Date de début de publication du BOI : 06/07/2016
Identifiant juridique : BOI-IF-TFB-50-20-30

IF - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Dégrèvements en cas de vacance de maison ou d'inexploitation d'immeuble à usage industriel ou commercial

1

Aux termes du I de l'article 1389 du CGI, les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas :

- de vacance d'une maison normalement destinée à la location à usage d'habitation ;

- d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel.

Le dégrèvement est subordonné à la triple condition :

- que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable ;

- qu'elle ait une durée minimale de trois mois ;

- et qu'elle concerne la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible d'exploitation ou de location séparée.

Dans ce cas, le dégrèvement est accordé à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation, jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin.

Le III de l'article 1389 du CGI dispose que ce dégrèvement s'applique également, sous des conditions particulières, aux logements à usage locatif appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré (HLM) et aux sociétés d'économie mixte (SEM), vacants depuis plus de trois mois, et situés dans un immeuble destiné à être démoli ou à faire l'objet de travaux importants répondant à certains critères du code de la construction et de l'habitation (BOI-IF-TFB-50-20-40).

I. Immeubles concernés - Définitions de la vacance et de l'inexploitation

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Comme l'a rappelé le Conseil d'État, la première disposition du I de l'article 1389 du CGI, relative à la vacance d'une maison normalement destinée à la location, ne vise que les immeubles à usage d'habitation.

D'autre part, le dégrèvement prévu en cas d'inexploitation d'immeuble à usage industriel ou commercial est expressément subordonné, par la seconde disposition dudit article, à la condition que l'immeuble soit habituellement utilisé par le contribuable lui-même (CE, arrêt du 19 décembre 1975, n° 96860).

Ainsi, le Conseil d'État a jugé que le bien-fondé d'une demande en dégrèvement de la taxe foncière cotisée à raison d'un immeuble à usage commercial ou industriel devait être apprécié à la lumière de la notion d'inexploitation de l'ensemble industriel dans lequel il s'intègre, le fait que cet immeuble serve partiellement à l'entreposage d'archives et de vieux matériel, et au logement d'un gardien, n'était pas de nature à le faire regarder comme faisant l'objet d'une exploitation partielle (CE, arrêt du 13 novembre 1974, n° 94416).

A. Vacance de maison destinée à la location

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Les dégrèvements de la taxe foncière sur les propriétés bâties peuvent être accordés à raison des immeubles destinés à être loués à usage d'habitation (1) qui, effectivement offerts à la location (2), connaissent une interruption de l'occupation (3) dont ils étaient l'objet.

1. Locaux d'habitation

Le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties prévu au I de l'article 1389 du CGI, en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location, vise les immeubles destinés à être loués à usage d'habitation, qu'il s'agisse d'une maison ou d'un appartement (RM Lepeltier, n° 31171, JO Sénat du 21 juin 2001, p. 2085)

S'agissant des emplacements de stationnement de véhicules :

Les emplacements de stationnement de véhicules, même lorsqu'ils sont situés sur un terrain aménagé au pied d'un immeuble d'habitation, n'ont pas, à raison de leur usage, le caractère de « maison normalement destinée à la location » au sens des dispositions du I de l'article 1389 du CGI ; ils n'ont pas davantage le caractère de logements à usage locatif au sens des dispositions du III du même article ; par suite, ils ne peuvent bénéficier d'un dégrèvement de taxe foncière dans les conditions prévues à cet article (CE, arrêt du 30 mars 2007, n° 278540).

2. Locaux destinés à la location

Pour ouvrir droit au dégrèvement, la vacance doit s'appliquer à une maison offerte en location :

CE, arrêt du 13 mai 1957, RO, p. 336 ; et arrêt du 15 juin 1959, Y..., RO, p. 440.

Par suite, le droit au dégrèvement ne peut être reconnu à l'égard de maisons qui n'ont pas ce caractère, même si elles n'ont pas été occupées pendant un certain temps :

- A cet égard, s’agissant des logements de fonction attribués dans le cadre d'une concession pour utilité de service ou d'une convention d'occupation précaire, leurs propriétaires ne peuvent pas bénéficier, en cas de vacance de ces logements, du dégrèvement prévu a l'article 1389 du CGI. Ce dernier s'applique exclusivement aux locaux normalement destinés a la location dans le cadre de baux a caractère civil (RM Rossinot, JOAN 24 septembre 1990, p. 4479, n° 22705).

- Par ailleurs, ne peut être considéré comme destiné à la location un immeuble dont le propriétaire décide la démolition (CE, arrêt du 15 juin 1959 déjà cité) ou qu'il a acquis dans ce but (CE, arrêt du 12 mai 1971, Société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement du XVème, RJ, n° III, p. 128. En application du même principe, un immeuble donné en jouissance à titre gratuit n'ouvre pas droit au dégrèvement (CE, arrêt du 22 décembre 1958, RO, p. 282).

- La seule circonstance que le propriétaire d'un château ouvert à la location tout au long de l'année le loue pour de courtes durées ne fait pas obstacle à ce que les locaux litigieux soient regardés comme normalement destinés à la location, au sens et pour l'application de l'article 1389 du CGI, relatif au dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location (CE, arrêt du 14 avril 2008, n° 289978).

- Les immeubles affectés à la location saisonnière ne sont pas au nombre des « maisons normalement destinées à la location » visées par l'article 1389 du CGI et ne peuvent bénéficier du dégrèvement prévu par cet article, quels que soient les motifs de la vacance (CAA Lyon, arrêt du 31 décembre 1996, n° 95LY00205).

3. Locaux vacants

D'une façon générale, on ne doit considérer comme vacante qu'une maison ou partie de maison ne renfermant aucun mobilier ou ne contenant qu'un mobilier notoirement insuffisant pour en permettre l'occupation.

Mais une maison louée ne peut en aucun cas être considérée comme vacante, même si le locataire ne l'occupe pas et la conserve dégarnie de meubles.

Ne peuvent dès lors être considérées comme vacantes :

- une maison occupée par un gardien, encore bien que ce dernier serait logé gratuitement (CE, arrêt du 22 décembre 1958, dame X..., RO, p. 282) ;

- une maison occupée par des locataires dont la validité du titre d'occupation fait l'objet d'une contestation (CE, arrêt du 27 novembre 1957, RO, p. 465, CE, arrêt du 10 juin 1963, n° 59113 et CE, arrêt du 20 juin 1973, n° 87429) ;

- une maison occupée par d'anciens locataires dont l'expulsion a été ordonnée par décision de justice et qui se sont maintenus dans les lieux (CE, arrêt du 9 janvier 1963, RO, p. 258 et CE, arrêt du 24 janvier 1968, n° 69695) ;

A cet égard, il est précisé que ne sauraient avoir d'influence sur la décision :

- le fait que les loyers, versés en totalité au propriétaire, soient sur sa demande consignés entre les mains d'un officier ministériel (CE, arrêt du 27 novembre 1957, RO, p. 465) ;

- l'absence totale ou partielle de versement des loyers dus (CE, arrêt du 9 janvier 1963, RO, p. 258 et CE, arrêt du 24 janvier 1968, n° 69695, déjà cité).

B. Inexploitation d'un immeuble à usage industriel ou commercial

1. Principe

30

Sont susceptibles de bénéficier du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévu au I de l'article 1389 du CGI les immeubles de toute nature dans lesquels s'effectuent des opérations relevant des impôts auxquels sont soumis les bénéfices industriels et commerciaux, qui, utilisés par le propriétaire lui-même, subissent une interruption de leur exploitation.

40

On doit entendre, par immeuble de toute nature, les bâtiments, chantiers, lieux de dépôt et autres emplacements analogues, et, d'une manière générale, tous les éléments imposables à la taxe foncière des propriétés bâties, même si ils ne présentent pas le caractère d'immeubles en droit civil.

a. Inexploitation effective

50

Pour apprécier l'inexploitation effective d'un immeuble, il convient de prendre en considération l'objet même de l'exploitation qui est la raison d'être de l'ensemble industriel dans lequel le bâtiment s'intègre, à l'exclusion des éventuelles utilisations accessoires ou secondaires de chaque bâtiment considéré isolément.

Le Conseil d'État a jugé qu'un bâtiment utilisé comme dépôt de matériel et d'archives depuis que l'exploitation de l'ensemble industriel dont il faisait partie intégrante avait été suspendue indépendamment de la volonté du contribuable, ne pouvait être considéré comme exploité au sens de l'article précité (CE, arrêt du 13 novembre 1974, n° 94416).

Conformément au principe posé par le I de l'article 1389 du CGI, il convient d'accorder le dégrèvement sollicité, notamment, à raison des usines en chômage, dès l'instant que leur inexploitation est effective, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si elles peuvent ou non être louées.

Enfin, lorsqu'un établissement industriel n'est pas normalement destiné à être utilisé de façon habituelle - cas d'une usine de secours, par exemple - il ne peut être regardé comme inexploité bien qu'il soit resté en fait inutilisé.

b. Utilisation par le contribuable lui-même

60

Il résulte du texte même du I de l'article 1389 du CGI que l'inexploitation doit être appréciée uniquement par rapport au propriétaire.

Le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions du I de l'article 1389 du CGI, qui, au regard de l'objet de la mesure de dégrèvement qu'elles prévoient, prennent en compte la différence de situation existant entre la vacance d'un immeuble à usage d'habitation normalement destiné à la location et l'inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel, ne portent pas, par elles-mêmes, atteinte aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. En subordonnant le bénéfice du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à la condition que l'immeuble à usage industriel ou commercial inexploité soit utilisé par le contribuable lui-même et en n'exigeant pas une telle condition en cas de vacance d'une maison, le législateur a pris en compte cette différence de situation et s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels, dès lors, il ne peut être sérieusement soutenu que ces dispositions porteraient atteinte à ces principes constitutionnels. (CE, QPC, arrêt n° 345476 du 8 juin 2011).

Ne satisfait pas à cette condition un immeuble :

- que le propriétaire n'a jamais utilisé lui-même pour les besoins de son exploitation (CE, arrêt du 19 décembre 1975, n° 96860 et CE, arrêt du 23 avril 1980, X...) ;

- quand celui-ci a clairement manifesté l'intention de ne pas en assumer lui-même l'exploitation soit en le proposant à la location (CE, arrêt du 10 mai 1967, RJCD, p. 132) ;

alors même que le locataire laisserait l'usine inexploitée  :

CE, arrêt du 9 juillet 1975, n° 87720 ;

soit en le mettant en vente :

CE, 29 octobre 1965, RO p. 423, et CE, 9 janvier 1967, Req n° 62393 ;

ou dont la propriété est transférée :

dans le cadre d'une fusion-absorption à une société absorbante qui n'a jamais exploité elle-même le bien, auparavant utilisé par la société absorbée et qui était vacant au moment de la fusion (CE, arrêt du 18 mai 2005 n° 264718).

De même, lorsqu'un local industriel ou commercial est fermé par suite de la faillite du locataire, le propriétaire ne peut revendiquer le dégrèvement encore bien qu'il ait subi une perte de revenu.

Satisfait à cette condition un immeuble à usage commercial ou industriel donné en location muni du matériel nécessaire à leur exploitation :

RM, Bécot, n° 5908, JO Sénat du 22 mai 2003, p. 1682  :

Extrait de la question : M. Michel Bécot attire l'attention de M. le ministre sur les difficultés rencontrées par d'anciens commerçants, propriétaires d'immeuble à usage commercial, redevables de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Suivant l'article 1389-1 du CGI, les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel, utilisé par le contribuable lui-même. Cependant, si cet immeuble à usage commercial ou industriel vient à être inexploité, suite au congé donné au propriétaire par le commerçant locataire dudit immeuble, le propriétaire ne peut prétendre au dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Ceci, alors que ce dernier ne perçoit plus de loyer. Cette situation est de plus en plus courante dans les centres villes de nos communes rurales où les immeubles à usage commercial ou industriel ayant été mis en location ne sont donc pas utilisés par le contribuable lui-même, celui-ci ayant pu faire valoir ses droits à la retraite et sont inexploités suite à un congé du locataire des lieux.

Extrait de la réponse : Le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties prévu au I de l'article 1389 du CGI en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel est expressément subordonné à la condition que l'immeuble soit utilisé par le contribuable lui-même. Cependant, le contribuable peut obtenir le dégrèvement en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage commercial ou industriel dont il est propriétaire dès lors que, avant l'arrêt de l'exploitation, il utilisait lui-même l'immeuble ou donnait en location ces locaux munis du matériel nécessaire à leur exploitation. Le Conseil d'Etat considère en effet dans cette dernière situation que le propriétaire poursuit lui-même à travers cette location une exploitation industrielle ou commerciale. Il n'est pas envisagé d'aller au-delà et d'étendre le champ d'application de ce dégrèvement aux propriétaires de locaux nus à usage commercial ou industriel. En effet, le dispositif actuel constitue déjà une exception à la règle générale selon laquelle la taxe foncière sur les propriétés bâties est due à raison de la propriété d'un bien, et non de son utilisation

Confirmé par RM Morin, n° 94588, JO AN du 12 décembre 2006, p. 12985

2. Exclusions

70

Sont exclues du bénéfice des dispositions susvisées les maisons ou villas affectées en totalité ou en partie à la location en meublé ; toutefois, cette exclusion ne concerne pas les immeubles à usage d'hôtel meublé.

II. Conditions d'application du dégrèvement

80

Le deuxième alinéa du I de l'article 1389 du CGI subordonne l'application du dégrèvement à trois conditions :

- la vacance ou l'inexploitation doit être indépendante de la volonté du contribuable ;

- elle doit avoir eu une durée minimale de trois mois consécutifs ;

- elle doit affecter la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée.

A. Indépendance de la volonté du contribuable

90

La vacance ou l'inexploitation devant être indépendante de la volonté du contribuable, le dégrèvement ne doit être prononcé pour les immeubles éligibles que s'il s'agit :

- de maisons, entretenues de manière à en permettre l'usage conformément à leur destination, et n'ayant pas trouvé preneur dans des conditions normales malgré les démarches effectuées par leur propriétaire afin de pourvoir à leur location ;

- ou d'immeubles à usage industriel ou commercial, dès lors que le propriétaire établit de manière précise qu'une circonstance indépendante de sa volonté a fait obstacle de manière inéluctable à la poursuite de l'exploitation (crise économique, manque de matières premières, grèves, etc.).

1. Vacance de maisons

a. Défaut d'entretien

100

D'une manière générale, le propriétaire d'une maison vacante n'est en droit de prétendre au bénéfice du dégrèvement que dans la mesure où l'état de délabrement des locaux qui a rendu impossible leur location ne peut lui être imputé dans son origine ou sa persistance :

CE, arrêt du 12 janvier 1959, RO, p. 338, CE, arrêt du 27 novembre 1964, RO, p. 195 et CE, arrêt du 10 mai 1967, RJCD p. 132.

Toutefois, le mauvais état d'entretien de l'immeuble ne saurait à lui seul motiver le rejet d'une demande en dégrèvement de l'impôt foncier y afférent, dès lors que le propriétaire ne se refuse pas à faire effectuer les travaux, mais attend, pour les faire entreprendre, la conclusion d'un bail ou l'intervention d'un expert destiné à procéder à l'évaluation desdits travaux :

CE, arrêt du 19 décembre 1966, RO, p. 306.

En revanche, un immeuble vacant en raison de travaux d'agrandissement, de reconstruction ou de modifications intérieures, destinés à lui conférer une plus-value, ne saurait ouvrir droit au dégrèvement :

A cet égard, le Conseil d'État a jugé que la vacance d'une maison qui est due à d'importants travaux d'agrandissement et de reconstruction, ayant d'ailleurs conféré une plus-value à l'immeuble, ne peut être regardée comme indépendante de la volonté du propriétaire et n'ouvre donc pas droit au dégrèvement de taxe foncière (CE, arrêt du 20 avril 1983, n° 36139).

Dès lors qu'une société a acquis, en connaissance de cause, au cours d'une l'année un immeuble ancien en mauvais état, vacant depuis plusieurs années, la prolongation de cette vacance au cours des années suivantes ne peut être regardée comme indépendante de sa volonté (CE, arrêt du 26 juillet 2006, n° 275155).

b. Absence de démarches

110

De la même manière, la vacance d'une maison dont l'origine et la prolongation seraient dues au défaut de recherches de nouveaux locataires n'est pas susceptible d'ouvrir droit au dégrèvement (CE, arrêt du 26 février 1964, n° 59164 et CE, arrêt du 5 mai 1971, RJ, n° III, p. 117).

c. Conditions normales

120

Lorsque la vacance provient des exigences injustifiées du propriétaire quant aux conditions imposées aux éventuels preneurs, le rejet de la demande du contribuable doit être prononcé (CE, arrêt du 5 mai 1958, RO, p. 127 et CE, arrêt du 26 avril 1963, n° 58438).

d. Cas particulier

130

En principe, une maison normalement destinée à la location n'est susceptible d'être considérée comme vacante que lorsque est intervenue une interruption de l'occupation dont elle était l'objet.

Toutefois, lorsqu'un immeuble ne peut être reloué en raison de la présence d'occupants - communément appelés « squatters » - qui s'y sont introduits et maintenus sans titre, la notion de vacance peut être étendue à l'interruption de location, mais seulement à la condition formelle que cette occupation sans titre soit absolument indépendante de la volonté du contribuable ou de sa diligence à faire cesser cet état de fait :

 - Pour que cette condition soit remplie, il faut donc en premier lieu que l'occupation sans titre ait été rendue possible par un événement extérieur échappant à la volonté du propriétaire tel que, par exemple, une interdiction administrative d'occupation de l'immeuble (CE, arrêt du 9 janvier 1963, RO, p. 258, 24 janvier 1968, n° 69695).

- Elle ne doit pas, à l'inverse, avoir été favorisée par le fait que le propriétaire aura délaissé son immeuble.

-Il faut en deuxième lieu que le propriétaire ait fait toutes diligences pour faire cesser cet état de fait, soit en proposant aux occupants de voir leur situation régularisée par la signature d'un bail leur donnant un titre d'occupation moyennant le versement d'un loyer, soit en cherchant à en obtenir l'expulsion par des voies légales.

- Il faut enfin que le requérant établisse qu'une telle occupation l'a mis dans l'impossibilité absolue de louer son local (CE, arrêt du 22 décembre 1958, déjà cité).

2. Inexploitation d'un immeuble à usage industriel ou commercial

140

Afin de bénéficier des dispositions du I de l'article 1389 du CGI, le contribuable doit être en mesure d'établir de manière suffisamment précise qu'une circonstance indépendante de sa volonté et, donc, étrangère à l'entreprise, a fait obstacle de manière inéluctable à la poursuite de l'exploitation.

A défaut d'un commencement de preuve, ou de précisions suffisantes permettant d'apprécier la réalité des faits invoqués, le dégrèvement ne peut être accordé (CE, arrêt du 23 avril 1958, RO, p. 121)

150

En cette matière, les obstacles indépendants de la volonté du propriétaire qui interdisent la poursuite de l'exploitation peuvent être de trois ordres (cf. II-A-2-a, b et c § 160 à 220) :

a. Obstacles d'ordre matériel

160

Lorsqu'un propriétaire connaît des difficultés matérielles de reconstruction des bâtiments qu'il a acquis dans un état de délabrement et de vétusté ne permettant pas la remise en marche de l'entreprise, il est en droit de demander le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont il est redevable (CE, arrêt du 9 avril 1956, RO, p. 73).

De même, la pollution d'une rivière dont la pureté des eaux était indispensable au fonctionnement d'une entreprise est de nature à ouvrir droit au bénéfice du dégrèvement, dans la mesure où l'entreprise n'en est pas elle-même responsable (CE, arrêt du 13 novembre 1974, n° 94416).

Mais il n'y a pas lieu de tenir compte des inexploitations qui dépendent de l'état habituel des eaux ou qui tiennent aux conditions ordinaires de l'exploitation, ces éléments ayant été pris en compte lors de la fixation du revenu cadastral servant de base à l'impôt.

b. Obstacles tenant à l'état de santé du contribuable

170

Un contribuable que la cécité a contraint à cesser son activité professionnelle (cession de son contingent de mouture) a droit au dégrèvement (CE, arrêt du 11 avril 1973, n°88376).

c. Obstacles d'ordre économique et technique

180

D'une manière générale, les motifs d'ordre économique avancés par les contribuables ne sont susceptibles d'être pris en considération que dans la mesure où, par leur nature et leur origine, ils ne peuvent pas être assimilés aux décisions que sont amenés à prendre les chefs d'entreprise afin de faire face à l'évolution générale des techniques et des structures industrielles ou de tirer les conséquences du jeu naturel des lois économiques.

C'est ainsi que le Conseil d'État a jugé que ne pouvait ouvrir droit au dégrèvement prévu en cas d'inexploitation :

- la cessation de l'exploitation d'une usine dans un souci de rationalisation et de modernisation des méthodes de fabrication (CE, arrêt du 13 juillet 1963, RO, p. 412) ;

- la fermeture de hauts fourneaux à bois exploités selon un procédé techniquement dépassé et ayant cessé d'être rentable (CE, arrêt du 12 novembre 1969, RJCD, p. 290) ;

- la fermeture d'une usine de produits chimiques techniquement dépassée et ayant cessé d'être rentable dès lors que l'entreprise ayant décidé cette fermeture ne justifie d'aucune circonstance indépendante de sa volonté ayant fait obstacle d'une manière inéluctable, à la poursuite de l'exploitation (CE, arrêt du 22 juin 1973, n° 81716) ;

- les mesures destinées à sauvegarder les intérêts économiques généraux, telle que la cessation d'une entreprise déficitaire ou que l'on suppose devoir être telle (CE, arrêt du 28 avril 1955, RO, p. 308, CE, arrêt du 24 octobre 1963, RO, p.422 et CE, arrêt du 7 janvier 1976, n° 95635) ;

- les décisions de transfert (CE, arrêt du 16 janvier 1974, n° 87534) ;

- ou de cessation d'une entreprise,qu'elles atteignent l'ensemble des éléments affectés à l'exploitation ou seulement certains d'entre eux (CE, arrêt du 16 octobre 1974, n° 91944) ;

- l'interdiction d'exploiter un établissement industriel faite à une société à l'égard de laquelle a été engagée une procédure de règlement judiciaire ou de liquidation de biens comportant le transfert à l'autorité judiciaire des pouvoirs confiés aux organes sociaux (CE, arrêt du 14 janvier 1983, n° 30528, Plénière) ;

- l'arrêt de l'exploitation d'une usine, décidé par les actionnaires d'une société en raison de l'impossibilité d'en assurer la rentabilité (CE, arrêt du 23 mars 1984, n° 21994) ;

De même, des terrains qui ont été affectés à un usage industriel ou commercial doivent rester cotisés à la taxe foncière sur les propriétés bâties alors même que l'exploitation à laquelle ils ont concouru serait interrompue, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages (CE, arrêt du 25 février 1981, n° 11784).

190

Par ailleurs, les difficultés qui empêchent l'exploitation rentable d'un établissement industriel et qui conduisent à la cessation définitive ou prolongée de cette exploitation ne permettent pas de regarder l'inexploitation comme indépendante de la volonté du contribuable au sens des dispositions de l'article 1389 du CGI (CE, arrêt du 20 juillet 1988, n° 57892 et CE, arrêt du 20 juillet 1988, n° 79745).

La fermeture du marché iranien qui constituait le débouché essentiel de la production d'une usine n'est pas de nature à faire regarder son inexploitation comme intervenue indépendamment de la volonté de l'entreprise (même arrêts).

200

En revanche, lorsqu'à aucun moment le contribuable n'a été en mesure de prévoir les événements et d'influer sur leur déroulement ou n'a pu que subir les décisions qui ont été à l'origine de l'inexploitation constatée, la demande en dégrèvement déposée à ce titre satisfait à la condition tenant au caractère involontaire de l'inexploitation.

210

Ainsi, a reçu une réponse favorable la demande d'un contribuable qui avait dû cesser son exploitation en raison de l'absence d'une main-d'oeuvre qualifiée disponible sur place ou dans un rayon peu éloigné (CE, arrêt du 9 avril 1956, RO, p. 173).

220

De même, a été admise comme une cause indépendante de la volonté du contribuable une décision relevant de la politique internationale privant une entreprise de ses principaux débouchés extérieurs (Égypte et Indochine) dont dépendait principalement son existence, alors que, parallèlement, ses clients continentaux l'avaient privée de leur clientèle pour des raisons tenant au jeu normal de concurrence (CE, arrêt du 3 juin 1964, 8e s.-s., RO p. 109).

B. Durée minimale de trois mois consécutifs

230

Pour que cette condition puisse être considérée comme remplie, il est nécessaire que l'immeuble en cause soit demeuré vacant ou inexploité pendant une durée minimale de trois mois sans interruption.

Cette période de trois mois peut d'ailleurs s'étendre sur deux années consécutives.

Mais aucun dégrèvement ne serait accordé dans le cas, par exemple, d'un immeuble utilisé par un établissement industriel ou commercial qui serait inexploité, régulièrement une semaine sur deux.

C. Totalité ou partie susceptible d'exploitation ou de location séparée

240

La vacance ou l'inexploitation doit affecter la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée.

Dans le cas d'une maison de fermier ou de métayer constituant la dépendance d'une exploitation rurale, la circonstance que cette maison n'est pas destinée à être louée isolément n'est pas de nature à priver le propriétaire du bénéfice du dégrèvement lorsque, les démarches nécessaires ayant été effectuées en vue de louer l'exploitation suivant sa destination, la vacance de la maison peut être considérée comme indépendante de la volonté du propriétaire (cf. II-A § 90).

250

En ce qui concerne les établissements industriels, la condition est remplie lorsque l'inexploitation affecte :

- soit la totalité des bâtiments et installations industriels d'une usine, encore bien que certains locaux tels qu'entrepôts, magasins, etc., compris dans l'enceinte de ladite usine, continueraient à être utilisés (CE, arrêt du 19 novembre 1937, RO p. 649) ;

- soit un groupe de bâtiments et d'installations qui, dans une usine où s'effectuent des opérations de nature différente, est spécialement utilisé pour l'une ou plusieurs de ces opérations.

C'est ainsi, par exemple, dans cette seconde hypothèse, qu'un industriel exploitant une fonderie de cuivre avec laminoirs pourrait prétendre à un dégrèvement partiel d'impôt foncier en raison du chômage des bâtiments et installations distincts affectés au laminage, alors même que la fonderie serait restée en activité.

III. Conditions tenant à la forme et au délai de présentation des réclamations

A. Délai de présentation

260

Les réclamations tendant à obtenir le dégrèvement doivent être présentées au plus tard le 31  décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle la vacance ou l'inexploitation atteint la durée minimum exigée (Livre des procédures fiscales, art. R*. 196-5).

En cas de cessation de la vacance ou inexploitation en cours d'année, c'est également dans l'année suivant celle de la cessation que doivent être présentées les demandes tendant à obtenir le dégrèvement.

Il doit être admis, toutefois, dans le cas où l'imposition considérée serait comprise dans un rôle supplémentaire ou particulier mis en recouvrement après le 31 décembre de l'année qu'elle concerne, que la demande en dégrèvement pour vacance ou inexploitation doit être présentée jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle de la mise en recouvrement de ce rôle.

La Haute Assemblée a décidé que la réclamation d'un contribuable présentée après la réception de l'avertissement concernant la taxe foncière sur les propriétés bâties contestée pour l'inexploitation d'un immeuble, mais avant l'expiration de l'année d'imposition, est recevable dès l'instant qu'au moment de l'introduction de la réclamation la vacance avait duré au moins trois mois (CE, arrêt du 9 janvier 1963, RO, p. 255).

De même, jugé que la faillite d'un contribuable n'a pas pour effet de suspendre à son égard le délai dans lequel il pouvait, avec l'assistance du syndic, introduire une demande en dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour chômage d'usine (CE, arrêt du 8 juillet 1963, RO, p. 388).

B. Forme des réclamations

270

Conformément aux dispositions du II de l'article 1389 du CGI, les demandes tendant à obtenir les dégrèvements pour vacance de maison ou inexploitation d'immeuble industriel ou commercial doivent être présentées dans les formes prévues pour les réclamations ordinaires.

Il est précisé que, dans le cas de vacance ou inexploitation d'un immeuble vendu en cours d'année, l'acquéreur est habilité à réclamer le dégrèvement, pour l'année de son acquisition, sans mandat du vendeur régulièrement inscrit au rôle. Mais, sur une réclamation de l'espèce, le dégrèvement ne saurait être accordé pour une période antérieure à la date de la vente, même si l'immeuble était déjà vacant ou inexploité à cette époque. Pour la période antérieure à la vente, seul le vendeur de l'immeuble ou son mandataire a qualité pour présenter une demande de dégrèvement.

Eu égard au caractère annuel de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la réclamation présentée par une société pour l'année N ne la dispensait pas de présenter des réclamations pour les années suivantes, pendant lesquelles l'inexploitation de son entrepôt s'est prolongée (CE, arrêt du 24 novembre 1997, n° 167737).

IV. Portée du dégrèvement

280

Le dégrèvement pour vacance de maison ou inexploitation d'immeuble porte sur la taxe foncière sur les propriétés bâties et s'étend aux taxes annexes assises sur les mêmes bases (selon le cas, taxes spéciales d'équipement, taxe d'enlèvement des ordures ménagères).

V. Calcul du dégrèvement

290

Ainsi qu'il résulte des dispositions du I de l'article 1389 du CGI, le dégrèvement doit être calculé par douzièmes entiers, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel elle a pris fin.

Soit, par exemple, un immeuble demeuré vacant du 10 novembre de l'année N au 15 février de l'année N+1.

Le propriétaire peut prétendre aux dégrèvements suivants :

- un douzième (décembre) de l'impôt afférent à l'année N sur demande présentée au cours de l'année N+1 ;

- deux douzièmes (janvier et février) de l'impôt de l'année N+1 sur demande présentée au cours de l'année N+2.

Dans le cas de vente en cours d'année d'un immeuble vacant ou inexploité, le début de la vacance ou de l'inexploitation doit, pour le calcul du dégrèvement accordé à l'acquéreur, être apprécié par rapport à ce dernier (cf. I-B-1 § 30 et suivants) et, dès lors, en ce qui concerne, le point de départ du dégrèvement doit être fixé au 1er du mois suivant l'acquisition.

300

Lorsqu'une industrie saisonnière a chômé pendant la durée d'une campagne, c'est seulement à compter du premier jour du mois suivant le début de ladite campagne que sont calculés les dégrèvements susceptibles d'être accordés pour cause d'inexploitation.

En pareil cas, le droit au dégrèvement prendra fin au premier jour du mois suivant la date normale d'ouverture de la campagne au cours de laquelle l'entreprise aura effectivement repris son activité, de telle sorte que, si cette entreprise n'a chômé que pendant une campagne, elle ne puisse en aucun cas bénéficier d'un dégrèvement supérieur à l'impôt de douze mois.