Date de début de publication du BOI : 06/04/2016
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTOI-10-70-30

ENR - Mutations de propriété à titre onéreux d'immeubles - Mutations autres que les échanges - Régimes spéciaux en faveur de l'agriculture - Acquisition d'immeubles ruraux par les fermiers

1

En application du D de l'article 1594 F quinquies du code général des impôts (CGI), sont soumises à la taxe de publicité foncière ou au droit d'enregistrement au taux réduit, les acquisitions d'immeubles ruraux à condition :

- qu'au jour de l'acquisition les immeubles soient exploités depuis deux ans au moins soit en vertu d'un bail consenti à l'acquéreur (personne physique ou morale), soit en vertu d'une mise à disposition par le preneur au profit d'une personne morale acquéreur;

- que l'acquéreur prenne l'engagement, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de mettre personnellement en valeur les biens acquis pendant un délai minimal de cinq ans à compter de la date du transfert de la propriété.

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Le même taux est applicable, sous les mêmes conditions, en vue de l'installation d'un descendant majeur de l'acquéreur.

I. Champ d'application du régime des acquisitions d' immeubles ruraux par les fermiers

A. Nature des biens

20

Il doit s'agir d'immeubles ruraux, quel qu'en soit le prix ou la superficie, c'est-à-dire d'immeubles principalement affectés à la production agricole au jour du transfert de propriété. Le régime de faveur est susceptible de s'appliquer aux terrains et aux bâtiments d'exploitation ainsi qu'au cheptel et au matériel présentant le caractère d'immeuble par destination ; il ne bénéficie aux bâtiments servant à l'habitation de l'exploitant et de son personnel que dans la mesure où ils constituent véritablement l'accessoire de l'exploitation agricole.

Le caractère rural ou urbain d'un immeuble dépend non de sa situation, mais de sa nature et de sa principale destination. Un immeuble est considéré comme rural s'il est principalement affecté à un usage agricole au jour du transfert de propriété. La profession de l'acquéreur n'a pas à être prise en considération.

Le régime de faveur n'est donc pas applicable à l'acquisition d'une maison d'habitation qui ne constitue pas l'accessoire d'une exploitation agricole et ne saurait, par suite, être considérée comme un immeuble rural.

Tel est le cas d'une maison pourvue de dépendances bâties avec parc et piscine et utilisée à titre de résidence secondaire.

B. Nature juridique de la mutation

1. Principes

30

Le tarif réduit de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement est susceptible de s'appliquer aux mutations à titre onéreux de propriété, d'usufruit ou de nue-propriété d'immeubles visées par l'article 683 du CGI et l'article 685 du CGI. Il s’applique notamment aux ventes, aux soultes d'échange ainsi que, le cas échéant, aux soultes des partages autres que les partages de succession, ou de communauté conjugale et assimilés qui entrent dans les prévisions de l'article 748 du CGI.

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RES N°2010/51 (ENR) du 14 septembre 2010 : Bénéficiaire de la taxation réduite prévue au D de l'article 1594 F quinquies du CGI en cas d'acquisition démembrée d'immeubles ruraux par des personnes différentes.

Question :

L'acquisition démembrée d'un immeuble rural, à savoir la nue-propriété par une personne physique et l'usufruit par une personne morale dont la personne physique est associée, peut-elle bénéficier de la taxation au taux réduit prévue par le D de l'article 1594 F quinquies du CGI pour chacune d'entre elles ?

Réponse :

Le I du D de l'article 1594 F quinquies du CGI dispose que les acquisitions d'immeubles ruraux sont soumises à la taxe de publicité foncière ou au droit d'enregistrement au taux de 0,60 % à condition qu'au jour de l'acquisition les immeubles soient exploités depuis au moins deux ans soit en vertu d'un bail consenti à l'acquéreur personne physique ou à la personne morale acquéreur, soit en vertu d'une mise à disposition par le preneur au profit de la personne morale acquéreur. De plus, l'acquéreur doit prendre l'engagement, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de mettre personnellement en valeur lesdits biens pendant un délai minimal de cinq ans à compter de la date du transfert de la propriété.

A cet égard, la doctrine administrative précise que le tarif réduit de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement est susceptible de s'appliquer aux mutations à titre onéreux de propriété, d'usufruit ou de nue-propriété d'immeubles visés par l'article 683 du CGI et l'article 685 du CGI.

Par ailleurs, en application de l'article 578 du code civil qui dispose que l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance, seul l'usufruitier d'un immeuble rural peut le mettre personnellement en valeur et non le nu-propriétaire.

Par suite, seule l'acquisition de l'usufruit de l'immeuble rural par la personne morale pourra bénéficier du tarif réduit prévu au D de l'article 1594 F quinquies du CGI si elle prend l'engagement de mettre personnellement en valeur le bien pendant cinq ans.

L'acquisition de la nue-propriété de l'immeuble rural par la personne physique sera soumise aux droits d'enregistrement de droit commun au taux global de 5,09 % (CGI, art. 1584, CGI, art. 1594 D, CGI, art. 1595 bis et CGI, art. 1647, V).

Remarque : Les taux exprimés dans ce rescrit sont ceux en vigueur au 14 septembre 2010. Pour les taux actuellement en vigueur, il convient de se reporter au BOI-ENR-DMTOI-10-20.

2. Cas particulier des partages de succession, de communauté ou d'indivision conjugale ; licitations et cessions de droits successifs portant sur les mêmes biens

50

Ce régime est moins favorable que celui applicable aux mêmes opérations portant sur des biens qui ne dépendent pas de successions, de communautés ou d'indivisions conjugales (visées à l'article 1542 du code civil), ou qu'aux licitations ou cessions de droits successifs consenties au profit de personnes autres que les indivisaires ou leurs ayants droit, lorsque ces adjudicataires ou cessionnaires ont la qualité de fermier des biens acquis.

Dans un souci d'équité, il a été admis que, lorsque les conditions prévues par le D de l'article 1594 F quinquies du CGI sont réunies, les parties peuvent opter pour l'application du régime fiscal prévu par ce texte au montant de la soulte ou des parts acquises par le colicitant adjudicataire ou encore au prix de la cession.

3. Cessions de droits indivis entre ex-époux mariés sous un régime de séparation de biens

60

En cas de cession de droits indivis par une ex-épouse à son ex-époux marié sous un régime de séparation de biens portant sur un immeuble rural, il est admis l'application des dispositions du D de l'article 1594 F quinquies du CGI, sous réserve que l'acquéreur justifie, par tous moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite, qu'à la date de l'acte il exploite effectivement depuis deux ans au moins le bien en cause et qu'il prenne l'engagement de le mettre en valeur pendant au moins cinq ans.

4. Échange

70

Le régime de faveur n'est pas, en principe, applicable aux échanges. Il est admis, toutefois, que le régime établi pour les échanges d'immeubles dont la vente serait susceptible de bénéficier d'une taxation réduite puisse profiter aux échanges qui ont pour objet des immeubles ruraux dont la mutation à titre onéreux entre dans les prévisions du D de l'article 1594 F quinquies du CGI (BOI-ENR-DMTOI-20-30 au I-B-1 § 50 et suiv.).

5. Mutation affectée d'une condition suspensive

80

L'acte qui constate une vente susceptible de bénéficier du régime de faveur et soumise à une condition suspensive est assujetti à la taxe ou au droit fixe des actes innomés.

II. Conditions d'application du régime de faveur des acquisitions d'immeubles ruraux par les fermiers

A. Conditions préalables

90

Aux termes du D de l'article 1594 F quinquies du CGI, au jour de l'acquisition, les immeubles doivent être exploités depuis deux ans au moins soit en vertu d'un bail consenti à l'acquéreur (personne physique ou morale), soit en vertu d'une mise à disposition par le preneur au profit de la personne morale acquéreur.

1. Titulaire du bail

100

Lorsque l'acquéreur est une personne physique, le bail peut être consenti à l'acquéreur lui-même ou à son conjoint, à ses ascendants ou aux ascendants de son conjoint.

110

Lorsque l'acquisition est réalisée par le conjoint du titulaire du bail, la loi ne prend pas en considération le régime matrimonial des époux. Le bénéfice du tarif réduit ne peut donc pas être refusé à l'acquisition faite par l'épouse du preneur, même séparée de biens.

120

Le régime de faveur peut également s'appliquer à l'acquisition réalisée :

- par un descendant issu d'un précédent mariage du conjoint du titulaire du bail ;

- par un adopté simple lorsque la location a été consentie à l'adoptant.

130

Il est aussi susceptible de s'appliquer à l'acquisition d'un fonds exploité par un maître valet dans le cas, assez rare, semble-t-il, où la convention qui lie ce dernier au propriétaire s'analyse en un véritable contrat de location. Il en est de même lorsque l'acquisition est le fait d'un copreneur. Par contre, l'achat réalisé par le père du preneur ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du taux réduit.

140

Dans l'hypothèse où l'acquéreur n'est locataire que d'une partie de l'exploitation, le régime de faveur n'est susceptible de s'appliquer qu'à la fraction correspondante du prix.

150

Par ailleurs, à défaut d'un texte particulier, les membres des sociétés civiles agricoles ne peuvent bénéficier du régime de faveur lorsqu'ils acquièrent des biens loués à la société.

De même, lorsque des immeubles ruraux ont été loués directement à un GAEC et que le bail ne fait pas suite à une précédente location consentie à l'associé acquéreur, le régime de faveur n'est pas applicable.

160

De la même manière, l'adjudication d'un domaine rural exploité par une SCI aux associés de celle-ci et non à la société ayant une existence, une capacité et une personnalité juridique distinctes d'eux ne peut bénéficier du tarif réduit édicté par le D de l'article 1594 F quinquies du CGI, alors, au surplus, que la présence des adjudicataires sur les biens exploités ne prouve pas l'existence d'un bail verbal à eux consenti et que, par ailleurs, les intéressés n'ont pas fait état du groupement foncier agricole destiné à succéder à la SCI et à recevoir l'apport des biens adjugés qu'ils ont constitué ultérieurement.

170

Le preneur à bail d'immeubles ruraux qui les met à la disposition d'une EARL dont il est associé peut, en cas d'acquisition des biens au cours de cette mise à disposition, bénéficier du régime de faveur de l'article 705 du CGI sous réserve, d'une part, que l'ensemble des conditions d'application de cet article soient remplies et que, d'autre part, les immeubles en cause soient mis à la disposition de la société dans les conditions prévues à l'article L. 411-37 du code rural (RM Anciaux n° 38922, JO AN du 16 décembre 1996, p. 6592).

Remarque : L'article 705 du CGI a été transféré au 31 mars 1999 sous l'article 1594 F quinquies du CGI.

180

Il est aussi susceptible de s'appliquer à l'acquisition d'un fonds exploité par un maître valet dans le cas, assez rare, semble-t-il, où la convention qui lie ce dernier au propriétaire s'analyse en un véritable contrat de location. Il en est de même lorsque l'acquisition est le fait d'un copreneur. Par contre, l'achat réalisé par le père du preneur ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du taux réduit.

2. Existence d'un bail

190

En application du D de l'article 1594 F quinquies du CGI, les immeubles doivent être exploités, au jour de l'acquisition, depuis au moins deux ans :

- soit en vertu d'un bail consenti à l'acquéreur personne physique, à son conjoint, à ses ascendants ou aux ascendants de son conjoint ou à la personne morale acquéreur ;

- soit en vertu d'une mise à disposition par le preneur au profit de la personne morale acquéreur.

Le régime de faveur n'est applicable en principe que si les biens acquis font l'objet d'un bail. La location dont se prévaut l'acquéreur doit être réelle.

a. Autorisations de mise en culture

200

Pour permettre la mise en valeur des terres incultes récupérables ou manifestement sous-exploitées, l'article L. 125-1 du code rural et de la pêche maritime donne à toute personne physique ou morale la possibilité de demander au préfet l'autorisation d'exploiter une parcelle susceptible d'une mise en valeur agricole ou pastorale et inculte ou manifestement sous-exploitée depuis au moins trois ans (deux ans dans les zones de montagne) par comparaison avec les conditions d'exploitation des parcelles de valeur culturale similaire des exploitations agricoles à caractère familial situées à proximité, lorsque, dans l'un et l'autre cas, aucune raison de force majeure ne peut justifier cette situation. Une procédure est organisée pour constater l'état d'inculture ou de sous-exploitation manifeste. Le droit d'exploitation est accordé par le préfet après avis de la commission départementale des structures agricoles et de la commission départementale d'aménagement foncier.

Aux termes de l'article L. 125-13 du code rural et de la pêche maritime, l'autorisation d'exploiter peut être également accordée pour des parcelles dont le propriétaire actuel est inconnu et qui sont appréhendées par l'État comme biens présumés sans maître, conformément aux dispositions de l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques. L'aliénation de ces immeubles a lieu dans la majorité des cas sous forme de cession amiable au profit de l'exploitant du bien appréhendé.

Il a paru possible d'assimiler les autorisations de mise en culture accordées par le préfet à des baux, pour l'application des dispositions du D de l'article 1594 F quinquies du CGI. Les titulaires de ces autorisations peuvent, en conséquence, bénéficier, pour les acquisitions de ces immeubles, du régime de faveur édicté par ce texte si les autres conditions qu'il prévoit sont remplies.

b. Usufruit et droit d'usage

210

Pour ne pas soumettre l'usufruitier qui se rend acquéreur de la nue-propriété de l'immeuble rural qu'il exploite à un régime fiscal plus rigoureux que celui du fermier et sous réserve de l'examen des situations particulières, il est admis l'application dans ce cas des dispositions du D de l'article 1594 F quinquies du CGI. L'acquéreur devra justifier par tous moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite qu'il exploite effectivement depuis deux ans au moins les biens dont il acquiert la nue-propriété et prendre l'engagement prévu au 2° du I du D de l'article 1594 F quinquies du CGI .

Il en est de même lorsque l'acquisition porte sur un bien sur lequel l'acquéreur bénéficiait d'un droit d'usage.

3. Durée de la location

220

L'application du tarif prévu au D de l'article 1594 F quinquies du CGI est subordonnée à la condition que l'acquéreur apporte la preuve que l'immeuble est exploité en vertu d'un bail conclu depuis au moins deux ans au moment de l'acquisition ou d'une mise à disposition par le preneur.

225

Toutefois il est admis que, lorsque la location dont le preneur se prévaut ne présente pas une antériorité de deux ans au moins au jour de l'acquisition, il peut être tenu compte de la location immédiatement antérieure consentie audit preneur ou à son ascendant, à son conjoint ou à un ascendant de son conjoint.    

B. Engagement d'exploiter

230

L'acquéreur ou, le cas échéant, l'enfant installé, doit s'engager dans l'acte d'acquisition, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, à exploiter personnellement les immeubles, objets de la mutation, pendant un délai minimal de cinq ans à compter de la date du transfert de propriété.

240

L'acquisition par le fermier du bâtiment d'habitation et par son fils du surplus des biens affermés, c'est-à-dire la scission des terres et du bâtiment d'habitation ne permet pas à l'acquéreur du bâtiment de respecter cette condition et, par suite, de bénéficier du taux réduit de la taxe de publicité foncière.

250

Il convient d'observer que l'acquéreur s'engage non seulement pour lui et ses héritiers mais aussi pour les légataires ou donataires entre vifs ou à cause de mort qu'il a institués. Il s'ensuit, notamment, que la donation des immeubles acquis intervenant moins de cinq ans après leur acquisition n'est pas susceptible d'entraîner la déchéance du régime de faveur, si le gratifié continue à mettre personnellement en valeur les biens considérés.

260

L'acquisition d'immeubles ruraux par une société est susceptible de bénéficier du régime de faveur lorsque les conditions édictées par le D de l'article 1594 F quinquies du CGI sont réunies. Dans ce cas, la société se borne à prendre l'engagement de mettre personnellement en valeur les biens acquis pendant un délai minimal de cinq ans à compter de la date du transfert de propriété, dès lors qu'elle ne peut prendre cet engagement pour ses ayants cause à titre gratuit.

III. Déchéance du régime de faveur des acquisitions d'immeubles ruraux par les fermiers

270

L'inobservation de l'engagement d'exploitation personnelle pendant cinq ans entraîne, en principe, la déchéance du régime de faveur.

Lorsqu'elle est encourue, la déchéance entraîne l'exigibilité du complément de droits et de l'intérêt de retard.

A. Causes de la déchéance

280

Deux causes de déchéance sont prévues :

- la cessation par l'acquéreur ou ses ayants cause à titre gratuit -ou le cas échéant par le descendant installé- de l'exploitation personnelle du fonds, dans le délai de cinq ans à compter de la date de son acquisition ;

- l'aliénation à titre onéreux, dans le même délai, de la totalité ou d'une partie du fonds.

B. Cas particuliers d'application

1. Cession de parts de GFA, GAEC, EARL ou SCEA remises en contrepartie de l'apport du bien

290

La déchéance du régime de faveur, non remis en cause lors d'apports à des GFA, GAEC, EARL ou SCEA (cf. III-C-4 § 350 à 370) est encourue lorsque les parts reçues en rémunération de l'apport font l'objet d'une vente ou d'un échange dans le délai restant à courir entre la date de l'apport et l'expiration du délai de cinq ans suivant la date du transfert de propriété initial.

2. Location du bien

300

La location du bien mettant fin à l'exploitation personnelle du fonds par l'acquéreur entraîne, en principe, la déchéance du régime de faveur. 

Il est toutefois dérogé à ce principe dans certains cas, et sous certaines conditions, étudiés aux III-C-9 § 420 et III-D § 450 et suivants.

3. Apport en jouissance à une société créée de fait

310

L'apport en jouissance de biens acquis avec le bénéfice de la taxation réduite prévue au D de l'article 1594 F quinquies du CGI à une société créée de fait met fin à l'engagement d'exploiter personnellement pris par l'acquéreur. Le régime de faveur cesse de s'appliquer de plein droit puisqu'en droit fiscal cette société est traitée comme une société dotée de la personnalité morale.

Toutefois, il est fait exception à cette règle pour les apports consentis à des GFA, des GAEC, des EARL, et des SCEA (cf. III-C-4 § 350 à 370).

C. Exceptions

1. Force majeure

320

Tout d'abord, aucun des deux motifs de déchéance ne produit d'effet lorsqu'il procède d'un cas de force majeure, c'est-à-dire, d'après la jurisprudence de la cour de cassation, d'un événement imprévisible, insurmontable et totalement étranger au fermier acquéreur à la condition qu'il ait un lien de causalité directe avec le non-respect de l'engagement.

La question de savoir si l'on se trouve ou non en présence d'un cas de force majeure est une question de fait qui ne peut être résolue qu'après examen de l'ensemble des circonstances propres à chaque affaire.

2. Aliénation à un descendant ou au conjoint d'un descendant de l'acquéreur

330

L'aliénation à titre onéreux ou la location du fonds, même non motivée par un cas de force majeure, n'entraîne pas la déchéance du régime de faveur :

- lorsqu'elle est consentie à un descendant ou au conjoint d'un descendant de l'acquéreur, qui s'engage lui-même à continuer l'exploitation personnelle du fonds jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date de l'acquisition initiale ;

- lorsqu'elle est consentie au descendant pour l'installation duquel l'acquisition a été réalisée.

3. Échange

340

Le deuxième alinéa du 2° du 1 du D de l'article 1594 F quinquies du CGI dispose que l'échange n'entraîne pas la perte des allégements à la double condition :

- que l'engagement d'exploitation personnelle souscrit pour les biens cédés soit reporté sur les biens ruraux reçus en contre-échange ;

- que ces biens soient d'une valeur au moins égale à celle des biens cédés.

Si les biens reçus en contre-échange ont une valeur inférieure à ceux acquis initialement, la déchéance n'est encourue que pour la différence de valeur.

Aucune remise en cause du régime initial ne peut être effectuée lorsque l'aliénation des biens acquis par échange constitue un cas de force majeure.

Ces règles sont applicables lors des remembrements et des échanges multilatéraux volontaires ou rendus obligatoires par une décision administrative. En revanche, elles ne peuvent s'appliquer aux échanges de jouissance opérés conformément à l'article L. 411-39 du code rural et de la pêche maritime.

4. Apport en propriété à un GFA, un GAEC, une EARL ou une SCEA

350

En cas d'apport :

- à un groupement foncier agricole (GFA) ;

- à un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) ;

- à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ;

- à une société civile d'exploitation agricole (SCEA),

de biens immobiliers ruraux dont l'acquisition par l'apporteur a bénéficié du tarif réduit prévu au troisième alinéa du 2° du 1 du D de l'article 1594 F quinquies du CGI, le maintien du régime de faveur est subordonné, notamment, à l'engagement par ce dernier, pour lui, son conjoint ou ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts remises en contrepartie de l'apport jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter du transfert de propriété initial des biens.

a. Nature des apports

360

Le maintien du régime de faveur n'est admis que pour les apports à titre pur et simple.

En revanche, le bénéfice du tarif réduit serait remis en cause en cas d'apport à titre onéreux de biens acquis sous le régime de faveur dès lors que les apports de cette nature constituent des cessions.

Si l'apport n'est onéreux que pour partie, seule la fraction du prix d'acquisition afférente aux immeubles ainsi apportés supportera le complément de taxe de publicité foncière ou de droit d'enregistrement, et l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du CGI.

Il a toutefois paru possible d'admettre que la prise en charge, par le groupement ou la société, du passif contracté par l'apporteur pour l'acquisition, l'entretien, l'amélioration ou l'exploitation des biens apportés, ne motiverait pas la remise en cause du régime de faveur prévu au D de l'article 1594 F quinquies du CGI.

b. Engagement à souscrire par l'apporteur

370

L'engagement pris par l'apporteur, pour son propre compte et pour celui de son conjoint et de ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts remises en contrepartie de son apport, doit être inclus dans l'acte d'apport.

Les parts ainsi reçues doivent être conservées pendant le délai qui reste à courir jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans calculé à compter de la date du transfert de propriété initial.

La mutation à titre gratuit des parts résultant du décès ou d'une donation n'entraîne pas la déchéance du régime de faveur à la condition que les héritiers, légataires ou donataires conservent ces parts jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans précité.

5. Partage de biens ruraux

380

Le partage de biens ruraux consécutif à l'acquisition de droits indivis réalisée sous le bénéfice des dispositions du D de l'article 1594 F quinquies du CGI n'est pas susceptible d'entraîner la déchéance de ce régime de faveur si la valeur des biens attribués au copartageant qui a bénéficié de la taxation réduite est au moins égale à celle des droits indivis qu'il avait acquis.

6. Départ à la retraite de l'exploitant

390

Le départ en retraite de l'exploitant n'est pas susceptible d'entraîner, à lui seul, la déchéance du régime de faveur prévu au D de l'article 1594 F quinquies du CGI, lorsque les immeubles ruraux en cause sont compris dans les superficies dont un agriculteur est autorisé à poursuivre la mise en valeur dans les conditions prévues à l'article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime.

A concurrence de cette superficie, il n'y a donc pas déchéance du régime de faveur accordé lors de l'acquisition de l'exploitation.

7. Biens exploités par le conjoint de l'acquéreur

400

Une interprétation littérale des dispositions légales conduirait à remettre en cause les allégements fiscaux lorsque le conjoint acquéreur n'exploite pas personnellement l'immeuble qu'il a acquis pendant un délai minimal de cinq ans. Toutefois, il a été admis qu'en raison de la communauté de fait existant entre deux époux qui cohabitent, la déchéance du bénéfice du tarif réduit n'est pas encourue lorsque les biens acquis sont exploités par le conjoint de l'acquéreur. Il en est ainsi quel que soit le régime matrimonial des époux. Mais, bien entendu, une telle solution ne pourrait être maintenue en cas de rupture de la « communauté conjugale » si l'époux acquéreur était séparé de corps et n'exploitait pas personnellement l'immeuble rural qu'il a acquis, la déchéance devrait évidemment être prononcée.

La même solution trouve à s'appliquer dans le cas où l'acquisition a été faite en vue de l'installation d'un descendant majeur de l'acquéreur et que les biens acquis sont exploités par le conjoint du descendant.

8. Aménagement des locaux d'habitation en gîte rural

410

L'aménagement des locaux d'habitation en gîte rural ne peut être regardé, en principe, comme répondant à l'engagement de mettre personnellement en valeur les biens acquis sous le régime de faveur du D de l'article 1594 F quinquies du CGI. Il est toutefois admis que cet engagement n'est pas méconnu si les locations saisonnières conservent un caractère nettement accessoire. Cette condition est réputée satisfaite lorsque les loyers perçus ne dépassent pas 10 % du total des recettes tirées de la propriété.

9. Vente ou location du bien à un descendant

420

L'aliénation à titre onéreux ou la location du fonds, même non motivée par un cas de force majeure, n'entraîne pas la déchéance du régime de faveur :

- lorsqu'elle est consentie à un descendant ou au conjoint d'un descendant de l'acquéreur, qui s'engage lui-même à continuer l'exploitation personnelle du fonds jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date de l'acquisition initiale ;

- lorsqu'elle est consentie au descendant pour l'installation duquel l'acquisition a été réalisée.

Il est admis que le régime de faveur ne soit pas remis en cause lorsque l'acquéreur consent à son fils, dans le cadre d'un bail rural, la jouissance d'un bien acquis au taux réduit prévu à l'article 1594 F quinquies du CGI. À cet égard, la condition tenant à l'engagement de continuer l'exploitation personnelle du fonds, jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date de l'acquisition du bien concerné, est réputée satisfaite du seul fait de la production d'un bail écrit ayant date certaine.

10. Mise à disposition d'une société civile agricole

430

La mise à disposition d'une société civile agricole -quelle que soit sa forme- des biens acquis sous le régime de faveur du D de l'article 1594 F quinquies du CGI n'entraîne pas la remise en cause de celui-ci lorsqu'elle est effectuée dans les conditions fixées à l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, c'est-à-dire, notamment lorsque le propriétaire, auteur de la mise à disposition, participe effectivement à leur exploitation au sein de la société.

La mise à disposition doit, en outre, être réalisée conformément aux dispositions de l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime prévues pour les preneurs de baux ruraux et ne pas donner lieu, de ce fait, à l'attribution de parts (RM Daunay, n° 4365, JO sénat du 17 mars 1994, p. 591).

11. Concession à titre onéreux de la jouissance du bien à un GFA, un GAEC, une EARL, une SCEA ou à une société civile agricole

440

Le quatrième alinéa du 2° du 1 du D de l'article 1594 F quinquies du CGI dispose que le bénéfice du régime de faveur est maintenu lorsque la jouissance des biens acquis est concédée à titre onéreux, notamment par bail, à un groupement foncier agricole (GFA), à un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ou à une société civile d'exploitation agricole (SCEA).

Le maintien du régime de faveur est, toutefois, subordonné à la condition que l'acquéreur ou ses ayants cause à titre gratuit continuent de mettre personnellement en valeur les biens acquis dans le cadre du groupement ou de la société, jusqu'à l'expiration du délai de cinq années à compter de la date d'acquisition.

Il est admis que le régime de faveur est également maintenu en cas de concession à titre onéreux de la jouissance des biens acquis à un groupement foncier rural [GFR] (code rural et de la pêche maritime, art. L. 322-22, code rural et de la pêche maritime, art. L. 322-23 et code rural et de la pêche maritime, art. L. 322-24) dès lors que les biens dont la jouissance est concédée à titre onéreux sont des immeubles ruraux à usage agricole.

D. Effets de la déchéance

450

La déchéance n'atteint que la partie du prix d'acquisition afférente aux immeubles affectés par l'événement qui la provoque.

En application du I de l'article 1840 G ter du CGI, lorsque la déchéance est encourue, l'acquéreur et ses ayants cause à titre gratuit sont tenus d'acquitter dans le mois qui suit la rupture de l'engagement :

- le complément de taxes dont l'acquisition avait été dispensée, qui est égal, en principe, à la différence entre le droit de mutation au taux de droit commun et le droit initialement perçu au taux réduit ;

- l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du CGI, calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté, c'est-à-dire à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel les droits auraient dû être acquittés en l'absence de régime de faveur.

460

Dans l'hypothèse où les immeubles ayant été vendus au profit d'un descendant ou du conjoint d'un descendant de l'acquéreur, la déchéance est encourue postérieurement du fait du sous-acquéreur, celui-ci est tenu solidairement avec l'acquéreur initial d'acquitter sans délai le complément de taxe (CGI, art. 1754, V-7).

470

Lorsque la déchéance est intervenue postérieurement à l'apport de bien à un GFA, un GAEC, une EARL, une SCEA, les compléments de droits et intérêts de retard doivent être supportés par l'apporteur, son conjoint ou ses ayants cause à titre gratuit.

Dès lors, en cas de cession des parts pendant le délai de cinq ans, le conjoint ou les ayants cause à titre gratuit sont personnellement redevables des compléments de droits et pénalités en cas de déchéance du régime de faveur.

480

En cas de rupture partielle de l'engagement, la déchéance n'atteint que la partie du prix d'acquisition afférente aux immeubles affectés par l'événement qui la provoque.