CF - Prescription du droit de reprise de l'administration - Délais de reprise en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, d'impôt de solidarité sur la fortune, de droits de timbre et de droits et taxes assimilés
I. Droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, impôt de solidarité sur la fortune, droits de timbre et taxes, impositions et redevances assimilées autres que la taxe sur les conventions d'assurances et le droit de timbre sur les opérations de bourse
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Sous réserve des dispositions spéciales prévues par l'article L. 182 du livre des procédures fiscales (LPF) pour la taxe sur les conventions d'assurances et le droit de timbre sur les opérations de bourse (cf. II § 390), le droit de reprise de l'administration au regard des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière, de l'impôt de solidarité sur la fortune, des droits de timbre ainsi que des taxes, redevances et impositions assimilées, est soumis :
- soit à la prescription de courte durée, dite « prescription abrégée », prévue par les articles L. 180 du LPF et L. 181 du LPF (sous réserve de la prorogation du délai de reprise prévue aux articles L. 187 du LPF et L. 188 A du LPF ; sur ces points, il convient de se reporter respectivement aux BOI-CF-PGR-10-50 et BOI-CF-PGR-10-60) ;
- soit à la prescription sexennale, de droit commun en matière fiscale, prévue à l'article L.186 du LPF, lorsque les conditions d'application de la prescription abrégée ne sont pas réunies (BOI-CF-PGR-10).
Ces dispositions s'appliquent non seulement aux droits d'enregistrement et de timbre proprement dits, mais encore aux taxes et droits assimilés aux droits d'enregistrement, aux taxes et droits assimilés aux droits de timbre ainsi qu'aux autres taxes et prélèvements énumérés :
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Les taxes et droits assimilés aux droits d'enregistrement regroupent :
- les taxes additionnelles aux droits d'enregistrement perçues au profit des communes (code général des impôts [CGI], art. 1584), des départements (CGI, art. 1595) et du fonds de péréquation départemental (CGI, art. 1595 bis) ;
- la taxe d'accroissement (CGI, art. 1005 et 1006) ;
- le droit fixe de procédure (CGI, art. 1018 A) ;
- l'impôt de solidarité sur la fortune (CGI, art. 885 A).
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Parmi les taxes et droits assimilés aux droits de timbre figurent :
- les droits de délivrance de documents et taxes diverses visés aux articles 953 du CGI à 968 E du CGI (abrogé au 4 juillet 2012) ;
- la taxe sur les véhicules des sociétés (CGI, art. 1010).
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Les règles de prescription prévues pour les droits d'enregistrement sont également applicables à divers prélèvements et taxes qui, bien que libératoires des impôts sur les revenus ou imputables sur ces impôts, sont néanmoins, en vertu de leurs textes institutifs, recouvrés comme en matière d'enregistrement.
Il s'agit :
- de la taxe sur les transformations de sociétés en groupements forestiers et sur les apports à ces groupements de bois ou de terrains à reboiser (CGI, art. 238 quater) ;
- du prélèvement sur les profits retirés des opérations visées à l'article 35 du CGI (marchands de biens et assimilés) par des personnes physiques ou des sociétés n'ayant pas d'établissement en France (CGI, art. 244 bis et LPF, art. L. 172 C).
A. Prescription conditionnelle de courte durée dite « prescription abrégée »
1. Délai de la prescription abrégée
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Aux termes de l'article L. 180 du LPF, le droit de reprise de l'administration peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l'exigibilité des droits a été suffisamment révélée par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou par l'exécution de la formalité fusionnée sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures.
2. Point de départ de la prescription abrégée
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Le point de départ de la prescription abrégée se situe à la date de l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration.
Exemple : Date de production d'une déclaration de succession ; date d'enregistrement d'un acte sous seing privé.
Aussi, lorsque plusieurs actes successifs se rapportant à la même affaire ont été enregistrés à des dates différentes, les délais de prescription s'apprécient isolément pour chaque acte.
La Cour de cassation en a fait l'application suivante en précisant que l'action en répétition de l'administration peut être exercée selon l'article L. 180 du LPF, jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration.
Dès lors qu'il ressort des constatations du jugement qu'en l'espèce l'exigibilité des droits réclamés a été révélée à l'administration non pas par l'acte de vente du 23 décembre 1966, mais par l'acte dit de « rétrocession » du 4 juin 1970, quelle que soit la qualification qu'il convienne de donner à cet acte, le tribunal a décidé à bon droit que c'était à tort que la requérante avait invoqué l'exception de prescription pour faire échec à un rehaussement afférent au second acte (Cass. Com., arrêt du 28 juin 1977, pourvoi n° 76-10341).
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En cas de défaut de déclaration de succession ou d'omission de biens dans cette déclaration, ce délai, lorsqu'il s'applique, court à compter du jour de la publication d'un acte ou de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant la date et le lieu du décès ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des héritiers et autres ayants droit. Mais en ce cas, il ne concerne que les biens, sommes ou valeurs expressément mentionnés dans l'écrit ou la déclaration comme dépendant de la succession.
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La formalité donnée à un acte ou à une déclaration ne peut avoir pour effet de rendre applicable la prescription abrégée lorsqu'elle intervient avant que se soit produit le fait générateur de l'impôt (Cass. civ., arrêts des 20 octobre 1947 et 10 mai 1950).
Par contre, la prescription abrégée peut jouer si l'enregistrement a lieu après le fait générateur, mais avant la date légale d'exigibilité des droits.
Toutefois, en vertu du principe général contenu dans l'article 2233 du code civil (C. civ.), le point de départ de la prescription est alors reporté au jour de l'échéance du délai accordé pour le paiement de l'impôt (Cass. civ., arrêts des 18 novembre 1941, 8 novembre 1943 et 11 mars 1946).
Il en résulte que le terme de la prescription se trouve alors fixé au 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle a expiré le délai de paiement des droits exigibles. Cette règle trouve tout particulièrement à s'appliquer en matière de droits de mutation par décès (BOI-ANNX-000269).
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Le 1er janvier de l'année d'imposition constitue à la fois le fait générateur et le point de départ du délai de prescription abrégé en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.
3. Conditions générales d'application de la prescription abrégée
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L'application de la prescription abrégée est subordonnée à la double condition :
- que l'administration ait eu connaissance des droits omis par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou par l'exécution de la formalité fusionnée ;
- que l'exigibilité de ces droits soit établie d'une manière certaine par l'acte ou la déclaration sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures.
a. Première condition tenant à l'enregistrement ou la publication d'un acte ou à l'enregistrement d'une déclaration
1° Principes
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La prescription de courte durée ne peut commencer à courir qu'après l'enregistrement ou la publication d'un acte ou l'enregistrement d'une déclaration permettant à l'administration de constater l'existence des droits omis.
Elle ne court pas à compter :
- de l'envoi d'un avertissement au redevable (Cass., req. du 4 mars 1946) ;
- ou de la présentation d'un répertoire au visa ;
- de la découverte, faite au cours de la mise en œuvre du droit de communication ou de la vérification de la comptabilité d'une entreprise, de documents non enregistrés révélant l'exigibilité de l'impôt (Tribunal de la Seine, jugement du 13 février 1965).
L'enregistrement en débet d'un acte, par contre, fait courir ladite prescription.
Il en est de même dans le cas où le service des impôts qui a enregistré (ou la conservation qui a publié) l'acte révélateur :
- n'est pas celui qui a qualité pour réclamer les droits omis, l'administration étant une en la personne de ses divers agents (Cass. civ., arrêt du 27 décembre 1892) ;
- n'est pas compétent pour donner la formalité à l'acte.
2° Cas particuliers
a° Actes obligatoirement soumis ou admis facultativement à la formalité fusionnée - Rejet de la formalité de publicité foncière - Refus du dépôt
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Il convient de noter que, depuis la fusion des formalités de l'enregistrement et de la publicité foncière, l'enregistrement d'un acte (soumis obligatoirement ou admis facultativement à la formalité dite fusionnée ou unique) résulte de sa publicité (CGI, art. 647, II).
Toutefois, en cas de rejet de la formalité de publicité foncière, l'acte est néanmoins réputé enregistré à la date du dépôt (CGI, art. 647, IV).
À ce sujet, il importe de distinguer le simple rejet de la seule formalité de la publicité foncière -l'acte présenté ne pouvant être publié en l'état- du refus de la formalité fusionnée ou refus de dépôt qui, de même que le refus de la formalité de l'enregistrement, ne saurait faire courir le délai de prescription.
En d'autres termes, la prescription abrégée court à compter de l'exécution :
- soit de la formalité fusionnée ou unique par le chef du service de la publicité foncière ;
- soit de la formalité de l'enregistrement par le service des impôts ou le service de la publicité foncière.
Il a ainsi été jugé que, dès lors que le délai de prescription abrégée du droit de reprise de l'administration a pour point de départ l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration soumis aux droits d'enregistrement, ne fait pas courir ce délai le document que l'agent compétent a refusé d'enregistrer (Cass. com., arrêt du 26 novembre 1996, pourvoi n° 94-19658).
Il découle, en effet, des dispositions de l'article L. 180 du LPF que le refus de la formalité de l'enregistrement fait, par principe, obstacle au départ, et donc à l'application, du délai de prescription abrégée lorsqu'elle est susceptible de s'appliquer.
Il s'ensuit que, chaque fois qu'il y a lieu de refuser l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration notamment en raison de l'irrégularité qui entache l'écrit ou du défaut de paiement intégral et préalable des droits simples (BOI-ENR-DG-40-10-20-30), la prescription abrégée ne saurait courir du seul fait du dépôt du document en cause au bureau chargé de l'exécution de la formalité, et ce, sans qu'il soit besoin, par ailleurs, d'apprécier si les énonciations de ce document révèlent suffisamment, sans nécessité de recherches ultérieures, l'exigibilité des droits ou taxes auxquels il ouvre droit.
Remarques : L'équivalence entre « l'enregistrement » et la « présentation à la formalité » prévue au premier alinéa de l'article L. 180 du LPF pour la fixation du point de départ de la prescription abrégée découle de l'article 5 de la loi n° 69-1168 du 26 décembre 1969 qui a étendu à la taxe de publicité foncière, perçue au lieu et place des droits d'enregistrement en cas de formalité fusionnée au service de la publicité foncière, les règles gouvernant le contrôle des dits droits d'enregistrement.
Or, le IV de l'article I de ladite loi, actuellement codifié au IV de l'article 647 du CGI, dispose que « en cas de rejet de la formalité de publicité foncière, l'acte est néanmoins réputé enregistré à la date du dépôt ». Autrement dit, il est nécessaire mais suffisant pour faire courir la courte prescription des droits dont l'exigibilité est suffisamment établie par la teneur d'un acte soumis à la formalité fusionnée de publicité foncière que le dépôt de cet acte soit accepté au service de la publicité foncière, quand bien même la formalité de publicité lui serait refusée.
Mais aucune disposition légale ou réglementaire n'a prévu pareille assimilation en ce qui concerne le dépôt d'un acte ou d'une déclaration au service des impôts en vue de son enregistrement. Dans ce cas, seul l'enregistrement peut faire courir le délai de prescription abrégée.
b° Actes et décisions juridictionnelles dispensés de la présentation effective à la formalité (paiement des droits fixes sur états)
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Certains actes (actes notariés, actes extrajudiciaires, actes de greffe) et certaines décisions juridictionnelles (décisions des tribunaux judiciaires) ne donnant ouverture qu'à des droits fixes sont dispensés de la formalité de l'enregistrement ou de la présentation matérielle à la formalité, les droits exigibles étant payés sur états.
La remise à la recette des impôts (actuellement, service des impôts) d'un état collectif permettant la perception des droits fixes exigibles mais ne comportant ni reproduction, ni analyse des actes ou décisions en cause, ne peut révéler l'existence d'aucune convention ou fait juridique imposable et n'est donc pas susceptible de faire courir la prescription abrégée (tribunal de grande instance, Paris, jugement du 16 février 1974).
Cependant, lorsque l'admission au régime de la perception des droits fixes sur états est subordonnée à la condition du dépôt, à l'appui de l'état collectif de versement, de la copie certifiée conforme des actes concernés ou de certains d'entre eux (CGI, ann. IV, art. 60, dernier alinéa), ce dépôt, s'il est révélateur de l'exigibilité de droits omis, fera normalement courir le délai de la prescription abrégée.
3° Définition jurisprudentielle de l'« enregistrement »
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D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'« enregistrement » consiste, non seulement dans la relation sur un registre, d'opérations juridiques présentées à la formalité, mais encore dans de simples recettes correspondant à une déclaration ou à la remise d'états périodiques, ou même dans le dépôt de doubles d'actes ou d'extraits d'actes et de jugements (Cass. civ., arrêts des 4 août 1936 et 4 avril 1938).
La Cour a, d'autre part, décidé que le simple dépôt d'une déclaration de succession accompagné du versement d'un acompte qui, inférieur aux droits exigibles, ne permet pas l'accomplissement de la formalité, équivaut à son enregistrement (Cass. civ., arrêt du 25 février 1942 confirmé par Cass. com., arrêt du 11 octobre 1960).
Enfin, généralisant son interprétation extensive du texte légal, la Cour a jugé que les dépôts d'actes, déclarations ou documents sont susceptibles de rendre la prescription abrégée applicable sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant qu'ils ont été effectués pour la perception des droits d'enregistrement ou pour celle d'autres impôts (C.Cass., requête. du 27 mai 1946).
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En revanche, ne peuvent être assimilés à l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration au sens de l'article L. 180 du LPF la simple remise d'une déclaration de revenus ou de bénéfices.
La Cour de cassation a, en effet, jugé qu'une société ne pouvait se prévaloir de la prescription abrégée pour faire échec à un rehaussement de taxe sur les véhicules de société en invoquant le fait qu'elle avait mentionné tous ses véhicules dans ses déclarations de résultats au titre de l'impôt sur les sociétés dès lors que l'exigibilité de la taxe, perçue par voie de timbre, n'avait pas été révélée à l'administration par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration au sens de l'article L. 180 du LPF (Cass., com., arrêt du 15 décembre 1982, pourvoi n° 81-15603).
Elle a pareillement écarté la prescription abrégée dans une affaire où un contribuable qui s'était borné à inclure, dans ses déclarations de revenus, le montant des loyers qu'il avait encaissés, invoquait les dispositions de l'article L. 180 du LPF pour échapper à un rappel de droit de bail (Cass., com., arrêt du 10 février 1987, n° 85-15938).
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Dans un arrêt du 31 octobre 2006, la Cour de cassation, revient à une stricte appréciation des dispositions de l'article L. 180 du LPF :
Elle décide qu'une proposition de rectification - acte de procédure par lequel l'administration relève le manquement - ne constitue pas un acte révélateur de l'exigibilité servant de point de départ au délai de prescription triennale au sens de l'article L. 180 du LPF (Cass. Com., arrêt du 31 octobre 2006, pourvoi n° 04-10766).
Par un arrêt ultérieur, la Cour de cassation confirme que la proposition de rectification ne constitue pas l'acte révélateur faisant courir la prescription (Cass. Com., arrêt du 20 mai 2008, pourvoi n° 07-11952 ).
En outre, revenant sur sa jurisprudence antérieure, elle décide que, conformément aux dispositions de l'article L. 189 du LPF, l'interruption de la prescription du délai de reprise de l'administration, notamment par la notification d'une proposition de rectification, a pour effet d'ouvrir au bénéfice de celle-ci un nouveau délai de même nature et de même durée que celui qui a été interrompu.
La durée de ce nouveau délai est toujours égale à celle du délai de reprise applicable au cas d'espèce et a pour point de départ l'année au cours de laquelle la rectification est effectuée.
Dès lors, l'avis de mise en recouvrement envoyé dans le délai de six ans à compter de la proposition de rectification est régulier dans la mesure où la prescription sexennale est applicable à la proposition de rectification.
b. Deuxième condition tenant à l'exigibilité des droits omis établie par l'acte ou la déclaration sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures
1° Établissement de l'exigibilité des droits omis
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Pour que la prescription abrégée soit applicable, il faut que l'acte ou la déclaration établisse d'une manière complète l'exigibilité certaine des droits omis et que l'administration soit mise à même de constater immédiatement au seul vu du document enregistré ou publié, l'existence du fait juridique imposable.
Si un doute subsiste quant à l'exigibilité des droits et s'il est nécessaire, pour en apporter la preuve, de procéder à des recherches quelconques, notamment par rapprochement de divers actes ou déclarations et examen de circonstances extrinsèques, le délai de prescription abrégée ne s'applique pas (Cass., com., arrêts du 20 mai 1967 et du 5 mars 1969 et 23 octobre 1979, pourvoi n° 78-10044).
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À cet égard, la Cour de cassation a jugé que la prescription sexennale est applicable :
- au rehaussement fondé sur l'omission partielle du solde créditeur d'un livret d'épargne dans une déclaration de succession. Au cas particulier, une déclaration de succession indiquait un solde créditeur de livrets d'épargne dont le montant était inférieur au solde réel. Le contribuable soutenait que cette irrégularité constituait une insuffisance d'évaluation d'un bien déclaré et, comme telle, relevait de la prescription abrégée. Rejetant cette analyse, la Cour a jugé qu'il s'agissait d'une omission partielle d'un bien, soumise à la prescription décennale (actuellement sexennale). De fait, l'administration ne pouvait appréhender le montant exact du solde sans effectuer des recherches ultérieures au sens du 2ème alinéa de l'article L. 180 du LPF (Cass. com., arrêt du 9 mars 1993, pourvoi n° 91-11303) ;
- dès lors qu'un bail (conclu en 1975) n'a pas été déclaré avant d'être porté à la connaissance du service (en 1981). En l'espèce, le litige portait sur la taxe additionnelle au droit de bail, perçue au vu d'une déclaration annuelle. Le tribunal, dont le jugement a été annulé par la Cour, avait estimé que le service, après avoir eu connaissance du bail en 1981, n'était fondé, en procédant à un rehaussement en 1985, qu'à effectuer un rappel concernant les seules années 1981 à 1985, dans le cadre de la prescription quadriennale (durée de la prescription abrégée applicable à l'époque des faits). Validant les rehaussements opérés au titre des années 1975 à 1980, la Cour a jugé qu'en l'absence de déclaration, seule la prescription décennale (actuellement sexennale) prévue par l'article L. 186 du LPF était opposable au service et que la circonstance qu'il ait eu ultérieurement connaissance de l'existence du bail ne saurait lui ôter rétroactivement la possibilité d'exercer son droit de reprise à l'intérieur du délai de dix ans (Cass. com., arrêt du 2 juin 1992, pourvoi n° 90-16419) ;
- lorsqu'il n'a été procédé qu'à des versements d'acomptes sur les droits de mutation par décès. Leur réception donne certes connaissance à l'administration de l'ouverture de la succession mais n'établit pas suffisamment, à elle seule, l'exigibilité des droits dus dès lors qu'elle ne permet pas, sans recherches extérieures, de déterminer l'assiette de l'impôt, son taux et les personnes débitrices (Cass. com., arrêt du 4 avril 1995, pourvoi n° 93-16220) ;
- dès lors que la déclaration de succession ne mentionne pas le détail des biens. Tel est le cas lorsque la déclaration regroupe en catégories les biens figurant dans le patrimoine héréditaire sans en donner le détail, puisque l'administration est alors obligée de procéder à des recherches complémentaires pour connaître les droits exigibles. Au demeurant, une telle déclaration peut d'autant moins faire courir le délai de prescription abrégée que le 3ème alinéa de l'article 860 du CGI prévoit expressément que la formalité doit être refusée à une déclaration estimative qui n'est pas détaillée (Cass. com., arrêt du 7 janvier 1997, pourvoi n° 95-12069 ;
- dès lors que l'administration n'a pas fondé les rehaussements (notifiés pour non-respect de l'engagement prévu à l'article 1115 du CGI) uniquement sur la présentation à l'enregistrement des actes constatant les reventes litigieuses, mais aussi sur des éléments extérieurs à ces actes qu'elle a dû rechercher afin de démontrer qu'ils étaient constitutifs d'abus de droit, tels la communauté d'intérêts entre les parties et l'absence de paiement du prix. En l'espèce, la société requérante soutenait que l'administration avait eu, auparavant, connaissance de l'exigibilité des droits dus au titre des cessions litigieuses dès la vérification de comptabilité effectuées en 1986, soit antérieurement au présent rehaussement notifié en 1991, puisqu'à cette époque, les immeubles objets desdites cessions avaient déjà été revendus. La Cour de cassation n'a pas retenu cette analyse et a considéré que dès lors que l'administration avait procédé à des recherches extérieures aux actes de revente pour établir les rehaussements, seule la prescription décennale (actuellement sexennale) était applicable. Au fond, la question soumise à la Cour portait sur la déchéance du bénéfice du régime prévu à l'article 1115 du CGI, sur le fondement de l'article L. 64 du LPF, en raison notamment de l'intérêt exclusivement fiscal des opérations de revente réalisées (Cass. com., arrêt du 10 février 1998, pourvoi n° 96-12941). Il convient également de se reporter au BOI-CF-IOR-30.
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Le Conseil d'État en a décidé de même dans l'espèce suivante.
Un contribuable avait présenté à la formalité de l'enregistrement les actes constatant des cessions de parcelles loties mais il n'avait ni à ce moment ni ultérieurement souscrit la déclaration spéciale destinée à faire apparaître l'existence des profits passibles du prélèvement de 50 % visé à l'article 244 bis du CGI, ni produit les justifications dont cette déclaration devait être appuyée. Le Conseil d'État a jugé que l'enregistrement des actes de cession n'avait pas, à lui seul, fait suffisamment apparaître l'exigibilité des droits assis sur les profits nets réalisés à l'occasion des cessions et n'avait pas rendu inutile le recours à des recherches ultérieures. Il en a conclu que les conditions pour que le contribuable puisse se prévaloir de la prescription abrégée n'étaient pas remplies et que c'est dès lors la prescription décennale (actuellement sexennale) qui était applicable (CE, arrêt du 27 juillet 1979, n° 05976 ).
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Il n'est pas exigé que l'écrit révélateur contienne tous les éléments indispensables à la liquidation des droits.
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La prescription abrégée joue tant à l'égard des droits dus sur le document formalisé qu'à l'égard de ceux dus en dehors de ce document, si ce dernier renferme la preuve de leur exigibilité.
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Enfin, l'article L. 180 du LPF n'enferme pas dans le délai qu'il prévoit les recherches extérieures nécessaires à l'administration pour établir que dissimule sa portée un acte enregistré qui ne révèle pas, à lui seul, l'exigibilité des droits d'enregistrement résultant de son véritable caractère (Cass. com., arrêt du 31 janvier 1989 n° 87-13580 : arrêt rendu en matière d'abus de droit, en l'occurrence une donation déguisée).
2° Notion de « recherches ultérieures »
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On ne saurait considérer comme une « recherche ultérieure », au sens de l'article L. 180 du LPF, le simple rapprochement de l'acte révélateur avec le registre de formalité en vue de vérifier que les droits dus n'ont pas déjà été perçus.
Ne constituent pas non plus des « recherches ultérieures », celles qui ont pour but de recueillir les précisions utiles à la liquidation des droits révélés (Cass. civ., arrêt du 3 décembre 1945).
Il faut donc entendre par « recherches ultérieures » susceptibles de mettre obstacle à la prescription abrégée uniquement celles qui ont trait à l'exigibilité des droits et à la preuve à en apporter (Cass. civ., arrêts des 14 janvier 1930 et 7 juillet 1941).
4. Conditions et modalités particulières d'application de la prescription abrégée au cas de successions non déclarées et d'omissions de biens dans les déclarations de succession
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En vertu de l'article L. 181 du LPF, la prescription abrégée ne s'applique, au cas de successions non déclarées ou d'omissions de biens dans les déclarations de succession, que si le document révélateur enregistré ou publié (écrit ou déclaration) mentionne exactement :
- la date et le lieu du décès du défunt ;
- le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit.
Par ailleurs, la prescription ne court qu'en ce qui concerne les droits dont l'exigibilité est révélée sur les biens, sommes ou valeurs expressément énoncés dans l'écrit ou la déclaration comme dépendant de l'hérédité.
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Il a été jugé que, même s'il était possible à l'administration de reconstituer en partant des éléments épars donnés par les actes dont se prévaut le contribuable, l'actif et le passif d'une succession non déclarée, la prescription abrégée prévue par l'article L. 180 du LPF ne saurait courir, dès lors que cette reconstitution impliquait des rapprochements entre ces divers actes ainsi que l'obligation d'obtenir des renseignements complémentaires.
La créance du Trésor n'a notamment pas été atteinte par la prescription à la suite de l'enregistrement :
- d'un acte de dépôt de testament qui, s'il énonçait les date et lieu du décès et le seul nom sans adresse d'un légataire, se référait d'une manière imprécise et sommaire à des droits de transport dont le de cujus était titulaire ;
- d'ordonnances de référé qui, si elles énonçaient les date et lieu du décès et révélaient que le de cujus était marié sous la communauté légale, se bornaient à mentionner qu'il était gérant d'une société de transport ;
- d'un acte de notoriété exposant la dévolution successorale sans donner aucune indication sur les biens composant la succession ;
- et d'actes de cession par l'administrateur provisoire de la succession, des licences de transport dont le de cujus était titulaire ou d'éléments de son fonds de commerce de transport public de marchandises, dès lors que ces actes, s'ils apportaient des précisions utiles sur la nature, la consistance et la valeur des licences de transport, la clientèle et le matériel qui avaient fait l'objet des cessions et dépendaient de l'hérédité, ne remplissaient cependant pas les conditions exigées par l'article L. 180 du LPF puisqu'ils n'indiquaient ni la date, ni le lieu du décès, ni le nom, ni l'adresse d'un ayant droit (TGl de Paris, 2e chambre, jugement du 21 juin 1975).
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L'enregistrement d'un testament ne fait pas courir la prescription abrégée dès lors que ce document ne permet pas, à lui seul, de savoir si les sommes, biens ou valeurs qui y sont mentionnés dépendent de la succession de son auteur au jour de son ouverture (Cass. com., arrêt du 3 janvier 1996, pourvoi n° 94-11924 ).
Un testament, quoi qu’enregistré, n'établit pas par lui-même la composition du patrimoine héréditaire au jour du décès, dès lors que les sommes, biens ou valeurs qui y sont mentionnés ont pu être aliénés, altérés ou remplacés depuis l'époque de sa rédaction, ce dont l'administration ne peut s'assurer qu'au moyen de recherches ultérieures, de sorte que l'exigibilité des droits n'est pas suffisamment établie par l'écrit en cause, et la prescription abrégée inapplicable de ce fait.
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Une déclaration de succession qui ne mentionne aucun bien immobilier ne révèle pas, à elle seule, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures, l'existence d'un tel bien dans le patrimoine héréditaire.
Est dès lors inopérante, pour s'opposer à l'application du délai décennal (actuellement sexennal) de prescription du droit de reprise, la circonstance que ce bien ait figuré dans un acte notarié dressé, antérieurement au décès, entre le de cujus et l'héritier (Cass. com., arrêt du 3 octobre 1995, pourvoi n° 93-21302 ).
En cas d'omission d'un bien dans une déclaration de succession, seul le délai de prescription sexennale régit le droit de reprise de l'administration à l'égard des droits de mutation par décès exigibles sur un tel bien.
En effet, cette déclaration ne révèle pas, à elle seule et en l'absence de toute recherche ultérieure, que ce bien dépendait de la succession.
Or, la prescription abrégée ne trouve à s'appliquer que si l'exigibilité des droits est révélée par la déclaration de façon immédiate et certaine (cf. I-A-3-b-1° § 160 et suiv.).
En l'espèce, l'existence d'un acte notarié relatif au bien litigieux ne pouvait suffire à substituer le court délai de prescription dans la mesure où le rapprochement de la déclaration d'un tel acte équivaut à une recherche ultérieure.
Par ailleurs, antérieur au décès, cet acte notarié ne pouvait, par définition, comporter les mentions exigées par l'article L. 181 du LPF pour faire courir par lui-même le délai de prescription abrégée.
270
En revanche, fait courir le délai de prescription abrégée, en ce qui concerne les biens dont il précise la situation, l'acte de partage présenté à la formalité de l'enregistrement qui mentionne exactement la date et le lieu du décès, ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des héritiers et autres ayants droit, bien que la cause de cette qualité n'y soit pas précisée (Cass. com., arrêt du 24 juin 1997, n° 95-11321).
Ainsi, fait courir le délai de prescription abrégée l'acte de partage qui comporte les mentions exigées à l'article L. 181 du LPF, même s'il ne précise pas la cause de la qualité d'ayant droit de la ou des personnes identifiées dans cet acte.
Dans l'espèce tranchée par la Cour de cassation, certaines personnes mentionnées dans l'acte de partage étaient redevables de droits de mutation par décès, non en vertu des règles de la dévolution légale ou de dispositions testamentaires, mais seulement par l'effet de la présomption édictée à l'article 751 du CGI, laquelle ne pouvait cependant être mise en œuvre au vu des seules énonciations de l'acte.
De surcroît, la qualité d'héritier de l'une des personnes identifiées dans cet écrit n'y était pas expressément mentionnée.
Mais dès lors que l'article L. 181 du LPF ne subordonne pas l'application de la prescription abrégée à l'indication de la cause de la qualité d'ayant droit, à quelque titre que ce soit, mais seulement à l'indication du nom et de l'adresse de l'un au moins de ces ayants droit, le point de départ du délai de prescription abrégée a pu valablement être fixé au jour de l'enregistrement de cet acte.
Par contre, la Cour a bien relevé que l'acte de partage contenait tous les renseignements permettant d'identifier la succession en cause et de préciser la situation des biens.
5. Condition suspensive affectant la convention elle-même ou l'exigibilité de l'impôt
280
La condition suspensive qui affecte une convention suspend la perception des droits proportionnels et progressifs. Ce n'est que l'accomplissement de la condition qui fait naître l'exigibilité des droits afférents à la convention.
Par suite, l'enregistrement ou la publication au droit fixe de l'acte sous condition suspensive ne peut faire courir la prescription abrégée.
Il en est de même de la formalité donnée à un acte ou à une déclaration lorsque c'est l'exigibilité de l'impôt elle-même qui se trouve frappée d'une condition suspensive.
En matière de droits d'enregistrement, lorsque l'exigibilité de l'impôt est affectée d'une condition suspensive, l'action de l'administration n'est susceptible de prendre cours qu'à la date de réalisation de cette condition.
Par un arrêt du 31 octobre 2006, la Cour de cassation rappelle que la prescription du droit de reprise de l'administration en cas de déchéance du régime de faveur des marchands de biens ne court que de l'expiration du délai imparti pour tenir l'engagement de revente (Cass. Com., arrêt du 31 octobre 2006, pourvoi n° 05-10396).
Tel est le cas, également, des acquisitions de terrains au sens de l'article 1594-0 G du CGI. En effet, l'impôt de mutation, dans ce cas, ne devient exigible que s'il n'est pas régulièrement justifié de la construction dans le délai légal. L'administration ne pouvant avoir connaissance de cet événement futur et incertain que par des recherches ultérieures, les conditions prévues pour l'application de la prescription abrégée ne se trouvent donc pas réunies du seul fait de l'enregistrement ou de la publication de l'acte d'acquisition du terrain.
La situation est identique, notamment pour les acquisitions de biens ruraux effectuées par les fermiers (CGI, art. 1594 F quinquies, D), les mutations de bois et forêts (CGI, art. 793, 1-3° et 4° et 2-2°), les biens donnés à bail dans les conditions prévues de l'article L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime à l'article L. 416-6 du code rural et de la pêche maritime, à l'article L. 416-8 du code rural et de la pêche maritime et à l'article L. 416-9 du code rural et de la pêche maritime (CGI, art. 793, 2-3°).
Dans tous ces cas, seule la prescription sexennale est opposable à l'action en reprise du Trésor dans les conditions précisées au I-B § 300 et suivants.
Bien entendu, si un acte présenté à la formalité révèle la réalisation de la condition, l'action en reprise des droits dont l'exigibilité parvient ainsi à la connaissance de l'administration tombe sous l'application de la prescription abrégée.
6. Mesures à prendre pour l'interruption de la prescription abrégée
290
En raison des risques que fait courir au Trésor la prescription de courte durée visée à l'article L. 180 du LPF , les agents devront surveiller attentivement la remise de tout document révélant l'existence d'un fait juridique imposable. Pour prévenir toute difficulté sur le point de savoir si la prescription abrégée est ou non applicable, les diligences nécessaires devront être faites pour que, dans une telle hypothèse, les droits exigibles soient acquittés dans le délai de la prescription susvisée ou, qu'à défaut, cette prescription soit régulièrement interrompue.
B. Prescription sexennale
300
Lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt.
Cette prescription de six ans visée à l'article L. 186 du LPF ne s'applique, en pratique, qu'en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, d'impôt de solidarité sur la fortune, de droits de timbre, ainsi que de taxes et redevances assimilées lorsque les conditions requises pour l'intervention de la prescription abrégée ne sont pas remplies.
1. Modalités de décompte du délai de six ans
310
La prescription sexennale se décompte de la date du jour du fait générateur de l'impôt au 31 décembre de la sixième année qui suit ce fait générateur.
Exemple 1 : En matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
ISF N → fait générateur : 1er janvier N.
Dans les cas où la prescription de droit commun trouve à s'appliquer, le délai de reprise expire le 31 décembre N+6. La prescription abrégée court quant à elle jusqu'au 31 décembre de la 3ème année suivant le dépôt de la déclaration.
Exemple 2 : en matière de succession.
Décès survenu le 6 novembre N → fait générateur : 6 novembre N.
Dépôt de la déclaration de succession le 5 mai N+1.
Dans les cas où la prescription de droit commun trouve à s'appliquer, le délai de reprise expire le 31 décembre N+6. La prescription abrégée court quant à elle jusqu'au 31 décembre N+4.
2. Point de départ de la prescription sexennale
315
Le délai de reprise de six ans a pour point de départ le fait générateur de l'impôt.
a. Droits de mutation par décès
1° Principes
320
La prescription sexennale applicable à l'action de l'administration à l'égard des droits de mutation par décès court à compter du décès.
La date du décès constitue le point de départ du délai imparti à l'administration pour agir, quelle que soit la nature de l'infraction qui motive son action : absence de déclaration, omission, inexacte indication du lien de parenté entre le défunt et les héritiers, etc.
Les héritiers sont donc en droit de se prévaloir de l'article L. 186 du LPF pour se considérer comme étant à l'abri de tout rehaussement dès l'expiration du délai de six ans qui a suivi le décès, même si la déclaration de succession a été souscrite quelques jours seulement avant l'expiration de ce délai.
2° Instance judiciaire en contestation de la dévolution successorale
330
La prescription du droit de reprise concernant des droits de mutations par décès exigibles sur une succession non encore déclarée à l'administration ne court pas durant l'instance judiciaire en contestation de la dévolution successorale (Cass. com., arrêts des 21 juin 1994, pourvoi n° 92-10323 et 4 juillet 1995, pourvoi n° 93-16757).
Lorsque la dévolution successorale est contestée en justice, l'administration admet, dans les conditions fixées par la jurisprudence (rappr. Cass. com., arrêt du 5 mars 1991, pourvoi n° 89-18298 ; BOI-ENR-DMTG-10-60-50 au I-C-2 § 50), que le point de départ du délai de l'article 641 du CGI, imparti aux héritiers et légataires pour souscrire la déclaration leur incombant, soit reporté à la date de la décision de justice tranchant la contestation de manière définitive.
Les arrêts de la Cour de cassation mentionnés ci-dessus précisent les effets d'un tel litige sur la prescription du droit de reprise de l'administration.
Confirmant la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-60-50 au I-C-2 § 50), la Cour énonce qu'en l'absence de souscription de déclaration, le cours de la prescription (en l'occurrence, prescription sexennale prévue à l'article L.186 du LPF) est suspendu (C. civ., art. 2241) jusqu'à la date de la décision, passée en force de chose jugée (au sens de l'article 500 du code de procédure civile), ayant statué sur la contestation.
L'arrêt du 4 juillet 1995 indique en outre, implicitement, que l'administration, ne pouvant agir valablement durant cette période de suspension, n'est pas tenue de prendre des mesures conservatoires pour préserver ses droits.
3° Biens rentrés dans l'hérédité postérieurement au décès
340
La prescription sexennale applicable aux droits de mutation par décès afférents à des biens rentrés dans l'hérédité postérieurement au décès ne court que du jour de l'événement qui opère la mutation (Trib. civ. Verdun, 8 février 1887) et qui constitue le fait générateur de l'impôt.
De même, constitue le fait générateur des droits de mutation par décès exigibles sur des biens rentrés dans l'hérédité postérieurement au décès l'événement qui opère leur retour (Cass. com., arrêt du 18 novembre 1997, pourvoi n° 96-10824).
Dès lors, le délai sexennal de prescription de l'action de l'administration court, non à compter de la date du décès, mais de celle de la réalisation de cet événement.
Ainsi, la Cour de cassation confirme que c'est le fait juridique qui consacre le retour de ce bien dans l'hérédité postérieurement au décès qui constitue le fait générateur de l'impôt.
Par voie de conséquence, la prescription sexennale de droit commun ne peut commencer à courir avant la réalisation d'un tel fait.
En l'espèce, celui-ci était constitué par le prononcé, plusieurs années après le décès, d'une décision judiciaire définitive portant résolution d'une vente immobilière.
Toutefois, dès lors que cette décision, d'une part, révélait suffisamment par elle-même l'exigibilité des droits de succession sur les biens ayant ainsi fait retour à l'hérédité et, d'autre part, avait été publiée au service de la publicité foncière, la prescription abrégée, décomptée à partir de la date de cette publication, trouvait à s'appliquer.
b. Autres droits d'enregistrement
350
Pour les droits d'enregistrement autres que les droits de mutation par décès, c'est également le jour du fait générateur, c'est-à-dire, en règle générale, la date de la mutation ou celle de l'acte qui constitue le point de départ de la prescription.
Toutefois, il résulte de l'article L. 183 du LPF que les parties ne sont pas autorisées, pour établir la date du fait générateur, à se prévaloir d'actes n'ayant pas acquis date certaine.
c. Condition suspensive affectant la convention elle-même ou l'exigibilité de l'impôt
360
Les effets juridiques de la convention et, par suite, le fait générateur de l'impôt proportionnel ou progressif étant subordonnés à la réalisation de la condition, la prescription de six ans court seulement du jour de cet événement.
Il en est ainsi, notamment, en matière de legs conditionnels (notamment de legs de eo quod supererit), de cessions conditionnelles de droits sociaux, de donations ou de ventes conditionnelles.
Par ailleurs, lorsque la créance d'impôt est elle-même affectée d'une condition suspensive, l'action du Trésor n'est susceptible de prendre cours qu'à la date de réalisation de cette condition (cf. I-A-5 § 280).
Dans un arrêt du 31 octobre 2006, la Cour de cassation rappelle que la prescription du droit de reprise de l'administration en cas de déchéance du régime de faveur de marchands de biens ne court que de l'expiration du délai imparti pour tenir l'engagement de vente (Cass. Com., arrêt du 31 octobre 2006, pourvoi n° 05-10396).
De même, le délai de reprise dont dispose l'administration en cas de non-respect de l'engagement de construire prévu à l'article 1594-0 GA du CGI commence à courir à compter du premier jour suivant l'expiration du délai imparti à l'acquéreur pour justifier de l'achèvement des constructions (Cass.com, arrêt du 23 octobre 1990, pourvoi n° 89-12518).
Le même principe s'applique aux acquisitions de biens ruraux effectuées par le fermier (CGI, art. 1594 F quinquies, D), aux biens donnés à bail dans les conditions prévues de l'article L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime à l'article L. 416-6 du code rural et de la pêche maritime, à l'article L. 416-8 du code rural et de la pêche maritime et à l'article L. 416-9 du code rural et de la pêche maritime (CGI, art. 793, 2-3°) ainsi qu'aux situations prévues aux 3° du 1 et 2° du 2 de l'article 793 du CGI.
Il est souligné, toutefois, que, dans tous les cas visés aux I-B-2-a à c § 320 et suivants, si la réalisation de la condition suspensive est révélée par un acte ou un document présenté à la formalité dans les conditions prévues par l'article L. 180 du LPF, cette formalité sert de point de départ à la prescription abrégée et non plus à la prescription sexennale.
d. Point de départ du délai de reprise en ce qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune
370
Le délai de reprise a pour point de départ le 1er janvier de l'année d'imposition.
C. Conflit entre la prescription abrégée et la prescription sexennale
380
Lorsque la prescription abrégée prend effet à une date où il ne reste plus à courir sur le délai de la prescription sexennale qu'un laps de temps inférieur au délai de la prescription abrégée en cours, l'action de l'administration ne peut plus s'exercer après le terme de la prescription maximale de six ans.
Cette règle trouve à s'appliquer, notamment, en matière de droits de mutation par décès. Ainsi, par exemple, lorsqu'une insuffisance d'évaluation est commise dans une déclaration de succession déposée moins de trois années civiles pleines avant l'échéance de la prescription sexennale, l'administration ne dispose, pour notifier un rehaussement, que du laps de temps restant à courir avant le terme de cette prescription (BOI-ANNX-000269).
II. Taxe sur les conventions d'assurances et droit de timbre sur les opérations des bourses de valeurs
390
Aux termes de l'article L. 182 du LPF, l'action de l'administration, en ce qui concerne la taxe sur les conventions d'assurances et le droit de timbre sur les opérations des bourses de valeurs, peut être exercée dans le délai fixé par l'article L. 176 du LPF, c'est-à-dire dans le délai applicable aux taxes sur le chiffre d'affaires (BOI-CF-PGR-10-30).
Il en résulte que :
- l'action de l'administration se prescrit le 31 décembre de la troisième année suivant, soit celle de la réalisation des opérations taxables, soit celle de la clôture de l'exercice au cours duquel ces opérations ont été réalisées, si cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ;
- nonobstant les dispositions de l'article L. 51 du LPF, qui interdisent d'effectuer une nouvelle vérification de comptabilité, au regard des mêmes impôts et taxes, pour une période déterminée, le droit de reprise peut s'exercer à partir du premier jour de l'année ou de l'exercice de réalisation des opérations assujetties.
400
Le délai de reprise prévu par l'article L. 182 du LPF s'applique également à diverses contributions liquidées et perçues selon les mêmes règles que la taxe sur les conventions d'assurances, à savoir :
- la contribution des assurés pour l'alimentation du fonds commun des accidents du travail agricole survenus dans la métropole (CGI, art. 1622) ;
- les contributions pour l'alimentation du fonds de garantie des victimes d'accidents d'automobile et de chasse (BOI-TCAS-AUT-20) [CGI, art. 1628 quater, abrogé au 1er janvier 2014] ;
- la contribution destinée à l'alimentation du fonds national de garantie des calamités agricoles (CGI, art. 1635 bis A).