ENR - Mutations à titres gratuit - Succession - Assiette - Passif et autres déductions - Dettes non déductibles
I. Non déductibilité des dettes présumées remboursées ou fictives
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Les dettes visées à l'article 773 du code général des impôts (CGI) ne sont pas déductibles. Il s'agit de dettes qui sont présumées soit remboursées, soit fictives.
A. Dettes échues depuis plus de trois mois avant l'ouverture de la succession
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Ces dettes sont présumées remboursées mais la preuve contraire peut être rapportée au moyen de l'attestation du créancier visée à l'article L. 20 du Livre des procédures fiscales (LPF). Bien entendu, l'existence de la dette doit alors être justifiée dans les conditions habituelles.
B. Dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes réputées interposées
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Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes réputées interposées (cf. I-B-1 § 30 et 40) sont présumées fictives (CGI, art. 773, 2). Elles ne peuvent être déduites de l'actif et la preuve contraire ne peut être rapportée que si ces dettes résultent d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes (cf. I-B-3 § 80).
1. Qualité d'héritier ou de personne réputée interposée
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Par héritier, il faut entendre aussi bien les héritiers proprement dits que les légataires universels, à titre universel ou particulier.
Sont réputées personnes interposées, dans tous les cas, les père et mère (même naturels), les enfants et descendants (légitimes ou non) et l'époux de l'héritier, donataire ou légataire (Code civ., art. 911) et, seulement en matière de mutation par décès entre époux, les enfants de l'époux survivant issus d'un autre mariage et les personnes dont l'époux gratifié est héritier présomptif).
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Il faut se placer au jour du décès pour déterminer si la qualité d'héritier ou de personne interposée est réunie avec celle de créancier du défunt. Ainsi la dette consentie au profit d'un héritier non réservataire exclu par testament est déductible. Mais pour qu'il en soit ainsi, il faut que l'exclusion soit absolue et qu'il ne subsiste aucune possibilité pour l'héritier d'appréhender la succession.
Il en est de même de la dette consentie à un héritier appelé à la succession par suite de la renonciation d'héritiers d'un rang plus proche du défunt.
2. Nature des dettes
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La prohibition du 2° de l'article 773 du CGI ne vise que les dettes consenties par le défunt. Elle n'atteint pas celles qu'il n'a pas consenties ou qu'il a consenties à un autre qu'un héritier ou une personne réputée interposée.
Peuvent ainsi être déduites :
- les dettes consenties par le mari seul commun en biens s'il s'agit de la succession de la femme ;
- les dettes contractées par un tuteur au nom de son pupille s'il s'agit de la succession de ce dernier ;
- les dettes résultant d'une décision judiciaire, d'un quasi-délit, d'un quasi-contrat ;
- les dettes consenties au profit d'un tiers et échues à un héritier par succession ou par cession.
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Enfin, la prohibition du 2° de l'article 773 du CGI n'est applicable qu'aux seules dettes d'origine contractuelle et ne peut viser celles résultant d'un quasi-usufruit qui trouve sa cause dans la loi (Code civ., art. 587) [Cass. com., arrêt du 4 décembre 1984].
En l'espèce, la défunte avait consenti à ses enfants une donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble, tout en se réservant l'usufruit de celui-ci. À la suite d'une déclaration d'utilité publique, ce bien a ultérieurement été vendu à l'État et le prix intégralement versé à la mère. Les droits des intéressés se sont donc trouvés reportés sur cette somme d'argent (application de l'article L. 13-7 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique).
Ainsi, après transformation de l'usufruit portant sur un immeuble en un quasi-usufruit, les enfants de nus-propriétaires sont devenus créanciers. Ils pouvaient donc déduire de l'actif de la succession de leur mère, dans les conditions prévues par l'article 768 du CGI le solde de l'indemnité d'expropriation qui leur restait dû à son décès.
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En revanche, c'est à bon droit qu'un tribunal a écarté du passif successoral une dette consentie par le défunt à son fils, dette qui était établie uniquement par des documents comptables auxquels se référait un acte de constitution de société enregistré avant le décès (Cass. com., arrêt du 15 avril 1986, n° de pourvoi: 84-15539).
3. Dettes résultant d'un acte authentique ou d'un acte sous-seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes
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Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées ne sont déductibles de l'actif successoral que si elles ont été consenties par un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès d'une des parties contractantes.
A cette condition seulement, les héritiers, donataires, légataires, personnes interposées ont le droit de prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession.
La présomption de fictivité de telles dettes ne peut être écartée par des preuves contraires si ces dettes n'ont pas été constatées selon les formes prescrites par le 2° de l'article 773 du CGI (Cass. com. arrêt du 10 juin 1997, n° de pourvoi : 95-14543).
Par cet arrêt, la Cour de cassation interprète strictement les dispositions du 2° de l'article 773 du CGI. Au cas particulier, le tribunal de grande instance énonçait, à tort, que la présomption de fictivité de la dette pouvait être écartée par des preuves contraires comme, en l'espèce, selon lui, l'émission de chèques correspondant au paiement, par le de cujus, de factures de construction de sa maison à la même époque que le versement du prêt litigieux à ce dernier, sans que cette dette ait été constatée selon les formes prescrites par ledit article.
A cet égard, l'acte sous seing privé par lequel le de cujus se reconnaissait débiteur des sommes versées n'avait pas été enregistré et n'avait donc pas date certaine au sens de l'article 1328 du code civil, autrement que du fait du décès.
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Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 773 du CGI, seul peut être pris en considération un acte sous seing privé ayant acquis date certaine dans les conditions fixées par l'article 1328 du code civil, c'est-à-dire enregistré avant le décès.
La perception par le service d'un prélèvement sur les intérêts versés en vertu de l'acte litigieux ne saurait lui conférer date certaine (Cass. com., arrêt du 11 juin 1985- RJ 1985 - II n° 16 ) : en l'espèce, l'héritière avait consenti, par acte sous seing privé non enregistré, un prêt au défunt ; sa créance avait été prise en compte par l'administration pour l'établissement du prélèvement libératoire sur les intérêts des placements à revenu fixe en matière d'impôt sur le revenu. La partie adverse arguait de cette circonstance pour soutenir que la dette du de cujus était opposable au service dès lors qu'il en avait eu connaissance et qu'accepter de prélever une cotisation afférente à un acte vaut renonciation à prétendre que cet acte n'aurait pas existé à l'époque de la perception des droits. Cet arrêt confirme la jurisprudence (Cass. com., arrêt du 26 juin 1961, n° de pourvoi : 285) aux termes de laquelle, à l'occasion d'une affaire similaire, la Cour a confirmé le caractère strictement limitatif des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 773 du CGI .
De même viole les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 773 du CGI , le tribunal qui, pour admettre qu'un époux légataire universel séparé de biens de la défunte était recevable à prouver la sincérité de la dette contractée par celle-ci à son égard en vue du paiement partiel d'un appartement, relève qu'il résulte, d'une part, des reçus délivrés par le notaire ayant dressé l'acte de vente que cet officier ministériel a bien perçu les fonds en deux chèques tirés par le mari et, d'autre part, de l'acte notarié, qu'une partie du prix a été réglée par la défunte « en plusieurs chèques », alors qu'il ressort de ces constatations que l'avance prétendue n'a pas été consentie dans les conditions de forme prévues par la loi (Cass. com., arrêt du 14 avril 1975, n° de pourvoi : 74-10673 ).
De la même manière, ne donne pas date certaine à la dette du défunt envers son épouse au titre d'un prêt qu'elle lui avait consenti, un document bancaire intitulé « compte-rendu de réalisation d'un emprunt n'ayant pas le caractère d'investissement direct contracté à l'étranger par un résident auprès d'un non-résident » et adressé à la Direction du Trésor (Cass. com, arrêt du 9 avril 1991, n° de pourvoi : 89-16780).
Dès lors que les fonds des héritiers ayant servi à financer l'achat d'un immeuble dépendant de la succession de leur mère provenaient de la vente d'un bien dont ils étaient propriétaires en indivision avec elle, il en résulte que cette vente et le versement des fonds à la défunte n'avaient pu avoir lieu qu'avec leur accord et qu'elle n'avait pu en disposer que pour les leur avoir empruntés. Viole en conséquence le 2° de l'article 773 du CGI le tribunal qui, en dehors des formes définies par ce texte, accorde pour la liquidation des droits de mutation par décès, la déduction, au titre de passif successoral, de la quote-part de la valeur de cet immeuble au jour du décès correspondant à la fraction du prix acquittée au moyen des deniers ainsi empruntés.
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Il résulte du 2° de l'article 773 du CGI que ne sont pas déductibles de l'actif imposable aux droits de mutation par décès les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées à moins que, consentie par un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes, la sincérité de cette dette et son existence au jour du décès ne soient prouvées par les héritiers, légataires ou personnes interposées.
Au cas particulier, les fonds ayant servi à financer l'acquisition réalisée par la de cujus en son nom propre provenaient de la cession d'un bien immobilier appartenant à l'indivision formée entre elle-même et ses enfants. Il ressortait ainsi des circonstances de l'espèce que l'emploi par la de cujus des fonds en cause n'avait pu avoir lieu qu'au titre d'un emprunt. Mais ce prêt familial n'ayant donné lieu à la rédaction d'aucun acte dans les formes prescrites au 2° de l'article 773 du CGI, les héritiers n'étaient donc pas autorisés à administrer la preuve de la sincérité de la dette en résultant et de son existence au jour du décès. Celle-ci était donc, en tout état de cause, non déductible de l'actif héréditaire soumis aux droits de mutation par décès (Cass, com., arrêt du 21 mars 2000, n° de pourvoi : 97-17288).
C. Dettes reconnues par testament
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Ces dettes, présumées fictives, ne sont déductibles que si leur existence est prouvée dans les conditions habituelles par un moyen autre que le testament (CGI, art. 773, 3 ).
D. Dettes hypothécaires garanties par une inscription périmée depuis plus de trois mois lors de l'ouverture de la succession
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Dans la mesure où elles sont échues, ces dettes sont présumées remboursées et les héritiers ne sont pas admis à rapporter la preuve contraire.
Si elles ne sont pas échues, elles sont déductibles sur production de l'attestation du créancier (cf. I-A § 10).
Bien entendu, les dispositions du 4° de l'article 773 du CGI ne sont pas applicables si l'inscription a été renouvelée avant le décès. Dans ce cas, la dette est garantie par une inscription en cours de validité.
Si l'inscription n'est pas périmée, mais si le chiffre en a été réduit, l'excédent seul peut être déduit.
E. Dettes prescrites
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Les dettes prescrites, capital et intérêts, ne sont pas déductibles (CGI, art. 773, 5° ). L'administration est en droit d'invoquer la prescription même si les héritiers ne la soulèvent pas.
Bien entendu, il faut que la dette soit prescrite au sens de la loi civile dans les différents délais prévus notamment aux articles 2262, 2270, 2271, 2272, 2273 et 2277 du code civil .
Les redevables peuvent établir que la prescription ayant été interrompue n'est pas acquise.
II. Exception : salaire différé des descendants d'exploitants agricoles
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Les articles L. 321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime prévoient au profit de certains descendants d'exploitants agricoles qui sont restés à la terre et ont travaillé sur le domaine familial sans être rémunérés autrement qu'en nature, une présomption d'existence du contrat de travail à salaire différé qui leur permet de réclamer le montant de leurs salaires, lors de l'ouverture de la succession de leur auteur.
Ce droit qui peut être caractérisé comme un droit de créance contre la succession constitue une charge de celle-ci sans que la prise en compte du salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.
Les conditions de déduction de l'actif successoral des dettes résultant de l'application des dispositions susvisées sont fixées par l'article 774 du CGI, qui institue une exception au principe de la non-déduction des dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées, prévu au 2° de l'article 773 du CGI.
Remarque : Il est précisé, à cet égard, que l'article 74 de la loi de modernisation de l'agriculture (n° 95-95 du 1er février 1995) a rétabli l'article 774 du CGI qui avait été abrogé indirectement par les articles 1, 2 et 4 de la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du Livre III (nouveau) du code rural. Aussi, les sommes dues à certains descendants d'exploitants agricoles au titre d'un contrat de travail à salaire différé continuent, donc, par dérogation au principe de non-déductibilité des dettes consenties par le défunt à ses héritiers, de pouvoir être déduites de l'actif successoral de leur débiteur dans les conditions prévues à l'article 774 du CGI.
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L'existence de cette dette est suffisamment prouvée, à l'égard de l'administration, par tous actes et écrits, même postérieurs au décès d'un exploitant agricole, susceptibles de faire preuve en justice entre les cohéritiers ou représentants de l'exploitant. L'héritier créancier de la succession est toutefois tenu de fournir, dans les formes et suivant les règles déterminées par l'article L. 20 du LPF (cf. ci-avant I-A § 10), une attestation, datée et signée par lui, mentionnant le montant de sa créance sur la succession de l'exploitant.
Le montant de la créance attribuée à l'héritier est égal pour chaque année de participation, sans que le nombre des années retenues puisse excéder dix, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant.
III. Récupération des aides sociales
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A. Définition et principes
L’aide sociale se définit comme l’ensemble des prestations constituant une obligation mise à la charge des collectivités publiques, notamment du Département, et destinées à faire face à un état de besoin pour des bénéficiaires dans l’impossibilité d’y pourvoir.
Il s’agit notamment et par exemple de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), de l’aide sociale à l’hébergement en maison de retraite, de la prestation spécifique de dépendance ou de l’aide sociale ménagère.
L’aide sociale revêt un caractère subsidiaire, elle n’est accordée de ce fait qu’à défaut de moyens du demandeur et de la solidarité familiale et présente le caractère d’une avance.
C’est pourquoi l’article L.132-8 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit que certaines de ces aides sociales peuvent être récupérées lorsque le demandeur revient à une meilleure fortune, sur sa succession ou sur une donation faite par ce dernier.
B. Sur la nature de la récupération des prestations sociales
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En droit civil, il est distingué entre les dettes successorales, nées antérieurement au décès et les charges successorales, nées au moment de la succession ou postérieurement.
Au regard de ces principes, la récupération des prestations sociales qui intervient postérieurement au décès doit s'analyser comme une charge de la succession, au même titre que les frais funéraires.
Ainsi, s'agissant des aides versées par le Département, la récupération doit être décidée dans son principe comme dans son montant par le président du Conseil départemental (CASF, art. R.132-11) qui apprécie au cas par cas l'opportunité d'une récupération sur la succession et ce même si toutes les conditions sont remplies.
C. Déduction fiscale
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Au plan fiscal, l’article 768 du CGI n’autorise que la déduction des dettes qui existent au jour du décès. Cette disposition interdit donc la déduction au passif des charges de succession qui sont par nature nées postérieurement au décès. Il est précisé à ce titre que la déduction des frais funéraires n’est admise que par une mesure de tolérance légale expresse prévue à l'article 775 du CGI.
En conséquence, la déduction au passif de la récupération des aides sociales n’est donc pas permise.
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Cela étant, la déduction de sommes soumises à récupération est admise à hauteur du montant effectivement reversé sur la part successorale de l'héritier ou du légataire qui a effectué ce reversement.
Cette déduction n’est autorisée que si elle est justifiée par une attestation du comptable constatant le reversement ou de l'huissier en charge du recouvrement.