BIC - Frais et charges - Versements effectués dans les pays dont le régime fiscal est privilégié - Opérations pouvant entraîner la non déductibilité fiscale des versements
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Deux types d'opérations peuvent entraîner la mise en œuvre des dispositions de l'article 238 A du CGI :
- d'une part, certaines charges payées ou dues à des personnes domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et qui y sont soumises à un régime fiscal privilégié (cf. n° 10) ;
- d'autre part, les versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un pays à fiscalité privilégiée (cf. n° 270).
I. Charges payées ou dues à des personnes domiciliées à l'étranger et soumises à un régime fiscal privilégié
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La délimitation du champ d'application conduit à donner différentes indications relatives à la nature des charges en cause, à la personne du débiteur et à celle du bénéficiaire.
A. Nature des charges
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Les charges sont énumérées par l'article 238 A alinéa 1er du CGI, qui ne distingue pas selon qu'elles ont été payées ou demeurent exigibles.
Il s'agit :
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- des charges financières suivantes : intérêts, arrérages et tous autres produits des obligations, intérêts, arrérages et tous autres produits des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, des dépôts de sommes d'argent, des cautionnements en numéraire et des comptes courants.
Il ressort toutefois de l'exposé des motifs du projet de loi voté par le Parlement que le texte ne concerne pas les intérêts, arrérages et autres produits des obligations émises avec le bénéfice des régimes spéciaux prévus à l'article 131 ter du CGI.
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- des redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues.
La notion de redevances doit être entendue dans son sens le plus large. Elle recouvre toutes les charges, quels que soient leur dénomination et leur mode de paiement, qui ont pour contrepartie l'acquisition en pleine propriété ou seulement en jouissance des éléments de propriété industrielle énoncés dans la loi.
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- des rémunérations de services.
Les services visés s'entendent des services de toute nature. Les rémunérations peuvent être versées notamment au titre d'appointements, salaires, indemnités, loyers de biens meubles ou immeubles ; frais d'étude et de recherches ; rémunérations d'intermédiaires et honoraires ; transport, publicité, travaux de façon, redevances diverses, etc.
Remarque :Seule la nature des charges ainsi énumérées est à prendre en considération. Le fait que la prestation ait été fournie non pas à l'étranger mais en France demeure, en toute hypothèse, sans influence sur l'application de l'article 238 A du CGI.
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Toutefois, les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, à l'exception de ceux dus au titre d'emprunts conclus avant le 1er mars 2010 ou conclus à compter de cette date mais assimilables à ces derniers, ainsi que les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI ne sont pas admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, sauf si le débiteur apporte la preuve mentionnée au premier alinéa et démontre que les opérations auxquelles correspondent les dépenses ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un État ou territoire non coopératif.
B. Conditions relatives à la personne du débiteur
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Eu égard à la généralité des termes employés, l'article 238 A du CGI s'applique à tout contribuable pour lequel la base de l'impôt est déterminée sous déduction d'une des charges énumérées par le texte.
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Il concerne ainsi toutes les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés et toutes les personnes physiques et morales relevant de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
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Les dispositions de l'article 238 A du CGI concernent aussi toutes les personnes physiques et morales relevant de l'impôt sur le revenu au titre de l'une quelconque des catégories de revenus lorsque les règles d'assiette de la catégorie prévoient la déduction de charges visées par ce texte. Elles s'appliquent aussi pour la détermination du revenu global. Elles peuvent jouer également en matière de droits de mutation par décès lorsqu'il s'agit de déterminer le passif successoral déductible.
C. Conditions relatives à la personne bénéficiaire : la notion de régime fiscal privilégié
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Il suffit que les dépenses en cause soient payées à une personne physique ou morale domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
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La France s'entend des départements métropolitains et des départements d'outre-mer, mais, comme il est de règle en matière fiscale, ne comprend pas les collectivités d'outre-mer.
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Quant à la notion de régime fiscal privilégié, elle est explicitée au deuxième alinéa de l'article 238 A du CGI qui précise que les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies..
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Il appartient au service d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'impôt, si le bénéficiaire se trouve dans cette situation. À cet effet, les recherches à entreprendre pour parvenir aux constatations de fait sur lesquelles le service devra fonder son estimation seront conduites, à partir de l'une des deux caractéristiques de la notion de régime fiscal privilégié, selon les indications suivantes.
1. Bénéficiaire non imposable dans l'État étranger ou le territoire situé hors de France dans lequel il est domicilié ou établi
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L'existence du régime fiscal privilégié est établie lorsque, dans l'État étranger ou le territoire en cause :
- il n'existe pas d'impôt sur les bénéfices ou les profits provenant d'activités professionnelles ou d'impôt sur les revenus ;
- les revenus, profits ou rémunérations, de la nature de ceux énumérés par l'article 238 A du CGI et qui ont leur source à l'extérieur de cet État ou de ce territoire, n'y sont pas soumis à un impôt sur les bénéfices ou sur les revenus.
2. Bénéficiaire soumis, dans l'État étranger ou le territoire situé hors de France dans lequel il est domicilié ou établi, à des impôts sur les bénéfices ou sur les revenus notablement moins élevés qu'en France
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L'existence du régime fiscal privilégié dans l'État étranger ou le territoire considéré est plus délicate à établir dans cette situation que dans la précédente. En effet, la situation envisagée conduit nécessairement à effectuer une comparaison entre la fiscalité française d'une part, et la fiscalité applicable dans ce pays étranger ou ce territoire, d'autre part (cf. n°120). À cet égard, il n'est pas possible de fixer des critères de comparaison qui soient significatifs pour toutes les situations, les éléments de fait propres à chaque cas particulier pouvant être très différents les uns des autres. Toutefois, certaines règles sont indiquées ci-après, qui pourront guider et faciliter la recherche et le choix de ces éléments de fait, à partir desquels devra s'effectuer la comparaison, en considérant que les dispositions de l'article 238 A du CGI ont principalement pour objet de faire échec aux transferts illicites de revenus à destination des « États-refuges » ou des « paradis fiscaux ».
Compte tenu de ces remarques, il conviendra donc, pour chaque cas particulier évoqué, de définir en premier lieu quels sont les termes de la comparaison à retenir et d'apprécier, ensuite, l'importance de l'écart constaté entre ces termes.
a. Termes de comparaison
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Trois règles générales peuvent être formulées au sujet de la comparaison à effectuer. Cette comparaison doit :
- s'appliquer à des impôts, considérés dans leur ensemble ;
- porter sur des impôts de même nature ;
- tenir compte, s'il y a lieu, de l'existence de régimes fiscaux particuliers.
1° Comparaison applicable à des impôts considérés dans leur ensemble
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L'article 238 A du CGI a pour objet de faire échec aux transferts de revenus à destination des « États-refuges » ou des « paradis fiscaux ». Ces pays ou territoires sont caractérisés notamment par l'absence de toute fiscalité ou par l'existence de régimes fiscaux privilégiés en raison de la nature ou de la source de certains revenus ou de la qualité des bénéficiaires qui y sont domiciliés ou établis.
Il conviendra donc de comparer, entre eux, des impôts ou, à tout le moins, des régimes fiscaux particuliers et non des impositions spécifiques, comme par exemple, l'application à certaines catégories de revenus de taux réduits particuliers ou de prélèvements libératoires, telles que celles qui pourraient être établies, en France, d'une part, et dans le pays étranger ou le territoire considéré, d'autre part, à raison de l'une ou plusieurs des rémunérations visées par l'article 238 A du CGI. Au demeurant, la comparaison d'impositions spécifiques établies sur des revenus, outre qu'elle ne correspondrait ni au texte, ni à l'esprit de l'article 238 A du CGI, risquerait d'être délicate à effectuer dès lors qu'elle nécessiterait la mise en cause, par le service, des règles d'imposition applicables dans le pays étranger ou le territoire considéré.
2° Comparaison portée sur des impôts de même nature
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Malgré son caractère global, la comparaison ne doit pas s'effectuer entre le système fiscal français et le système fiscal étranger envisagés l'un et l'autre globalement. Elle ne doit s'appliquer qu'à ceux des impôts dont relèverait ou auxquels est assujetti le bénéficiaire, à raison des revenus et rémunérations en cause, compte tenu de sa qualité et de son statut juridique.
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Par conséquent, si le bénéficiaire est une personne physique, il conviendra de comparer le niveau de la charge fiscale que représente l'impôt sur le revenu français avec celui de l'impôt applicable aux personnes physiques dans le pays étranger ou le territoire concerné. À titre de règle pratique, la comparaison pourra s'effectuer entre la charge fiscale que supporterait dans ces conditions, en France et dans le pays étranger ou le territoire où elle est domiciliée, une personne mariée ayant deux enfants à charge et disposant d'un revenu net global de 75 000 €.
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De la même façon, si le bénéficiaire devait relever en France de l'impôt sur les sociétés, c'est le taux normal de cet impôt qu'il conviendrait de comparer avec le niveau du prélèvement fiscal global supporté, dans le pays étranger ou le territoire concerné, par l'entreprise bénéficiaire du fait des impôts applicables, d'une façon générale, à ses profits professionnels dans lesquels devraient normalement être compris des revenus, profits ou rémunérations de la nature de ceux visés à l'article 238 A du CGI. À ce sujet, il devra être tenu compte de tous les impôts sur le revenu ou sur le capital auxquels est susceptible d'être soumis, à ce titre, à l'étranger, le bénéficiaire dont il s'agit sans avoir égard à la dénomination propre de chacun de ces impôts.
Remarque : Il est rappelé (cf n° 170) qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des taux réduits particuliers ou des prélèvements libératoires prévus en France et, le cas échéant, à l'étranger, pour l'imposition des revenus et rémunérations en cause, la comparaison devant porter sur des niveaux de charges résultant de l'application de certains impôts et non sur des impositions spécifiques.
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Par ailleurs, si dans l'État étranger considéré il existe un système fiscal dans lequel des impôts sur les bénéfices, et éventuellement, sur le capital, sont prélevés à plusieurs niveaux (État ou Fédération, États, provinces ou cantons, communes), c'est l'ensemble des impôts ainsi prélevés qu'il conviendra de comparer à l'impôt français correspondant.
3° La comparaison doit tenir compte de l'existence de régimes fiscaux particuliers
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De nombreux systèmes fiscaux comportent des régimes particuliers d'imposition, dérogatoires au régime de droit commun, applicables à certaines formes d'entreprises, d'activités ou de revenus.
Il conviendra de tenir compte de ces régimes particuliers pour la détermination des termes de comparaison.
b. Appréciation des écarts constatés entre les termes de comparaison
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Les différences qui peuvent exister au sujet de l'assiette et de l'établissement des impôts retenus comme termes de comparaison, et dont il n'est pas tenu compte dans l'appréciation du niveau de la charge fiscale que représentent ces impôts, risquent de rendre moins absolue qu'il serait souhaitable la comparaison à effectuer. De plus, la réputation d'« État-refuge » ou de « paradis fiscal » attribué à certains pays étrangers ou territoires n'est pas fondée uniquement sur le faible niveau de leur fiscalité, mais également sur des considérations d'ordre économique, financier et politique. Par conséquent, il n'est ni possible, ni souhaitable, au plan de l'équité comme de l'efficacité de la mesure prévue par l'article 238 A du CGI, de fixer, pour les écarts constatés entre les termes de comparaison, des normes rigides qui seraient significatives, à coup sûr, de l'existence de régimes fiscaux privilégiés dans les pays étrangers ou les territoires concernés.
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L'appréciation de ces écarts ne peut donc dépendre que des constatations de fait effectuées à propos de chaque cas particulier, de la nature du cas examiné comme de ses circonstances propres. Toutefois, à titre de règle pratique, on pourra présumer qu'on se trouve en présence d'un régime fiscal privilégié lorsque, dans l'État étranger ou le territoire considéré :
- le bénéficiaire étant une personne physique, une personne mariée ayant deux enfants à charge et disposant d'un revenu net global de 75 000 € y est redevable d'un impôt personnel sur le revenu dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui qu'elle aurait à supporter en France pour la même base taxable ;
- le bénéficiaire étant passible des impôts sur les bénéfices, le niveau du prélèvement fiscal global supporté par une entreprise à raison des revenus ou des rémunérations en cause, ainsi que de ses autres profits professionnels (cf. n°s 180 et suiv.) est inférieur de plus de la moitié au taux normal de l'impôt français sur les sociétés.
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Il est insisté sur le fait que l'application de la règle précédente n'est susceptible de constituer qu'une présomption de l'existence d'un régime fiscal privilégié. L'existence d'un tel régime devra être établie, s'il y a lieu, à partir de toutes autres données ou constatations de fait appropriés.
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Par ailleurs, il conviendra de soumettre à la Direction de la législation fiscale (sous-direction E) les difficultés qu'entraînerait, le cas échéant, l'application dans certains cas particuliers du deuxième alinéa de l'article 238 A du CGI relatif à la notion de régime fiscal privilégié.
II. Versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un pays à fiscalité privilégiée
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Les dispositions de l'article 238 A du CGI sont également applicables aux versements effectués sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un pays à fiscalité privilégiée.
A. Versements concernés
1. Nécessité d'un versement
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À l'inverse du premier alinéa de l'article 238 A du CGI qui ne distingue pas selon que les charges ont été payées ou qu'elles sont dues, le quatrième alinéa n'est applicable que lorsque la charge déduite pour l'établissement de l'impôt a fait l'objet d'un paiement.
2. Objet des versements
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Seuls les versements qui ont pour objet les différentes charges énumérées par le premier alinéa de l'article 238 A du CGI sont concernés par les dispositions qui précèdent (cf. n°s 20 et suiv.). Le troisième alinéa n'introduit aucune modification à cet égard. Il ne saurait notamment être utilisé pour déclarer inopposables des versements n'ayant pas le caractère de charges déductibles pour l'assiette de l'impôt.
3. Modalités des versements
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Le quatrième alinéa de l'article 238 A du CGI ne distingue pas selon les modalités des versements. Sont donc visés par cette disposition tous les modes d'extinction des créances. Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 238 A du CGI sont par ailleurs applicables quelle que soit la monnaie de compte utilisée pour le paiement.
B. Compte tenu par un organisme financier
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Quelles qu'en soient les modalités, il faut que le versement effectué se traduise par une inscription sur un compte tenu par un organisme financier.
1. Inscription sur un compte
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En raison des multiples formes que peuvent revêtir les modes d'extinction des créances, il y aura lieu de considérer que toute inscription dont l'effet sera d'augmenter la situation créditrice de l'entreprise vis-à-vis de l'organisme financier constitue un versement sur un compte tenu par cet organisme. La nature du compte (nominatif ou anonyme, de dépôt ou à terme, d'épargne ou compte courant) n'est pas à prendre en considération, ni la nature des instruments monétaires comptabilisés.
2. Organisme financier
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La variété des situations qui pourront être rencontrées, compte tenu des différences des législations nationales en matière bancaire ou financière, conduit à considérer comme organisme financier toute personne physique ou morale habilitée à détenir, à titre principal ou accessoire, des biens ou valeurs pour le compte d'autrui. Cette définition permet de retenir à ce titre aussi bien les banques et établissements financiers (caisse d'épargne, organismes de prêt) que les personnes qui, à quelque titre que ce soit, ont la possibilité d'exercer en fait cette activité (agents de change, notaires, avocats, agents d'affaires, etc.).
C. Installation dans un pays à fiscalité privilégiée
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L'article 238 A du CGI vise les versements effectués sur des comptes tenus par des organismes établis dans des pays à fiscalité privilégiée. Dès lors que ces organismes ont, en fait, la possibilité d'effectuer à partir de ces pays des opérations de nature financière, il n'y a pas lieu de s'interroger sur les conditions de leur installation dans ces pays (siège, établissement ou agence). En revanche, le fait pour un organisme financier de posséder une installation dans un pays à fiscalité privilégiée ne saurait bien entendu conduire l'administration à utiliser l'article 238 A du CGI à l'égard de l'ensemble des versements effectués à cet organisme. Seules les opérations effectuées à destination du pays à fiscalité privilégiée sont concernées.