Date de début de publication du BOI : 27/11/2019
Identifiant juridique : BOI-REC-FORCE-30-30-20-20

REC - Mise en œuvre du recouvrement forcé - Saisie administrative à tiers détenteur - Effets - Application du principe d'effet d'attribution immédiate - Situations particulières

Actualité liée : 27/11/2019 : REC - Création de la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) et unification du régime d'opposition à poursuites (loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, art. 73)

I. Saisie administrative à tiers détenteur sur titres-restaurant

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Les titres-restaurant sont des instruments spéciaux de paiement, généralement émis par des organismes privés (ex : SODEXO « Chèque Restaurant », EDENRED ex-ACCOR SERVICE « Ticket Restaurant », SA LE CHEQUE DEJEUNER) qui les cèdent aux employeurs contre paiement de la valeur libératoire et, le cas échéant, d'une commission.

La réglementation (Code du travail [C. trav.], art. L. 3262-1 et suiv. et C. trav., art. R. 3262-1 et suiv.) impose à ces organismes l'obligation de se faire ouvrir un compte bancaire ou postal sur lequel sont obligatoirement versés, à l'exclusion de tous autres, les fonds représentant la valeur libératoire des titres mis en circulation.

Les employeurs remettent les titres à leurs salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d'une personne ou d'un organisme mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3262-3 du code du travail.

À l'égard de ces personnes, les organismes émetteurs sont dans l'obligation d'accepter les coupons qui leur sont présentés et de procéder à leur remboursement au moyen des sommes préalablement consignées.

Toutefois, les rapports entre les intéressés ne sont pas de nature contractuelle. En conséquence, il ne saurait être soutenu que les dépôts de tickets postérieurs à la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) constituent des créances conditionnelles ou à terme, au sens de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales (LPF).

Compte tenu de ce dispositif réglementaire, un débiteur ne détient une créance, susceptible d'être saisie, qu'à raison des titres dont il a demandé le paiement et qui ne lui ont pas encore été remboursés au moment où la SATD est notifiée.

Une SATD notifiée à une société émettant des titres-restaurant ne produit juridiquement qu'un effet ponctuel et ne peut, dès lors, appréhender le montant des coupons dont le remboursement est sollicité postérieurement à sa notification.

II. Saisie administrative à tiers détenteur et cession de créance

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La SATD est dépourvue d'effet si les fonds ont déjà fait l'objet d'une cession de créance régulière en pleine propriété.

À l'inverse, la SATD entraînant, comme la saisie-attribution, une attribution immédiate au profit du Trésor, interdit que la créance saisie puisse ensuite faire l'objet d'une cession à un tiers.

À cet égard, il est précisé que les cessions de créances peuvent procéder soit des dispositions des articles 1690 et suivants du code civil (C. civ.), soit des dispositions des articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier (CoMoFi) (dites « cessions loi Dailly »).

Il convient de considérer, sous réserve de l'appréciation des tribunaux, que lorsqu'une cession de créance (pour les cessions de droit commun) est signifiée le même jour qu'une SATD ou que son bordereau a été établi à la date à laquelle la SATD a été notifiée, la créance en cause fait l'objet d'une répartition au prorata de chacune des créances entre les créanciers.

A. Cession de créance de droit commun

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À partir du moment où la cession de créance a été signifiée au débiteur cédée ou acceptée par lui, le cessionnaire peut se prévaloir du droit qu'il tient de la cession contre les tiers, et ceux-ci ne peuvent prétendre appréhender la créance ainsi cédée (C. civ., art. 1690).

Le nantissement de créances prévu aux articles 2355 et suivants du C. civ. emporte les mêmes effets. Après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement (C. civ., art. 2363).

B. Cession de créance professionnelle (loi « Dailly »)

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En application de l'article L. 313-23 du CoMoFi et de l'article L. 313-31 du CoMoFi, la transmission de la créance s'effectue par un bordereau qui matérialise soit des créances dont sont titulaires des personnes morales de droit privé ou de droit public ou des personnes physiques dans l'exercice de leur activité professionnelle et qui sont cédées aux banques ou affectées en nantissement à leur profit, soit des créances financières issues de crédit à court terme.

Cet acte doit être explicitement qualifié « acte de cession de créances professionnelles » ou « acte de nantissement de créances professionnelles », et mentionner qu'il est soumis aux dispositions de l'article L. 313-23 du CoMoFi à l'article L. 313-34 du CoMoFi..

Il doit aussi comporter l'indication du nom et de la dénomination sociale de l'établissement de crédit bénéficiaire et la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou nanties.

En application de l'article L. 313-25 du CoMoFi, le bordereau doit être signé par le cédant et daté par le cessionnaire.

Cette dernière obligation est essentielle. En effet, l'article L. 313-27 du CoMoFi énonce que la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. Les formes prévues à l'article 1690 du C. civ. sont écartées.

En conséquence, postérieurement à cette date, les créanciers du cédant ne peuvent saisir entre les mains du cédé la créance, objet de la cession.

À cet égard, il appartient à l'établissement de crédit cessionnaire de prouver la date par tous les moyens, dans l'éventualité où elle est contestée.

III. Saisie administrative à tiers détenteur et conventions d'affacturage

A. Définition de l'affacturage

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L'affacturage est une opération de gestion financière par laquelle un organisme spécialisé ("le factor" ou affactureur), dans le cadre d'une convention, acquiert les créances que détient un vendeur de biens ou un prestataire de services ("l'adhérent") sur ses clients commerçants, en assure le recouvrement pour son compte et supporte les pertes éventuelles sur les débiteurs insolvables.

Les sociétés d'affacturage utilisent généralement des types de contrats qui reposent sur la subrogation conventionnelle.

C'est ainsi qu'aux termes d'une convention-cadre, l'adhérent transfère au "factor" l'ensemble des créances dont il dispose sur ses clients.

À cet effet, il adresse périodiquement à l'affactureur une série de factures, récapitulées dans un bordereau et opère à son profit le transfert des créances en toute propriété par subrogation. Celle-ci est matérialisée par une quittance subrogative correspondant au montant du règlement généralement effectué par inscription d'un crédit égal au montant de la facture inscrite au compte courant de l'adhérent.

L'adhérent doit notifier son contrat au client et indiquer sur chaque facture que seul un paiement au "factor" est libératoire.

Remarque : La stipulation d'une clause générale de subrogation dans le contrat-cadre ne vaut que promesse de subrogation, celle-ci devant être réalisée au cas par cas.

B. Saisie administrative à tiers détenteur au client du débiteur

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La SATD ne permet pas d'appréhender les créances qui ont déjà été transmises à une tierce personne au moyen d'une subrogation conventionnelle, dans la forme prévue par l'article 1346-1 du C. civ. qui autorise l'auteur d'un paiement effectué à la place du débiteur à se substituer dans les droits attachés à la créance, à celui qui en était titulaire. Cette forme de subrogation conventionnelle paraît plus couramment utilisée que celle qui résulte du fait du débiteur qui emprunte pour payer sa dette et subroge le prêteur dans les droits de son créancier (C. civ., art. 1346-2), cette dernière requérant que ces opérations soient solennisées dans un acte authentique.

La subrogation doit être réalisée en même temps que le paiement et constatée par une quittance subrogative établie par le créancier.

Il convient toutefois de préciser que la portée de la SATD doit être appréciée à la date du paiement effectif, même au cas où la quittance subrogative aurait été établie antérieurement. À cet égard, il est généralement admis que la remise en compte courant du montant de la créance vaut paiement et opère immédiatement subrogation.

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La subrogation réalisée dans le cadre d'une convention d'affacturage opère le transfert de créances entre les parties. Ce transfert est, sans autre formalité, opposable aux tiers et spécialement aux créanciers de l'adhérent.

Ainsi, un créancier de l'adhérent ne peut plus, après la subrogation, saisir la créance de fourniture transmise à l'affactureur, par subrogation.

Par conséquent, la SATD délivrée au client de l'entreprise débitrice "adhérente" ne peut produire d'effets que si la créance visée n'est pas concernée par la subrogation.

Il appartient au client destinataire d'une SATD refusant d'y déférer de fournir les factures comportant la mention suivant laquelle le paiement doit être effectué auprès du factor.

Si la créance est concernée par la subrogation, la SATD est alors adressée à l'affactureur qui ne pourra l'honorer que dans la limite de l'obligation qui le lie à son "adhérent".

L'obligation, qui n'a aucun rapport avec la somme due par le client à "l'adhérent", est déterminée par la convention d'affacturage elle-même.

C. Saisie administrative à tiers détenteur à l'affactureur

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Dans la pratique, il apparaît le plus souvent que l'affactureur peut être tiers détenteur de trois types de sommes appartenant ou susceptibles de revenir à l'adhérent, débiteur auprès du comptable public :

- un compte courant ouvert au nom de l'adhérent et alimenté par les sommes correspondant à l'acquisition des créances (ou les sommes encaissées correspondant à des créances non pré-financées par le factor). Ces sommes sont destinées à être versées à l'adhérent après compensation avec d'éventuelles créances du factor (commissions, remises, etc.) ;

- un fonds de garantie (faisant l'objet d'un sous-compte du compte courant) affecté en gage exclusif au profit du factor et destiné à garantir d'éventuels recours. Son montant est le plus souvent déterminé par le contrat d'affacturage en fonction d'un encours de financement fixé d'un commun accord entre les parties. Les sommes qui y figurent ont vocation à apurer le solde débiteur éventuel du compte courant au cours du contrat et à la clôture des comptes ;

- une réserve supplémentaire dans l'hypothèse où l'encours des créances nécessite d'augmenter le volume du fonds de garantie. Cette réserve est également gagée au profit de l'affactureur.

Il convient de retenir que le solde créditeur du compte courant est disponible et attribué immédiatement au comptable public ayant délivré la SATD.

Le fonds de garantie et la réserve supplémentaire éventuelle constituent des créances conditionnelles ou à terme qui seront attribuées au comptable public au moment de la libération des sommes au profit de l'adhérent, après compensation le cas échéant avec le solde débiteur du compte courant.

La libération des fonds peut intervenir au cours du contrat ou à la clôture définitive des comptes.

Récapitulatif :

Destinataire de la SATD

Avant notification du contrat d'affacturage

Après notification du contrat d'affacturage

Client

SATD réglée dans la limite de la créance de l'adhérent – débiteur auprès du comptable public.

SATD inopérante sur les créances cédées.

Affactureur

SATD inopérante.

SATD réglée sur le solde créditeur du compte courant.

SATD réglée à l'expiration du contrat d'affacturage ou au fur et à mesure des restitutions éventuelles opérées sur le fonds de garantie.

Saisie administrative à tiers détenteur et affacturage : Récapitulatif

IV. Saisie administrative à tiers détenteur et effets de commerce

A. Présentation des effets de commerce

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Dans l'acception la plus couramment admise, l'effet de commerce est un titre négociable, qui constate une créance de somme d'argent à échéance rapprochée et sert à son paiement.

La lettre de change ou traite qui constitue l'effet de commerce le plus courant, est un écrit par lequel une personne, le tireur, donne mandat à une autre, le tiré, de payer à une troisième, le preneur ou bénéficiaire, une certaine somme à une époque déterminée.

Les trois personnes qui apparaissent, dès l'origine, dans la vie de la lettre de change sont généralement unies deux à deux par des rapports juridiques préexistants : le bénéficiaire est créancier du tireur en vertu de ce qu'il lui a fourni (valeur fournie), et le tireur, de son côté, possède contre le tiré une créance dénommée provision.

La propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs de l'effet (Code de commerce [C. com.], art. L. 511-7).

Ces porteurs ont donc un droit exclusif sur la créance du tireur contre le tiré. La transmission de la provision leur est faite par remise de l'effet créé à leur ordre ou endossé à leur profit, sans distinguer s'il a été ou non accepté.

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L'endossement constitue cependant le mode normal de transmission d'un effet de commerce. Il se matérialise par l'apposition d'une signature au dos du titre par laquelle le cédant donne l'ordre au débiteur de payer au cessionnaire le montant de l'effet.

En vertu de l'article L. 511-1 du C. com., la lettre de change doit indiquer la date à laquelle elle a été créée. Cette indication est indispensable. Elle permet d'apprécier le droit du tireur à la libre disposition de sa créance. A défaut de date, le titre ne vaut pas lettre de change. La date peut être inscrite en toutes lettres ou en chiffres. La mention de la date fait foi par elle-même non seulement entre les parties mais aussi à l'égard des tiers car, d'après le 10° de l'article L. 110-1 du C. com., la lettre de change, entre toutes personnes même non commerçantes, est un acte de commerce et les dispositions de l'article 1377 du C. civ. ne sont pas applicables en matière commerciale.

Toutefois, cette date peut être contestée par les tiers. La preuve de son inexactitude peut être établie par tous les moyens sans qu'il leur soit nécessaire de recourir à la procédure de l'inscription de faux.

Compte tenu des principes énoncés ci-dessus, les obligations du tiers détenteur en présence d'une lettre de change tirée sur lui par le redevable saisi, peuvent, selon les cas susceptibles de se produire, être résumées de la manière ci-après.

B. Obligations du tiers détenteur en présence d'une lettre de change tirée sur lui

1. Lettre de change créée antérieurement à la saisie administrative à tiers détenteur (échéance postérieure à l'acte de saisie)

a. Traite créée par le redevable à son ordre

Dans ce cas, le tireur (redevable) est également le preneur ou bénéficiaire de l'effet. Plusieurs hypothèses doivent être envisagées.

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- 1ère hypothèse : à l'échéance, l'effet est présenté au paiement par le redevable ou son mandataire.

Le tiers détenteur (qui est le tiré) doit :

- si le montant de la traite est inférieur à celui de la créance du comptable public : refuser le paiement et verser les fonds au comptable public demandeur ;

- si le montant de la traite est supérieur à celui de la créance du comptable public : verser les fonds au comptable public demandeur à concurrence de sa créance et verser le surplus au redevable car, en tant que porteur de l'effet, celui-ci ne peut refuser un paiement partiel (C. com., art. L. 511-27).

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- 2ème hypothèse : à l'échéance l'effet est présenté par la banque du redevable.

La banque a, d'après les mentions portées sur l'effet, un simple mandat de recouvrement émanant du redevable.

Il convient d'appliquer la même solution que dans la première hypothèse, sauf, s'il y a lieu, à verser le surplus de l'effet, après paiement de la créance du comptable public, à la banque mandataire.

Toutefois, si la banque a escompté l'effet antérieurement à la notification de la SATD, la preuve de l'antériorité de la remise à l'escompte résultera généralement des mentions d'endossement portées sur l'effet et des cachets de la banque et dans ce cas, le tiré-tiers détenteur devra payer l'effet à la banque puisque celle-ci était déjà propriétaire de la provision au moment de la notification de la saisie.

À l'inverse, si la banque a escompté l'effet postérieurement à la notification de la SATD, le tiers détenteur doit verser les fonds au comptable public demandeur à concurrence du montant de la créance dont le paiement est réclamé.

S'il n'a pas accepté la lettre de change (cas rare), le tiers est en droit de refuser le paiement à la banque ou de n'effectuer, éventuellement, à celle-ci qu'un paiement partiel puisque, au résultat de l'appréhension réalisée par la SATD, la provision, à hauteur de la créance, était déjà devenue la propriété du Trésor au moment de la remise de l'effet à l'escompte.

- 3ème hypothèse : à l'échéance, l'effet est présenté par un tiers porteur.

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Si la remise de l'effet par voie d'endossement au premier porteur est intervenue avant la notification de la SATD, le porteur a un droit sur la provision, antérieur à la saisie par le comptable public. Dans ce cas, le tiers détenteur (tiré) devra verser les fonds au porteur (bénéficiaire).

b. Traite créée par le redevable à l'ordre d'un tiers

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La date de remise de l'effet à son bénéficiaire doit être considérée, a priori, comme étant celle mentionnée sur l'effet au moment de sa création. Sauf s'il peut y avoir des doutes sérieux sur l'exactitude de cette date, le tiers doit payer l'effet à son échéance, nonobstant la SATD, soit à celui à l'ordre duquel il avait été émis, soit si ce dernier l'a endossé, au dernier porteur puisque la créance à terme était, par hypothèse, déjà sortie du patrimoine du tireur au moment de la notification de la saisie et que la propriété de la provision a été transmise aux porteurs successifs.

c. Traite créée par le redevable « au porteur »

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Aux termes de l'article L. 511-1 du C. com., le titre qui ne contient pas le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait ne vaut pas comme lettre de change.

Toutefois, elle s'analyse alors en un billet à ordre de nature civile qui établit la créance du porteur, dans les termes du droit commun (Cass. com., arrêt du 1er mars 1994, n° 92-16393).

Or, la provision n'existe pas dans le billet à ordre de sorte que le porteur ne peut invoquer aucune sûreté correspondant à la transmission de la provision. En conséquence, l'effet translatif de la provision n'ayant pu se produire au bénéfice des porteurs successifs, le tiers détenteur doit en refuser le paiement au dernier porteur et honorer la SATD.

2. Lettre de change née postérieurement à la saisie administrative à tiers détenteur

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Postérieurement à la notification de la SATD, le redevable n'est plus en droit de mobiliser la créance à terme appréhendée par le comptable public demandeur, car celle-ci ne lui appartient plus.

Le tiers détenteur, qui doit donc se garder de donner son acceptation à une lettre de change créée par le redevable saisi postérieurement à la date de réception de la SATD, est tenu de se libérer entre les mains du comptable public demandeur lorsque la créance appréhendée est devenue exigible.

Si, nonobstant l'opposition faite entre ses mains, il acceptait un tel effet, il se trouverait obligé en vertu de son engagement à l'égard des porteurs successifs sans pouvoir pour autant être dispensé d'honorer la SATD.

3. Justifications

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En présence d'un litige ou si le comptable public souhaite opérer des vérifications, il est en droit de demander des justifications au tiers détenteur :

- dans la mesure où le tiré est en droit d'exiger, en payant la lettre de change, qu'elle lui soit remise en original acquittée par le porteur (C. com., art. L. 511-27 et Cass. com., arrêt du 20 novembre 1974, n° 71-12283), lorsqu'un tiers détenteur acquitte une lettre de change malgré la SATD qui lui a été notifiée, il doit donc pouvoir présenter ce titre au comptable public demandeur afin de justifier, d'après les mentions qui y sont portées, de l'antériorité des droits des porteurs successifs sur la provision ;

- inversement, s'il soutient s'être libéré à tort, de bonne foi, entre les mains du comptable public d'une créance déjà acquise aux porteurs de l'effet, il ne saurait prétendre à une restitution qu'après avoir établi l'antériorité de la remise de la traite au premier tiers porteur.

V. Saisie administrative à tiers détenteur et délégation de créance

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La délégation est une opération juridique triangulaire par laquelle une personne, le délégant, donne l'ordre à une autre, le délégué, de s'engager envers une troisième, le délégataire (C. civ., art. 1337). Le délégué consent généralement à cet engagement dans la mesure où il est débiteur du délégant. La délégation constitue alors un procédé de simplification dans l'exécution des obligations : quand, sur l'invitation du délégant, le délégué aura payé directement le délégataire, chacun aura, en définitive, reçu son dû au moyen d'un paiement unique. Elle crée donc un rapport de droit nouveau entre le délégataire et le délégué, celui-ci s'engageant personnellement envers celui-là.

La situation du comptable public, créancier du délégant, dépend donc de l'existence ou non d'une délégation préalablement à la notification de la SATD.

Il existe deux sortes de délégations : celle qui réalise une novation par changement de débiteur (le délégant est déchargé de son obligation envers le délégataire, seule subsiste l'obligation du délégué envers le délégataire), qui est appelée délégation parfaite, et celle qui ne produit pas ce résultat (le délégataire a deux débiteurs qu'il pourra actionner indistinctement) qui est appelée délégation imparfaite.

La notification d'une SATD dans le but d'appréhender une créance fait obstacle à toute délégation de cette même créance consentie et acceptée ultérieurement.

Inversement, une délégation de paiement d'une créance, consentie et acceptée avant la notification d'une SATD sur cette même créance, produit tous ses effets. Ainsi, une SATD notifiée au délégué par le comptable public, créancier du délégant, ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit au paiement par le délégué.