Date de début de publication du BOI : 26/06/2024
Identifiant juridique : BOI-INT-DG-20-25-20-10

INT - Dispositions communes - Droit conventionnel - Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - Effet des options retenues par la France sur ses conventions fiscales bilatérales - Mesures liées à la lutte contre l'utilisation abusive des conventions fiscales

Actualité liée : 26/06/2024 : INT - Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - Réorganisation formelle des commentaires

I. Objet d’une convention fiscale couverte (article 6 de la CML)

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Le 1 de l’article 6 de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (PDF - 275 Ko) (CML) vise à modifier le préambule des conventions fiscales couvertes afin de préciser que l’objet des conventions fiscales est d’éliminer la double imposition à l’égard d’impôts visés par la convention sans créer de possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite en recourant à des pratiques d’évasion ou de fraude fiscale. L’utilisation de stratégies de chalandage fiscal, au moyen desquelles un résident de juridictions tierces cherche à obtenir des avantages prévus par une convention fiscale signée entre deux autres États, est expressément ciblée.

Remarque : Cette stipulation modifiant le préambule constitue un standard minimum obligatoire pour les États parties à la CML.

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Le 3 de l’article 6 de la CML prévoit également l’insertion d’une stipulation additionnelle au préambule des conventions fiscales bilatérales précisant que ces dernières ont pour objet de promouvoir les relations économiques et d’améliorer la coopération en matière fiscale entre États contractants.

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Le 1 de l'article 6 de la CML s’appliquera à la place ou en l’absence d’un préambule d’une convention fiscale bilatérale notifié par les deux États contractants, ou sera ajouté dans les autres cas (par exemple dans l’hypothèse d’une notification divergente ou d’une absence de notification par un État). Le 3 de ce même article 6 de la CML sera inséré dans une convention fiscale si l’autre État contractant le retient également.

II. Prévention de l’utilisation abusive des conventions (article 7 de la CML)

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Le 1 de l’article 7 de la CML (PDF - 275 Ko) constitue un standard minimum et insère dans les conventions fiscales bilatérales une clause permettant de refuser un avantage conventionnel lorsque l’octroi de cet avantage était l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction ayant permis, directement ou indirectement, de l’obtenir. Elle vise à garantir que l’application des conventions est conforme à l’objet et au but des stipulations pertinentes des conventions.

La règle du critère des objets principaux permet de refuser le bénéfice d’une convention fiscale, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à une situation, lorsque l’un des principaux objets d’un montage ou d’une transaction est de bénéficier directement ou indirectement des avantages offerts par cette convention, pour obtenir un traitement plus favorable.

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La notion d’objet principal est plus large que la notion de but exclusivement fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui définit la procédure de l’abus de droit fiscal (BOI-CF-IOR-30-10).

Seule une analyse au cas par cas des circonstances de fait permet de déterminer si, parmi les objectifs poursuivis par les personnes concernées par un montage ou une transaction, l'objectif ou l'un des objectifs principaux consiste à rechercher le bénéfice d’un avantage conventionnel dans un but non conforme à celui que la convention qui prévoit cet avantage a pour objet de poursuivre. Une analyse permettant de conclure raisonnablement à l’existence d’un tel objet à titre principal sera à cet égard suffisante pour remettre en cause le bénéfice d’un avantage conventionnel.

Lorsqu’un montage ou une transaction poursuit plusieurs objets distincts, l’analyse du caractère principal d’un des objets doit résulter d’une appréciation au cas par cas des faits et circonstances tenant notamment compte de l’évaluation de l’avantage fiscal qui serait obtenu, en proportion de l’ensemble des gains ou avantages de toute nature résultant du montage ou de la transaction considéré.

Les termes retenus par cette stipulation ont pour objectif de couvrir l’ensemble des situations abusives. La notion d’avantage recouvre l’ensemble des bénéfices retirés de l’usage d’une convention, notamment la limitation de l’imposition (réduction, exonération, report, remboursement d’impôt, etc.), l’élimination de la double imposition ou le bénéfice de la clause de non-discrimination.

La notion de montage ou transaction désigne quant à elle tout accord, entente, mécanisme, transaction ou série de transactions, qu’ils aient ou non force exécutoire.

La règle du critère des objets principaux vise à inclure les montages ou transactions ayant permis d’obtenir directement ou indirectement des avantages conventionnels. Elle s’applique donc également si le montage ou la transaction n'est pas l'opération qui a directement permis l'obtention de l'avantage conventionnel.

Une personne qui se verrait refuser un avantage conventionnel dispose de la possibilité de démontrer que l’octroi de cet avantage, dans les circonstances propres au cas d’espèce, serait conforme à l’objet et au but des stipulations pertinentes de la convention.

Dans l’hypothèse où un avantage conventionnel est refusé sur le fondement de l’article 7 de la CML, l’administration peut, en outre, à condition de le justifier au regard des circonstances de fait et de droit propres au montage ou à la transaction considérée, appliquer les pénalités prévues au a ou au c de l’article 1729 du code général des impôts (BOI-CF-INF-10-20-20). L’application de ces pénalités ne saurait toutefois se déduire uniquement du fait que les conditions d’application de l’article 7 de la CML sont remplies.

Exemple 1 : Une société établie dans un État T détient des actions d’une société cotée sur le marché boursier de l’État S. En l’absence de convention fiscale entre T et S, les dividendes versés par une société établie dans l’État S à une société établie dans l’État T sont soumis à une retenue à la source au taux de droit commun de l’État S, soit 25 %. Toutefois, comme la convention fiscale entre l’État R et l’État S ne prévoit pas de retenue à la source sur les dividendes versés par une société d’un des deux États à une société de l’autre État, bénéficiaire effectif des revenus, la société établie dans l’État T a, par contrat avec une institution financière résidente de l’État R et dans le but principal d’échapper à la retenue à la source dans l’État S, conféré à cette dernière le droit au versement des dividendes, déclarés mais non encore versés.

Il est raisonnable de conclure, en l’absence d’autres faits ou circonstances démontrant le contraire, que l’un des principaux objets de l’opération transférant le droit aux dividendes à l’institution financière résidente de l’État R était d’obtenir l’avantage conféré par la convention entre l’État R et l’État S. Par suite, la clause anti-abus de la convention fiscale entre l’État R et l’État S s’appliquera et conduira à refuser l’exonération.

Exemple 2 : Une société établie dans un État R détient depuis cinq années 24 % des actions d’une société établie dans l’État S. À la suite de l’entrée en vigueur d’une convention fiscale entre les États R et S (l’article 10 de cette convention est identique à l’article 10 du modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune 2017 relatif aux dividendes), la société établie dans l’État R décide de porter à 25 % le pourcentage de détention des actions de la société établie dans l’État S. Les faits et circonstances font apparaître que la décision d’acquérir ces actions supplémentaires a été motivée principalement par le souhait de bénéficier du taux d’imposition plus faible prévu par le a du 2 de l’article 10 de la convention.

Dans ce cas, bien qu’un des principaux objets de la transaction par laquelle les actions supplémentaires sont acquises soit l’obtention de l’avantage conféré par le a du 2 l’article 10, la clause anti-abus de la convention fiscale entre l’État R et l’État S ne s’applique pas car il peut être établi que l’octroi de cet avantage dans ces circonstances est conforme à l’objet et au but du a du 2 de l’article 10. Dans cet alinéa, il est prévu un seuil arbitraire de 25 % pour déterminer quels sont les actionnaires pouvant prétendre au bénéfice du taux d’imposition plus faible appliqué aux dividendes, et il est conforme à cette approche d’accorder les avantages prévus par l’alinéa à un contribuable qui accroît véritablement sa participation dans une société pour se conformer à cette règle.

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À l’exception du cas où l’autre État contractant formule une réserve, le 1 de l'article 7 de la CML (II § 30) s’applique à la place ou en l’absence de stipulations équivalentes figurant dans une convention fiscale bilatérale (CML, art. 7, 2). Ainsi, les stipulations faisant référence à l’objectif principal, qu’elles ciblent tout type de situation ou seulement certaines catégories de revenus, par exemple, des dividendes, des intérêts ou des redevances dans une convention fiscale, seront remplacées par les stipulations du 1 de l’article 7 de la CML si elles sont notifiées par les deux États contractants.

En cas de notification divergente ou d’absence de notification d’un des deux États uniquement, ces mêmes stipulations de la CML priment sur les stipulations des conventions fiscales bilatérales si ces dernières sont incompatibles avec le 1 de l’article 7 de la CML.

Exemple : Le Royaume-Uni et la France sont liés par une convention fiscale signée le 19 juin 2008 et ont signé la CML, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2018 pour le Royaume-Uni et le 1er janvier 2019 pour la France.

Les deux États ont choisi d’appliquer le 1 de l’article 7 de la CML aux stipulations figurant dans leur convention fiscale bilatérale qui renvoient à la notion d’objectif principal.

Ils ont à cet effet notifié au dépositaire (II § 70 du BOI-INT-DG-20-25-10) les stipulations des articles qu’ils souhaitent voir remplacer par le 1 de l’article 7 de la CML, soit le 6 de l’article 11, le 5 de l’article 12, le 5 de l’article 13 et le 4 de l’article 23 de la convention entre la France et le Royaume-Uni.

III. Transactions relatives au transfert de dividendes (article 8 de la CML)

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L’article 8 de la CML (PDF - 275 Ko) complète les stipulations applicables aux dividendes (pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-INT-DG-20-20-20-10).

Il adjoint au seuil de participation requis par les conventions pour bénéficier d’un taux réduit ou nul d’imposition des dividendes par l’État ou territoire de source une durée minimale de détention des titres de 365 jours, permettant ainsi de limiter les prises de participations ayant pour seule fin de bénéficier des avantages conventionnels.

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À l’exception du cas où l’autre État contractant formule une réserve, cette durée de détention de 365 jours sera insérée en présence d’une stipulation prévoyant un taux réduit ou nul de retenue à la source sur des dividendes payés à une société détenant une participation dans la société distributrice si les deux États la notifient.

Exemple : La France et la Slovénie sont liées par une convention fiscale signée le 7 avril 2004 et ont décidé de couvrir cette convention fiscale dans le cadre de la CML. Cette dernière est entrée en vigueur respectivement le 1er juillet 2018 pour la Slovénie et le 1er janvier 2019 pour la France.

Les deux États retiennent l’article 8 de la CML et ont notifié le b du 2 de l’article 10 de la convention fiscale bilatérale prévoyant un seuil de participation de 20 % pour bénéficier d’une absence d’imposition dans l’État ou territoire de source.

Dans ce cas, les nouvelles stipulations résultant de l’application combinée du b du 2 de l’article 10 de la convention et des 1 et 2 de l’article 8 de la CML se liront comme suit :

« b) toutefois, les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État contractant, et dont le bénéficiaire effectif est une société qui est un résident de l’autre État contractant et qui détient directement au moins 20 % du capital de la société qui paie les dividendes tout au long d’une période de 365 jours incluant le jour du paiement des dividendes (il n’est pas tenu compte, aux fins du calcul de cette période, des changements de détention qui résulteraient directement d’une réorganisation, telle qu’une fusion ou une scission de la société qui détient les actions ou qui paie les dividendes), ne sont imposables que dans cet autre État ».

IV. Gains en capital tirés de l’aliénation d’actions, de droits ou de participations dans des entités tirant leur valeur principalement des biens immobiliers (article 9 de la CML)

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L’article 9 de la CML (PDF - 275 Ko) permet :

  • d'une part, d’imposer les plus-values de cession de tous types de droits détenus par une entité, y compris dans un trust ou une fiducie, qui tirent directement ou indirectement plus d’une certaine partie de leur valeur d’actifs immobiliers situés dans cet État ;
  • d'autre part, d’apprécier cette prépondérance sur 365 jours, et pas uniquement au jour du fait générateur.

Les États peuvent opter pour l’une ou l’autre de ces deux stipulations, ou les retenir toutes les deux ainsi que le prévoit le 4 de l'article 9 de la CML. La France a fait ce dernier choix.

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À l’exception du cas où l’autre État contractant formule une réserve, la stipulation figurant au 4 de l’article 9 de la CML choisie par la France s’appliquera à la place ou en l’absence d’une clause dite de prépondérance immobilière existante dans les conventions fiscales bilatérales couvertes par la France si l’autre État contractant la retient également et notifie la même stipulation (les stipulations communes aux conventions fiscales relatives aux clauses dites de prépondérance immobilière sont exposées au II § 40 et 50 du BOI-INT-DG-20-20-40). En cas de notification divergente ou d’absence de notification, mais de choix du 4 de l’article 9 de la CML par les deux États contractants, ce dernier prévaut sur les stipulations des conventions fiscales si celles-ci sont incompatibles avec le 4 de l’article 9 de la CML.

Remarque : Certaines conventions fiscales prévoient l’exclusion des immeubles affectés par une société ou une personne morale à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole, ou à l’exercice d’une profession non commerciale du calcul de la prépondérance immobilière. Ces stipulations ne sont pas affectées par l’article 9 de la CML.