REC - Sûretés et garanties du recouvrement - Suretés réelles - Privilèges - Classement
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Le privilège est un droit qui permet à un créancier d'être payé sur le prix de vente des biens composant le patrimoine d'un débiteur par préférence à d'autres créanciers (code civil (C. civ.), art. 2324). Ce droit de préférence confère au titulaire de la créance privilégiée, un classement plus ou moins avantageux suivant le rang accordé par la loi à sa créance (C. civ., art. 2325).
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Le rang du privilège est la place à laquelle il est classé, dans l'ordre de priorité établi entre les sûretés en compétition sur tel ou tel bien.
Les privilèges généraux mobiliers s'exercent dans l'ordre prévu à l'article 2331 du C. civ. à l'exception du privilège du trésor public, dont le rang est déterminé par les lois qui le concernent et du privilège des caisses de sécurité sociale qui vient au même rang que le privilège des salariés (C. civ., art. 2332-2).
Sauf dispositions contraires les privilèges spéciaux priment les privilèges généraux (C. civ., art. 2332-1).
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L'article 1920 du code général des impôts (CGI), l'article 1924 du CGI, l'article 1926 du CGI, l'article 1927 du CGI et l'article 1929 et suivants du CGI déterminent l'ordre de classement des privilèges fiscaux entre eux et posent le principe de leur primauté, sous la seule réserve prévue à l'article 1927 du CGI pour les contributions indirectes (priorité des frais de justice, du loyer des six derniers mois etc.).
Toutefois, de nombreuses lois non codifiées ont institué de nouveaux privilèges en leur conférant expressément un rang qui prime celui du Trésor .
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De manière générale, les conflits entre créanciers à l'occasion d'une répartition sont réglés par l'ordre des privilèges. Le contentieux relatif au rang, à l'existence ou à la portée du privilège du Trésor relève de la compétence du tribunal judiciaire.
En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire des cessions de rang de privilèges ou d'hypothèques ou l'abandon de ces sûretés peuvent être consentis (BOI-REC-EVTS-10-20).
I. Le classement des privilèges fiscaux entre eux
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Lorsqu'il concerne une créance fiscale, le privilège est institué par un texte du CGI ou du code des douanes.
S'agissant des créances fiscales, l'ordre de classement des privilèges du Trésor est le suivant :
- les impôts directs d'État y compris les impôts directs locaux qui étaient originellement des impôts d'État et concurremment les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (CGI, art. 1920 et CGI, art. 1926) ;
- les impositions départementales assimilées aux impôts directs locaux (CGI, art. 1924) ;
- les impositions communales assimilées aux impôts directs locaux (CGI, art. 1924) ;
- les droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre assimilés (CGI, art. 1929) ;
- les contributions indirectes (CGI, art. 1927) ;
- les droits de douane (code des douanes, art. 379) .
Remarque : Les contributions indirectes et les droits de douane sont recouvrés par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
A. Les impôts directs d'État et les taxes sur le chiffre d'affaires
1. Les impôts directs d'État
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Aux termes du 1 de l'article 1920 du CGI, le privilège du Trésor en matière de contributions directes s'exerce avant tout autre.
Le privilège général mobilier visé au 1 de l'article 1920 du CGI garantit le recouvrement de l'ensemble des contributions directes et taxes assimilées perçues pour le compte de l'État et des collectivités locales y compris celui des acomptes provisionnels exigibles en matière d'impôt sur les sociétés.
L'expression « contributions directes et taxes assimilées » désigne, non seulement les impôts directs perçus au profit de l'État, mais encore toutes les contributions directes qui étaient originellement des impôts d'État (cotisation foncière des entreprises (CFE), taxe foncière, taxe d'habitation) et taxes assimilées à ces contributions.
Le fait que les impôts directs locaux (CFE, taxe foncière, taxe d'habitation) et taxes assimilées à ces contributions aient cessé d'être des impôts d'État ne saurait avoir pour conséquence de modifier leur rang dans le classement des créances privilégiées du Trésor. Ces impôts directs et taxes assimilées bénéficient donc du privilège de l'article 1920 du CGI.
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Le privilège établi à l'article 1920 du CGI s'exerce en outre pour la fraction de l'impôt sur les sociétés due à raison des revenus d'un immeuble, sur les récoltes, fruits, loyers et revenus de cet immeuble et pour la taxe foncière sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution. Le privilège spécial du Trésor du 2 de l'article 1920 a donc le même rang que le privilège général du 1 de l'article 1920 du CGI.
2. Les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées
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Selon l'article 1926 du CGI, le privilège pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées a le même rang que celui énoncé à l'article 1920 du CGI. Il s'exerce concurremment avec ce dernier et dans les mêmes conditions. Ce privilège couvre aussi les impôts et taxes recouvrés sous les mêmes garanties.
S'il y a insuffisance d'actif pour régler les impôts directs et les taxes sur le chiffre d'affaires à la charge du redevable, la répartition entre les comptables publics chargés du recouvrement se fait au prorata de leurs droits.
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Le privilège institué par le troisième alinéa de l'article 1926 du CGI au profit des prélèvements sur la production de charbon et d'acier a le même rang que celui qui garantit le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires. Il se situe donc, comme ce dernier et celui des impôts directs, au premier rang des privilèges fiscaux.
B. Les autres impôts directs locaux
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Il s'agit des taxes départementales et communales assimilées aux contributions directes. Le privilège des taxes départementales, privilège de l'article 1924 du CGI, prend rang immédiatement après celui des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Quant au privilège des taxes communales, qui relève de l'article 1924 du CGI, il prend rang immédiatement après celui des taxes départementales.
C. Les droits d'enregistrement
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Bénéficient du privilège visé au 1 de l'article 1929 du CGI les droits d'enregistrement proprement dits, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, les droits et taxes assimilés aux droits d'enregistrement et les créances recouvrées comme en matière d'enregistrement.
Ce privilège s'exerce immédiatement après celui de l'impôt sur le chiffre d'affaires et des taxes instituées en remplacement de cet impôt. Il s'exerce donc après les privilèges prévus à l'article 1920 du CGI, à l'article 1926 du CGI, et à l'article 1924 du CGI.
D. Les contributions indirectes
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Le privilège en matière de contributions indirectes est prévu à l'article 1927 du CGI. Il garantit le recouvrement des droits indirects, des taxes, des redevances, des soultes et des autres contributions indirectes. Il s'exerce après les privilèges cités au I-A § 50 et suivants.
II. La primauté du privilège du Trésor
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Aux termes de l'article 1920 du CGI, le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce avant tout autre. Comme le privilège prévu par l'article 1926 du CGI pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées a le même rang que celui de l'article 1920 du CGI et que le privilège prévu par le 1 de l'article 1929 du CGI pour le recouvrement des droits d'enregistrement s'exerce immédiatement après ceux-ci, le Trésor prime donc les mêmes créanciers privilégiés, quel que soit l'impôt en cause.
Le privilège du Trésor passe ainsi avant tous les privilèges mobiliers généraux et spéciaux établis par l'article 2331 du C. civ. et l'article 2332 du C. civ. ou par des dispositions législatives ou réglementaires, sauf, dans ce cas, disposition contraire.
À noter que le contenu de l'article 2331 du C. civ., qui occupe toute la section 1 intitulée « des privilèges généraux » constitue une nomenclature. Il s'agit en effet d'une liste de privilèges établie selon l'ordre de préférence entre eux.
L'article 2332 du C. civ. (des privilèges spéciaux) est une énumération ne comportant pas de classement. Les principes du classement figurent à l'article 2332-1 du C. civ., à l'article 2332-2 du C. civ. et à l'article 2332-3 du C. civ..
A. Les privilèges mobiliers généraux primés par le privilège du Trésor
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Dans cette catégorie, le privilège du Trésor n'est primé que par le privilège des frais de justice et le super-privilège des salariés. Il prime les autres privilèges mobiliers de droit privé qui s'exercent sur la généralité des meubles, dont l'énumération et le classement sont donnés par l'article 2331 du C. civ. (C. civ., art. 2332-2).
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Le privilège du Trésor l'emporte sur les privilèges généraux mobiliers qui s'exercent dans l'ordre déterminé à l'article 2331 du C. civ. :
- ceux relatifs aux frais funéraires et de dernière maladie (C. civ., art. 2331, 2° et 3°) ;
- ceux relatifs à certaines rémunérations du travail et à certains accessoires à ces rémunérations, dont la liste figure au 4° de l'article 2331 du C. civ..
- les autres privilèges listés aux 5° à 8° de l'article 2331 du C. civ..
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Le privilège dont sont assorties les redevances dues aux auteurs, compositeurs et artistes pour les trois dernières années à raison de la cession, de l'exploitation ou de l'utilisation de leurs œuvres, s'exercent concurremment avec celui visé au 4° de l'article 2331 du C. civ. (code de la propriété intellectuelle art. L. 131-8).
Le privilège du Trésor prime donc le privilège des auteurs compositeurs et artistes.
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Le privilège des caisses de sécurité sociale de l'article L. 243-4 du code de la sécurité sociale (CSS) vient au même rang que le privilège des salariés (C. civ., art 2332-2)
Le paiement des cotisations, des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d'exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés établis respectivement au 4° de l'article 2331 du C. civ. et l'article L. 625-7 du code de commerce (C. com.) et l'article L. 625-8 du C. com..
B. Les privilèges mobiliers spéciaux primés par le privilège du Trésor
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L'article 2332-1 du C. civ. pose le principe de la supériorité des privilèges spéciaux sur les privilèges généraux mais le privilège du Trésor, privilège général, prime les privilèges spéciaux mobiliers suivants.
1. Les privilèges spéciaux mobiliers de droit privé
À la différence des précédents, ces privilèges portent, non sur un ensemble de meubles mais sur un bien mobilier déterminé. Ainsi, le privilège du bailleur d'immeubles s'exerce « sur les fruits de la récolte de l'année, sur le prix de tout ce qui garnit la maison etc. » (C. civ., art. 2332, 1°).
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Le privilège du trésor prime :
- le privilège du bailleur d'immeuble visé au 1° de l'article 2332 du C. civ. ;
Ainsi, il a été jugé que le privilège prévu par l'article 1920 du CGI (et par conséquent celui de l'article 1926 du CGI) au profit du Trésor public prime celui du bailleur d'immeuble sur les meubles garnissant les locaux (Cass. civ., décision du 27 juillet 1925).
En sens inverse, le loyer dû pour les locaux commerciaux pendant la période postérieure au jugement déclaratif de redressement judiciaire a le caractère d'une dette contractée pour la conservation du gage des créanciers. Elle prime à ce titre les droits du Trésor.
Mais ce caractère n'appartient pas au loyer du logement personnel du débiteur, ce logement n'étant pas indispensable à l'exploitation commerciale.
- le privilège du créancier gagiste visé au 2° de l'article 2332 du C. civ. (Cass. com., décision du 13 avril 1972, n° 70-13954) ;
L'exercice du privilège peut cependant se trouver paralysé par le droit de rétention dont sont titulaires les créanciers gagistes (III-B-6-c § 390 et suivants).
- le privilège du vendeur de meuble non payé pour le principal, les intérêts et les frais (C. civ, art. 2332, 4°).
2. Les autres privilèges spéciaux sur meubles
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Ces privilèges spéciaux, dont la liste ne se rattache à aucune nomenclature, sont primés par le privilège du Trésor :
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- le privilège du vendeur de fonds de commerce (C. com., art. L. 141-5) ;
Remarque : Si le vendeur non payé du fonds exerce son action en résolution, le fonds étant censé n'être jamais sorti du patrimoine du vendeur, les droits réels nés du chef de l'acquéreur sont nuls. Le vendeur du fonds doit avoir mentionné son action résolutoire dans l'inscription du privilège et désigner les éléments sur lesquels il entend l'exercer.
- le privilège du créancier nanti sur fonds de commerce, même inscrit ;
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- le privilège accordé aux caisses de crédit agricole par l'article 672 du code rural (C. rur.(anc.)) ;
Ce privilège, qui a pour assiette le cheptel vif et mort, ainsi que les récoltes et l'outillage appartenant à l'emprunteur s'exerce avant tout autre, sauf celui institué par l'article 1920 du CGI pour le recouvrement des contributions directes et, par conséquent, celui énoncé à l'article 1926 du CGI au profit des taxes sur le chiffre d'affaires.
220
- le privilège du porteur de warrant agricole (code rural et de la pêche maritime (C. rur.), art. L. 342-1 et suivants) ;
Le porteur d'un warrant agricole est payé directement de sa créance sur le prix de vente des produits warrantés, par privilège et de préférence à tous créanciers sans autre formalité qu'une ordonnance du juge du tribunal judiciaire, à l'exception du propriétaire ou de l'usufruitier du fonds pour les termes de fermage échus s'il y a lieu, sans autre déduction que celle des contributions directes et des frais de vente (C. rur., art. L. 342-12).
Le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires qui a le même rang et qui s'exerce dans les mêmes conditions que celui des contributions directes prime donc celui du porteur de warrant agricole.
- le privilège du porteur de warrant hôtelier (C. com., art. L. 523-1) ;
Ce privilège obéit aux mêmes règles que le précédent. Le porteur de warrant hôtelier est préféré à tous les créanciers sans autre déduction que la créance des contributions directes (et donc des taxes sur le chiffre d'affaires ) et celle des frais de vente (C. com., art L. 523-12) ;
230
- le droit de préférence du créancier bénéficiant d'une délégation en propriété ou en garantie de tout ou partie des produits présents ou à venir d'un film qui a fait inscrire sa délégation au registre public de la cinématographie, le défaut d'inscription rendant les actes et conventions inopposables aux tiers (Cass. com., décision du 16 novembre 1971, n° 70-11828) ;
Mais il a été jugé que les droits du délégataire ne sont paralysés qu'à partir du jour où l'administration a pratiqué une opposition ;
- le privilège du créancier nanti ;
Le nantissement sur marché public n'entraîne pas de préférence. Le créancier nanti ne peut se faire payer directement par le maître d'ouvrage des sommes dont celui-ci est redevable qu'après avoir respecté l'ordre des créanciers privilégiés.
III. Les exceptions à la primauté du privilège du Trésor
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La primauté des privilèges fiscaux n'est pas absolue. Un certain nombre de lois ont consacré la priorité de divers privilèges généraux ou spéciaux sur ceux du Trésor.
A. Les privilèges généraux primant les privilèges du trésor
1. Le privilège des frais de justice
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Le privilège des frais de justice mentionné en premier rang de classement dans la liste des privilèges généraux figurant à l'article 2331 du C. civ. prime tout autre privilège. Il s'impose au Trésor comme à tout autre créancier. Toutefois, les frais de justice ne sont privilégiés que s'ils ont été engagés dans l'intérêt commun des créanciers et le privilège ne peut être opposé qu'aux créanciers auxquels les frais ont profité.
Le privilège des frais de justice peut être opposé à tous les créanciers (y compris le Trésor) auxquels les frais engagés sont susceptibles d'être utiles.
Les frais utiles seulement à d'autres créanciers que le Trésor ne priment pas le privilège du Trésor.
Toutefois, les frais provoqués par le Trésor lui sont opposables même s'ils n'étaient pas indispensables à la réalisation des biens.
2. Le super-privilège des salariés
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Le super-privilège des salariés prévu par l'article L. 3253-2 du code du travail (C. trav.) et à l'article L. 3253-4 du C. trav. (BOI-REC-GAR-10-10-10-10) en cas de procédure collective prime également le privilège du Trésor.
Pratiquement, ce privilège de tout premier rang ne peut s'exercer que dans les procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires de l'employeur et ne peut porter que sur une portion des salaires. S'il est absolu dans son principe, il est, ainsi, très limité quant à son champ d'application.
Toutefois, lorsqu'elle a acquis, dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, la faculté de poursuivre directement le recouvrement de sa créance privilégiée sur l'actif du redevable, l'administration estime qu'elle n'a pas, dans cette situation, prévue par le premier alinéa de l'article 643-2 du C. com., à reverser tout ou partie des sommes qu'elle s'est procurée par ses poursuites, même pour tenir compte de l'existence d'une créance de meilleur rang que la sienne, voire super-privilégiée.
3. Le privilège de conciliation
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Les créanciers apporteurs d'argent frais ou fournisseurs d'un nouveau bien ou service priment les créanciers antérieurs à l’ouverture de la conciliation même titulaires de sûretés (C. com., art. L. 611-11) et les créanciers postérieurs en matière de sauvegarde (C. com., art. L. 622-17), de redressement judiciaire (C. com., art. L. 631-14) et de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-13).
4. Le privilège attachés aux créances impayées postérieures au jugement d'ouverture d'une procédure collective
280
Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi à l'article L. 3253-2 du C. trav., à l'article L. 3253-4 du C. trav., à l'article L. 7313-8 du C. trav. et à l'article L. 5544-60 du code des transports (C. transp.), des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du C. com..
B. Les privilèges spéciaux primant tous les privilèges fiscaux
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Les privilèges spéciaux énumérés ci-après priment tous les privilèges fiscaux, remarque étant faite que l'ordre dans lequel est faite cette énumération n'est pas attributif de rang.
1. Le privilège des frais de conservation de la chose
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Le privilège des frais engagés pour la conservation de la chose prévu au 3° de l'article 2332 du C. civ. prime le privilège du Trésor dans la mesure où ils ont conservé le gage de celui-ci.
Ce privilège qui procède de l'idée que les frais engagés pour la conservation de la chose, en maintenant intact le patrimoine du débiteur, ont profité à l'ensemble des autres créanciers ne porte que sur la chose même qui a été conservée. Encore faut-il qu'il s'agisse d'un meuble (corporel ou incorporel). Le réparateur, le dépositaire ou même l'avocat (dont les honoraires ne sont pas compris dans les frais de justice) peuvent, par exemple, s'en prévaloir.
Le privilège est accordé pour toutes les dépenses sans lesquelles la chose eût péri en tout ou en partie ou fût devenue impropre à l'usage auquel elle est destinée. Mais, il ne s'étend pas aux dépenses utiles mais non indispensables quand bien même elles auraient augmenté la valeur de la chose.
2. Le privilège du créancier nanti sur l'outillage et le matériel d'équipement
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Prévu à l'article L. 525-1 et suivants du C. com., ce privilège s'exerce sur les biens grevés par préférence à tous autres privilèges, à l'exception :
- du privilège des frais de justice (III-A-1 § 250) ;
- du privilège des frais faits pour la conservation de la chose (C. civ., art. 2332, 3° ; III-B-6-c § 390) ;
- du privilège accordé aux salariés prévu au 4° de l'article 2331 du C. civ. et du super-privilège (III-A-2 § 260) (C. com., art. L. 525-9)
Il s'exerce, notamment, à l'encontre de tout créancier hypothécaire et par préférence au privilège du Trésor, au privilège visé à l'article L. 243-4 du CSS, au privilège du vendeur du fonds de commerce à l'exploitation duquel est affecté le bien grevé, ainsi qu'au privilège du créancier nanti sur l'ensemble dudit fonds.
Toutefois, pour que son privilège soit opposable au créancier hypothécaire, au vendeur du fonds de commerce et au créancier nanti sur l'ensemble dudit fonds, préalablement inscrits, le bénéficiaire du nantissement doit signifier à ces créanciers, par acte extrajudiciaire, une copie de l'acte constatant le nantissement. Cette signification doit, à peine de nullité, être faite dans les deux mois de la conclusion du nantissement (C. com., art L. 525-9).
3. Le privilège du porteur de warrant commercial
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L'endossement du warrant et sa transcription sur les registres des magasins généraux accordent au porteur du titre le privilège énoncé au premier alinéa de l'article L. 522-32 du C. com., aux termes duquel « le créancier est payé de sa créance sur le prix, directement et sans formalité de justice, par privilège et préférence à tous créanciers, sans autre déduction que celles :
- des contributions indirectes, des taxes d'octroi et des droits de douane dus par la marchandise ;
- des frais de vente, de magasinage et autres frais pour la conservation de la chose ».
Le privilège du porteur de warrant commercial s'exerce avant le privilège général des contributions directes.
Le privilège du porteur de warrant commercial s'exerce par conséquent avant celui des taxes sur le chiffre d'affaires.
Ainsi, lorsqu'aucun droit indirect n'est dû sur la marchandise le porteur de warrant doit être désintéressé avant le Trésor sur le prix de la marchandise gagée.
Toutefois les contributions indirectes dues sur les marchandises doivent être déduites du prix. Par conséquent, le privilège de l'article 1927 du CGI prime celui du porteur de warrant commercial pour les droits dus sur la marchandise.
Remarque : Le porteur du warrant industriel est quant à lui payé directement de ses créances sur le prix de vente, par privilège, et de préférence à tous créanciers, sous déduction des frais de vente et sans autres formalités qu'une ordonnance du président du tribunal de commerce (loi du 12 septembre 1940 sur le financement des fabrications de démarrage faisant l'objet de lettres d'agrément, art. 11 et art. 12).
Le porteur du warrant pétrolier est payé directement de ses créances sur le prix de vente, par privilège et de préférence à tous créanciers, sous déduction des frais de vente, et sans autres formalités qu'une ordonnance du président du tribunal de commerce (C. com., art. L 524-13)
4. Le privilège des ouvriers et des fournisseurs d'entrepreneurs de travaux pour le compte de l'État
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Le privilège des ouvriers employés par les entrepreneurs de travaux pour le compte de l'État ou de collectivités publiques et le privilège des fournisseurs de matériaux à ces entrepreneurs est prévu à l'article L. 3253-22 du C. trav..
a. Existence du privilège
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Le privilège n'existe que s'il s'agit de marchés de « travaux publics » à l'exclusion des marchés de droit privé mais la notion de travail public est interprétée de façon extensive par la jurisprudence administrative.
Les seuls fournisseurs susceptibles de bénéficier du privilège résultant de l'article L. 3253-22 du C. trav. sont ceux qui ont été agréés par le pouvoir adjudicateur, dans des conditions fixées par décret. Le privilège ne porte que sur les fournitures livrées postérieurement à la date à laquelle la demande d'agrément est parvenue à l'autorité compétente.
Pour se prévaloir du privilège de l'article L. 3253-22 du C. trav., le fournisseur doit pouvoir justifier d'un agrément exprès de l'autorité compétente, porté sur un registre spécial. C'est ce qui résulte de l'article R. 2191-63 du code de la commande publique (CCP). Mais le défaut d'agrément n'entraîne pas l'inopposabilité du privilège aux tiers. Il n'est exigé que vis-à-vis des seuls créanciers auxquels le marché a été donné en nantissement.
b. Exercice et rang du privilège
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Le privilège est accordé aux ouvriers pour le montant de leurs salaires (ou aux tiers subrogés qui les ont désintéressés), aux fournisseurs des matériaux servant à l'exécution des travaux et aux sous-traitants.
Le privilège s'exerce sur les sommes dues par l'administration en paiement des travaux ou fournitures :
- il est limité quant aux créances garanties aux seules fournitures faites pour le travail considéré, qui, sans avoir été nécessairement incorporées à l'ouvrage, ont servi à sa construction ;
- il est limité aux sommes dues à l'entrepreneur général pour ce même ouvrage.
Le privilège assure à son bénéficiaire un paiement par préférence ; il prime les autres privilèges (sauf celui des frais de justice et des salaires) et notamment celui du Trésor. Sa revendication n'est soumise à aucune forme particulière, le créancier pouvant se borner à manifester son intention de s'en prévaloir par un acte quelconque, par exemple par une production au passif d'une liquidation judiciaire du titulaire du marché
La garantie ainsi prévue au bénéfice des ouvriers et des fournisseurs est donc une insaisissabilité qui équivaut à un privilège spécial sans droit de suite.
5. Le droit de préférence du sous-traitant
350
L'article L. 2193-11 du CCP prévoit que « le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ».
« Le paiement direct est obligatoire même si le titulaire du marché est en état de liquidation judiciaire, de redressement judiciaire ou de procédure de sauvegarde » (CCP, art. L. 2193-12).
Ce droit de préférence garantit les créances des sous-traitants qui ont effectué une partie des travaux, tant pour les salaires payés aux ouvriers que pour les matériaux employés.
6. Les privilèges des aéronefs, bateaux , navires
a. Les privilèges concernant les aéronefs
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Les privilèges énumérés à l'article L. 6122-16 du C. transp. priment les hypothèques et par suite les autres privilèges sur un aéronef.
Les créances mentionnées à l'article L. 6122-16 du C. transp. sont privilégiées dans l'ordre où elles sont énumérées par cet article.
Les créances de même rang viennent en concurrence et sont payées, en cas d'insuffisance, en proportion de leur montant.
Les privilèges mentionnés à l'article L. 6122-16 du C. transp. portent sur l'aéronef ou sur l'indemnité d'assurance mentionnée à l'article L. 6122-9 du C. transp.. Ils suivent l'aéronef en quelque main qu'il passe.
Les privilèges autres que ceux mentionnés à l'article L. 6122-16 du C. transp. ne prennent rang qu'après les hypothèques dont l'inscription est antérieure à la naissance de ces privilèges.
b. Les privilèges concernant les navires
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Les privilèges énumérés à l'article L. 5114-8 du C. transp. priment les hypothèques quel que soit le rang d'inscription de celle-ci et par suite les autres privilèges (C. transp., art. L. 5114-13 ).
Le privilège du trésor prévu à l'article 1920 du CGI à l'article 1929 du CGI n'est pas compris dans cette énumération, il est donc primé par le privilège de l'article L. 5114-8 du C. transp. et par les hypothèques conventionnelles maritimes.
Les privilèges prévus à l'article L. 5114-8 du C. transp. suivent le navire en quelque main qu'il passe (C. transp., art. L. 5114-18).
Ces privilèges s'exercent sur le navire, sur le fret du voyage pendant lequel est née la créance privilégiée et sur les accessoires du navire et du fret acquis depuis le début du voyage (C. transp., art. L 5114-8).
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 5114-8 du C. transp., le privilège prévu au profit des personnes engagées à bord du navire porte sur l'ensemble des frets dus pour tous les voyages effectués au cours du même embarquement.
Les créances se rapportant à un même voyage sont privilégiées dans l'ordre où elles sont énumérées à l'article L. 5114-8 du C. transp..
c. Les privilèges concernant les bateaux
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Les bateaux sont affectés aux dettes que la loi déclare privilégiées pour les meubles (C. transp., art. L. 4122-12).
Les privilèges s'étendent à tous objets qui, sans faire partie intégrante du bateau, lui sont attachés à demeure par leur destination, à l'exception de ceux qui n'appartiennent pas au propriétaire du bateau (C. transp., art. L. 4122-13).
Les créances privilégiées sont énumérées par l'article L. 4122-16 du C. transp..
Les privilèges mentionnés à l'article L. 4122-16 du C. transp. s'établissent sans formalités et suivent le bateau en quelque main qu'il passe (C. transp., art. L. 4122-18).
Les privilèges de l'article L. 4122-16 du C. transp. s'exercent avant tout autre.
390
Toutefois en cas de saisie et de vente forcée, les frais de justice effectués dans l'intérêt commun des créanciers pour parvenir à la vente et à la distribution du prix, y compris les frais de garde, sont déduits du prix d'adjudication avant distribution aux créanciers, même privilégiés (C. transp., art. L. 4122-21)
Les privilèges de l'article L. 4122-16 du C. transp. priment les hypothèques qui ne peuvent être que conventionnelles. Les privilèges mentionnés à l'article 2331 du C. civ., à l'article 2332 du C. civ., à l'article 2332-1 du C. civ., à l'article 2332-2 du C. civ. et à l'article 2332-3 du .C civ. ne prennent rang avant l'hypothèque que si les faits constitutifs de la créance sont antérieurs à l'inscription de l'hypothèque et si le créancier est en possession du bateau ou l'a fait saisir à titre conservatoire, avant cette inscription (C. transp., art. L. 4122-15).
Sous réserve des dispositions de l'article L. 4122-16 du C. transp., les créances sont privilégiées dans l'ordre fixé par l'article 2331 du C. civ., à l'article 2332 du C. civ., à l'article 2332-1 du C. civ., à l'article 2332-2 du C. civ. et à l'article 2332-3 du .C civ..
C. Les privilèges spéciaux primant les privilèges des droits d'enregistrement et des contributions indirectes
1. Privilège spécial primant le privilège des droits d'enregistrement et le privilège des contributions indirectes
400
Il s'agit du privilège du porteur d'un warrant agricole, d'un warrant hôtelier (BOI-REC-GAR-10-10-10-10).
Le privilège du porteur de warrant agricole est régi par l'article L. 342-1 et suivants du C. rur..
Le porteur d'un warrant agricole est payé directement de sa créance sur le prix de vente des produits warrantés, par privilège et de préférence à tous créanciers sans autre formalité qu'une ordonnance du juge du tribunal judiciaire, à l'exception du propriétaire ou de l'usufruitier du fonds pour les termes de fermage échus s'il y a lieu, sans autre déduction que celle des contributions directes, des taxes sur le chiffre d'affaires et des frais de vente (C. rur., art. L. 342-12).
Le porteur du warrant hôtelier est payé directement de sa créance sur le prix de vente, par privilège et de préférence à tous créanciers, et sans autre déduction que celle des contributions directes, des taxes sur le chiffre d'affaires et des frais de vente et sans autre formalité qu'une ordonnance du président du tribunal de commerce (C. com., art. L. 523-12).
2. Privilèges spéciaux primant seulement le privilège des contributions indirectes
410
Ce sont :
- le privilège du propriétaire pour six mois de loyers échus (CGI, art. 1927) ;
- le privilège du vendeur de marchandises encore sous balle et sous corde (CGI, art. 1927).
Ce dernier privilège vise le vendeur qui justifie ne pas avoir perçu le prix de la marchandise vendue et livrée. Il faut que la marchandise soit encore en l'état dans lequel elle a été livrée, c'est-à-dire, qu'elle soit identifiable sans aucun doute possible.
L'article 1927 du CGI prévoit expressément que le privilège des contributions indirectes est primé par celui du bailleur « pour ce qui est dû pour six mois de loyer » et par celui du vendeur des marchandises en nature qui sont encore sous balle et sous corde.
a. Droits du bailleur pour six mois de loyer
420
L'article 1927 du CGI limite à « ce qui est dû pour six mois de loyers seulement » les droits que le bailleur d'immeuble peut opposer à l'administration.
Il restreint donc le privilège accordé au propriétaire par l'article 2332 du C. civ. sur les meubles garnissant les locaux loués et garantissant le paiement des loyers et fermages, ainsi que des accessoires et indemnités pour réparations, soit pour tous les termes prévus par les baux échus ou à échoir, soit pour un an, suivant la forme du bail.
Le privilège du bailleur n'est pas limité au seul loyer. Il peut s'appliquer à d'autres créances accessoires, et notamment aux réparations locatives. Mais la somme totale garantie ne peut dépasser le total correspondant à six mois de loyer.
Ainsi, le propriétaire peut réclamer, outre le loyer qui lui est dû, le montant des réparations locatives, dès l'instant que le total des deux sommes ne dépasse pas le montant de six mois de loyer.
D'autre part, la Haute Cour a décidé que les dispositions de l'article 1927 du CGI devaient jouer à l'occasion de la distribution du prix des meubles garnissant les lieux loués. Il ne devait pas être tenu compte de ce que le propriétaire avait reçu par ailleurs sur une autre partie de l'actif du redevable.
Par contre, le privilège du propriétaire ne peut porter ni sur les frais occasionnés pour obtenir l'éviction du locataire ou le paiement de sa créance, ni sur les intérêts.
Enfin, le privilège du bailleur doit s'exercer pour les six derniers mois de loyers échus même si le locataire a payé d'avance, en vertu du bail, le montant de six derniers mois de loyer à échoir à la fin du bail.
b. Droits du vendeur des marchandises en nature encore sous balle et sous corde
430
Selon les dispositions de l'article 1927 du CGI, « la revendication dûment formulée par le propriétaire des marchandises qui sont encore sous balle et sous corde » est préférable au privilège des contributions indirectes.
Le terme « propriétaire » a pu prêter à confusion. En fait la disposition de l'article 1927 du CGI vise le fournisseur qui, n'ayant pas encore reçu le prix de vente, revendique son bien lorsqu'il se trouve encore entre les mains de l'acheteur en l'état où il a été livré.
Ce droit ne peut donc bénéficier aux personnes qui ont confié des marchandises au redevable à un titre quelconque : dépôt, consignation, prêt, gage.
Le privilège ne pourra s'exercer que si :
- celles-ci n'ont pas encore été revendues, elles doivent être en nature.
L'article 1927 du CGI précise également que la marchandise doit être encore sous balle et sous corde. En réalité, cela signifie qu'aucun doute ne doit subsister sur son identité.
Peu importe, par contre, que la marchandise réclamée par le vendeur ait été ou non prise en charge dans la comptabilité du débiteur.
IV. Incidence sur le classement du droit de rétention du créancier gagiste
435
L'exercice des privilèges mobiliers peut se trouver paralysé par celui du droit de rétention dont sont titulaires les créanciers nantis et certains autres créanciers auxquels le législateur reconnaît un gage tacite.
A. Le droit de rétention du créancier gagiste
440
Le droit de rétention est la faculté pour le créancier qui détient un objet appartenant à son débiteur, ou même à un tiers, d'en refuser la restitution jusqu'à complet paiement de sa créance. Au droit de rétention réel, qui est le complément de la possession réelle du bien, la loi a ajouté le droit de rétention fictif, corollaire de la possession fictive.
Le droit de rétention, bien qu'il soit souvent qualifié de privilège, n'est pas un privilège proprement dit au sens de l'article 2324 du C. civ.. Il s'agit d'un droit d'une nature spéciale, qui, exercé tant à l'encontre du débiteur que des autres créanciers, produit quelques-uns des effets du privilège et, sans donner un véritable droit de préférence à son titulaire, aboutit cependant, indirectement, à un résultat très voisin.
On distingue traditionnellement le droit de rétention réel et le droit de rétention fictif.
1. Le droit de rétention réel
450
Les créanciers pouvant bénéficier du droit de rétention sont à titre d'exemples (liste non exhaustive) :
- le dépositaire, qui, en vertu de l'article 1948 du C. civ. « peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt » ;
- le créancier gagiste du droit civil, qui a le droit de conserver la chose remise en gage aussi longtemps qu'il n'est pas intégralement payé du principal, des intérêts et des frais ;
Le droit de rétention du gagiste présente deux traits caractéristiques :
- il est à tous égards indivisible (spécialement le gagiste peut retenir toute la chose, même si elle peut être fractionnée, bien qu'il ait été payé en partie) ;
- il est opposable aux tiers, si le constituant du gage ou un créancier après saisie vend la chose, le gagiste n'est pas tenu de la livrer.
- le commissionnaire (C. com., art. L. 132-3) ;
Le commissionnaire a privilège sur la valeur des marchandises faisant l'objet de son obligation et sur les documents qui s'y rapportent pour toutes ses créances de commission sur son commettant, même nées à l'occasion d'opérations antérieures.
Dans la créance privilégiée du commissionnaire sont compris, avec le principal, les intérêts, les commissions et frais accessoires.
2. Le droit de rétention fictif
460
Le droit de rétention fictif doit être expressément prévu par la loi qui a créé le gage. Ainsi, le créancier nanti sur fonds de commerce, en l'absence de disposition explicite à l'article L. 143-1 et suivants du C. com. (Cass. com., décision du 28 octobre 1971, n° 70-12595 ; Cass. com., décision du 13 avril 1972, n° 70-13954), de même que le créancier nanti sur l'outillage et le matériel d'équipement à défaut de dispositions de l'article L. 525-1 et suivants du C. com. ne bénéficient pas de cette prérogative.
470
Par contre, peuvent notamment exciper d'un droit de rétention les vendeurs, cessionnaires de créances, escompteurs et prêteurs de deniers pour l'achat de véhicules automobiles et autres engins (C. civ., art. 2351).
Ces dispositions sont applicables à tous les gages portant sur un véhicule automobile et non plus seulement aux gages consenties en faveur des vendeurs à crédit et préteurs de deniers pour l'achat de ces véhicules.
Pour conserver leur gage, les créanciers doivent en faire mention sur un registre spécial ouvert à cet effet dans toutes les préfectures (C. civ., art. 2351). Un reçu de cette déclaration est délivré au créancier gagiste.
Selon l'article 2352 du C. civ. « par la délivrance de ce reçu, le créancier gagiste sera réputé avoir conservé la marchandise en sa possession », et par conséquent, bénéficiera d'un droit de rétention fictif.
La mention au registre conserve le gage pour une durée de cinq ans et peut être renouvelée une seule fois pour le même laps de temps.
B. Le règlement du conflit entre le Trésor, créancier privilégié et le titulaire du droit de rétention
480
Le gage accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs (C. civ. art. 2333).
La Cour de cassation estime également notamment, que le créancier gagiste, même dans le cas de gage sans dépossession comme celui qui porte sur les véhicules automobiles, peut opposer son droit de rétention à tout créancier privilégié qui tenterait de saisir et de vendre le bien gagé.
En revanche, s'il prend l'initiative de la vente, le créancier gagiste perd son droit de rétention et ne peut se prévaloir que du privilège qui lui est reconnu au 2° de l'article 2332 du C. civ., il subit alors la priorité des privilèges d'un rang préférable, tel que le privilège du Trésor.
Un autre moyen pour le créancier gagiste de résister à l'exercice des privilèges qui le priment est de faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement.
1. La primauté du droit de rétention
490
Le bénéficiaire du droit de rétention peut opposer son droit aux créanciers même privilégiés.
Telle est la situation de l'ouvrier ou de l'artisan exerçant son droit de rétention sur le bien qu'il a façonné ou amélioré.
De même, malgré le caractère fictif de sa possession, le créancier gagiste sur véhicules automobiles, qui a satisfait aux prescriptions de l'article 2352 du C. civ., bénéficie sur l'automobile vendue jusqu'à complet règlement de sa créance du droit de rétention qu'il peut opposer à l'administration lorsque celle-ci a engagé des poursuites pour faire vendre le véhicule.
500
Lorsque le débiteur est en état de liquidation judiciaire, le liquidateur a la possibilité, avec l'autorisation du juge-commissaire, de mettre le créancier gagiste en demeure de réaliser son gage dans un délai imparti, et, à défaut d'y procéder à sa place (Cass. com., décision du 4 juillet 1962).
Lorsque le créancier gagiste est dessaisi du bien, suite à sa mise en vente par le liquidateur , le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix (C. com., art. L. 642-20-1 ; Cass. com., décision du 26 janvier 1965, n° 60-13434).
2. Les limites du droit de rétention
a. La perte du droit de rétention
510
S'il prend l'initiative de la vente, le créancier gagiste perd son droit de rétention et ne peut se prévaloir que du privilège qui lui est reconnu par l'article 2332 du C. civ. ; il subit alors la priorité des privilèges d'un rang préférable, tel que le privilège du Trésor.
Le créancier gagiste, en prenant l'initiative de la vente du véhicule même s'il demande auparavant au tribunal l'autorisation de procéder à la réalisation du gage, perd son droit de rétention et le comptable public peut exercer à son encontre ses privilèges de l'article 1926 du CGI et de l'article 1927 du CGI.
Le créancier gagiste perd son droit de rétention lorsque, non désintéressé, il poursuit lui-même la vente du bien gagé (Cass. com., décision du 16 mars 1960) ou lorsqu'il donne son consentement au liquidateur judiciaire pour la vente du bien (Cass. civ., décision du 12 juin 1963).
Dans ces cas, le conflit de privilèges se résout au profit du Trésor si, face au privilège des taxes sur le chiffre d'affaires, le gagiste ne peut invoquer que le privilège spécial sur meubles énoncé au 2° de l'article 2331 du C. civ..
520
Lorsque le débiteur fait l'objet d'un jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, ce jugement emporte, de plein droit, inopposabilité du droit de rétention conféré au 4° de l'article 2286 du C. civ. pendant la période d'observation et l'exécution du plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d'activité décidée en application de l'article L. 626-1 du C. com. (C. com., art. L. 622-7).
L'inopposabilité à la procédure judiciaire du droit à rétention du créancier gagiste sans dépossession disparaît en cas de résolution du plan, de cession partielle ou de liquidation judiciaire adopté dans le cadre d'une sauvegarde ou d'un redressement judiciaire et incluant le bien gagé.
b. Les irrégularités dans la constitution du gage
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Lorsque des formalités sont prescrites pour la constitution du gage, qu'elles ne sont pas respectées ou qu'elles le sont de façon incomplète, le créancier gagiste ne peut opposer son droit de rétention au Trésor. En outre, en matière de gage automobile notamment, le droit du créancier n'est opposable aux tiers qu'à dater de l'inscription du gage. Aussi, pendant le temps qui sépare le contrat de nantissement et la délivrance du récépissé d'inscription à la préfecture, le véhicule demeure dans le patrimoine du débiteur, libre de charge et sujet aux voies d'exécution que les tiers peuvent exercer. Ainsi, l'administration qui a saisi un véhicule avant l'inscription du gage est fondée à exercer son privilège sur le prix, sans que les droits du gagiste puissent lui être opposés.
3. L'attribution du gage au créancier gagiste
a. Attribution du gage en justice
540
En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, les créanciers gagistes disposent d'un moyen sûr de réaliser leur gage sans subir le concours des privilèges du Trésor. En effet, quand le gage leur est attribué en paiement par le tribunal, ils passent sans transition de la possession matérielle (gage de droit commun) ou fictive (gage spécial sur automobile) à la propriété pleine et entière de l'objet. Le comptable public n'a donc plus la possibilité d'exercer ses privilèges.
Aux termes de l'article 2347 du C. civ., le créancier gagiste « peut aussi faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement ».
La Cour de cassation (Cass. com., décision du 31 mai 1960 et Cass. com., décision du 9 janvier 1961) a décidé, d'une part, que le créancier gagiste du droit commercial et, d'autre part, le créancier gagiste sur véhicule automobile, disposent, comme le gagiste du droit civil, de la faculté de faire ordonner en justice que le gage lui demeurera en paiement jusqu'à due concurrence après estimation faite par les experts. Ces créanciers gagistes conservent ce droit malgré la faillite du débiteur (Cass. civ., décision du 20 mars 1961) et malgré la saisie du bien et plus particulièrement du véhicule par l'administration (Cass. com., décision du 16 juin 1964).
Lorsque la valeur du bien excède le montant de la dette garantie, la somme égale à la différence est versée au débiteur ou, s'il existe d'autres créanciers gagistes, est consignée (C. civ., art. 2347).
b. Cas particulier : créances réciproques
550
La spécialité du gage s'oppose au report de ce droit d'un bien sur un autre.
Si deux véhicules automobiles font l'objet, entre un même vendeur et un même acheteur, de contrats de gage distincts et si l'expertise des véhicules, pratiquée dans le cadre de l'article 2348 du C. civ., fait apparaître un excédent de valeur pour l'un et une insuffisance pour l'autre, la soulte afférente au premier n'est pas affectée en garantie du paiement de la somme qui reste due sur le deuxième. Elle peut donc être saisie par l'administration, même pour une créance chirographaire, la soulte devant, en ce cas, être partagée au marc-le-franc entre la créance du Trésor et celle du vendeur, également chirographaire.
Mais, pour éviter que les créances réciproques du vendeur et de l'acheteur ne s'éteignent à due concurrence, par l'effet de la compensation légale la saisie doit intervenir avant que lesdites créances ne soient liquides et exigibles, c'est-à-dire avant le jugement définitif d'attribution en paiement. En effet, la procédure prévue à l'article 2347 du C. civ. donne lieu normalement à deux jugements :
- par le premier, le tribunal statue sur le bien-fondé de la demande du gagiste, c'est-à-dire qu'il vérifie le quantum et l'exigibilité de la créance, ainsi que la validité du contrat de gage et, si la demande est fondée, il commet un expert ;
- par le deuxième, il examine les conclusions de l'expert et prononce l'attribution en paiement à due concurrence.
Le comptable peut intervenir à l'instance s'il justifie d'un intérêt et s'il peut opposer à la demande du gagiste des arguments valables, telle que la nullité du contrat de gage.
V. L'incidence du droit de préférence du créancier de pension alimentaire
560
L'article L. 213-1 du code des procédures civiles d'exécution (CPC exéc.) à l'article L. 213-6 du CPC exéc. au recouvrement public des pensions alimentaires organise un droit de préférence au profit du créancier de pension alimentaire.
Tout créancier d'une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension.
La demande vaut, sans autre procédure et par préférence à tous les créanciers, attribution au bénéficiaire des sommes qui en font l'objet au fur et à mesure qu'elles deviennent exigibles. Le paiement direct est applicable au terme courant de la pension alimentaire et aux termes échus pour les six derniers mois ; toutefois, le règlement de cet arriéré est fait par fractions égales sur une période de douze mois.
Aux termes de l'article L. 3252-5 du C. trav., le prélèvement direct peut être poursuivi sur l'intégralité de la rémunération.
570
Logiquement, il ne devrait pas y avoir concurrence avec le Trésor. En effet, le terme mensuel courant est censé s'imputer sur la partie insaisissable et, seulement s'il y a lieu, sur la partie saisissable sur laquelle le Trésor exerce son action.
En cas de concurrence, le créancier du terme courant de la pension alimentaire prime déjà le Trésor, même détenteur d'un privilège en rang utile, dès lors que la demande de paiement est antérieure à la notification d’une saisie administrative à tiers détenteur.
En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 3252-5 du C. trav. et de l'article R. 3252-5 du C. trav., dans tous les cas, une somme, correspondant au montant forfaitaire mentionné à l'article L 262-2 du code de l'action sociale et des familles (revenu de solidarité active) fixé pour un foyer d'une personne, doit être laissée à la disposition du bénéficiaire de la rémunération, ce qui diminue d'autant la part de la fraction insaisissable qui peut être appréhendée par le créancier de pension alimentaire et augmente les risques de concurrence sur la partie saisissable avec le Trésor.