Date de début de publication du BOI : 23/09/2013
Date de fin de publication du BOI : 16/07/2014
Identifiant juridique : BOI-SJ-AGR-20-20

SJ – Mesures fiscales soumises à agrément préalable - La rénovation de la structure des sociétés - Agrément délivré pour l'attribution en franchise d'impôt aux associés de la société apporteuse des titres émis en rémunération des apports

1

L'agrément prévu au 2 de l'article 115 du code général des impôts (CGI) permet de ne pas considérer l'attribution de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif placé sous le régime de l'article 210 A du CGI aux associés de la société apporteuse comme une distribution de revenus mobiliers.

I. Champ d'application de l'agrément

10

Le recours à la procédure de l'agrément, dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies du CGI, est nécessaire, que l'opération d'apport partiel d'actif soit réalisée par une société française dans les conditions de l’article 210 B dudit code ou par une société étrangère bénéficiant dans son état de résidence d’un régime comparable à celui de l’article 210 A du CGI.

Toutefois, il sera fait application de l'exclusion de portée générale prévue à l'article 210-0A du CGI, qui vise les opérations réalisées par une ou plusieurs sociétés dont le siège est localisé dans un État ou territoire n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Cette restriction géographique ne vise que les sociétés apporteuses et bénéficiaires et non les sociétés ou personnes physiques actionnaires de la société apporteuse, qui résideraient dans un des États ou territoires exclus.

20

En outre, il est précisé que l'opération d'attribution des titres n'est pas visée par la directive fusion du 23 juillet 1990 n° 90/434/CEE, son article 8-1 traitant de l’attribution de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire en échange de titres représentatifs du capital social de la société apporteuse.

30

Les dispositions prévues au 2 de l’article 115 du CGI permettent aux associés de la société distributrice de bénéficier de l'exonération de l'impôt de distribution à raison de l'attribution des titres reçus en contrepartie de l'apport.

II. Conditions de délivrance de l'agrément

40

Pour pouvoir bénéficier de l'agrément prévu au 2 de l'article 115 du CGI, l'opération doit remplir cumulativement plusieurs conditions.

A. L'existence d'un motif économique

1. Le motif économique

50

L'agrément est délivré lorsque l'apport partiel d'actif et l'attribution sont justifiés par un motif économique avéré tant pour l’entreprise apporteuse que pour l’entreprise bénéficiaire.

Répondent par exemple à cette condition les opérations d’apport qui, se traduisant par le regroupement d'une partie des activités de la société apporteuse avec les activités semblables ou connexes des sociétés bénéficiaires, activités exercées de manière autonome par l'une et l'autre de ces sociétés, ou par une simplification des structures ou une rationalisation des conditions d’exploitation au sein d’un groupe, sont suivies d'une attribution des titres à un holding de tête ou un holding « métier » afin de réunir sous un centre de décision unique les activités concernées.

60

Restent ainsi exclues les opérations à caractère patrimonial dans la mesure où ces opérations profitent davantage aux associés qu’aux entreprises concernées. A titre d’exemple, ne pourra être agréée l’attribution des titres émis en rémunération d’une opération d’apport qui consisterait à séparer des actifs patrimoniaux de l’activité opérationnelle.

De même, les opérations dans lesquelles l’apport préalable n’est réalisé que dans le seul objectif de placer une distribution en nature sous le bénéfice du régime prévu au 2 de l’article 115 du CGI ne peuvent être admises.

Exemple :

Une société A, qui détient des titres B, souhaite les distribuer à ses actionnaires. Les conséquences fiscales d’une telle opération sont en principe l’imposition de la plus-value de retrait d’actif des titres B au niveau de la société A et l’imposition au titre des revenus distribués au niveau de ses associés. Pour éviter ces conséquences, la société A peut prévoir d’apporter les titres B à une société coquille C puis d’attribuer les titres C à ses actionnaires dans le cadre du régime prévu au 2 de l’article 115 du CGI. Dans cette situation, l’apport n’est justifié par aucun motif économique réel puisqu’il vise uniquement à faire entrer une distribution dans le champ de ce même article. En outre, la société C n’exercera pas une véritable activité du fait de l’attribution contrairement à l’exigence posée par le 2 de l'article 115 du CGI.

2. Les éléments apportés et conservés doivent permettre l’exercice d’une activité autonome

70

Compte tenu des éléments apportés et conservés, chaque société partie à l'opération doit être en mesure d'exercer une activité autonome.

Ainsi, l'agrément sera notamment refusé dans le cas d'une société, qui ayant filialisé ses branches autonomes et complètes d'activité ne détiendrait plus, du fait de l'attribution gratuite à ses associés des titres reçus en contrepartie de ses apports, que des participations non significatives ou d’autres actifs isolés.

B. Apport placé sous le régime de faveur de l'article 210 A du CGI

80

L'agrément est délivré lorsque l'apport est placé sous le régime de faveur de l'article 210 A du CGI ou assimilé.

Sont en conséquence éligibles les attributions de titres consécutives à des apports partiels d’actif placés sous le régime de l’article 210 A du CGI mais aussi celles réalisées au profit des associés français de sociétés étrangères ayant réalisé des apports partiels d'actifs qui sont placés sous un régime fiscal comparable à cet article 210 A du CGI.

Il appartiendra à la société apporteuse étrangère ou à son représentant en France de justifier que l'opération d'apport est placée sous un régime fiscal produisant des effets équivalents à celui de l’article 210 A du CGI et qu’elle constitue une véritable restructuration du point de vue économique.

C. Association entre les parties

90

L'opération doit se traduire par une association entre les parties. Cette exigence s’apprécie à un double niveau :

- la proportionnalité ;

- l’engagement de conservation des titres.

1. La proportionnalité

100

L’agrément du 2 l'article 115 du CGI est réservé aux attributions de titres réalisées de manière proportionnelle aux droits des associés dans le capital de la société apporteuse. Sont donc exclues du champ du dispositif les répartitions qui ne bénéficieraient qu’à certains associés de la société apporteuse ou qui ne respecteraient pas les droits des associés dans le capital de la société distributrice. Un apport suivi d’une attribution de titres ne doit pas constituer un moyen de réaliser en neutralité fiscale une scission-partage alors que cette opération est exclue du régime de faveur.

Dès lors, tous les titres reçus en contrepartie de l’apport doivent être attribués proportionnellement aux droits des associés dans le capital, au jour de la réalisation de la distribution. D’une manière générale, toute disposition qui conduirait à la réalisation d’une attribution non proportionnelle de tous les titres est incompatible avec l’économie de ce dispositif.

Exemple :

La société X exerce deux activités opérationnelles, l’une de fabrication, l’autre de commercialisation. Son capital est réparti entre deux associés A et B qui détiennent respectivement 99,99 % et 0,1% du capital. Elle envisage d'apporter son activité de commercialisation à une société dédiée et d'attribuer les titres reçus en rémunération de l'apport à ses associés. Ces titres devront être répartis proportionnellement aux droits de chaque associé au jour de l'attribution. La distribution de tous les titres au seul associé A est incompatible avec ce dispositif quand bien même l'associé B recevrait du numéraire en compensation.

110

Cela étant, dans certains cas, il n’est pas toujours possible d’attribuer aux associés de la société apporteuse un nombre entier de titres nouveaux.

Exemple :

La société A, respectivement détenue par deux associés H1 et H2 à hauteur de 54,73 % et 45,27 %, reçoit en rémunération d’un apport 2500 actions D qu’elle envisage d’attribuer à ses associés dans le cadre du dispositif prévu au 2 de l’article 115 du CGI. Une application mathématique de la règle de proportionnalité conduirait à une impasse, l’associé H1 ayant droit à 1368,25 actions et l’associé H2 à 1131,75 actions.

Dans ce cas de figure, il apparaît possible d’admettre le versement par la société apporteuse d’une somme en espèces à la condition que cette somme n’ait pour seul objet que d’attribuer à chaque associé le nombre entier de titres le plus proche de celui auquel il aurait pu prétendre sans application d’une règle pratique d’arrondi.

Ainsi, la société A pourrait attribuer 1368 actions D à l’associé H1 et 1132 actions D à l’associé H2 en versant au premier une somme en espèces d’un montant correspondant à 0,25 action D.

2. L'engagement de conservation des titres

a. Le principe

120

L'agrément prévu au 2 de l’article 115 du CGI a vocation à être délivré dans le cadre d'opérations maintenant, à travers leurs actionnaires communs, des liens entre les sociétés parties à l'opération d’apport.

Ainsi, les associés de la société apporteuse devront s’engager à conserver les titres de cette société détenus au jour de l’apport ainsi que les titres de la société bénéficiaire qui leur sont attribués.

En principe, tous les associés de la société apporteuse devront souscrire l’engagement de conservation pour une durée minimale de trois ans à compter de la date de réalisation de l’apport.

130

Si les engagements de conservation sont affectés par des opérations ultérieures telles qu'une fusion ou une opération assimilée, le maintien du régime de faveur accordé du fait de décisions d'agrément antérieures ne pourra être obtenu que sur décision expresse de l'autorité ayant accordé l'agrément d'origine.

140

Les engagements doivent être souscrits dans la demande. A défaut, ils doivent l’être en tout état de cause préalablement à la délivrance de l'agrément.

b. Les exceptions

150

Toutefois, l'engagement cité pourrait ne pas être exigé des associés :

- ne prenant pas une part active à la gestion, au contrôle ou à l’administration de la société apporteuse  ;

- ou dont le pourcentage de participation est inférieur à 5% des droits de vote, sauf s’ils exerçaient au moment de l’apport des fonctions de direction ou d’administration leur conférant un pouvoir de décision sur l’opération ;

- ou exerçant au moment de l'apport des fonctions d'administration, à condition qu'ils ne détiennent au jour de l'apport que le nombre minimum d'actions requis par les statuts de la société pour exercer leur mandat.

En cas de difficulté, il appartiendra aux actionnaires de la société apporteuse de se rapprocher du bureau des agréments du service juridique de la fiscalité de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

160

Par ailleurs, certains cas particuliers peuvent également conduire à limiter le périmètre des actionnaires tenus de souscrire l’engagement de conservation.

Parmi ceux-ci seront évoquées successivement les situations suivantes :

1° Décès d'un actionnaire ayant souscrit l'engagement

170

En cas de décès pendant le délai de trois ans d’un associé tenu à l’engagement de conservation, il est admis que ses héritiers ne soient pas dans l’obligation de reprendre cet engagement à leur compte, sauf pour ceux qui exerçaient avant le décès une fonction de direction ou d’administration les ayant conduit à souscrire en leur nom l’engagement de conservation.

Exemple :

En N, la société A réalise un apport partiel d’actif placé sous le régime de l’article 210 A du CGI au profit de la société B et obtient l’agrément prévu au 2 de l'article 115 du CGI afin de répartir à ses actionnaires les titres de la société B ; le capital de la société A est ainsi réparti au jour de l’apport :

Monsieur C

21 %

Enfants de Monsieur C

Monsieur C1 (directeur général)

1 %

Mademoiselle C2

1 %

Madame C3

1 %

Monsieur D

16 %

Société G

60 %

En N+2, M. C décède. Mlle C2 et Mme C3, qui reçoivent chacune 7 % des titres de la société A et de la société B, ne sont pas tenues de reprendre l’engagement souscrit initialement par M. C dès lors qu’elles détenaient elles-mêmes moins de 5 % du capital de A et n'y exerçaient aucune fonction de direction ou d'administration. En revanche, M. C1, directeur général, devra s’engager à conserver les titres des sociétés A et B dont il hérite de son père.

2° Présence d’actionnariat salarié lié à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et à des plans d’épargne salariale

180

Eu égard à leur nature juridique de copropriété de valeurs mobilières dépourvues de la personnalité morale, les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) qui, régis par les articles L. 214-39 et L. 214-40 du code monétaire et financier (Comofi), sont constitués en vue de gérer l’épargne constituée dans le cadre de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et des plans d’épargne salariale, sont dispensés du double engagement de conservation des titres de la société apporteuse et de la société bénéficiaire.

3° Émiettement du capital et disproportion marquée entre la valeur économique de la société apporteuse et de la société bénéficiaire

190

L’engagement de conservation des titres de la société apporteuse et de la société bénéficiaire vise à garantir une association entre les parties participant à l’opération d’apport - attribution.

La condition d’association entre les parties suppose en conséquence que deux éléments cumulatifs soient réunis :

- d’une part, un pourcentage de titres sous engagement de conservation suffisamment important pour matérialiser en pratique une véritable « association » ;

- d’autre part, un rapport d’équivalence entre les sociétés apporteuse et bénéficiaire après réalisation de l’apport - attribution afin que le double engagement grevant le capital de la société apporteuse et de la société bénéficiaire présente une cohérence sur le plan économique.

200

L’attribution des titres de la société bénéficiaire au profit des actionnaires de la société apporteuse est le plus souvent motivée par le souci de maintenir un organigramme cohérent au sein d’un groupe, la société tête de groupe ayant vocation à porter les participations détenues dans toutes les sociétés opérationnelles. Dans cette situation, le capital de la société apporteuse est en règle générale détenu en totalité, moins, le cas échéant, les parts des administrateurs, par une seule et même société. La souscription de l’engagement de conservation ne soulève donc pas de difficultés.

210

Cela étant, dès lors que l’apport est réalisé non par une filiale opérationnelle mais par une société holding dont le capital est émietté et que les sociétés participant à l’opération d’apport - attribution ont une valeur réelle fortement dissemblable, l’engagement portant sur les titres de ces sociétés peut représenter une contrainte juridique disproportionnée par rapport à l’assiette fiscale que cet engagement a pour objet de préserver.

Exemple :

Répartition du capital et des droits de vote de la société Z :

Capital

Droits de vote

Auto-contrôle

3 %

0 %

Auto détention

2 %

0 %

Investisseur institutionnel 1

15 %

5 %

Investisseur institutionnel 2

21 %

1,50 %

Public et autres

57 %

90 %

Fonds commun de placement d'entreprise

2 %

3,50 %

La société Z est le holding de tête d’un groupe qui intervient dans deux domaines d’activité: la conception, la fabrication, la commercialisation et la distribution de logiciels d’une part, les prestations de service en matière informatique d’autre part.

Le groupe Z considère que ses deux activités nécessitent des moyens financiers et matériels différents et répondent à un modèle de développement économique distinct. En conséquence, la société Z envisage d’apporter les titres de ses filiales prestataires à une société nouvellement constituée, la société Y, puis d’attribuer sur le fondement du 2 de l’article 115 du CGI les titres de la société bénéficiaire à ses actionnaires.

Au terme de cette opération, la société Z serait la société de tête des filiales de conception, fabrication, commercialisation et distribution de logiciels tandis que la société Y serait la société de tête du pôle « prestations de services informatiques ».

La branche d’activité, fabrication, conception, commercialisation et distribution de logiciels est réputée avoir une valeur économique de 10 et la branche d’activité « prestations de services informatiques », une valeur économique de 1 000.

Sous réserve qu'il prenne une part active à la gestion, à l’administration ou au contrôle de la société Z, l'investisseur institutionnel 1 serait en principe le seul actionnaire de Z, hors les administrateurs détenant au jour de l’apport plus que le nombre minimum d’actions requis par les statuts de la société pour exercer leur mandat, tenu de souscrire l'engagement de conservation des titres Z et Y compte tenu de l'émiettement du capital de Z.

Toutefois, l’engagement de conservation grevant les titres des sociétés issues de l’apport– attribution apparaîtrait disproportionné par rapport à l’incidence économique de l’opération sur la situation antérieure de l’investisseur institutionnel 1

Dans cette situation, il sera donc admis que l’investisseur institutionnel 1 soit délié de l’engagement de conservation des titres de Z et de Y, dans la mesure où le capital de la société apporteuse est fortement émietté et que les poids économiques des sociétés résultant de l’apport attribution sont totalement dissemblables.

D. Objectif principal non fiscal

220

L'agrément ne sera pas délivré si l'objectif principal ou l'un des objectifs principaux de l'opération présentée est la fraude ou l'évasion fiscales. A cet égard, il est rappelé que la notion d'objectif principal de fraude ou d'évasion fiscale de l'opération est plus large que la notion jurisprudentielle de motivation exclusivement fiscale dégagée pour l'application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (procédure d'abus de droit).

Ainsi, notamment, l’enchaînement des opérations de restructuration ne doit pas avoir pour effet de priver le Trésor de toute souveraineté sur les plus-values de cession ultérieures afférentes aux titres apportés et aux titres répartis ou d’altérer l’assiette imposable de ces plus-values.

III. Portée de l'agrément

1. Au niveau des impôts directs

230

L'agrément prévu au 2 de l’article 115 du CGI permet de ne pas considérer l'attribution de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif placé sous le régime de l'article 210 A du CGI aux associés de la société apporteuse comme une distribution de revenus mobiliers, lorsque cette attribution, proportionnelle aux droits des associés dans le capital, a lieu dans le délai d'un an à compter de la réalisation de l'apport.

2. Au niveau des droits d'enregistrement

240

Les conséquences de l’agrément délivré en matière d’impôt sur les sociétés en application des dispositions du 2 de l'article 115 du CGI à une attribution de titres représentatifs d’un apport partiel d’actif placé sous le régime de l’article 210 B du même code aux associés de la société apporteuse sont étendues aux droits d’enregistrement.

250

Ainsi, en cas de délivrance de l’agrément, il est admis que cette attribution de titres ne soit pas considérée comme une rupture de l’engagement souscrit en application des dispositions du III de l’article 810 du CGI, sous réserve que les associés attributaires des titres reprennent à leur compte l’engagement de conservation des titres d’une durée de trois ans à compter de l’apport.

260

En outre, il est également admis que, dans le cas d’opérations ultérieures telles qu’une fusion ou une opération assimilée affectant les engagements de conservation, la décision expresse de maintien du régime de faveur en matière d’impôt sur les sociétés prise par l’autorité ayant accordé l’agrément d’origine emporte également maintien du régime de faveur en matière de droits d’enregistrement, les engagements de conservation des titres d’une durée de trois ans à compter de l’apport, souscrits en application des dispositions du III de l’article 810 du CGI, étant alors transférés aux nouveaux attributaires des titres.

IV. Modalités d'attribution des titres

270

Les titres susceptibles d'être attribués aux associés de la société apporteuse s'entendent des seuls titres émis en rémunération de l'apport (à l'exclusion notamment des titres détenus antérieurement par exemple) et exclusivement des titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire des apports.

A. Réalisation de l’attribution chez la société apporteuse

280

Il est rappelé que la rémunération d’un apport partiel d’actif est déterminée par la parité d’échange calculée sur la base de la valeur réelle des apports et de la société qui les reçoit. Exceptionnellement, la rémunération peut être calculée à partir des valeurs nettes comptables des sociétés bénéficiaires et apporteuses lorsque les conditions fixées sont réunies.

290

L’attribution des titres réalisée dans les conditions prévues au 2 de l'article 115 du CGI , qui n’est pas sur le plan fiscal constitutive d’une distribution de revenus mobiliers, peut prendre différentes formes juridiques : distribution de dividendes, distribution exceptionnelle, distribution d’acompte sur dividende, réduction de capital, etc.

300

Tous les titres émis en rémunération de l’apport, y compris les titres qui seraient créés à l’occasion de l’incorporation de la prime d’apport, peuvent être répartis en franchise d’impôt, à condition que la répartition soit effectuée dans le délai d’un an à compter de l'apport.

310

Conformément au 2 de l’article 210 B du CGI, les plus ou moins-values dégagées sur les titres répartis dans les conditions prévues au 2 de l’article 115 du CGI déjà cité ne sont pas retenues pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés dû par la personne morale apporteuse.

320

Pour l’appréciation du délai de deux ans prévu au 1 c de l’article 145 du CGI, la modification de la valeur comptable de la participation détenue dans la société apporteuse chez son actionnaire, du fait de l’entrée au bilan de ce dernier des titres de la société bénéficiaire de l’apport qui lui sont attribués, n’est pas considérée comme emportant rupture de l’engagement de conservation grevant les titres éligibles, dès lors que l’opération bénéficie des dispositions du 2 l'article 115 du CGI. Cet engagement est transféré, sans formalité particulière, sur les titres remis gratuitement par la société apporteuse. 

B. Conséquences de l’attribution chez les associés

1. Opérations internes

a. L’associé est une entreprise

330

Lorsque l’attribution des titres est réalisée au profit d'une entreprise, le 2 de l'article 115 du CGI dispose que les titres répartis doivent être inscrits au bilan pour une valeur égale au produit de la valeur comptable des titres de la société apporteuse et du rapport existant, à la date de l’apport, entre la valeur réelle des titres répartis et celle des titres de la société apporteuse. Ce calcul s’effectue en fonction des éléments recueillis à la date de l’apport.

Lorsque la valeur fiscale des titres de la société apporteuse est différente de leur valeur comptable, la plus-value de cession ultérieure de ces titres ainsi que celle des titres répartis est calculée à partir de cette valeur fiscale qui doit être répartie selon les mêmes modalités que celles prévues lorsque l'attribution des titres est réalisée au profit d'une entreprise (CGI, art. 115, 2).

Dans ce cas, les entreprises qui bénéficient de l'attribution des titres doivent joindre à leur déclaration annuelle de résultat un état faisant apparaître la date et la nature de l'opération ainsi que la valeur fiscale des titres attribués.

b. L’associé est une personne physique

340

La valeur fiscale des titres attribués à un associé personne physique est nulle, quand bien même elle n'est pas tenue aux engagements de conservation. Aussi, lors de la cession ultérieure de ces titres, le gain net réalisé sera égal au prix de cession, diminué des frais de vente.

c. Exemple

350

La société J apporte à la société M une branche complète et autonome d'activité. La société J a deux associés : l'entreprise C qui détient 94 % du capital, et une personne physique L qui détient les 6 % restants.

La société J a sollicité l’agrément prévu par le 2 de l’article 115 du CGI afin d'attribuer les titres de la société M reçus en contrepartie de son apport à ses associés C et L.

Les titres attribués à l’entreprise C seront inscrits au bilan de cette entreprise pour une valeur égale à :

Valeur comptable des titres de l'apporteuse J chez l'associé C

a

213 000

Valeur fiscale des titres de l'apporteuse J chez l'associé C

a'

150 000

Valeur réelle des titres de l'apporteuse J

b

3 260 000

Valeur réelle des titres de la bénéficiaire M émis

c

493 000

Valeur comptable des titres de la bénéficiaire M attribués

d = a x (c/b)

32 211

Valeur fiscale des titres de la bénéficiaire M attribués

d' = a' x (c/b)

22 684

Valeur comptable des titres de l'apporteuse J après attribution

a-d

180 789

Valeur fiscale des titres de l'apporteuse J après attribution

a'-d'

127 316

Les titres attribués à L sont quant à eux réputés avoir été acquis pour une valeur nulle.

2. Opérations d'apport réalisées par une société étrangère avec attribution des titres à des associés français

360

La société distributrice ou un représentant désigné à cet effet en France sera tenu de justifier que l'attribution de titres est consécutive à un apport partiel d’actif placé sous un régime fiscal comparable à celui de l’article 210 A du CGI et que l'ensemble des opérations constitue une véritable restructuration du point de vue économique.

Exemple :

La société espagnole A dont le capital est entièrement détenu par la société française F a réalisé un apport partiel d'actif au profit de la société espagnole B. La législation espagnole permet d’attribuer directement les titres reçus en contrepartie de l’apport à l’associé français de la société apporteuse A.

L'agrément peut être délivré si l'opération d'apport espagnole est motivée par un intérêt économique réel, a bénéficié d'un régime comparable à celui de l'article 210 A du CGI et si la société F s'engage à détenir les titres de la société A et les titres de la société B reçus de la société A en contrepartie de son apport pendant le délai minimum de trois ans à compter de l'apport. Dans ce cas, elle calculera les plus-values de cession ultérieure des titres A et B à partir des valeurs d et e du tableau ci-dessous.

Valeur comptable et fiscale des titres de l'apporteuse A chez l'associé F

a

126 370

Valeur réelle des titres de l'apporteuse A

b

290 570

Valeur réelle des titres de la bénéficiaire B émis

c

32 105

Valeur comptable et fiscale des titres B attribués chez l'associé F

d = a x (c/b)

13 963

Valeur comptable et fiscale des titres A après attribution chez l'associé F

e = a-d

112 407

3. Remboursement ultérieur par la société bénéficiaire de l'apport partiel d'actif des sommes incorporées à son capital ou à ses réserves à l'occasion de cet apport

370

En application de l’article 112 du CGI, les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursement d’apports ou de primes d’émission ne sont pas considérées comme des revenus distribués. Toutefois, une répartition n’est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis.

Pour l’application de ces dispositions, les sommes incorporées au capital ou aux réserves de la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif ayant donné lieu à l’attribution de titres dans les conditions prévues au 2 de l’article 115 du CGI ne sont pas considérées comme des apports.

Par conséquent, le remboursement ultérieur de ces sommes par la société bénéficiaire de l’apport présente toujours le caractère d’une distribution de revenus mobiliers.

Les difficultés particulières d’application de ces principes pourront être évoquées auprès de l’autorité qui a délivré l’agrément.

V. Procédure d'agrément

380

La procédure d'agrément suit les dispositions communes relatives aux agréments (BOI-SJ-AGR-10), qui précisent les particularités suivantes.

A. Le dépôt de la demande d'agrément

390

La demande doit être déposée, sous forme de réponse à un questionnaire dont le modèle est accessible à partir du lien suivant (BOI-LETTRE-000116), en trois exemplaires dont deux originaux signés. Une copie des trois dernières liasses fiscales de la société distributrice doit être annexée à cette demande.

B. La décision

400

La délivrance de l'agrément prévu au 2 de l'article 115 du CGI constitue un droit pour les sociétés qui remplissent les conditions fixées par la loi. Dès lors, l'agrément sera délivré lorsque toutes les conditions prévues pour son obtention seront remplies.

410

Conformément à l'article 1649 nonies du CGI, l'agrément est délivré par le ministre chargé du budget.

420

Cet agrément est distinct de celui prévu au 3 de l'article 210 B du CGI. Aussi lorsque la société qui réalise l'apport est française, deux demandes d'agrément distinctes doivent être déposées, le cas échéant, dans un document unique pour autoriser l'une, la dispense de l'engagement de conservation des titres reçus en rémunération de l'apport et l'autre, l'attribution de ces titres aux associés de la société apporteuse.

En revanche, lorsque la société qui réalise l'apport est étrangère, une seule demande sollicitant l'application des dispositions du 2 de l'article 115 du CGI au profit des associés français sera déposée.

430

La société distributrice sera tenue d’informer tous les associés, en particulier ceux qui ne sont pas soumis au double engagement de conservation des titres, ainsi que les établissements gestionnaires des titres détenus par les actionnaires personnes physiques, de la décision d’agrément et des modalités d'imposition retenues.

Lorsque la société distributrice est étrangère et qu’elle souhaite attribuer ses titres à ses associés français, elle devra désigner un représentant fiscal en France chargé de déposer une demande d’agrément commune à tous les associés résidents, qu’il s’agisse d’entreprises ou de personnes physiques.

VI. Perte du bénéfice de l'agrément

440

La perte du bénéfice de l'agrément suit les dispositions communes relatives au retrait et à la déchéance de l'agrément (BOI-SJ-AGR-10), à l'exception des particularités et précisions qui suivent.

450

Le non-respect des engagements souscrits dans le cadre de la procédure d'agrément entraîne en principe la mise en œuvre de la procédure de retrait d'agrément et la déchéance rétroactive du régime spécial appliqué à l'opération d'attribution agréée. Les associés de la société apporteuse sont donc placés rétroactivement dans la situation qui aurait été la leur si l'opération d'attribution n'avait pas bénéficié des dispositions du 2 de l'article 115 du CGI.

La rupture de l'engagement de conservation des titres entraîne de surcroît la remise en cause du régime de faveur prévu à l'article 210 B du même code appliqué à l'opération d'apport partiel d'actif initiale.

Exemple :

La société A a bénéficié de l'agrément prévu à l'article 210 B du CGI pour son opération d'apport partiel d'actif, consistant en l'apport des titres C, effectué au profit de la société B. Cet apport a été suivi de l'attribution au profit de la société D (unique associé de A), en application des dispositions du 2 de l'article 115 du CGI, des titres de la société B reçus en rémunération des apports.

Deux ans après cette opération, les titres B sont cédés par la société D. Cette cession constitue une rupture des engagements de conservation auxquels l'agrément était subordonné.

Les effets de ce retrait seraient alors les suivants :

Au niveau de la société A :

- L'agrément étant retiré, l'apport des titres C à la société B est rétroactivement soumis au régime de droit commun. La plus-value d'apport est imposée rétroactivement au titre de l'année de l'apport.

- La remise des titres de la société B à la société D doit être soumise aux règles des revenus distribués prévues aux articles 108 à 117 quater du CGI.

- La différence entre la valeur réelle des titres de la société B reçus en rémunération au jour de l'apport et leur valeur réelle au jour de la distribution à la société D constitue une plus-value de retrait d’actif, imposable chez la société A.

Au niveau de la société D, en raison de la déchéance rétroactive du régime de neutralisation prévu au 2 de l'article 115 du CGI, la valeur fiscale à retenir pour le calcul de la plus-value de cession des titres B, correspondra à la valeur réelle de ces titres lors de leur distribution par A.

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Les services vérificateurs ou services gestionnaires qui constateraient des éléments susceptibles de conduire au retrait de l'agrément doivent soumettre au bureau des agréments du service juridique de la fiscalité de la DGFiP leurs propositions tendant à faire rapporter la décision d’agrément.

Toute société ou ses ayants droits qui ne pourraient respecter les engagements ou les conditions auxquels a été subordonnée la décision d'agrément doivent se rapprocher du bureau des agréments.