Date de début de publication du BOI : 19/05/2021
Identifiant juridique : BOI-CF-PGR-10-75

CF - Prescription du droit de reprise de l'administration - Délais de reprise en cas d'omission ou d'insuffisance d'imposition révélée par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse

Actualité liée : 19/05/2021 : CF - Prescription du droit de reprise de l'administration et garanties du contribuables - Délais de reprise en cas d'omission ou d'insuffisance d'imposition révélée par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse (loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, art. 92)

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Conformément aux dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales (LPF), les omissions ou insuffisances d'impositions révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. 

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Alors que l’ancien article L. 170 du LPF ne visait que l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le dispositif de l'article L. 188 C du LPF permet désormais à l’administration de procéder à des rectifications au titre de l'ensemble des impositions.

I. Champ d'application

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L'article L. 188 C du LPF ouvre à l'administration le droit de réparer les omissions et insuffisances révélées :

- par une réclamation contentieuse ;

- ou à l'occasion d'une procédure juridictionnelle, que celle-ci se déroule devant le juge judiciaire ou administratif.

Désormais, compte tenu de la rédaction de l'article issue de l'article 92 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, les omissions ou insuffisances d'imposition peuvent être révélées par une instance devant un tribunal mais également lors du dépôt de plainte, de l'enquête préliminaire ou de l'examen des poursuites par le ministère public.

S'agissant des juridictions judiciaires, les dispositions de l'article L. 188 C du LPF s'appliquent à l'occasion non seulement d'affaires pénales mais également de litiges de nature notamment civile, commerciale ou prud'homale.

Remarque : L'ancienne version de l'article L. 188 C du LPF, qui demeure applicable aux révélations intervenues avant le 30 décembre 2015, date de publication de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, prévoyait que l'administration pouvait réparer les omissions et insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse.

Le Conseil d'Etat a précisé, qu'en matière correctionnelle, seul l'engagement de poursuites doit être regardé comme ouvrant l'instance. Ni l'ouverture d'une enquête préliminaire, ni l'examen des poursuites devant le ministère public, n'ont, eux-mêmes, un tel effet (CE, décision du 30 décembre 2014, n° 371652, ECLI:FR:CESSR:2014:371652.20141230)

II. Limitations du délai spécial de reprise

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Les omissions ou insuffisances ainsi révélées peuvent être réparées :

- jusqu'au 31 décembre de l’année suivant celle de la décision clôturant la procédure ;

- et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Le délai d'une année prévu par l'article L. 188 C du LPF doit se combiner avec les délais de droit commun.

Par exemple, une omission ou insuffisance en matière d’impôt sur le revenu révélée par une procédure peut être utilement réparée jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (LPF, art. L. 169, al.1), alors même que le délai d'un an prévu à l'article L. 188 C du LPF précité serait échu.

Exemple : Limitation du délai spécial de reprise - impôt sur le revenu dû au titre de l’année N.

Date de la décision clôturant l'instance

11.10.N+2

11.10.N+3

11.10.N+9

11.10.N+10

Date limite d'exercice du droit de reprise

31.12.N+3 1

31.12.N+4 2

31.12.N+10 3

31.12.N+10 4

1 Les délais mentionnés au premier alinéa de l'article L. 169 du LPF et à l'article L. 188 C du LPF se confondent.

2 Application du délai fixé par l'article L. 188 C du LPF : « jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure ».

3 Les deux limites prévues à l'article L. 188 C du LPF se confondent.

4 Application du délai maximum fixé « jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ».

Le droit de reprise prévu à l'article L. 188 C du LPF peut s'exercer avant la date de la décision qui clôt la procédure.

III. Précisions diverses

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Le droit spécial de reprise peut se combiner avec l'application des règles posées par l'article L. 203 du LPF selon lesquelles l'administration peut, à tout moment d'une procédure contentieuse, opposer la compensation entre les dégrèvements reconnus justifiés et certaines omissions ou insuffisances constatées au cours de l'instruction. Dans ce cas, l'article L. 188 C du LPF permet, le cas échéant, à l'administration de poursuivre, hors du délai normal de prescription, le recouvrement de la partie de la créance du Trésor non éteinte par compensation.

Les champs d'application de l'article L. 188 C du LPF et de l'article L. 203 du LPF ne doivent pas, cependant, être confondus, le délai spécial de reprise pouvant être invoqué, en l'absence de toute possibilité de compensation, dans les cas notamment d'instance pénale ou de réclamations contentieuses non fondées.

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Le juge administratif encadre strictement l'application du dispositif de l'article L. 188 C du LPF. Seules les omissions ou insuffisances d'imposition réellement révélées par une procédure juridictionnelle ou une réclamation contentieuse permettent à l'administration fiscale de mettre en oeuvre le délai spécial de reprise de l'article L. 188 C du LPF.

Les dispositions de l'article L. 188 C du LPF ne sont pas applicables si l'administration a eu connaissance des irrégularités en d'autres circonstances, notamment au cours d'une vérification de comptabilité ou d'une procédure de rectification antérieure à la plainte ou à la réclamation (CE, décision du 22 mars 1985, n° 42952).

De même, lorsque l'administration fiscale signale des faits supposés délictuels à l'autorité judiciaire en application de l'article 40 du code de procédure pénale, elle ne peut ensuite mettre en œuvre le délai spécial de reprise dès lors qu'elle disposait d'éléments suffisants lui permettant, grâce à ses propres moyens d'investigation, d'établir l'imposition dans le délai normal de reprise (CE, décision du 29 avril 2009, n° 299949).

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Les omissions ou insuffisances d'imposition soumises au délai spécial de reprise de l'article L. 188 C du LPF peuvent concerner d'autres contribuables que ceux faisant l'objet de la décision ayant clos la procédure. Le délai spécial de reprise peut, en effet, trouver à s'appliquer à un contribuable qui n'est ni partie à la procédure ni entendu dans le cadre de cette même procédure.

Ainsi l'administration peut se prévaloir du délai spécial de reprise pour procéder au rehaussement des résultats d'une société résultant d'informations qui lui ont été révélées par une procédure concernant le dirigeant de cette société.

De même, un contribuable entendu par les services de police judiciaire dans le cadre d'une commission rogatoire du juge d'instruction peut valablement se voir appliquer le délai spécial de reprise bien qu'il ne soit pas concerné par la procédure pénale.

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Le délai spécial de reprise court à compter de la date de la décision qui a clos la procédure au cours de laquelle les omissions ou insuffisances d'imposition ont été révélées.

Ainsi, lorsqu'une insuffisance d'imposition est révélée par une procédure devant le tribunal correctionnel, le délai spécial de reprise court de la date de jugement de ce tribunal, et non pas, lorsque ce jugement est frappé d'appel, de la date de l'arrêt de la cour d'appel (CE, décision du 15 novembre 1985, n° 47319).

Cette jurisprudence est, a priori, transposable au cas où l'insuffisance serait révélée par un arrêt de la cour d'appel alors même que cet arrêt ferait l'objet d'un pourvoi en cassation.

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Les dispositions de l'article L. 188 C du LPF peuvent être mises en œuvre au titre d'une année non visée par la réclamation qui a permis la découverte de l'omission ou de l'insuffisance d'imposition.

Le Conseil d'Etat a jugé que la réparation d'insuffisances révélées par une réclamation contentieuse peut s'exercer à l'égard d'années d'imposition qui ne sont pas visées dans ladite réclamation (CE, décision du 2 mars 1977, n°  97397).