Date de début de publication du BOI : 04/12/2019
Identifiant juridique : BOI-CTX-RDI-20

CTX - Recours en dommages-intérêts en matière fiscale - Juridictions compétentes

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La procédure de l'action en dommages et intérêts soulève, en matière fiscale, des problématiques de délimitation de compétence entre les deux grands ordres juridictionnels, le judiciaire et l'administratif. Cette complexité résulte de la combinaison de trois principes attributifs de compétence :

- selon le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge administratif est normalement compétent pour connaître de toutes les actions en dommages-intérêts dirigées contre l'État ;

En ce sens, tribunal des conflits, arrêt du 8 février 1873, n° 00012.

- le juge fiscal, « juge de l'impôt », relève soit de l'ordre administratif (impôts directs, taxes sur le chiffre d'affaires) soit de l'ordre judiciaire (enregistrement, timbre, taxe de publicité foncière, impôt de solidarité sur la fortune et impôt sur la fortune immobilière) ;

- le juge judiciaire est compétent pour connaître de la régularité en la forme des actes de poursuites (livre des procédures fiscales (LPF), art. L. 281).

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La conciliation de ces différents principes a conduit les hautes juridictions saisies (tribunal des conflits, Conseil d'État et Cour de cassation) à opérer une distinction selon que le dommage résulte d'une faute affectant les opérations d'assiette, de recouvrement ou une activité extra-fiscale.

I. Fautes affectant les opérations d'assiette

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Au terme d'une évolution jurisprudentielle, les tribunaux font désormais prévaloir la théorie des « blocs de compétence » qui attribue le contentieux de la responsabilité au juge compétent en matière d'assiette (LPF, art. L. 199).

Le juge administratif est en conséquence compétent pour les litiges indemnitaires relatifs aux impôts directs, aux taxes sur le chiffre d'affaires ou aux taxes assimilées.

C'est au contraire le juge judiciaire qui est compétent pour les litiges indemnitaires qui concernent les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière, le timbre, l'impôt de solidarité sur la fortune et l'impôt sur la fortune immobilière.

Ainsi, sont de la compétence de l'ordre administratif les actions en responsabilité engagées par les contribuables en raison d'agissements imputables à des agents des services de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) pour des impositions relevant de cet ordre juridictionnel (Conseil d'État, arrêt du 27 janvier 1989, n° 68448).

De même il a été jugé que sont compétents les tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître d'une demande d'indemnisation fondée sur le préjudice causé par l'émission irrégulière de procès-verbaux établis en matière de droit de timbre sur les affiches dont le contentieux relevait de ces mêmes juridictions (tribunal des conflits, arrêt du 14 mai 1984, n° 02302).

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II. Fautes affectant les opérations de recouvrement

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Le partage des compétences entre les deux ordres de juridictions est fondé sur une distinction entre la faute commise dans l'exécution des poursuites, le juge judiciaire ayant une compétence exclusive quel que soit l'impôt ou la créance concernée, et la faute qui réside dans la décision d'engager les poursuites ou dans le choix des mesures de poursuite.

Dans cette dernière hypothèse, le juge compétent pour statuer sur les contestations relatives à l'impôt concerné est également compétent pour connaître des actions en responsabilité de l'État.

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Ainsi, le Conseil d'État décline sa compétence pour connaître de la mise en jeu de la responsabilité de l'État à l'occasion d'une faute qu'aurait commise le service chargé du recouvrement de la contribution des patentes en faisant procéder à la saisie et à la vente d'objets appartenant au contribuable, au motif que seuls les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des responsabilités que l'État peut avoir encourues à raison des fautes prétendument commises au cours de la procédure d'exécution (CE, arrêt du 30 mars 1960, Leb., p. 240).

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La juridiction judiciaire est seule compétente pour trancher les contestations relatives à l'existence et à la portée du privilège du Trésor, qu'il s'agisse de la contestation d'un acte de poursuite, d'une demande de restitution de l'impôt acquitté à la demande de l'administration ou d'une demande de remboursement présentée sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'administration (CE, arrêt du 22 février 2017, n° 394647).

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La juridiction administrative est par ailleurs incompétente pour connaître de conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité des services fiscaux à raison d'une faute consistant dans le recours à une voie d'exécution pour le recouvrement d'une imposition que le requérant a contestée et dont il a ultérieurement été dégrevé ; en effet, cette faute n'est pas détachable de la procédure de recouvrement de droits d'enregistrement, dont le contentieux relève des juridictions de l'ordre judiciaire (CE, arrêt du 6 janvier 1986, n° 47111).

Cependant, le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la responsabilité de l’État en raison des fautes de service consistant dans la décision du directeur général des impôts d'assigner une société en liquidation de biens devant le tribunal de commerce sur les bases d'une créance relative aux taxes sur le chiffre d'affaires dont le montant était erroné (CE, arrêt du 26 mars 1982, n° 22557).

III. Fautes diverses imputées aux services de la direction générale des Finances publiques (DGFiP)

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La mise en jeu de la responsabilité des services de la DGFiP à raison des dommages causés, en dehors de toute contestation relative à l'assiette ou à la perception de l'impôt, relève de la compétence de la juridiction administrative.

Remarque : Sur la juridiction compétente pour connaître d'une demande indemnitaire mettant en cause la responsabilité de l'État sur le fondement de la faute personnelle d'un agent de l'administration, et non sur le fondement de la faute de service, il convient de se reporter au BOI-CTX-RDI-10.

Ainsi la juridiction administrative est compétente pour connaître des demandes indemnitaires relatives :

- à la faute qu'aurait commise un agent de l'enregistrement en fournissant un document qui serait de complaisance (CE, arrêt du 21 décembre 1962, n°36207, Leb., p. 701) ;

- au dommage résultant du retard du ministre à statuer sur une demande en remise gracieuse (CE, arrêt du 24 juin 1953, n°15135, Leb. p. 317) ;

- au dommage résultant de renseignements erronés donnés par l'administration (CE, arrêt du 16 janvier 1935, Leb., p. 62 et CE, arrêt du  9 mars 1960, Leb. p. 190).

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En revanche, l'appréciation des conséquences dommageables de l'engagement de poursuites pénales pour fraude fiscale relève de la compétence des tribunaux judiciaires.

En effet, il a été jugé que la décision d'engager ces poursuites n'est pas détachable de la procédure pénale à laquelle elle a donné lieu (Cass. civ., 1er décembre 1987, n° 86-12244).