Date de début de publication du BOI : 19/08/2020
Identifiant juridique : BOI-REC-PREA-20-20-40

REC - Modalités et mesures préalables à l'action en recouvrement - Suspension des poursuites - Sursis de paiement - Effets

1

Le sursis de paiement a pour effet de suspendre l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur la réclamation, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (Livre des procédures fiscales (LPF), art. L. 277, al. 2). Il emporte des conséquences à l'égard des mesures de recouvrement, qu'elles soient postérieures à la demande de sursis de paiement ou antérieures.

10

Par contre, le dépôt d’une réclamation suspensive de paiement, même si le débiteur a constitué des garanties, n’a aucun effet sur la date d’application de la majoration prévue par l'article 1730 du CGI (BOI-REC-PART-10-40).

I. Sur l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement

20

La demande de sursis de paiement produite à l’appui d’une réclamation contentieuse régulière, qui suspend l’exigibilité de l’impôt à la date de sa réception par l'administration et met ainsi le comptable dans l’impossibilité d’agir, suspend la prescription de l'action en recouvrement (BOI-REC-EVTS-30).

Dans le régime actuel du sursis de paiement, la suspension de l'exigibilité de la créance ou de la prescription de l'action en recouvrement n'est plus soumise à la constitution de garanties.

Le fait que la garantie constituée soit devenue caduque, par exemple en l’absence de renouvellement de l’inscription de l’hypothèque, reste, en principe, sans influence sur la suspension de l’exigibilité de l’impôt résultant de la réclamation suspensive de paiement.

A. Point de départ de l'effet suspensif

30

Le régime du sursis de paiement est applicable à compter de la date du dépôt d’une réclamation d’assiette régulière assortie d’une demande de sursis auprès d'un service des Finances publiques même saisi à tort.

Aussi, en l’absence de transmission de la réclamation d’assiette au service compétent, le tribunal administratif peut être saisi de la décision implicite de rejet qui en résulte à l’expiration du délai de six mois prévu par le deuxième alinéa de l’article R*. 199-1 du LPF (CE, décision du 22 mai 1992, requête n° 66398).

Dès lors, si un acte de poursuite est notifié après le dépôt de la réclamation, cet acte devra être annulé alors même que le comptable n’aurait été averti du dépôt de la réclamation que postérieurement par le service de l’assiette (CE, décision du 27 juillet 1984, requête n° 42701).

B. Durée de l'effet suspensif

40

Le sursis de paiement produit ses effets :

- jusqu'à l'expiration du délai dont dispose le redevable pour saisir le tribunal compétent (tribunal administratif ou tribunal judiciaire selon le cas) après notification de la décision de l'administration ;

- jusqu'à la notification du jugement de la juridiction saisie en cas de poursuite du litige.

Quelle que soit, en effet, la nature de l'impôt dont il conteste la quotité ou le bien-fondé, le contribuable qui engage une instance devant le tribunal administratif ou devant le tribunal judiciaire peut, à la condition qu'il ait sollicité le sursis de paiement dans sa réclamation préalable et sans avoir à formuler une nouvelle demande, continuer à surseoir au paiement des sommes contestées.

Par contre, l'effet suspensif ne s'étend pas aux recours ultérieurs devant la cour d'appel ou la cour administrative d'appel ni a fortiori aux pourvois en cassation.

Par suite, lorsque le tribunal s’est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n’a pas prononcé la décharge.

50

L'absence de décision de l'administration à l'expiration du délai de six mois, éventuellement prolongé jusqu'à neuf mois, autorise le contribuable à porter l'affaire directement devant le tribunal.

Mais la réclamation ne peut être analysée comme ayant fait l'objet d'une décision de rejet susceptible de devenir définitive à défaut d'être contestée devant la juridiction compétente. En effet, s'agissant du contentieux fiscal, seule une décision explicite fait courir le délai imparti au contribuable pour introduire un recours juridictionnel. Le fait qu'un contribuable ne saisisse pas la juridiction compétente à l'expiration du délai de six mois ne peut donc mettre fin au sursis de paiement.

La demande de sursis de paiement « n’a de portée que pendant la durée de l’instance devant le tribunal administratif ; dès lors que le tribunal s’est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n’a pas prononcé la décharge » (CE, décision du 2 novembre 1987, requête n° 73849 ; CE, décision du 20 janvier 1988, SARL Manufacture mézinaise de lièges et bouchons, requête n° 66745 ; CE, décision du 30 novembre 2001, requête n° 234654).

Ainsi ni l’appel interjeté à l’encontre du jugement ayant rejeté la contestation d’assiette, ni la demande de sursis à exécution de ce jugement n’ont d’effet suspensif. Ils ne sauraient donc « faire obstacle à ce que le comptable du trésor poursuive le recouvrement de celles des impositions qui restent ou sont redevenues exigibles » (CE, décision du 30 novembre 2001, requête n° 234 654).

Dans ces conditions, seule une décision de la cour administrative d’appel prononçant le bénéfice du sursis à exécution ou du référé-suspension au profit du redevable présenterait ce caractère suspensif.

60

Par un arrêt rendu le 6 novembre 2006 (CE, décision du 6 novembre 2006, requête n°287940, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie RJF 1/07 n° 79), le Conseil d'État a jugé que les effets du sursis de paiement cessent, dans le cas où le redevable saisirait tardivement la juridiction de premier degré compétente, à l’expiration du délai de recours, computé à partir de la date de réception par le redevable de la décision de l’administration. La prescription de l'action en recouvrement recommence à courir à compter de l'expiration de ce délai et non à la date à laquelle le tribunal rend une décision constatant l’irrecevabilité de la requête déposée hors délai. Dès lors, à défaut de saisine du tribunal compétent dans le délai de deux mois suivant le rejet de la réclamation, l’action en recouvrement doit reprendre dès l’expiration du délai de contestation devant le tribunal.

C. Caducité de la mise en demeure de payer antérieure au sursis de paiement

70

Le Conseil d'État considère que la suspension de l'exigibilité de la créance du Trésor rend caduque la mesure de recouvrement précédemment décernée et que, si les impositions redeviennent exigibles, le comptable doit la renouveler pour en poursuivre le recouvrement.

Cette analyse s'applique à la mise en demeure de payer prévue par l'article L. 257-0 A du LPF et l'article L. 257-0 B du LPF.

80

La caducité qui résulte du dépôt de la demande de sursis de paiement a donc pour effet d'interdire au comptable, lorsque la créance du Trésor est redevenue exigible, de procéder à l'exercice de nouvelles poursuites procédant de la mise en demeure de payer initialement notifiée. Dans une telle situation, la délivrance d'une nouvelle mise en demeure de payer procédant du titre exécutoire émis s'avère en conséquence indispensable.

Toutefois, cette caducité ne vaut que pour l'avenir et ne vicie pas rétroactivement la validité de la contrainte (CE, décision du 8 janvier 1982, requête n° 12543). Les poursuites effectuées avant le dépôt de la demande de sursis de paiement et les recouvrements en résultant ne se trouvent donc pas remis en cause.

II. Sur les actes de poursuites

A. Sort des mesures de poursuites antérieures au dépôt de la demande de sursis de paiement

90

Le dépôt d’une demande de sursis de paiement prive d’effet pour l'avenir les mesures de poursuites dépourvues de l'effet d'attribution immédiate et prises antérieurement à la demande. Elles sont frappées de caducité, dans la mesure où elles n’ont pas déjà épuisé tous leurs effets.

Ainsi, lorsque la mesure a consisté en l'émission d'une mesure pourvue de l'effet d'attribution immédiate telle que la saisie administrative à tiers détenteur, celle-ci produit tous ses effets dès sa notification et n'est dès lors pas caduque par le dépôt ultérieur d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement.

Par ailleurs, lorsque la demande de sursis de paiement porte sur une partie seulement des impôts restant dus, la caducité des actes de poursuites ne vaut qu’à hauteur de ces impositions contestées.

100

Néanmoins les mesures de poursuites continuent de produire leurs effets antérieurement au dépôt de la réclamation suspensive de paiement. À ce titre, elles conservent leur effet interruptif de prescription et les frais de poursuites restent dus par le débiteur (CE, décision du 3 juin 1987, requête n° 66723 ; CE, décision du 9 mai 1990, SCI Sainte-Catherine, requête n° 77416).

C’est pourquoi, le comptable n’a pas à donner mainlevée d’un commandement devenu caduc.

110

Toutefois, il a été jugé à plusieurs reprises, que les sommes et les biens appréhendés par le Trésor antérieurement à la demande de sursis de paiement devaient, malgré l'effet attributif des mesures pratiquées, être restitués au contribuable lorsque celui-ci assortit sa demande ultérieure de sursis, de garanties jugées suffisantes (CE, décision du 25 avril 2001, n° 213460, Société Parfival ; CE, décision du 22 mai 2002 n° 224591, 8e et 3e s.-s ; CE, décision du 13 juin 2007 n° 306252).

Pour tenir compte de cette jurisprudence, l'article R. 277-3-1 du LPF précise que lorsque le redevable fournit des garanties suffisantes au sens de l’article R*. 277-1 du LPF, celles-ci se substituent aux sommes ou biens appréhendés avant la réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement, pour le recouvrement des créances contestées.

120

L'article R. 277-3-1 du LPF fait obligation au comptable de restituer la propriété des biens ou sommes appréhendés avant la demande de sursis de paiement, sous réserve que le redevable ait fourni des garanties suffisantes au sens de l'article R* 277-1 du LPF.

Dans cette situation, le comptable doit restituer les biens ou sommes ainsi appréhendés et ce, que les garanties aient été acceptées expressément (par le comptable ou le juge du référé) ou bien encore tacitement par le silence du comptable dans le délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de l’offre (que ce dépôt soit d’ailleurs consécutif à la demande du comptable ou qu’il soit spontané).

Remarque : Les garanties pour être jugées comme suffisantes ne devront être constituées qu’à hauteur du montant des droits contestés. Toutefois, la restitution portera quant à elle sur l’intégralité de la créance bénéficiant du sursis (droits et pénalités).

130

Lorsque la valeur de la garantie est insuffisante pour garantir intégralement la créance fiscale contestée, le comptable est fondé à conserver les sommes appréhendées par des mesures devenues définitives avant la réclamation, mais qu'à due concurrence des droits non couverts par la garantie. Si les fonds saisis dépassent cette garantie, le comptable est tenu, sur demande du redevable, de restituer la différence.

B. Impossibilité d'exercer des mesures de poursuites postérieurement à la demande de sursis de paiement

140

La présentation d’une demande de sursis de paiement empêche la notification ultérieure de mesures exécutoires ou conservatoires au moins jusqu’au refus par le comptable (puis éventuellement par le juge) des garanties proposées.

La décision de refus des garanties, de même que le défaut ou l’insuffisance de garanties, permet à l’administration de prendre des mesures conservatoires à l’encontre du contribuable.

En outre, le contribuable peut demander au juge du référé de prononcer la limitation ou l’abandon de ces mesures conservatoires si elles emportent des conséquences difficilement réparables, conformément aux dispositions de l'article L. 277 du LPF (BOI-REC-GAR-20-10-20).