CTX – Contentieux de l'assiette de l'impôt – Procédure devant le tribunal de grande instance (TGI) – Compétence du TGI
I. Compétence ratione materiae
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L'article 33 du Code de Procédure civile (CPC) pose en principe que « la compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l'organisation judiciaire et par des dispositions particulières ».
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En matière fiscale, par dérogation au principe suivant lequel le contentieux administratif relève de la juridiction administrative, la loi a attribué expressément compétence aux tribunaux de grande instance pour connaître des litiges relatifs aux droits d'enregistrement et de timbre, à la taxe de publicité foncière, à l'impôt de solidarité sur la fortune, aux contributions indirectes et aux taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions (article L 199 du livre des procédures fiscales (LPF) et article 885 D du code général des impôts (CGI)).
Il est précisé que les contributions indirectes relèvent, depuis 1993, de la compétence de la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects (DGDDI).
Ressortissent, en particulier, au tribunal de grande instance :
- les différends concernant la taxe sur les véhicules des sociétés pour les périodes d'imposition ouvertes antérieurement au 01/10/2005 ;
- les litiges touchant à la récupération, au profit de la Caisse nationale de sécurité sociale, des arrérages sur l'actif successoral en tant que relevant du contentieux de l'enregistrement ;
- les litiges relatifs à la taxe de stockage sur les céréales perçue au profit de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (O.N.I.C.) [CE, arrêt du 8 août 1990, n° 97821]. De même, les taxes céréalières étant assimilées aux contributions indirectes, le contentieux auquel elles donnent naissance relève de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires.
En ces matières, le tribunal de grande instance peut être saisi de tous les litiges fiscaux quels qu'ils soient (se reporter au BOI-REC-EVTS-20 pour ce qui concerne le contentieux du recouvrement).
Ainsi, les tribunaux de l'ordre judiciaire, compétents pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des contributions et taxes indirectes, le sont également pour apprécier la légalité des dispositions réglementaires en vertu desquelles l'Administration fiscale se prétend fondée à imposer la charge de ces impôts à un contribuable.
C'est donc à tort qu'un tribunal de grande instance se déclare incompétent pour statuer sur l'exception d'illégalité d'un décret fixant les conditions d'application d'une taxe indirecte au motif que cette exception constituerait une question préjudicielle relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, et sursoit à statuer sur le point de savoir quel est le redevable légal de cette taxe.
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En revanche, les décisions du directeur en matière de prorogation du délai de quatre ans prévu au II du A de l'article 1594-O G du CGI relèvent de la juridiction gracieuse (BOI-CTX-GCX) et en cas de rejet, un recours devant le tribunal est irrecevable.
Toutefois, la règle de l'irrecevabilité doit être entendue en ce sens que si les décisions portant refus de prorogation du délai ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux particulier, les tribunaux judiciaires sont en droit d'apprécier leur motivation ; ils apprécient notamment l'éventualité du cas de force majeure dans le cadre d'un recours portant sur le bien fondé de l'imposition procédant de la déchéance du bénéfice de l'article 1594-O G du CGI. Quant à la juridiction administrative, elle est incompétente pour se prononcer sur la légalité de ces mêmes décisions qui lui sont déférées par la voie du recours pour excès de pouvoir.
Par ailleurs, préalablement à toute décision sur la déchéance du régime de faveur, le juge est tenu de se prononcer sur la demande de prorogation du délai imparti pour construire présentée à l'appui d'une contestation dirigée contre le titre de recouvrement. C'est donc à tort qu'un tribunal a considéré que le refus, par le directeur, d'une prorogation de délai est une mesure administrative dont il n'a pas à connaître (Cass. com., arrêt du 18 février 1986, N° de pourvoi: 84-13460 ).
En revanche, lorsque le recours contre le refus de prorogation intervient isolément, c'est-à-dire en dehors du cadre d'une instance contentieuse relative au recouvrement de droits d'enregistrement, les tribunaux judiciaires sont fondés à déclarer irrecevables les demandes de prorogation (Cass. Com. arrêt du 25 mai 1976, N° de pourvoi: 75-10118).
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Une faute de service imputée à un agent en dehors de toute contestation relative à l'assiette ou à la perception de l'impôt relève de la juridiction administrative.
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La compétence du tribunal de grande instance est exclusive et d'ordre public (Cass. com. arrêt du 20 juillet 1965).
Dès lors, le président du tribunal de grande instance statuant en référé sur l'assignation d'un contribuable souhaitant contester le rejet de sa réclamation contentieuse présentée en matière de droits d'enregistrement peut décider qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de connaître d'un tel litige, lequel relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance saisi dans les conditions définies aux articles L 199 du LPF et R* 202-2 du LPF.
En statuant de la sorte, le juge des référés ne rend pas une ordonnance sur la compétence mais une décision sur le fond même du référé par laquelle il rejette le recours au motif qu'il est dépourvu de pouvoir juridictionnel pour statuer sur le fond du litige fiscal.
Cet arrêt confirme ainsi que tribunal de grande instance statuant à charge d'appel possède, en vertu des dispositions de l'article L 199, alinéa 2 du LPF, une compétence exclusive pour connaître des demandes relatives à l'assiette des droits d'enregistrement, droit de timbre, impôt de solidarité sur la fortune, ainsi que des droits et taxes assimilés, et qu'il n'entre pas en particulier dans les pouvoirs du juge des référés de connaître de tels litiges.
Par voie de conséquence, les juridictions autres que le tribunal de grande instance (tribunaux administratifs, tribunaux de commerce, tribunaux d'instance) qui seraient, le cas échéant saisies de questions relatives aux impôts visés à l'article L 199, 2e al. du LPF, doivent se déclarer incompétentes (C. proc. Civ, art. 92).
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On notera, enfin, que dans le cas de tribunaux de grande instance importants composés de plusieurs chambres ou sections, les affaires de contributions indirectes, d'enregistrement et de taxes assimilées peuvent être portées devant une chambre spécialement désignée pour les instruire. Il est même tenu un rôle particulier pour ces affaires. Cependant cette mesure est prescrite pour ordre et son inobservation n'entraîne aucune nullité.
II. Compétence ratione loci du TGI
A. Règles générales
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Le tribunal de grande instance territorialement compétent en matière de droits d'enregistrement est, sauf exception, celui dans le ressort duquel se trouve le service des finances publiques chargé du recouvrement (art. R*202-1 du LPF) quel que soit le domicile du redevable alors qu'en droit commun, le tribunal de grande instance territorialement compétent est, sauf exception, celui du domicile du défendeur (C. proc. Civ., art. 42).
Il en est ainsi, même dans l'hypothèse où la contestation porte sur la compétence dudit service.
Dans la pratique, le service dont il s'agit est celui qui a perçu les droits ou qui a émis l'avis de mise en recouvrement ayant donné lieu à la réclamation préalable.
Si les droits sont dus ou ont été payés à plusieurs services, l'instance doit être portée devant le tribunal du ressort de chaque service.
B. Cas particuliers
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Par dérogation à la règle générale ci-dessus exposée, en matière de droits d'enregistrement ou de taxe de publicité foncière, les décisions prises sur les réclamations indiquées à l'article R*190-1 du LPF peuvent relever – lorsqu'elles sont relatives à la valeur vénale réelle d'immeubles, fonds de commerce et marchandises neuves qui en dépendent, clientèles, droits à un bail ou au bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble, de navires et de bateaux – non pas du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé le service chargé du recouvrement, mais du tribunal de grande instance du lieu de situation de ces biens (article R* 202-1du LPF ).
Ainsi, en application de ces dispositions, s'agissant des contestations relatives à la valeur vénale réelle, le contribuable a la faculté de saisir le tribunal dans le ressort duquel se situe l'immeuble.
Pour les contestations se rapportant à des biens ne formant qu'une seule exploitation mais qui sont situés dans le ressort de plusieurs tribunaux, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de l'exploitation ou, à défaut de siège, la partie des biens présentant le plus grand revenu d'après la matrice cadastrale (art. R* 202-1 du LPF).
III. Exceptions d'incompétence
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Il résulte des dispositions de l'article 74 du CPC que l'incompétence d'attribution et l'incompétence territoriale qui sont des exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.