Date de début de publication du BOI : 25/10/2022
Identifiant juridique : BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10

TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations imposables en raison de leur nature - Opérations portant sur les fonds de commerce

Actualité liée : 25/10/2022 : TVA - Consultation publique - Régime de l'assujetti unique - Transposition en droit national du mécanisme prévu à l'article 11 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (Entreprises - Publication urgente)

I. Vente du fonds de commerce

A. Transmission d'une universalité totale ou partielle de biens

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L'article 257 bis du code général des impôts (CGI) dispense de TVA les livraisons et les prestations de services lorsqu'elles sont réalisées entre redevables de la taxe à l'occasion de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens.

Cet article transpose la faculté offerte par les articles 19 et 29 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée permettant aux États membres de ne pas exiger l'imposition à la TVA des cessions de biens et des prestations de services réalisées dans le cadre de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d'apport à une société d'une universalité totale ou partielle de biens dès lors que le bénéficiaire continue la personne du cédant, tout en les autorisant à prendre, le cas échéant, les dispositions nécessaires pour éviter des distorsions de concurrence dans le cas où le bénéficiaire n'est pas un assujetti total.

1. Définition

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La notion de « transmission à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens » doit être interprétée à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) (CJCE, arrêt du 27 novembre 2003, aff. C-497/01, Zita Modes SARL). Elle concerne « le transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, comprenant des éléments corporels et, le cas échéant, incorporels qui, ensemble, constituent une entreprise ou une partie d'une entreprise susceptible de poursuivre une activité économique autonome. »

Cette notion ne couvre pas les transferts de biens et de services réalisés au profit d'une personne qui n'entend pas exploiter l'universalité ainsi transmise mais simplement liquider immédiatement l'activité concernée. Il en est ainsi de la simple cession de biens, telle que la vente d'un stock de produits ou de la vente isolée d'un bien immobilisé en dehors de toute opération de transmission d'entreprise ou de restructuration.

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Le bénéficiaire de la transmission est réputé continuer la personne du cédant en poursuivant l'exploitation de l'universalité transmise sous une forme ou une autre. Il n'est toutefois pas exigé qu'il ait préalablement exercé la même activité que le cédant ou qu'il poursuive strictement la même activité que celle précédemment exercée par le cédant.

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Conformément à ces principes, sont notamment regardés comme la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens :

  • les apports globaux, effectués dans le cadre d'une opération de fusion, d'absorption ou de scission et les apports partiels d'actifs constatés à l'occasion, par exemple, de la restructuration d'un groupe (apport d'une branche complète d'activité). Pour la définition de la branche complète d'activité, il convient de se reporter au I § 10 du BOI-IS-FUS-20-20 ;
  • RES n° 2008/4 (TCA) du 04 mars 2008 : non-application de la dispense mentionnée à l'article 257 bis du code général des impôts dans l'hypothèse de la cession isolée d'un immeuble affecté partiellement à une activité locative soumise à la TVA par le cédant

Question : La cession isolée d'un immeuble affecté partiellement à une activité locative peut-elle bénéficier de la dispense visée à l'article 257 bis du CGI ?

Réponse : Lorsqu'un assujetti opère la cession isolée d'un immeuble qu'il avait affecté jusqu'alors de manière partielle à une activité locative au titre de laquelle les loyers perçus étaient en tout ou partie soumis effectivement à la TVA, il y a lieu d'écarter le bénéfice de la dispense de taxation ou de régularisation visée à l'article 257 bis du CGI dans la mesure où l'immeuble cédé ne constitue pas dans son ensemble une partie d'entreprise susceptible d'être qualifiée d'universalité partielle.

Pour plus de précisions quant aux modalités d'application des dispositions de l'article 257 bis du CGI pour des opérations relatives à des immeubles, il convient de se reporter au IV-D § 280 et suivants du BOI-TVA-DED-60-20-10.

  • les mutations à titre onéreux et apports de fonds de commerce ou d'exploitations agricoles, commerciales ou professionnelles. Il en est ainsi notamment des apports de fonds de commerce donnés en location-gérance qui permettent la poursuite d'une activité économique autonome, la location-gérance ne constituant qu'un simple mode d'exploitation du fonds ;

  • la transmission d'une exploitation agricole même en cas de conservation par l'exploitant agricole qui cède ou apporte son exploitation de la parcelle de subsistance prévue à l'article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime ou de stocks et les mutations partielles d'exploitation agricoles réalisées dans le cadre de plans de transmission si elles portent sur des branches complètes d'activité (pour la définition de la branche complète d'activité il convient de se reporter au I § 10 du BOI-IS-FUS-20-20) ;

  • la transmission d'une exploitation agricole à la suite de la dissolution de la communauté conjugale par divorce ou par le décès d'un conjoint commun en biens, à l'un des membres de ladite communauté qui vient immédiatement continuer l'activité de celle-ci ;

  • la transmission d'une entreprise à la suite d'une procédure d'apurement collectif du passif ;

  • la transmission universelle du patrimoine réalisée dans le cadre d'une opération de dissolution sans liquidation par confusion de patrimoine (code civil, art. 1844-5) ;

  • RES n° 2006/34 (TCA) du 12 septembre 2006 : transmission d'une universalité totale ou partielle de biens exposé au IV-D § 282 du BOI-TVA-DED-60-20-10 ;

  • les transferts de compétence réalisés entre collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale en application des articles L.1321-1 et suivants du code général des collectivités territoriales  ;

  • les transferts de biens opérés lors de changements de mode d'exploitation des services publics ;

  • RES n° 2006/28 (TCA) du 06 juin 2006  : transmission d'une universalité totale ou partielle de biens réalisée dans le domaine agricole

Question : Les transferts d'exploitation avec conservation d'immeubles, ou avec attribution de biens à un non-redevable les apportant simultanément à une entreprise redevable, peuvent-ils être dispensés de TVA ?

Réponse : La dispense de taxation et de régularisation de la taxe antérieurement déduite continue de bénéficier à la cession des biens mobiliers et immobiliers et des stocks représentatifs d'une universalité totale ou partielle de biens réalisée par un exploitant assujetti à la TVA au bénéfice d'un non-assujetti lorsque ce dernier apporte simultanément ces biens à une entreprise redevable de la taxe.

Il en est de même en cas de transmission d'une exploitation agricole lorsque le cédant conserve la propriété des bâtiments d'exploitation qu'il donne à bail au repreneur redevable.

Le bénéfice de ces dispenses fondées sur les nouvelles dispositions de l'article 257 bis du CGI n'est plus subordonné à la prise d'engagements par le bénéficiaire de la transmission d'universalité dès lors que ce dernier est réputé continuer la personne du cédant.

En application du deuxième alinéa de l'article 257 bis du CGI, bénéficient également des dispositions de cet article les apports qu'impliquent, aux fins de la TVA, l'adhésion ou la sortie d'un assujetti en tant que membre d'un assujetti unique constitué en application de l'article 256 C du CGI.

2. Nature du cédant et du bénéficiaire

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L'application de la dispense de taxation aux transmissions d'une universalité totale ou partielle de biens est subordonnée à ce qu'elles interviennent entre deux assujettis redevables de la TVA au titre de l'universalité transmise. La dispense de taxation ne s'applique donc pas lorsque la transmission est réalisée par un assujetti redevable de la taxe au bénéfice d'un assujetti non redevable.

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En revanche, la dispense est autorisée lorsque la transmission est réalisée entre deux personnes ayant toutes deux ou pour l'une seulement d'entre elles la qualité de redevable partiel au titre de l'universalité transmise. Dans ces hypothèses, le bénéficiaire de la transmission, qui est réputé continuer la personne du cédant, est, le cas échéant, tenu d'opérer, au titre des biens d'investissement transmis dans le délai de régularisation, les régularisations de la taxe antérieurement déduite exigibles en application de l'article 207 de l'annexe II au CGI.

3. Biens et services concernés

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La dispense de taxation s'applique à l'ensemble des biens et des services qui appartiennent à l'universalité transmise et ce, quelle que soit leur nature, à savoir :

  • aux transferts de marchandises neuves et d'autres biens détenus en stocks ;

  • aux transferts de biens mobiliers corporels d'investissement qui ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de la TVA lors de leur achat, acquisition intracommunautaire, importation ou livraison à soi-même ;

  • aux transferts de biens mobiliers incorporels d'investissement ;

  • et aux transferts d'immeubles et de terrains à bâtir.

B. Cession d'un élément incorporel séparé du fonds

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La cession d'un élément incorporel séparé du fonds de commerce constitue en général un acte normal de la profession qui entraîne l'exigibilité de la TVA.

Ainsi sont normalement imposables :

  • la cession d'un contingent d'exportation ;

  • la cession d'un contingent de distillation ;

  • les cessions de transfert d'alcool par un distillateur à des viticulteurs assujettis aux prestations viniques ou d'alcools de vins ;

  • la cession par le concessionnaire d'une marque commerciale de son droit pour tout ou partie de sa circonscription d'exercice ;

  • la cession du droit d'exploiter une carrière ou une mine (BOI-TVA-CHAMP-10-10-30) ;

  • la cession de droits portant sur un film ;

  • la cession par une entreprise de presse du droit de reproduction en feuilleton ou en illustration des dessins et des œuvres acquis par elle auprès des tiers (CE, décision du 12 octobre 1962, n° 35505, Société nouvelle de presse illustrée) ;

  • les cessions de clientèle (CE, décision du 11 juin 1975, n° 93894, Société d'édition et de publicité agricoles, industrielles et commerciales).

Toutefois, la taxe n'est pas effectivement exigée lorsque la cession est soumise aux droits proportionnels d'enregistrement.

RES N° 2005/36 (TCA) du 06 septembre 2005 : indemnités de congés payés en cas de cession de fonds de commerce

Question : Le remboursement par le cédant du fonds de commerce de la fraction des indemnités de congés payés, correspondant à la période antérieure à la date de cession, versées aux salariés par le nouvel employeur, cessionnaire, doit-il être soumis à la TVA ?

Réponse : Les indemnités de congés payés ne constituent pas, au plan juridique, un élément du fonds du commerce.

Par suite, les remboursements des indemnités de congés effectués par le cédant au profit du cessionnaire du fonds ne peuvent pas bénéficier des commentaires figurant ci-dessus, qui permettent de ne pas exiger la TVA sur les éléments incorporels du fonds de commerce lorsque leur cession est soumise aux droits d'enregistrement.

Par ailleurs, le remboursement des indemnités de congés payés effectué au profit du nouvel employeur et qui est mis à la charge du premier employeur en application des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail, a pour corollaire le maintien, au niveau du nouvel employeur, des obligations qui découlent de l'exécution des contrats de travail subsistant à la date de la cession de fonds, à l'égard des salariés.

Dans ce cadre, le paiement de la totalité des indemnités de congés payés constitue une obligation propre au nouvel employeur vis-à-vis des salariés. Les sommes correspondantes ne peuvent pas être considérées comme engagées au nom et pour le compte du premier employeur, ce qui exclut au cas particulier l'application du régime des débours exposés par un mandataire au nom et pour le compte de son mandant.

Cela étant, il est également relevé que le remboursement de la fraction des indemnités correspondant à la période antérieure à la date de la cession de fonds, qui est, sauf convention contraire, mis à la charge du premier employeur en application des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail relève également d'une obligation propre à ce dernier vis-à-vis du nouvel employeur.

Or, il apparaît que la réalisation du flux financier correspondant n'a pas pour effet de procurer un avantage individualisé au premier employeur par rapport à la situation qui serait la sienne en l'absence de cession de fonds.

Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré que le remboursement des indemnités de congés payés au nouvel employeur constitue la contrepartie d'une prestation de services rendue au premier employeur.

Ces remboursements ne constituent pas non plus le complément de prix d'opérations imposables effectuées par le nouvel employeur.

En conséquence, ces remboursements n'ont pas à être soumis à la TVA.

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Par ailleurs, l'apport d'un élément séparé du fonds (marque, licence), réalisé à titre onéreux (inscription en compte courant rémunéré par des intérêts, remise d'obligations) constitue une opération soumise à la TVA à moins que des droits d'enregistrement ne soient perçus à cette occasion.

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Toutefois, aux termes du a du 1° du 3 de l'article 261 du CGI, les apports de biens mobiliers d'investissement sont soumis à la TVA dès lors qu'ils ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de cette taxe lors de leur acquisition (BOI-TVA-SECT-90-20-10).

II. Location du fonds

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La location d'un fonds de commerce (clientèle, achalandage, droit au bail, enseigne, nom commercial, marques de fabrique, licences, mobilier, outillage, matériel, etc.) constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux et imposable à la TVA en application de l'article 256 du CGI.

Au demeurant, la jurisprudence considère que cette opération constitue pour le bailleur un mode d'exploitation de son actif commercial qui lui conférait un caractère commercial la rendant passible de la TVA.

Ainsi, tel est le cas :

  • de la location d'un fonds d'entreprise de cylindrage consentie par le propriétaire du fonds à son fils moyennant paiement d'un loyer fixe et d'une redevance proportionnelle au volume des cailloux cylindrés (CE, décision du 30 mars 1936, D) ;

  • de la convention par laquelle l'un des contractants s'engage à exploiter un hôtel à ses risques et périls, à supporter tous les frais et à verser au propriétaire de l'établissement une quote-part des recettes en lui garantissant une redevance annuelle minimum (CE, décision du 31 janvier 1938, Société du palais des Arcades) ;

  • de la brasserie qui donne à bail des locaux à usage de débits de boissons dans des conditions telles qu'il existe des liens de connexité certains entre l'octroi du droit au bail et l'exercice d'actes de commerce qui tendent à accroître les débouchés de la bailleresse, laquelle doit être regardée de ce fait comme ayant assuré sous cette forme particulière l'exploitation de son actif commercial. Et la circonstance que les immeubles loués n'étaient pas garnis de mobilier ne saurait conférer un caractère civil à l'opération de bail (CE, décision du 4 juillet 1941, n° 53659, brasserie du Coq-Hardi) ;

  • de la personne qui concède l'exploitation de marques de fabrication dont elle est l'inventeur, en même temps que la jouissance des locaux, du matériel et des marchandises nécessaires à la fabrication (CE, décision du 29 juin 1966, n° 52110 , société Egina).

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En revanche, la jurisprudence considère que ne constituent pas des locations de fonds de commerce :

  • la sous-location des locaux nus abandonnés par un commerçant qui a transféré son fonds de commerce dans une rue avoisinante. Cette sous-location n'est pas passible de la TVA, dès lors que les locaux ne comprennent ni installations, ni matériels (CE, décision du 20 avril 1939, société Omnium automobile d'Alsace et de Lorraine) ;

  • la location d'immeubles par une société à une autre, selon un bail emphytéotique, la société locataire étant devenue propriétaire du matériel et des installations les garnissant. Ces conditions de location qui marquent une renonciation pour une longue durée, par la société bailleresse, à l'utilisation des dits immeubles pour son commerce, ne peuvent en effet être regardées comme constituant un mode d'exploitation normal, même indirect, d'un actif commercial, mais comme un acte de gestion purement civile (CE, décision du 26 juin 1968, n° 73865 et 73866, Société fromagère du Massif central).

III. Mise en gérance libre d'un fonds de commerce

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La mise en gérance libre d'un fonds de commerce s'analyse en une location de fonds soumise à la TVA.

Elle est, en effet, considérée comme la poursuite de l'exploitation de ce fonds sous une forme particulière (CE, décisions du 8 novembre 1954, n° 14946 et du 6 mars 1963, n° 53238).