Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-IS-BASE-60-10-40

IS – Base d'imposition – Dispositifs particuliers - Bénéfices réalisés par l'intermédiaire d'entreprises ou d'entités établies dans les pays à régime fiscal privilégié – Clause de sauvegarde

I. Clause de sauvegarde lorsque l'entreprise ou l'entité juridique est établie dans un État de l'Union européenne

1

En application du II de l’article 209 B du code général des impôts (CGI) si l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée dans un État membre de l'Union européenne, le dispositif n’est pas applicable si l’exploitation de l’entreprise ou la détention d’une entité soumise à un régime fiscal privilégié n’est pas constitutive d’un montage artificiel de la personne morale française dont le but serait de contourner la législation fiscale française.

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La notion de montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale est issue de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes et notamment de l’arrêt du 16 juillet 1998, « Imperial Chemical Industries plc », affaire C-264/96.

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Conformément à l’arrêt en date du 12 septembre 2006 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, "Cadbury Schweppes Plc.", affaire C196/04, l’existence d’un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale s’apprécie au regard de critères objectifs. Les dispositions de l’article 209 B du code général des impôts (CGI) ne trouveront pas à s’appliquer lorsque la réalité de l’implantation (existence physique en termes de locaux, personnels et équipements) et l’exercice effectif d’une activité économique seront établis (cf. point 70 de l’arrêt en date du 12 septembre 2006 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, "Cadbury Schweppes Plc.", affaire C196/04 : « La société résidente, qui est la mieux placée à cet effet, doit être mise en mesure de produire des éléments concernant la réalité de l’implantation de la société étrangère contrôlée et le caractère effectif des activités de celle-ci »).

L'exemple suivant illustre la notion de montage artificiel.

Exemple : Une prise de participation par une société française dans une société financière située dans un État de l’Union Européenne et bénéficiant d’un régime fiscal privilégié est constitutive d’un montage artificiel dès lors que cette société n’a aucune compétence technique en matière de placements financiers, qu’elle est restée sous la dépendance de l’établissement bancaire à l’origine de sa création pour la gestion de ses investissements et pour les décisions stratégiques concernant son activité, que ses actionnaires ne prennent pas part aux assemblées statutaires et qu’elle est dépourvue de substance. Ce montage vise à bénéficier d’une exonération des flux financiers (exonération des produits financiers dans l'État de la société financière et bénéfice du régime des sociétés mères et filiales en France à raison des distributions).

II. Clause de sauvegarde lorsque l'entreprise ou l'entité juridique est établie hors Union européenne

30

Le III de l’article 209 B du CGI prévoit une clause de sauvegarde à raison des entreprises ou entités juridiques exploitées ou détenues dans un État situé en dehors de l'Union européenne.

40

Lorsque au regard des conditions du I de l’article 209 B du CGI relatives au taux de participation et au caractère privilégié du régime fiscal, les personnes morales françaises sont dans le champ d’application des dispositions de l’article 209 B du CGI, elles en sont, sous réserve du  II § 60 automatiquement exonérées si leurs structures établies hors de France tirent leurs bénéfices de l’exercice d’activités industrielles et commerciales.

50

Cette «clause d’exonération automatique» ne s’applique pas lorsque les revenus des structures établies hors de France proviennent dans certaines proportions d’opérations expressément visées.

60

Toutefois, dans tous les cas, la personne morale française dispose de la faculté d’apporter la preuve que le choix de son implantation hors de France résulte de considérations principalement autres que fiscales.

A. Clause d’exonération automatique lorsque les bénéfices de l'entreprise ou de l’entité établie hors de France proviennent d’une activité industrielle ou commerciale effective

1. Nature de l'activité source des revenus

70

Les activités industrielles s'entendent essentiellement de celles consistant en la production ou la transformation de biens.

80

Par activités commerciales il faut entendre :

- les achats en vue de la vente ou de la location de matières ou de marchandises ;

- la fourniture de services (y compris dans les domaines de la banque ou de l’assurance) qui ne relèvent pas, par leur nature, d’une activité de caractère civil ou libéral.

90

Sont donc exclues du bénéfice de la clause d'exonération automatique les activités civiles par nature (location d'immeubles non aménagés par exemple) et les activités libérales par nature (activités de conseil ou d'expertise par exemple).

2. Effectivité de l'activité

100

Sont exclues du bénéfice de la clause d'exonération les entreprises ou entités qui n'ont aucune implantation réelle (bureaux, personnel, etc.) dans le pays où elles sont situées et qui n’y réalisent pas d’opérations formant un cycle commercial complet. En d'autres termes, les opérations localisées artificiellement dans un pays où la structure considérée est soumise à un régime fiscal privilégié relèvent, si les autres conditions sont remplies, de l'imposition prévue par l'article 209 B du CGI.

110

Tel est le cas par exemple des entreprises ou entités qui n'ont qu'une existence nominale (« boîte aux lettres » dans une société de domiciliation ou chez un conseil dans le paradis fiscal où elles ont été constituées) et dont les opérations retracées par leur comptabilité sont effectivement réalisées par la société mère (sociétés de gestion de brevets, sociétés auxiliaires de services, sociétés de facturation, etc.).

B. Les bénéfices de l'entreprise ou de l’entité établie hors de France proviennent dans certaines proportions d’opérations expressément visées

120

La clause d’exonération automatique ne s’applique pas, même si l’entreprise ou l’entité établie hors de France exerce une activité industrielle et commerciale, si une certaine proportion de ses revenus provient d’opérations financières ou de prestations intra-groupe. La personne morale française doit alors apporter la preuve que les opérations en cause ont principalement un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.

1. Seuil de 20 %

130

En application du a du III de l’article 209 B du CGI, la personne morale établie en France reste dans le champ d’application du dispositif lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l’entreprise ou de l’entité juridique étrangère proviennent pour plus de 20 % de certaines opérations sur actifs financiers ou incorporels.

a. Opérations sur actifs financiers

1° Nature des opérations

140

Il s’agit d’opérations de gestion, de maintien ou d’accroissement de titres, participations, créances ou actifs analogues.

150

Par cette formule, le législateur a entendu couvrir tous les types d’opérations se rapportant à des actifs financiers qui sont génératrices de revenus tels que les dividendes, intérêts, plus-values et autres produits divers d’ordre financier, que ceux-ci résultent du placement, de la gestion, de la disposition ou de l’engagement.

160

La gestion et le maintien de titres s’entendent de toutes les opérations inhérentes à la détention de titres y compris les opérations de prêt de titres ou de démembrement et réunion des droits attachés à ces titres (usufruit ; nue-propriété).

170

L’accroissement de titres vise notamment les émissions gratuites de titres et les opérations portant sur des options d’achat ou de vente de titres y compris l’émission d’options.

180

Le texte vise aussi toutes les opérations portant sur les créances et les titres producteurs d’intérêts ainsi que tous les revenus qu’ils peuvent produire : outre les intérêts, les plus-values, les primes d’émission et les revenus divers tirés d’opérations de prise en pension ou autres.

190

S’agissant des opérations sur instruments financiers, tous les instruments sont visés (options, futures, swaps, warrants…), quel que soit le sens de l’opération effectuée, la nature de l’actif sous-jacent au contrat, le dénouement de celui-ci et le marché sur lequel se déroulent les opérations ; les opérations « hors-marché » sont bien entendu aussi couvertes.

Exemple 1 : Une entité établie dans un État à régime fiscal privilégié possède un portefeuille de titres en propriété. Ce portefeuille lui procure 12 % de ses bénéfices. Elle gère par ailleurs les titres des autres entités du groupe auquel elle appartient et perçoit à raison de cette activité des commissions qui représentent 30 % de ses bénéfices. La totalité de ses bénéfices est susceptible d’être taxée à l'article 209 B du CGI dès lors que le seuil de 20 % est dépassé (42 % des bénéfices proviennent d’opérations visées au a du III de l’article 209 B du CGI).

Exemple 2 : Les bénéfices d’une entité établie dans un Etat à régime fiscal privilégié dont l’objet est d’être une centrale de trésorerie pour un groupe, c’est-à-dire de centraliser les excédents de liquidités des entités du groupe pour les prêter aux autres entités du groupe en besoin de financement, sont pris en compte pour l’appréciation du seuil de 20 %, puisque ces bénéfices proviennent dans leur totalité de revenus de créances.

L’imposition au titre de l’article 209 B du CGI s’applique à raison du différentiel entre les intérêts versés aux entités excédentaires et les intérêts perçus des entités débitrices.

2° Finalité des opérations

200

Les opérations susceptibles d’entrer dans le champ d’application des dispositions de l’article 209 B du CGI sont celles effectuées pour le propre compte de l’entité juridique établie ou constituée hors de France ou pour celui d’entreprises appartenant à un groupe avec lequel la personne morale établie en France entretient des relations de contrôle ou de dépendance.

a° Opérations pour son propre compte

210

Les opérations réalisées par l’entité juridique étrangère pour son propre compte sont prises en considération pour l’appréciation du seuil de 20 %.

Sont réalisées pour le compte de l’entreprise ou de l’entité juridique établie hors France, l’ensemble des opérations qui permettront à cette dernière directement ou indirectement de valoriser son patrimoine et de contribuer à l’amélioration de ses ressources financières.

220

Les revenus provenant d’opérations effectuées par l’entreprise ou l’entité juridique pour le compte de sa clientèle sont exclus.

b° Opérations pour le compte du groupe

230

Cf.  § 270.

b. Opérations sur actifs incorporels

240

Pour la détermination du seuil de 20 %, il convient également de prendre en considération les revenus provenant de la cession ou de la concession de droits incorporels relatifs à la propriété industrielle, littéraire ou artistique.

250

Sont principalement visées les redevances rémunérant la concession de l’usage :

- d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique (y compris les films cinématographiques et les logiciels informatiques) ;

- d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce ;

- d’un dessin, d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secret.

260

Sont aussi visées les plus-values tirées de la cession de tels actifs incorporels.

Exemple : Une société française contrôle une entité établie dans un paradis fiscal par l’intermédiaire d’une filiale européenne. L’entité bénéficiant du régime fiscal privilégié détient à son actif des brevets pour l’usage desquels elle a concédé une licence d’exploitation à la filiale européenne, laquelle a concédé des sous-licences à la société française. Les redevances versées par la société française à sa filiale européenne au titre de la sous-licence bénéficient conventionnellement d’un taux de retenue à la source de 0 %. La filiale bénéficie d’un taux d’imposition au titre des revenus encaissés inférieur à la moitié de ce qu’aurait été l’impôt français sur ces mêmes revenus. Les redevances reversées par la filiale européenne à l’entité établie dans le paradis fiscal sont soumises à une retenue à la source de 5% prévue par la convention liant ce pays d’Europe au paradis fiscal. Les bénéfices de l’entité sont exonérés localement. Dès lors que les bénéfices ou revenus positifs de l’entité établie dans un paradis fiscal proviennent pour plus de 20 % de la concession de licence ou autres revenus visés au a du III de l’article 209 B du CGI, la société française est imposable au titre de l’article 209 B du CGI à raison des revenus réputés distribués par cette entité.

Remarque : Les paiements reçus pour la concession de l’usage d’un droit relatif à des équipements industriels, commerciaux ou scientifiques ne doivent pas être pris en considération.

2. Seuil de 50 %

270

En application du b du III de l' article 209 B du CGI, la personne morale établie en France est dans le champ d’application du dispositif lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l’entreprise ou de l’entité juridique proviennent pour plus de 50 % d’opérations sur actifs financiers ou incorporels visées ci-dessus et de la fourniture de prestations de services internes à un groupe d’entreprises avec lequel la personne morale entretient des relations de contrôle ou de dépendance.

280

Une personne morale pourra ainsi être dans le champ du dispositif lorsque :

- plus de 50 % des revenus de l’entreprise ou de l’entité située hors de France proviennent de prestations intra-groupe ;

- ou plus de 50 % des revenus de l’entreprise ou de l’entité située hors de France proviennent de la somme des revenus de prestations intra-groupe et d’opérations sur actifs financiers et incorporels.

Exemple : Une personne morale française détient 80 % d’une entité établie dans un Etat à régime fiscal privilégié. Cette entité retire :

- 15 % de ses bénéfices de la gestion de titres pour son propre compte ;

- 36 % de ses bénéfices d’opérations de change pour le compte du groupe.

51 % des bénéfices de l’entité proviennent d’opérations visées par le III de l’article 209 B du CGI. La personne morale française sera imposée sur 80 % des bénéfices totaux de l’entité.

290

Les prestations de service en cause sont les prestations rendues aux membres d’un groupe, c’est-à-dire d’un ensemble d’entités liées entre elles, directement ou indirectement, par des relations capitalistiques et dont fait partie l’entreprise ou l’entité juridique concernée.

300

Sont visées toutes les prestations de service d’ordre administratif, technique, financier (y compris les activités d’assurance ou de réassurance intra-groupe) ou commercial : services informatiques, services de comptabilité, centrales d’appels téléphoniques, centrales de vente ou d’achat, centrales de change, etc.

Exemple : Une société française tête de groupe constitue une filiale dans un État à régime fiscal privilégié qui est chargée d’effectuer l’ensemble des opérations de change du groupe. Les bénéfices réalisés par la filiale ne sont pas imposés localement et sont rapatriés en France sous forme de dividendes éligibles au régime des sociétés mères et filiales.

3. Dispositions communes aux deux seuils

a. Modalités d’appréciation des seuils de 20 % et 50 %

310

Pour l’appréciation des seuils de 20 % ou de 50 % mentionnés aux II-B-1 et  II-B-2, il convient de comparer le montant respectif des bénéfices ou revenus positifs issus des opérations définies aux a et b du III de l’article 209 B du CGI et du bénéfice ou du revenu positif global de l’entreprise ou de l’entité étrangère.

320

Ces bénéfices ou revenus se calculent en appliquant les règles d’assiette prévues dans le code général des impôts, à l’exception de celles prévues pour le régime d’intégration fiscale.

330

Dans l’hypothèse où l’entreprise ou l’entité étrangère a réalisé une plus-value nette à long terme, cette plus-value est rattachée au bénéfice ou au résultat positif du secteur des opérations définies aux a et b du III de l’article 209 B du CGI dès lors qu’elle correspond à la réalisation de l’une ou plusieurs de ces opérations.

340

En cas de moins-value nette à long terme, il n’est pas tenu compte de cette moins-value pour le calcul des seuils de 20% et 50% qui se fait alors au seul niveau du résultat déterminé suivant les règles du court terme.

b. Conséquence du déclenchement des seuils

350

Il est précisé que dès lors que les seuils de 20 % ou de 50 % sont franchis, c’est la totalité des bénéfices des entreprises ou entités établies hors de France qui est susceptible de donner lieu à imposition en France au titre de l'article 209 B du CGI. En d’autres termes, ces seuils servent uniquement à déclencher l’application de l'article 209 B du CGI et non à fixer l’assiette de l’imposition qu’il prévoit.

Exemple : Une personne morale française détient 75 % d’une entité constituée dans un pays à régime fiscal privilégié. Cette entité retire 40 % de ses revenus d’opérations sur actifs incorporels (redevances de brevets).

La personne morale française pourra être imposée au titre de l'article 209 B du CGI à raison de 75 % des bénéfices totaux de l’entité.

C. Preuve de l’effet principalement autre que fiscal

360

Les personnes morales françaises qui exploitent ou détiennent des entreprises ou des entités constituées ou établies dans des pays à fiscalité privilégiée situés hors de la Communauté européenne et qui sont imposables en vertu du a ou b du III de l’article 209 B du CGI ont toujours la faculté de ne pas être soumises à l’imposition prévue à cet article.

370

En vertu du III de l'article 209 B du CGI, l'imposition instituée par le 1 du I de l'article 209 B du CGI n'est pas applicable si la personne morale française établit que les opérations de la société étrangère ont principalement un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.

380

La personne morale française doit fournir tous éléments de nature à démontrer l’effet principalement autre que fiscal des opérations effectuées.

390

A cet égard, la personne morale devra s’attacher à produire tous les éléments matériels et quantitatifs de nature à permettre une comparaison objective entre le montant du gain résultant des avantages fiscaux tirés de l'implantation et celui tenant aux avantages d’autre nature.

Exemple : Un établissement bancaire français exerce une activité de salle de marché à travers une succursale bénéficiant d’un régime fiscal privilégié dans un État situé hors de l’Union Européenne. Les personnels de cet établissement effectuent notamment des opérations boursières pour le compte du groupe. Par la nature des opérations réalisées par la succursale et leur proportion dans ses bénéfices, l’établissement bancaire est dans le champ d’application de l’article 209 B du CGI à raison des résultats de celle-ci. Toutefois, la banque pourra démontrer que l’effet des opérations de l’entreprise constituée hors de France est principalement autre que fiscal dès lors que cette succursale est établie sur une place financière reconnue au niveau international et qu’elle dispose des moyens humains et matériels nécessaires à la conduite des opérations concernées.

Remarque : La preuve visée dans la présente section peut aussi être apportée en ce qui concerne les entités qui tirent tout ou partie de leurs revenus d’activités civiles.

III. Renforcement du dispositif lorsque l'entreprise ou l'entité juridique est établie dans un État ou territoire non coopératif

400

Pour plus de précisions sur ce point, il convient de se reporter au BOI-INT-DG-20-50-20.