Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Date de fin de publication du BOI : 29/06/2020
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTG-10-20-30-70

ENR – Mutations à titre gratuit – Successions – Champ d'application des droits de mutation par décès - Exonérations en raison de la nature des biens transmis - Monuments historiques ouverts au public détenus par le biais d'une société civile

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Le bénéfice de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit prévue à l'article 795 A du code général des impôts (CGI) en faveur des monuments historiques ouverts au public (cf. BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60) est applicable aux parts de sociétés civiles représentatives de ces biens.

Ce régime a pour objet d'établir une égalité de traitement entre les propriétaires de monuments historiques ouverts au public, que ces derniers soient détenus directement ou au travers de sociétés civiles.

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En conséquence, l'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue par les deux premiers alinéas de l'article 795 A du CGI et la convention type publiée en annexe au décret n°2003-1238 du 17 décembre 2003 s'appliquent, dans les mêmes conditions, aux mutations à titre gratuit (donations et successions) de parts de sociétés civiles qui détiennent et gèrent des monuments historiques, sous réserve des dispositions suivantes.

I. Portée de l'exonération

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L'extension de l'exonération prévue en faveur des parts de sociétés civiles représentatives de monuments historiques ne s'applique qu'à concurrence de la fraction de la valeur nette des parts qui correspond aux biens figurant dans la convention signée avec l'État.

Dès lors, pour déterminer la fraction de la valeur des parts de la société civile ouvrant droit au bénéfice de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit, il conviendra de procéder à une ventilation de la valeur vénale des parts de la société entre :

- d'une part, la fraction correspondant aux biens exonérés ;

- et, d'autre part, la fraction correspondant aux autres biens.

II. Conditions d'application de l'exonération des parts

A. Conditions relatives à la société civile

1. Détention en pleine propriété et gestion d'un monument historique par une société civile présentant un caractère familial

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L'exonération n'est applicable qu'aux parts de sociétés constituées uniquement entre des personnes parentes en ligne directe (grands-parents, parents, enfants, petits-enfants, ...) ou entre frères et sœurs, leurs conjoints et, le cas échéant, les enfants de ces différentes personnes.

Le caractère familial de la société doit être permanent. La totalité des parts de la société doit donc rester la propriété des membres de la famille tels que décrits ci-dessus ou de leurs descendants.

2. Imposition des revenus de la société civile dans la catégorie des revenus fonciers

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Cette disposition limite la portée de l'exonération aux sociétés qui exercent des activités purement civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, la tolérance permettant de ne pas soumettre à l'impôt sur les sociétés les sociétés civiles dont le montant hors taxe des recettes de nature commerciale n'excède pas 10 % du montant des recettes totales hors taxe s'applique aux sociétés gestionnaires de monuments historiques.

3. Conclusion entre la société civile et les ministres chargés de la culture et des finances d'une convention à durée indéterminée

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À cet égard, l'engagement de la société civile résulte de la signature du ou des gérants de la société agissant en conformité avec leurs pouvoirs.

Cette convention doit être obligatoirement souscrite antérieurement à la mutation à titre gratuit pour laquelle le bénéfice du régime de faveur est demandé ou, au plus tard, dans le délai légal de présentation de l'acte de donation ou de la déclaration de succession à la formalité de l'enregistrement. Il n'est donc pas nécessaire que celle-ci ait été souscrite lors de la constitution de la société civile. La procédure relative à la demande de convention, à son instruction et à la décision qui en résulte, s'effectue selon les mêmes modalités que celles prévues en matière de détention directe de monuments historiques (cf. BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60-III-B-2).

B. Conditions relatives au porteur des parts

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L'exonération ne peut s'appliquer qu'aux parts détenues depuis plus de deux ans par le donateur ou le défunt lorsque celui-ci les a souscrites ou acquises à titre onéreux.

C. Conditions relatives aux bénéficiaires de la transmission

1. Prise d'engagement par les bénéficiaires de la mutation à titre gratuit d'adhérer à la convention signée entre la société civile et les ministres chargés de la culture et des finances

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Lorsqu'un partage est intervenu avant la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, cette obligation n'incombe qu'aux attributaires des parts représentatives des monuments historiques qui demandent le bénéfice de l'exonération.

Cette condition d'engagement sera considérée comme remplie par la remise au service des impôts des entreprises ou au pôle enregistrement compétent pour enregistrer l'acte de donation ou la déclaration de succession, dans les délais prévus pour cet enregistrement, de la copie de la demande d'adhésion du bénéficiaire de la mutation à titre gratuit à ladite convention.

2. Obligation de conservation des parts par le donataire, héritier ou légataire pendant un délai de cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit

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Cette condition impose au bénéficiaire de la mutation à titre gratuit un délai de détention de cinq années avant de pouvoir céder à titre onéreux ou donner les parts reçues à un membre du groupe familial.

Cela étant, lorsque les héritiers, légataires ou donataires sont en indivision sur les parts ayant bénéficié de l'exonération, les cessions de droits indivis et les partages qui interviennent entre les membres de l'indivision ne sont pas considérés comme translatifs de propriété quand bien même ils entraîneraient la sortie d'un ou plusieurs co-indivisaires.

III. Modalités d'application

A. Procédure

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L'article 281 ter de l'annexe III au CGI qui précise les obligations déclaratives et les pièces justificatives à fournir par les héritiers, donataires ou légataires de parts de sociétés civiles propriétaires de monuments historiques qui demandent à bénéficier de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit.

Les héritiers, donataires ou légataires qui demandent à bénéficier des dispositions de l'article 795 A du CGI doivent déposer auprès du directeur régional des affaires culturelles du lieu de la situation des biens une demande de convention ou d'adhésion à la convention déjà existante en double exemplaire. Un exemplaire de cette demande est transmis à l'administrateur général des finances publiques concerné. La direction des finances publiques compétente est celle dans le ressort de laquelle l’immeuble est situé.

1. Documents à déposer au service des impôts des entreprises ou au pôle enregistrement

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Les héritiers, donataires ou légataires doivent remettre au service compétent pour enregistrer l'acte de donation ou la déclaration de succession dans les délais prévus pour cet enregistrement :

- une copie des statuts mis à jour de la société civile propriétaire du monument historique qui, conformément à l'article 1835 du code civil, déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement ;

- la liste des associés de la société civile à la date de la demande ;

- une copie, certifiée par le service du ministère chargé de la culture compétent, de la convention signée entre la société civile et l'État de la demande d'adhésion du bénéficiaire de la mutation à titre gratuit à ladite convention ;

- une copie des actes de souscription ou d'acquisition des parts transmises lorsque celles-ci ont été acquises à titre onéreux par le donateur ou le défunt ou des actes de donation ou des déclarations de succession dans le cas de transmission à titre gratuit ;

- une estimation au jour du décès ou de la donation :

- de la valeur des parts de la société civile ;

- de la fraction de la valeur nette de ces parts, correspondant aux biens objets de la convention lorsque l'actif de la société civile comprend des biens ne figurant pas dans la convention.

2. Décision sur la demande d'adhésion

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L'instruction des demandes de convention est assurée de la même manière que lorsque le monument historique est détenu directement par une personne physique (cf. BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60 III-B-2).

Les ayants droit disposent d'un mois à compter de la signature de l'avenant à la convention constatant leur adhésion pour en déposer une copie conforme au service des impôts ayant reçu le dépôt de l'acte de donation ou la déclaration de succession.

B. Liquidation des droits

120

Le recouvrement des droits exigibles sur les biens susceptibles de bénéficier de l'exonération est différé jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'adhésion des bénéficiaires de la mutation à titre gratuit à la convention.

Il s'ensuit que, pour la liquidation des droits dus sur une transmission qui ne comprend pas uniquement des parts de sociétés civiles susceptibles de bénéficier des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 795 A du CGI, la valeur de ces dernières est déduite :

- soit de la part imposable revenant à l'héritier, au donataire ou au légataire avant application, le cas échéant, de l'un des abattements prévus à l'article 779 du CGI en cas de partage pur et simple servant de base à la liquidation des droits exigibles sur la mutation en cause ou du legs particulier ;

- soit de la valeur exprimée dans l'acte ou dans la déclaration dans les autres cas.

C. Mention d'exécution de la formalité

130

Le différé de paiement des droits ne pouvant avoir pour effet de suspendre l'accomplissement de la formalité de l'enregistrement, la mention d'exécution de celle-ci doit comporter, soit la formule «gratis», soit l'indication du montant des droits afférents aux biens qui ne sont pas susceptibles de bénéficier des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 795 A du CGI. De même, en matière de succession, la quittance ne doit, éventuellement, être délivrée que pour le montant des droits effectivement perçus lors de l'enregistrement de la déclaration.

D. Exigibilité des droits. Différentes hypothèses

140

Les droits afférents aux parts susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 795 A du CGI et dont le paiement a été différé jusqu'à la décision qui statue sur la demande d'adhésion à la convention sont exigibles dans les conditions de droit commun et sans préjudice de l'application de l'intérêt de retard lorsque :

- la demande d'adhésion à la convention n'a pas été accordée ;

- la copie de l'avenant à la convention n'a pas été déposée au service des impôts dans le mois de sa signature.

Par ailleurs, les droits afférents aux parts qui ont bénéficié de l'exonération en cause deviennent exigibles, dans les conditions décrites au paragraphe IV en cas de déchéance du régime de faveur.

IV. Déchéance du régime de faveur

La remise en cause du bénéfice de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit sera effectuée dans les situations suivantes.

A. Non-respect par la société civile des règles fixées par la convention à durée indéterminée signée avec l'État

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Le troisième alinéa de l'article 795 A du CGI prévoit que les dispositions des premier et deuxième alinéas relatifs à l'exonération dont bénéficient les transmissions à titre gratuit de monuments historiques s'appliquent, dans les mêmes conditions, aux parts de sociétés civiles représentatives de ces biens.

Ainsi, lorsque la convention à durée indéterminée, signée entre la société civile et les ministres chargés de la culture et des finances n'est pas respectée, l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont ont bénéficié les parts de cette société est remise en cause, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues pour la détention en direct des biens, objets de la convention (cf. BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60 VI-B-2 et 3).

160

La convention est invalidée et les droits sont rappelés sur les transmissions à titre gratuit de ces parts notamment lorsque :

- l'un des engagements qu'elle comporte n'est pas respecté par la société civile ;

- tout ou partie des biens mobiliers ou immobiliers sur lesquels elle porte, fait l'objet d'un transfert de propriété à titre onéreux ;

- tout ou partie des biens meubles ou immeubles par destination ayant bénéficié de l'exonération fait l'objet d'un retrait.

170

La résiliation de la convention, conformément à son article 11, entraîne la fin du régime de faveur. Celle-ci est constatée par décision conjointe des ministres, sur rapport du directeur régional des affaires culturelles et de l'administrateur général des finances publiques territorialement compétents. Cette décision fixe la date à compter de laquelle la convention se trouve résiliée. Les biens sont alors soumis aux droits de mutation à titre gratuit dont ils avaient été exonérés.

Dans ce cas, l'assiette des droits est constituée par la valeur des parts de la société à la date de la résiliation.

Toutefois, les droits peuvent être établis sur la valeur déclarée lors de la donation ou du décès, si cette valeur est supérieure à celle prévue ci-dessus au jour de la résiliation. Dans ces deux hypothèses, les droits exigibles sont liquidés par application des taux en vigueur au jour de la transmission concernée, sans préjudice de l'application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI.

B. Non-respect de l'obligation de conservation des parts pendant cinq ans

180

Une nouvelle mutation à titre gratuit ou à titre onéreux des parts dans les cinq ans de la transmission entraîne la remise en cause de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont a bénéficié le donataire, l'héritier ou le légataire, devenu donateur ou vendeur.

Le respect de la condition de conservation des parts s'apprécie distinctement pour chaque mutation ayant bénéficié du régime de faveur.

Ainsi, en cas de pluralité de transmissions de parts de même nature (parts d'une même société civile) ayant bénéficié de l'exonération, la déchéance encourue par un bénéficiaire de l'exonération est sans incidence à l'égard des autres bénéficiaires.

190

La déchéance du régime de faveur doit être prononcée lorsque les parts reçues sortiront du patrimoine du ou des bénéficiaires. Une telle situation se présentera en cas de vente ou de donation de tout ou partie des parts reçues, que la mutation porte sur l'usufruit, la nue-propriété ou la pleine propriété de celles-ci. Lorsque l'obligation de conservation n'aura pas été respectée pour une fraction seulement des parts, la remise en cause de l'exonération s'appliquera donc à l'ensemble des parts, reçues par le bénéficiaire lors de la précédente transmission.

Cependant, l'exonération ne sera pas remise en cause en cas de transmission à titre gratuit résultant du décès du bénéficiaire intervenant dans les cinq ans de la mutation à titre gratuit initiale, même si ses ayants droit, renonçant à l'exonération dont ils pourraient eux-mêmes bénéficier, ne prennent pas l'engagement d'adhérer à la convention.

Le non-respect du délai de conservation des parts reçues pendant cinq ans à compter de la transmission à titre gratuit par le donataire, l'héritier ou légataire entraîne l'exigibilité des droits de mutation à titre gratuit, dont la mutation initiale des parts a été exonérée, majorés de l'intérêt de retard calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté (CGI, 1 du IV de l'article 1727).

C. Entrée dans la société civile d'un associé n'appartenant pas au cercle familial

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Le troisième alinéa de l'article 795 A du CGI réserve le bénéfice du régime de faveur aux seules parts de société civiles familiales constituées entre certains membres de la famille (cf. § II-A-1).

Dès lors, l'entrée dans la société d'une personne ne remplissant pas la condition du lien de parenté exigé entraîne la remise en cause de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont ont pu bénéficier les associés pour les parts qu'ils détiennent quel que soit le mode d'acquisition des parts par le nouvel associé.

Les droits de mutation à titre gratuit dont avaient été dispensés les associés deviennent exigibles, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI.

V. Cas particulier : création par les propriétaires de monuments historiques soumis au régime de la détention directe, d'une société civile dont l'objet est de gérer cette catégorie de biens

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Lorsque des héritiers, donataires ou légataires ont souscrit, lors d'une transmission à titre gratuit d'un monument historique, une convention avec les ministres de la culture et des finances afin de bénéficier de l'exonération prévue au premier alinéa de l'article 795 A du CGI, il est admis que ce régime de faveur ne sera pas remis en cause en cas d'apport ultérieur des biens exonérés à une société civile telle que définie au troisième alinéa de l'article 795 A du CGI, sous réserve que :

- l'opération soit effectuée par l'ensemble des signataires de la convention ou leurs ayants droit et à concurrence de l'ensemble des droits qu'ils détiennent sur le monument historique ;

- les apports soient effectués à titre pur et simple ;

- la société, par l'intermédiaire de son gérant, souscrive, dans un délai de six mois à compter de la réalisation des apports, un avenant à la convention dans lequel elle s'oblige aux engagements initialement pris par les signataires de cette convention.

Cette opération aura pour effet de soumettre l'ensemble des associés et la société civile au régime de détention indirecte des monuments historiques tel qu'il est prévu ci-avant.