Date de début de publication du BOI : 07/08/2019
Date de fin de publication du BOI : 14/02/2024
Identifiant juridique : BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-50

TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations imposables en raison de leur nature - Opérations réalisées au moyen de bons

Actualité liée : 07/08/2019 : TVA - Transposition de la Directive (UE) 2016/1065 du Conseil du 27 juin 2016 en ce qui concerne le traitement des bons (loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, art. 73)

I. Définition du bon

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Un instrument peut être qualifié de bon au sens du a du 3 de l'article 256 ter du code général des impôts (CGI) si les conditions suivantes sont réunies :

- il est remis à titre onéreux à son bénéficiaire par son émetteur ou un tiers (intermédiaire, distributeur etc.) ;

- il comporte une obligation de l'accepter comme contrepartie totale ou partielle à la fourniture d’une ou plusieurs livraisons de biens ou prestations de services ;

- les livraisons de biens ou prestations de services concernées sont indiquées soit sur l’instrument lui-même, soit dans la documentation correspondante telle que les conditions générales d’utilisation de cet instrument.

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Les bons remis gratuitement à leurs bénéficiaires par l'émetteur ne sont pas concernés par les dispositions de l'article 256 ter du CGI et suivent le régime fiscal des cadeaux (BOI-TVA-DED-30-30-50).

Sont également exclus du champ de ces dispositions, les instruments pour lesquels au moment de leur émission, la livraison des biens ou la fourniture de services pouvant être obtenus en contrepartie du transfert du bon ne sont pas garantis par l’émetteur ou soumis à un aléa. Par exemple, des instruments tels que des certificats ou jetons d’usage, émis par une société en échange d’un financement participatif, pouvant donner droit à des services ou biens futurs réalisés par la société, non encore déterminés lors de l'émission de ces instruments, ne peuvent recevoir la qualification de bons au sens des dispositions de l'article 256 ter du CGI.

De même, les actifs numériques au sens du 2° de l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier (CoMoFi) contenant des unités de valeur non monétaire acceptés par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et les jetons mentionnés à l’article L. 552-2 du CoMoFi qui remplissent les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 du CoMoFi ne peuvent être qualifiés de bons au sens de l’article 256 ter du CGI.

Au regard des règles applicables en matière de TVA, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 22 octobre 2015, affaire C-264/14, Hedqvist) applique aux actifs numériques contenant des unités de valeur non monétaire reconnus par les parties participant à l’opération comme un moyen de paiement acceptable tels que les « Bitcoins », le même régime que celui applicable aux moyens de paiement légaux. Partant, ce type d’actifs numériques ne peut être qualifié de bons au sens des dispositions de l'article 256 ter du CGI. Les opérations de change de devises traditionnelles contre ces actifs numériques et inversement, ainsi que les opérations de change entre ces actifs numériques sont exonérées de TVA en application du d du 1° de l'article 261 C du CGI.

Pour plus de précisions sur l'assujettissement et la base d'imposition des offres au public de jetons, se reporter au BOI-RES-TVA-000054.

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Ne peuvent également pas recevoir la qualification de bons au sens des dispositions de l'article 256 ter du CGI, les instruments suivants :

- les monnaies électroniques au sens de l'article L. 315-1 du CoMoFi qui sont des moyens de paiement ;

- les titres-restaurant, les chèques-vacances et les chèques emploi-service universel (CESU) en ce qu'ils constituent des titres spéciaux de paiement ou des moyens de paiement (BOI-TVA-SECT-50-10-10 au III-F § 180 et BOI-TVA-SECT-50-10-10 au III-G § 190) ;

- les bons de réduction ou tout autre instrument permettant à leur détenteur de bénéficier d'une remise lors de l'achat de biens ou services mais n'incorporant pas un droit à recevoir ces biens ou services, ni l'obligation pour le fournisseur du bien ou le prestataire de services de les accepter (BOI-TVA-BASE-10-20-10 au I-1 § 50 et suivants) ;

- les timbres-poste dont le régime de TVA relève des dispositions du 3° de l'article 261 C du CGI.

Lors de la commercialisation par les agences de voyage en leur nom de packages de voyage, qui présentent les caractéristiques de bons, ces packages ne sont pas soumis aux règles de TVA applicables aux bons et relèvent du régime particulier de la marge des agences de voyage (BOI-TVA-SECT-60).

II. Les différentes catégories de bons

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Les dispositions de l'article 256 ter du CGI s'appliquent dès lors que le bon mentionne les biens ou services auxquels il se rapporte ou l'identité des fournisseurs ou prestataires potentiels.

Les bons peuvent être qualifiés de bons à usage unique dès lors qu’au moment de leur émission le lieu de la livraison des biens ou de la fourniture des services ainsi que la TVA due sur ces biens ou services sont connus. A contrario, lorsque l’un de ces éléments fait défaut et que la liquidation de la TVA afférente à l’opération sous-jacente est impossible au moment de l’émission, les bons constituent des bons à usages multiples.

A. Les bons à usage unique

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Aux termes de l’article 256 ter du CGI, un bon est à usage unique lorsqu’au moment de son émission, le lieu de la livraison de biens ou de la prestation des services à laquelle le bon se rapporte et la TVA y afférente sont connus (assiette, taux, territorialité).

Un instrument qui donnerait droit à obtenir plusieurs prestations de services de même nature dont l'ensemble des modalités de taxation est connu à l'émission constitue un bon à usage unique au sens de l'article 256 ter du CGI.

Exemple : Une carte conférant à son bénéficiaire le droit de bénéficier d'un certain nombre de séances dans une salle de spectacle pour lesquelles le lieu d'imposition et le taux de la TVA sont déterminés constitue un bon à usage unique au sens des dispositions de l'article 256 ter du CGI.

De même, un bon au sens du a) du 3 de l’article 256 ter du CGI qui permettrait en échange d’avoir accès à des livraisons de biens ou à des prestations de services de nature différentes mais dont le montant de la taxe dû (même taux et assiette) et le lieu des livraisons de biens ou des prestations de services auxquels le bon se rapporte sont déterminés dès son émission, constitue un bon à usage unique.

Exemple : Une carte-cadeau qui permet d’avoir accès à différents biens dans un réseau de boutiques constitue un bon à usage unique au sens des dispositions de l'article 256 ter du CGI si tous les biens auxquels la carte donne accès sont soumis au même taux de TVA et toutes les boutiques sont situées dans le même pays (ou région si celle-ci a des taux spécifiques).

B. Les bons à usages multiples

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Aux termes du c du 3 de l’article 256 ter du CGI, un bon à usages multiples est un bon autre qu’un bon à usage unique.

Ainsi, lorsque le lieu de la livraison des biens ou de la prestation des services à laquelle le bon se rapporte et la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces biens ou services ne sont pas connus au moment de l’émission du bon, ce bon constitue un bon à usages multiples. Dès lors qu’une des modalités de taxation n’est pas établie de façon précise lors de l'émission du bon, cet instrument recevra cette qualification.

Exemple :

Un coffret-cadeau contenant un chèque cadeau sans valeur faciale d’une durée limitée peut être utilisé par son bénéficiaire dans plusieurs pays de l'Union européenne pour acquérir des prestations de bien-être ou de loisirs. Les formalités de réservation sont réalisées par le bénéficiaire lui-même directement auprès d'un des prestataires partenaires. Ce coffret-cadeau, qui peut-être commercialisé directement par la société émettrice ou par l'intermédiaire de distributeurs, après avoir été remis par le bénéficiaire au prestataire qu'il a choisi, est ensuite adressé par ce dernier à la société émettrice qui procède à son remboursement à hauteur d'un prix contractuellement convenu avec lui, sous déduction d'une rémunération correspondant aux frais de gestion. Ce type d’instrument constitue un bon à usages multiples dans la mesure où lors de son émission, la taxe due sur les différentes prestations ne peut être liquidée, la nature et le taux des prestations qui seront réalisées en échange n’étant pas connus ou le lieu des prestations proposées n’est pas déterminé.

Pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-TVA-BASE-20-40.

III. Régime applicable aux opérations portant sur les bons

A. Opérations portant sur les bons à usage unique

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En application du 1 de l’article 256 ter du CGI, chaque transfert à titre onéreux d’un bon à usage unique effectué par un assujetti agissant en tant que tel est considéré comme la livraison des biens ou la prestation de services à laquelle le bon se rapporte. Ainsi, lorsqu’un distributeur achète un bon à usage unique auprès d'un émetteur et le revend en son nom propre, le transfert du bon par l'émetteur est considéré comme la livraison des biens ou la prestation de services à laquelle le bon se rapporte, tout comme sa revente par le distributeur. Le distributeur déduit la TVA afférente à l'acquisition du bon dans les conditions de droit commun (CGI, art. 271). Le coefficient d'admission mentionné au 1 du IV de l'article 206 de l'annexe II au CGI attribué à la dépense d'acquisition par un distributeur de bons à usage unique en vue de leur revente est toujours égal à l'unité. De même, le coefficient d'admission attribué au remboursement de la livraison du bien ou de la prestation de services par l'émetteur au fournisseur est toujours égal à l'unité.

Exemple : Un bon de distribution d'essence est émis en 2019 par un commerçant A et vendu à un distributeur B. Ce dernier le revend à un assujetti C qui l'utilise pour s'approvisionner auprès d'un fournisseur D. Aux termes du a du 1° du 4 de l'article 298 du CGI (en vigueur au 1er janvier 2019), le coefficient d'admission pour l'exercice du droit à déduction de l'essence est de 0,4. Le distributeur B aura néanmoins un coefficient d'admission égal à 1 si le bon est acheté en vue de la revente. L'assujetti C devra appliquer le coefficient d'admission selon les règles de droit commun (soit 0,4 en 2019). Enfin, l'émetteur A, pourra déduire la TVA sur les sommes que lui refacture le fournisseur D en appliquant un coefficient d'admission égal à 1.

La remise matérielle des biens ou la prestation effective des services en échange d’un bon à usage unique accepté en contrepartie totale ou partielle par le fournisseur ou le prestataire n’est pas considérée comme une opération distincte de la vente du bon.

Toutefois, lorsque le fournisseur de biens ou le prestataire de services n’est pas l’assujetti qui a, en son nom propre, émis le bon à usage unique, ce fournisseur ou ce prestataire est néanmoins réputé avoir livré ou fourni à l'émetteur, les biens ou la prestation des services en lien avec ce bon.

Exemple : Un bon est émis et commercialisé par une société A qui permet à son bénéficiaire d'obtenir l'accès à une séance d'initiation à la conduite sportive sur circuit dans le cadre d'un encadrement spécialisé et sur des modèles de véhicules de collection. La prestation est offerte sur le territoire français (sur trois circuits automobiles différents) et par trois entreprises différentes (B,C,D). Le lieu d'imposition de la prestation (la France) et le montant de la TVA due au titre de la prestation (taux normal) étant déterminés dès l'émission du bon, celui-ci constitue un bon à usage unique. La TVA est due lors de la vente du bon par l'émetteur A au consommateur.

Lorsque ce dernier choisit d'utiliser le bon auprès de l'entreprise C, cette dernière est réputée avoir fourni la prestation, non pas au porteur du bon, mais à son émetteur. Elle doit donc soumettre à la TVA la contrepartie financière obtenue auprès de ce dernier en remboursement du bon. De son côté, l'émetteur est fondé à déduire la taxe correspondante dans les conditions de droit commun (CGI, article 271). Lorsqu'il en a été convenu contractuellement, la commission conservée par l’émetteur est elle-même soumise à la TVA et doit être facturée en tant que telle même si elle fait l’objet d’une compensation.

Lorsque le porteur du bon à usage unique est un assujetti, l'utilisation du bon auprès de l'entreprise C ne doit pas donner lieu à la délivrance d'une facture au sens de l'article 289 du CGI.

Les règles relatives à la base d’imposition, au fait générateur et à l’exigibilité des opérations portant sur les bons à usage unique relèvent du droit commun de la TVA et sont exposées au BOI-TVA-BASE-20-40.

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Les bons à usage unique qui ne sont pas échangés contre la remise d’un bien ou d'une prestation de services pendant leur période de validité ne peuvent donner droit au remboursement de la TVA y afférente collectée par l'émetteur dès lors que la contrepartie du prix du bon est constituée par le droit qu'en tire son titulaire de bénéficier de l'exécution des obligations découlant du contrat conclu lors de l'acquisition dudit bon. Corrélativement, la déduction de la TVA ayant grevé l'acquisition du bon, opérée, le cas échéant, dans le respect des conditions de droit commun, n'est pas remise en cause.

B. Les opérations portant sur les bons à usages multiples

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Aux termes du 3 de l’article 256 ter du CGI, est considéré comme un bon à usages multiples un bon au sens du a autre qu’un bon à usage unique.

En l’absence de lien direct entre la fourniture d’une livraison de biens ou d’un service et une contre-valeur perçue (BOI-TVA-CHAMP-10-10-10 au II-A § 75), les sommes versées par les acquéreurs de ces bons, à l’émission ou lors des transferts successifs, sont situées hors du champ d’application de la taxe en application du 2 de l’article 256 ter du CGI. Les documents qui seraient éventuellement émis à l’occasion de la délivrance du bon à usages multiples ne devront comporter aucune TVA facturée.

En revanche, la commission du distributeur (intermédiaire ou acheteur-revendeur) du bon, qui s'entend soit de celle prévue au contrat, soit de la différence entre la valeur d’achat et la valeur de revente du bon, doit être soumise à la TVA dans les conditions décrites au BOI-TVA-BASE-20-40 au IX-B § 290.

En revanche, lorsque l’opération sous-jacente se réalise, entendue comme la remise matérielle des biens ou la prestation effective des services en échange d’un bon à usages multiples accepté en contrepartie totale ou partielle par le fournisseur ou le prestataire, elle est soumise à la TVA lorsqu’elle est effectuée, en vertu du 2 de l’article 256 ter du CGI, tous les éléments de nature à permettre la liquidation de la TVA étant alors connus.

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Si à l'échéance de la date d'utilisation des bons à usages multiples, ils ne sont pas échangés contre la remise d'un bien ou la réalisation d'une prestation de services, aucune TVA ne sera due.