatibilité avec la procédure spéciale prévue aux articles R* 202-1 et suivants du Livre des Procédures Fiscales.

En effet, les articles L 207 et R* 207-1 du LPF ne comportent aucune dérogation à l'article 700 du code de procédure civile.

I. Conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile

A. Fondement de la condamnation : l'équité ou la situation économique de la partie condamnée

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Ce fondement résulte du texte lui-même, qui prévoit la condamnation sur deux critères alternatifs : l'équité ou la situation économique de la partie concernée.

La notion d'équité, au demeurant floue et incertaine, englobe de nombreux éléments d'appréciation au nombre desquels il est possible de citer la situation de plaideur obligé (qui aboutit à une condamnation au profit d'une partie qui a été véritablement obligée de plaider en justice pour obtenir la réalisation d'un droit apparemment incontestable).

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Remarque : Si l'idée de faute peut être sous-jacente à une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'existence d'une faute n'est pas, en revanche, une condition d'application de ce texte. Il s'ensuit que, le juge n'est pas tenu de constater une faute, la malice, l'intention de nuire ou des procédés dilatoires. L'équité se suffit à elle-même.

Aussi bien est-il nécessaire de distinguer l'application de l'article 700 du code de procédure civile de la demande de dommages-intérêts pour abus de droit d'agir en justice, qui suppose obligatoirement l'existence d'une faute, d'un dol, d'une erreur grossière... (l'article 700 ne peut être invoqué, ni appliqué en cas de demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ; Civ. 1re, 26 avril 1978, Bull. I., p.122 ; 11 mars 1980, ibid. I, p. 66).

B. Objet de la condamnation : remboursement de frais irrépétibles

1. Nature des frais non récupérables

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Il s'agit essentiellement des honoraires versés à l'avocat.

Accessoirement, peuvent être pris en compte d'autres frais tels que :

- honoraires payés à d'autres professionnels ;

- frais de constitution de dossier ;

- ou encore incidences fiscales entraînées par l'instance.

2. Récupération de seuls frais exposés

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Il en résulte notamment :

- que le préjudice moral occasionné par le procès ou le temps perdu en démarches diverses n'est pas indemnisé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile comme il l'est en matière de procédure abusive ;

- que, pour les litiges au cours desquels le service a dû effectivement supporter des frais irrépétibles de quelque importance [notamment le cas où il a eu recours au ministère d'un avocat, étant rappelé que l'administration ne doit utiliser qu'exceptionnellement cette faculté (cf. BOI-CTX-JUD-10-30-10 § 420), l'administration est fondée à demander l'application de ce texte.

II. Procédure de mise en œuvre

A. Condition de mise en œuvre de l'article 700 du code de procédure civile

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La partie qui sollicite l'application de ce texte n'est pas tenue de s'y référer expressément :

- les juges saisis d'une demande de dommages-intérêts pour indemniser des frais irrépétibles peuvent fonder la condamnation sur l'article 700 du code de procédure civile (Civ. 1re, 19 juillet 1978, Bull. I n° 277, p. 216) ;

- en concluant à la condamnation de son adversaire à lui payer une certaine somme pour « nécessité de plaider », une partie a implicitement demandé à être déchargée, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, des frais non inclus dans les dépens (Civ. 13 juin 1979, Gaz. Pal. 1979, 2, 562) ;

- est justifiée la décision accordant réparation sur le fondement de l'article 700 à un défendeur ayant introduit une demande de dommages-intérêts pour les nombreux frais à sa charge du fait de la procédure (Civ., 26 avril 1984, Bull. III, n° 92).

B. Partie susceptible d'être condamnée

1. Partie tenue totalement ou partiellement aux dépens

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L'article 700 du code de procédure civile ne s'applique qu'à une partie à la charge de laquelle la totalité ou une fraction des dépens a été mise et non celle qui doit n'en payer aucune (Civ. 2e, 3 janvier 1980, Bull. II, n° 1, p. 1 ; Civ. 2e, 1er juillet 1981, Bull. II, n° 144 ; Civ., 4 janvier 1985, D. 1985, IR 225), remarque étant faite que les sommes allouées en application de l'article précité comportent un fondement juridique et un objet distincts de ceux des dépens (Civ. 2e, 15 février 1984,; cf. également Civ. 3e, 26 avril 1984, Bull. III, n° 92).

2. Partie perdante

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C'est, en pratique, la généralité des cas, cependant :

- la condamnation n'est pas subordonnée à l'admission de toutes les demandes du plaideur qui invoque son application (Civ. 3e, 3 juin 1982, Bull. III, n° 141, p. 101) ;

- l'article 700 peut être appliqué à la partie gagnante, en particulier à un créancier qui a utilisé une procédure trop lourde pour recouvrer une créance minime (Civ. 2e, 1er décembre 1982 ; D. 1983, IR 155).

C. Pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond

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Les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain, c'est-à-dire échappant au contrôle de la Cour de cassation, concernant l'appréciation :

- de la situation économique de la partie condamnée ;

- de ce qui est équitable ;

- de l'opportunité d'une condamnation ;

- du montant de celle-ci.

D. Motivation de la décision du juge

1. Nécessité de motiver

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L'article 700 du code de procédure civile ne confère pas au juge un pouvoir discrétionnaire et ne le dispense pas de l'obligation de motiver sa décision.

2. Forme de la motivation

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La Cour de cassation semble ne vouloir opérer en la matière qu'un contrôle essentiellement formel.

Ainsi, elle estime que le jugement qui vise et applique l'article 700 du code de procédure civile admet nécessairement l'existence de frais irrépétibles (Civ. 3e, 16 octobre 1979, Bull. III, p. 139 ; 1re, 13 février 1980, Bull. I, p. 47).