Dispositions Juridiques communes - Finance islamique – Régime fiscal des sukuk d'investissement
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Les développements qui suivent traitent des questions fiscales relatives à l'un des principaux outils de la finance islamique : les sukuk d'investissement et autres instruments financiers assimilés.
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Il s'agit de déterminer les conditions dans lesquelles, compte tenu de leurs caractéristiques propres, ces instruments émis sur le fondement du droit français ou d'un droit étranger peuvent être assimilés sur le plan fiscal à des prêts, des titres de créance le cas échéant négociables ou des obligations, ainsi que de préciser le régime fiscal qui leur est applicable.
Remarque : L'administration a modifié en 2010 le régime applicable aux sukuk et produits assimilés. Les titres émis ou prêts conclus avant le 24 août 2010 demeurent régis par les règles définies au II, issues de l'instruction 4 FE 09 du 25 février 2009.
I. Régime applicable aux sukuk d'investissement et produits assimilés
A. Caractéristiques des sukuk d'investissement et autres instruments financiers assimilés
1. Sukuk d'investissement
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Les sukuk d'investissement sont ici des titres financiers hybrides négociables dont la rémunération et, le cas échéant, le principal sont indexés sur la performance d'un ou plusieurs actifs sous-jacents détenus directement ou indirectement par l'émetteur. Leur porteur bénéficie d'un droit assimilé à un droit de copropriété direct ou indirect sur ce ou ces actifs. Le ou les actifs concernés sont des services, biens ou droits ou l'usufruit de ces biens ou droits.
2. Titres de créance et prêts indexés sur la performance d'un ou plusieurs actifs
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De manière générale, il peut exister d'autres instruments dont la rémunération et, le cas échéant, le principal sont indexés sur la performance d'un actif. Les titres de créance, ci-après dénommés titres de créance indexés, et prêts, ci-après dénommés prêts indexés, sont ainsi des instruments dont la rémunération est indexée sur la performance d'un ou plusieurs actifs détenus par l'émetteur ou l'emprunteur, ou sur les résultats de ce dernier. S'agissant des titres de créance et prêts ayant financé un ou plusieurs actifs, le montant du principal remboursé est indexé sur la valeur de ce ou ces actifs.
3. Caractéristiques communes aux sukuk d'investissement et aux autres instruments financiers assimilés
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Sont exposées ci-après les caractéristiques que doivent présenter les sukuk d'investissement, titres de créance et prêts indexés pour bénéficier du régime fiscal décrit en I-B.
a. Droits et obligations des titulaires de sukuk d'investissement ou de titres de créance ou prêts indexés
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Ils sont désintéressés avant les associés de l'émetteur ou de l'emprunteur, quelle que soit la nature des titres de capital émis par ce dernier (comme par exemple, s'agissant des titres émis sur le fondement du droit français, des actions définies aux articles L228-7 à L228-29-7 du code de commerce ou des parts sociales).
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Ils ne bénéficient pas des droits reconnus aux associés, notamment ni du droit de vote dans la structure émettrice ou emprunteuse ni du droit au boni de liquidation lors de la liquidation de celle-ci, sauf le cas échéant après conversion de leurs titres ou de leurs prêts en titres de capital.
Ces conditions posées sont réputées remplies dans le cas de titres de créance émis par un organisme de titrisation ou de parts de fonds commun de titrisation bénéficiant du régime fiscal antérieurement applicable aux parts de fonds communs de créances.
Remarque : Sont par suite exclus les fonds supportant des risques d'assurance mentionnés aux articles L214-49-11 à L214-49-13 du code monétaire et financier.
b. Conditions de rémunération et de remboursement
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La rémunération est fonction de la performance des actifs (indexation). La rémunération des sukuk d'investissement, des titres de créance et des prêts indexés est variable et fonction des bénéfices dégagés sur ces actifs ou sur les résultats de l'émetteur ou de l'emprunteur. A cet égard, elle peut être nulle en cas de perte.
Toutefois, une cible de rémunération (« taux de profit espéré ») est indiquée aux porteurs de sukuk d'investissement, de titres de créance et de prêts indexés ; celle-ci est plafonnée à un taux de marché reconnu (par exemple : Euribor, Libor), augmenté d'une marge conforme aux pratiques observées sur le marché des titres de créance.
Pour parvenir à servir le « taux de profit espéré », le contrat peut prévoir un lissage dans le temps de la rémunération des porteurs au travers de l'activation d'un « compte de réserve » mis en place par l'émetteur. Ce compte est abondé lorsque la performance du ou des actifs est supérieure au « taux de profit espéré », et utilisé lorqu'elle est inférieure à ce taux. Ainsi, seule la rémunération correspondant au « taux de profit espéré » est exigible aux échéances de paiement prévues par le contrat (mensuelles, trimestrielles…).
Le détenteur de titre, personne physique dans le cadre de son activité professionnelle commerciale ou personne morale, est en mesure d'enregistrer à chaque échéance de paiement prévue par le contrat (mensuelles, trimestrielles, …), la rémunération correspondant au « taux de profit espéré », diminuée le cas échéant, d'une provision déductible sur le plan fiscal dans les conditions de droit commun, notamment si le porteur démontre la probable incapacité de l'émetteur à verser le montant exigible d'ici à l'échéance du titre.
Le compte de réserve est clôturé à l'échéance du titre. L'éventuel excédent est alloué selon les modalités propres au contrat, incluant les porteurs de titres au titre de l'indexation retenue dans le contrat, voire un tiers. Il peut également être utilisé pour compenser pour les porteurs de titres tout ou partie d'une éventuelle perte en capital lors de la revente des actifs (cf. I-A-3-b § 90).
Le remboursement du principal peut être partiel du fait de l'indexation retenue dans le contrat. Le remboursement des sukuk d'investissement, titres de créance et prêts indexés est soit progressif, soit réalisé au terme prédéfini dans le contrat.
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Pour les sukuk, les titres et prêts ayant financé un ou plusieurs actifs, le remboursement est fonction de la valeur de cession des actifs à la date d'échéance des titres ou du prêt, ainsi que des remboursements du principal inclus dans les loyers, notamment dans l'hypothèse où l'actif financé est donné en crédit-bail par l'émetteur ou emprunteur.
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Lorsque la valeur du ou des actifs financés ne permet pas de rembourser la valeur nominale des titres ou le montant du prêt, le droit à remboursement du principal, du fait de l'indexation retenue dans le contrat, est réduit à due concurrence de l'insuffisance constatée. Lorsque la valeur du ou des actifs financés excède la valeur nominale des titres ou le montant du prêt, le remboursement peut excéder le montant du principal conformément à la règle d'indexation retenue dans le contrat.
Pour limiter le risque de perte en capital à l'échéance du titre, le contrat peut également prévoir la constitution d'un second compte de réserve, ci-après dénommé « compte de réserve sur risque d'investissement », abondé en cours de vie du produit par prélèvement sur les bénéfices dégagés par les actifs ou les résultats de l'émetteur ou de l'emprunteur. Ce compte est clôturé à l'échéance du titre. Son solde lors de la clôture, éventuellement ajouté à celui du compte de réserve visé au I-A-3-b § 70, est alloué selon les modalités du contrat et peut à ce titre revenir notamment aux porteurs de titres au titre de l'indexation retenue dans le contrat, voire à un tiers.
B. Modalités d'imposition applicables
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Au regard de leurs caractéristiques (cf. I-A-3) et jusqu'à leur éventuelle conversion en titres de capital, les sukuk d'investissement ou les titres de créance et prêts indexés peuvent être considérés fiscalement, pour l'application des dispositions du code général des impôts (CGI), comme des titres de créance, le cas échéant négociables, ou des prêts et s'agissant des sukuk, comme des obligations ou des titres de créance négociables selon leur forme juridique et leur maturité. Dès lors également, les rémunérations servies aux porteurs des sukuk d'investissement ou des titres de créance et prêts indexés sont traitées sur le plan fiscal comme des intérêts dans les conditions de droit commun, avec notamment application de la règle du couru (article 38-2 bis du CGI) au titre du « taux de profit espéré » en matière d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux.
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Ces dispositions (I-B § 100) sont applicables aux émetteurs comme aux porteurs de titres résidents ou non résidents, et visent notamment les impôts et taxes suivants : impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu (notamment régime du prélèvement forfaitaire obligatoire sur les produits financiers à revenu fixe de source française), contribution économique territoriale, taxe sur la valeur ajoutée, droits d'enregistrement.
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Dans ce cadre, la charge déductible pour l'émetteur de sukuk d'investissement ou de titres de créance indexés, ou pour l'emprunteur recourant à un prêt indexé, correspond à la rémunération exigible en vertu du contrat d'émission, soit le « taux de profit espéré ». En d'autres termes, l'abondement de la réserve visée au I-A-3-b, pendant les périodes de paiement de la rémunération, pourra faire l'objet d'une provision non déductible sur le plan fiscal. Symétriquement, le prélèvement sur la réserve générera une reprise de provision non imposable.
La charge déductible correspondra à la rémunération calculée sur la base du « taux de profit espéré ». Si celui-ci n'est pas servi intégralement après utilisation de la réserve, à l'échéance du titre ou du prêt, l'émetteur, dans la mesure où il sera alors délié de toute obligation de servir la rémunération correspondant au « taux de profit espéré », devra constater un produit imposable dans les conditions de droit commun (abandon de créance) égal à la différence entre le « taux de profit espéré » et la rémunération effectivement servie.
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Lorsqu'un « compte de réserve sur risque d'investissement » est prévu au contrat, les montants affectés à cette réserve sont sans incidence sur le résultat imposable de l'émetteur. L'abondement de ce compte de réserve ne remet pas en cause la constitution et la déductibilité dans les conditions de droit commun des provisions enregistrées pour prendre en compte la dépréciation éventuelle de l'actif.
II. Titres émis ou prêts conclus avant le 24 août 2010
A. Caractéristiques des sukuk et produits financiers assimilés
1. Les obligations islamiques dites sukuk
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Les obligations islamiques dites sukuk sont des titres représentant pour leur titulaire un titre de créances ou un titre participatif dont la rémunération et le capital sont indexés sur la performance d'un ou plusieurs actifs détenus par l'émetteur, affectés au paiement de la rémunération et au remboursement des sukuk. Leur porteur bénéficie d'un droit de copropriété indirect sur ce ou ces actifs qu'il peut exercer en cas de défaillance de l'émetteur. Le ou les actifs concernés sont des actifs tangibles ou l'usufruit de ces actifs tangibles.
Exemple de financement par émission de sukuk avec la mise en place d'une fiducie :
U-n groupe crée une société de droit français ad hoc (le SPV) pour financer l'acquisition d'un immeuble. Le SPV émet des obligations pour financer cette acquisition, les sukuk, qui sont souscrites par des investisseurs et la société mère du SPV ;
- Le SPV conclut un contrat de crédit-bail avec une société opérationnelle. Le SPV bénéficie d'une option de vente de l'actif immobilier consentie par sa société mère, qu'il pourra exercer dans l'hypothèse où la société opérationnelle n'exercerait pas l'option d'achat au terme du contrat de crédit-bail ;
- Le SPV transfère la totalité de son patrimoine (immeuble, contrat de crédit-bail, option de vente, dette obligataire) à une fiducie qu'il constitue auprès d'une entité dûment habilitée à être fiduciaire (le fiduciaire) ;
- Le fiduciaire assure la gestion du patrimoine transféré par le SPV et verse la rémunération des obligations à leurs porteurs. En outre, le fiduciaire verse au SPV un montant égal aux frais de gestion engagés par celui-ci (honoraires des commissaires aux comptes, impôt sur les sociétés…), ces frais pouvant éventuellement comprendre des frais de gestion supportés par le SPV pour le compte du fiduciaire ;
- Les obligations sont remboursées, soit en cours d'opération selon un échéancier préétabli, soit lors du dénouement de l'opération au moyen d'un refinancement des obligations par émission d'une nouvelle tranche par le SPV ou (variante) le versement d'une partie du produit de revente de l'actif immobilier ;
- Les bénéficiaires de la fiducie sont les porteurs des obligations.
2. Les titres de dette et prêts indexés sur la performance d'un ou plusieurs actifs
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Les titres de dette, ci-après dénommés titres de dette « indexés », et prêts, ci-après dénommés prêts « indexés », sont respectivement des titres de créance ou des prêts dont la rémunération est indexée sur la performance d'un ou plusieurs actifs détenus par l'émetteur ou l'emprunteur, ou sur les résultats de ce dernier. S'agissant des titres de dette et prêts ayant financé un ou plusieurs actifs, le remboursement du capital est indexé sur la valeur de ce ou ces actifs.
3. Les caractéristiques communes des obligations dites sukuk ou des titres de dette et prêts indexés
a. Droits et obligations des prêteurs d'un prêt indexé ou des titulaires des obligations dites sukuk ou d'un titre de dette indexé
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Ils seraient désintéressés avant les associés de l'émetteur ou de l'emprunteur, quelle que soit la nature des titres de capital émis par ce dernier.
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Ils ne bénéficieraient pas des droits reconnus aux associés et notamment d'aucun droit de vote dans la structure émettrice ou emprunteuse ni d'aucun droit au boni de liquidation lors de la liquidation de celle-ci.
b. Conditions de rémunération et de remboursement
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La rémunération est fonction de la performance des actifs mais plafonnée. La rémunération des obligations islamiques, des titres de dette et prêts indexés serait variable et fonction des bénéfices dégagés sur ces actifs ou sur les résultats de l'émetteur ou de l'emprunteur. A cet égard, elle pourrait être nulle en cas de perte.
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Toutefois, cette rémunération serait plafonnée à un taux de marché reconnu (par exemple : Euribor, Libor), augmenté d'une marge.
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Le remboursement du capital peut être partiel. Le remboursement des obligations ou titres de dette et prêts indexés serait soit progressif, soit réalisé au terme prédéfini dans le contrat.
Pour les titres et prêts ayant financé un ou plusieurs actifs, le remboursement serait fonction de la valeur de cession des actifs à la date d'échéance des titres ou du prêt, ainsi que des remboursements du capital inclus dans les loyers, notamment en cas de crédit-bail.
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Lorsque la valeur du ou des actifs financés ne permet pas de rembourser la valeur nominale des titres ou le montant du prêt, le droit à remboursement du capital serait réduit à due concurrence de l'insuffisance constatée. En revanche, lorsque la valeur du ou des actifs financés excède la valeur nominale des titres ou le montant du prêt, seul le capital serait effectivement remboursé.
B. Modalités d'imposition à l'impôt sur les sociétés et régime fiscal applicable aux non-résidents de France
1. Modalités d'imposition à l'impôt sur les sociétés
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La question qui se pose est de savoir si les rémunérations servies aux porteurs des obligations sont déductibles chez l'émetteur totalement ou partiellement.
La déduction de la rémunération versée au titre des obligations dites sukuk ou des titres de dette et prêts indexés suppose en premier lieu que ces instruments financiers aient la qualification de dettes et donc qu'ils présentent les caractéristiques des instruments de dette.
Au regard de leurs caractéristiques (cf. II-A-3), les obligations dites sukuk ou les titres de dette et prêts indexés peuvent être considérés comme des instruments de dette, les rémunérations servies aux porteurs des obligations ou des titres indexés s'analysant sur le plan fiscal comme des intérêts.
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Les rémunérations versées au titre des obligations dites sukuk ou des titres de dette et prêts indexés pouvant être qualifiés d'intérêts, ces intérêts seront déductibles, dès lors qu'il est manifeste qu'ils sont engagés dans l'intérêt de l'entreprise, sous les limites prévues au 3° du 1 de l'article 39 du CGI et à l'article 212 du CGI.
Il est toutefois rappelé que ces dernières dispositions ne trouveront à s'appliquer que si les titulaires des obligations dites sukuk ou des titres de dette et prêts indexés sont soit associés minoritaires de la société émettrice ou emprunteuse s'agissant des dispositions du 3° du 1 de l'article 39 précité, soit une société liée au sens du 12 de l'article 39 de la société émettrice ou emprunteuse pour l'application des dispositions de l'article 212 du CGI.
Ainsi, lorsque les titulaires des obligations dites sukuk ou des titres de dette et prêts indexés sont des associés minoritaires de la société émettrice ou emprunteuse et non liés au sens du 12 de l'article 39 à cette dernière, les intérêts seront déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au 3° du 1 de l'article 39.
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Lorsque les titulaires des obligations dites sukuk ou des titres de dette et prêts indexés sont liés au sens du 12 de l'article 39 du CGI à la société émettrice ou emprunteuse, les intérêts seront déductibles dans limite de ceux calculés d'après le taux de référence prévu au 3° du 1 de l'article 39 du CGI. Toutefois, si le taux pratiqué excède ce taux de référence, ce taux ne sera pas considéré comme excessif en application du I de l'article 212 du CGI, dès lors que la société émettrice ou emprunteuse apporte la preuve que le taux pratiqué correspond à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.
Par ailleurs, il est rappelé que les obligations dites sukuk ou les titres de dettes et prêts indexés détenus ou accordés par des sociétés liées au sens du 12 de l'article 39 du CGI à la société émettrice ou emprunteuse devront être pris en compte pour l'application des dispositions du II de l'article 212 du CGI, sauf si ces obligations ou titres ont servi à financer l'acquisition de biens donnés en location dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l'article L313-7 du code monétaire et financier.
2. Régime fiscal applicable aux titulaires non résidents de France de sukuk et produits financiers assimilés
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La question est de savoir si les rémunérations de ces produits financiers versées aux personnes physiques ou morales non résidentes de France bénéficient de l'exonération du prélèvement libératoire prévu au III de l'article 125 A du CGI en application des dispositions de l'article 131 quater du CGI.
Le prélèvement libératoire prévu à l'article 125 A est, aux termes du III de cet article, obligatoirement applicable aux produits de placement à revenu fixe dont le débiteur est établi ou domicilié en France qui sont encaissés par des personnes n'ayant pas en France leur domicile fiscal ou leur siège social.
L'article 131 quater exonère toutefois de ce prélèvement les produits des emprunts contractés hors de France par des personnes morales françaises.
Sont également concernées par cette exonération les émissions obligataires, les émissions de titres de créances négociables ou de tous autres titres d'emprunt ou titres de créances négociables, de droit français ou étranger, et fiscalement assimilés à des obligations ou des titres de créances négociables.
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Pour que les dispositions de l'article 131 quater du CGI s'appliquent aux sukuk et aux titres de dette et prêts indexés, présentés à la section 1 du présent titre, ces produits financiers, qu'ils soient émis sur le fondement du droit français ou d'un droit étranger, doivent présenter les caractéristiques des instruments de dette.
Sous réserve de présenter les caractéristiques décrites au II-A-3 les obligations dites sukuk ou les titres et prêts indexés peuvent être considérés comme des instruments de dette, les rémunérations servies aux titulaires financiers s'analysant dès lors sur le plan fiscal comme des intérêts.
C. Modalités d'imposition à la contribution économique territoriale
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La question porte sur les modalités d'imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE) et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de l'activité exercée en fiducie.
Le SPV, quant à lui, n'est, en principe, pas imposable, sous réserve de ne pas exercer d'autre activité que celle décrite au II-A-1 § 140. En effet, il n'exerce plus l'activité de crédit-bail, celle-ci étant, à la suite du transfert de son patrimoine à la fiducie, réalisée par cette dernière.
1. Particularités de la fiducie
a. Imposition au nom du fiduciaire
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En application du dernier alinéa de l'article 1476 du CGI, lorsqu'une activité imposable à la CFE est exercée en vertu d'un contrat de fiducie, elle est imposée au nom du fiduciaire.
En pratique, la filiale bancaire fiduciaire fait l'objet de deux impositions distinctes à la CFE : l'une au titre de son activité propre et l'autre au titre de l'activité exercée par la fiducie. En effet, la fiducie, contrairement au constituant, ne disposant pas de la personnalité juridique, ne peut pas être imposée en son nom au titre des activités imposables qu'elle exercerait.
b. Base d'imposition de la fiducie
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La base d'imposition de la fiducie est constituée par la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France dont elle dispose au cours de la période de référence définie aux articles 1467 A du CGI et 1478 du CGI.
2. Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
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Bien que l'activité de la fiducie s'apparente, d'un point de vue économique, à une activité financière, elle ne relève pas, en principe, de la « valeur ajoutée bancaire » au sens des dispositions de l'article 1586 sexies, III et IV du CGI, laquelle permet de déduire les charges financières. En effet, cette activité, d'une part, n'est pas, par hypothèse, exercée par un établissement de crédit et, d'autre part, ne consiste pas en de la gestion exclusive de valeurs mobilières.
Par conséquent, les intérêts liés aux obligations ne sont pas, en application stricte de la loi, déductibles dès lors qu'il s'agit de charges financières.
Cependant, dans l'hypothèse où le fiduciaire est une société détenue à 95 % au moins par un établissement de crédit et réalisant à titre exclusif une ou plusieurs opérations de financement, il est admis qu'il peut déterminer sa valeur ajoutée selon les modalités prévues pour les établissements précités.
Dans cette hypothèse, la valeur ajoutée issue de l'activité exercée en fiducie (et imposée au nom du fiduciaire, cf. II-C-1-a) est diminuée des intérêts liés aux obligations.
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La prise en compte des produits et autres charges dans la valeur ajoutée suit les règles de droit commun : les loyers de crédit-bail sont déjà pris en compte dans la valeur ajoutée de droit commun.
D. Modalités d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
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Dans ce type d'opérations, une société ad hoc (le SPV) est créée pour réaliser l'acquisition d'un immeuble. Le SPV finance cette acquisition par l'émission d'obligations souscrites par des investisseurs.
Le SPV donne en crédit-bail l'immeuble à un acteur économique (le bénéficiaire de ce mode de financement). Les loyers du crédit-bail sont soumis à la TVA sur option par le SPV crédit-bailleur, en application des dispositions du 2° de l'article 260 du CGI. Le SPV transfère ensuite la totalité de son patrimoine à une fiducie constituée auprès d'une entité dûment habilitée à être fiduciaire (le « fiduciaire »). Cependant, les investisseurs, souscripteurs des obligations émises par le SPV, sont les bénéficiaires désignés du contrat de fiducie.
C'est ainsi que le fiduciaire perçoit les loyers de crédit-bail et, parallèlement, rémunère les obligations. Cette rémunération correspond à une partie des loyers perçus, nette des charges de propriété du patrimoine fiduciaire et de gestion de la fiducie.
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La Commission européenne estime que le transfert du patrimoine du SPV vers le patrimoine fiduciaire doit pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 257 bis du CGI selon lesquelles les livraisons de biens et les prestations de services qui interviennent entre deux redevables de la taxe à l'occasion d'une transmission d'une universalité totale ou partielle de biens sont dispensées de la TVA.
Les règles de droit commun s'appliquent au transfert au fiduciaire des biens, droits et sûretés composant le patrimoine de la fiducie.
Ainsi, le transfert à titre gratuit de l'immeuble du patrimoine du constituant vers le patrimoine d'affectation de la fiducie entraîne en principe, le cas échéant, l'exigibilité des reversements de TVA fondés sur les dispositions du 1° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au CGI (régularisation de la TVA antérieurement déduite). Toutefois, lorsque la constitution de la fiducie porte sur une universalité totale ou partielle de biens, et que ce transfert est réalisé entre redevables de la TVA (le fiduciaire et le constituant), l'opération peut bénéficier d'une dispense des opérations de régularisation. A cet égard, lorsque le bien transféré à la fiducie est un immeuble affecté par le constituant à une activité locative soumise à la TVA, l'application de la dispense implique que le fiduciaire ait l'intention de poursuivre cette activité locative.
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Au cas particulier, l'immeuble transféré fait l'objet d'une affectation par le constituant à une activité locative soumise à la TVA dans la mesure où le SPV a conclu le contrat de crédit-bail immobilier antérieurement au transfert. D'autre part, le fiduciaire entend poursuivre l'affectation de l'immeuble transmis à cette même activité locative dès lors qu'il doit poursuivre l'exploitation de l'immeuble en application du contrat de crédit-bail.
La dispense de régularisation prévue par les dispositions de l'article 257 bis du CGI est donc applicable au transfert des biens du SPV au fiduciaire.