TVA - Champ d'application et territorialité - Lieu des prestations de services - Définition des notions utilisées
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Afin d'expliquer l'application des règles relatives au lieu des prestations de services tel que défini par les articles 259 à 259 D du code général des impôts (CGI), les notions d'assujetti, de siège de l'activité économique, d'établissement stable, de domicile et de résidence doivent s'entendre de la façon suivante.
I. Notion d'assujetti
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Dès lors que les règles de territorialité sont différentes selon que le preneur est un assujetti ou une personne non assujettie, la qualité du preneur est déterminante pour localiser le lieu de taxation des prestations de services.
Conformément à l'article 259-0 du CGI, outre les assujettis de droit commun, il convient de considérer comme assujetti au regard des règles de territorialité les personnes suivantes.
A. Assujettis partiels
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Pour l'application des règles relatives au lieu des prestations de services, est considéré comme un assujetti pour tous les services qui lui sont fournis, un assujetti au sens de l'article 256 A du CGI (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-20) quand il réalise également des opérations dans le cadre d'une activité placée hors du champ d'application de la TVA, alors même que les services en cause seraient acquis pour les besoins de cette dernière activité.
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Cette analyse résultait déjà de l'arrêt du 6 novembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans l'affaire C-291/07 « Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrädet », qui est venu lever l'ambiguïté sur la situation de cette catégorie d'assujettis.
Exemple 1 : une commune acquiert une prestation de services de conseil auprès d'un prestataire établi dans un autre État membre de l'Union européenne pour les besoins de son service d'état civil, activité placée hors du champ d'application de la TVA. Elle exploite par ailleurs une centrale hydroélectrique et procède à des ventes d'électricité imposables de plein droit. Pour la détermination du lieu de la prestation de services de conseil, la commune est réputée avoir la qualité d'assujettie.
Exemple 2 : une société holding, outre sa gestion de titre de participations, réalise des prestations de services à titre onéreux auprès de ses filiales. Pour la détermination du lieu des prestations de services qu'elle acquiert, la société holding est, en tout état de cause, réputée avoir la qualité d'assujettie.
B. Personnes morales non assujetties et identifiées à la TVA
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Pour l'application des règles relatives au lieu des prestations de services, est considérée comme un assujetti, une personne morale non assujettie qui possède néanmoins un numéro d'identification à la TVA en application du 2° de l'article 286 ter du CGI (cf. BOI-TVA-DECLA-20-10-20), c'est-à-dire une personne morale non assujettie visée au a du 2° de l'article 256 bis du CGI (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20 II-A) qui ne relève pas du régime dérogatoire conduisant sous certaines conditions à ne pas soumettre à la TVA ses acquisitions intracommunautaires de biens.
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Remarque : Doivent de plein droit taxer leurs acquisitions intracommunautaires, les personnes morales non assujetties qui réalisent des acquisitions intracommunautaires de biens excédant le seuil de 10 000 €, ou sur option lorsque ce seuil de 10 000 € n'est pas atteint (art.256 bis-I-2°du CGI et 260 CA du CGI).
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Il en est ainsi lorsque le numéro d'identification à la TVA qui a été attribué à la personne morale non assujettie est en cours de validité au moment de la réalisation de la prestation de services. A cet égard, et conformément au BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20 II C, lorsque la personne morale non assujettie opte pour la taxation de ces acquisitions intracommunautaires de biens, la validité du numéro d'identification court, en principe, à compter du premier jour du mois au cours duquel l'option est formulée, jusqu'au 31 décembre de la deuxième année civile qui suit celle de l'option (pour autant que cette personne n'ait pas réalisé au cours de la dernière année civile couverte par l'option, des acquisitions de biens excédant 10 000 €. Dans cette hypothèse en effet, elle demeure soumise de plein droit au régime général pour l'année suivante et son numéro d'identification reste valide pour cette année ou au-delà si elle n'a pas fait l'objet d'une dénonciation.
De même, lorsque la personne morale non assujettie réalise des acquisitions intracommunautaires de biens pour un montant supérieur à 10 000 € et se trouve exclue de plein droit du bénéfice du régime dérogatoire, un numéro d'identification à la TVA lui est attribué dès le dépassement de ce seuil au cours d'une année et demeure valide jusqu'au 31 décembre de l'année suivante. Ainsi, le numéro d'identification demeure valide jusqu'au 31 décembre de l'année N lorsque le montant des acquisitions réalisées en N-1 excèdent 10 000 €.
Exemple 3 : une association dont l'activité est de divertir gratuitement les patients d'un hôpital a fait l'acquisition en décembre N de trois ordinateurs en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne qu'elle a choisi de soumettre à la TVA conformément à l'article 260 CA du CGI. Un numéro d'identification lui a donc été délivré. En juin N+1, elle fait l'acquisition d'un logiciel spécifique auprès d'une entreprise établie hors de France. Dans la mesure où elle dispose d'un numéro d'identification, elle est considérée comme un preneur assujetti pour la détermination du lieu de l'opération de fourniture du logiciel spécifique.
C. Assujettis non redevables
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Un opérateur qui n'est pas redevable de la TVA en raison de l'application de la franchise prévue à l'article 293 B du CGI ou du fait d'une exonération de TVA applicable aux opérations qu'il réalise n'en a pas moins la qualité d'assujetti au sens de l'article 256 A du CGI. Dès lors qu'il acquiert des prestations de services relevant du principe général applicable aux prestations fournies par un prestataire établi hors de France, il sera attributaire d'un numéro individuel d'identification et sera également considéré comme un assujetti pour la détermination du lieu de taxation des prestations de services.
D. Cas des opérateurs établis hors de l'Union européenne
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Les définitions des I-A et I-B sont également applicables aux personnes physiques ou morales établies dans un pays ou un territoire tiers à l'Union européenne. Il revient alors au prestataire dans le cadre des relations d'affaires qu'il entretient avec son client de s'assurer par tout moyen de la position de son client au regard de ces critères.
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Tous les éléments suffisamment probants visant à démontrer que le preneur du service est un assujetti peuvent être admis pour établir de cette qualité. Il en va ainsi notamment et sans que cette liste soit exhaustive, du numéro utilisé par l'État d'établissement pour identifier les entreprises, des informations obtenues à partir du site internet du preneur attestant de l'exercice d'une activité économique, des informations obtenues de la part des autorités fiscales dont dépend le preneur (certificat d'assujettissement délivré aux fins d'obtenir un remboursement selon la procédure de la directive 86/560/CEE du Conseil du 17 novembre 1986 portant modalités de remboursement de la TVA aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté dite 13ème directive notamment, de bons de commande ou autres documents du preneur mentionnant son adresse commerciale et son numéro d'inscription à un registre du commerce et des sociétés ou à tout autre registre en tenant lieu dans l'État d'établissement).
Il en va de même d'une personne établie hors de l'Union européenne qui dispose par ailleurs d'un numéro d'identification à la TVA attribué par un État membre de l'Union et qui, dès lors, est considérée comme ayant la qualité d'assujetti aux fins de la territorialité des prestations de services.
II. Notion de siège économique et d'établissement stable
A. Définition du siège économique
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Pour déterminer au regard de la TVA le lieu du siège de l'activité économique d'un assujetti, il est nécessaire de prendre en considération un faisceau d'indices, tels que le siège statutaire de la société, le lieu de son administration centrale, le lieu de réunion de ses dirigeants sociaux et celui, habituellement identique, où est arrêtée la politique générale de cette société. D'autres éléments, tels que le domicile des principaux dirigeants, le lieu de réunion des assemblées générales, le lieu où sont tenus les documents administratifs et comptables ou celui du déroulement principal des activités financières, notamment bancaires, peuvent également être pris en compte.
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En cas de contradiction d'indices, le lieu du siège de l'activité économique est en définitive le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de la société, ou encore celui où sont exercées les fonctions d'administration centrale de celle-ci.
Ainsi, le fait que le lieu à partir duquel les activités de la société sont effectivement exercées ne soit pas situé dans un État membre n'exclut pas pour autant la possibilité que la société y ait établi le siège de son activité économique (CJCE, 28 juin 2007,aff. C 73/06, « Planzer Luxembourg Sarl »).
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En ce sens, la présence d'une société « boîte aux lettres » ou « écran », ne saurait conférer à un lieu le statut de siège d'une activité économique d'un assujetti s'il ne satisfait pas aux conditions précitées.
B. Définition de l'établissement stable
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Pour la détermination du lieu des prestations de services au regard du prestataire ou du preneur, il convient de se référer à la jurisprudence selon laquelle doit être considéré le point de rattachement le plus utile du point de vue fiscal (CJCE, 20 février 1997, aff. C 260/95, « DFDS A/S »).
Si l'endroit où l'assujetti a établi le siège de son activité économique apparaît comme le point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement stable s'impose toutefois dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Une analyse identique est retenue s'agissant de certaines livraisons de biens telles que les livraisons de gaz naturel ou d'électricité visées à l'article 258-III du CGI.
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La définition de l'établissement stable en matière de TVA doit être distinguée, le cas échéant, de celles qui seraient retenues pour d'autres impôts et taxes.
A cet égard, un établissement stable est caractérisé par un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique (CJCE, 20 février 1997, aff. C 260/95, « DFDS A/S » ; CJCE, 17 juillet 1997, aff. C 190/95, « Aro Lease »), à rendre possible :
- soit la fourniture par cet établissement d'un service au sens de l'article 259-2°du CGI (cf. BOI-TVA-CHAMP-20-50-20 II) ;
- soit l'utilisation par cet établissement des services qui lui sont rendus au sens de l'article 259-1° du CGI (cf. BOI-TVA-CHAMP-20-50-20 I).
Ainsi, il est nécessaire que l'établissement à partir duquel la prestation de services est effectuée au sens de l'article 259-2° du CGI soit capable de fournir les services concernés ou, que l'établissement à qui la prestation de services est fournie au sens de l'article 259-1° du CGI soit capable de recevoir et d'utiliser les services concernés.
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La succursale française d'une société étrangère qui ne réaliserait que des opérations au profit de son siège qui, s'agissant d'opérations internes, n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA, peut néanmoins constituer un établissement stable si elle présente une consistance minimale rendant possible l'utilisation de services pour les besoins de prestations exclusivement rendues au siège.
Remarque : Le 1° de l'article 242-0 M de l'annexe II au CGI précise notamment qu'aux fins du remboursement de la TVA française aux assujettis non établis en France, l'assujetti est considéré comme établi en France lorsqu'il y dispose d'un établissement stable qui est assujetti à la TVA sur le fondement de l'article 286 ter-4° du CGI (cf. BOI-TVA-DED-50-20-10 § 60).
En application combinée de ces deux dispositions, il y a lieu de considérer que seuls, parmi les assujettis disposant en France d'un établissement stable rendant exclusivement des services à leur siège, ceux qui sont identifiés sur le fondement de l'article 286 ter-4° du CGI peuvent opérer la déduction de la TVA supportée en France sans avoir à recourir à la procédure réservée aux assujettis non établis.
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De même, les bureaux de représentation d'entreprises étrangères ou les chantiers ne présentent pas, en principe, le caractère d'établissement stable prestataire mais peuvent néanmoins avoir une consistance suffisante pour constituer des établissements stables au regard de l'utilisation des services. Cette dernière analyse emporte des conséquences sur le lieu des services relevant du principe général qui seraient fournis à ces entités.
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Remarques : Le fait pour un assujetti de disposer d'un numéro d'identification à la TVA en France n'est pas suffisant en soi pour considérer qu'il y dispose d'un établissement stable.
Dès lors qu'un assujetti a son siège dans un État, il n'y a pas lieu de considérer l'existence d'un établissement stable distinct dans ce même État.
III. Notion de domicile et de résidence habituelle
A. Définition du domicile
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Le lieu de domicile d'une personne physique, assujettie ou non-assujettie, est en principe celui qui résulte de l'adresse déclarée à l'administration fiscale.
B. Définition de la résidence habituelle
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La résidence habituelle d'une personne physique, assujettie ou non-assujettie, est le lieu où, au moment où les services sont fournis, cette personne réside habituellement en raison d'attaches personnelles et professionnelles ou, dans le cas d'une personne sans attaches professionnelles, en raison d'attaches personnelles, révélant des liens étroits entre elle-même et l'endroit où elle habite.