CTX - Recours pour excès de pouvoir en matière fiscale - Règles de procédure applicables au recours pour excès de pouvoir
I. Absence de recours parallèle et actes détachables de la procédure d'imposition
A. Fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un recours parallèle
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La théorie du recours parallèle conduit à opposer à un recours pour excès de pouvoir une fin de non recevoir lorsque le requérant dispose, devant un autre juge, d'un autre recours juridictionnel aboutissant à une décision d'effet aussi étendu que le recours pour excès de pouvoir.
Si le chef d'irrecevabilité tiré du recours parallèle n'existait pas, tout contribuable pourrait transformer en recours pour excès de pouvoir le recours de plein contentieux ou tout autre recours qui lui est normalement ouvert.
Le contribuable qui estimerait que l'impôt a été illégalement établi à son encontre négligerait les recours fiscaux et attaquerait directement devant le juge de l'excès de pouvoir la décision ayant liquidé sa dette d'impôt. Ainsi, le contentieux fiscal serait vidé de son contenu normal.
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La fin de non-recevoir (dite aussi exception de recours parallèle) ne joue que si le recours prétendument parallèle permet d'obtenir un résultat aussi satisfaisant et aussi efficace que le recours pour excès de pouvoir.
Ce dernier recours n'est donc pas recevable lorsqu'il n'est pas de nature à procurer au requérant une satisfaction plus complète que le recours parallèle (CE, arrêt du 27 février 1950, req. n° 95586, RO, p. 16).
Exemple 1 : Un contribuable n'est pas recevable à poursuivre directement devant le tribunal administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation d'une imposition dont il peut obtenir la décharge en recourant à la procédure prévue aux articles R* 190-1 et suivants du LPF.
Exemple 2 : Ne sont pas non plus recevables des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le directeur départemental statuant en matière contentieuse rejette la réclamation du contribuable, ladite décision ne pouvant donner lieu qu'au recours de plein contentieux.
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En revanche, si un contribuable veut contester un acte administratif réglementaire conditionnant l'application de l'impôt (par exemple, un décret relatif au taux de l'impôt), il peut attaquer cet acte réglementaire devant le juge de l'excès de pouvoir. En effet, le juge de l'impôt s'il avait été saisi, en plein contentieux, n'aurait pu que prononcer la décharge ou la réduction de l'imposition litigieuse établie en exécution de l'acte réglementaire : l'acte subsisterait alors et pourrait servir de fondement à de nouvelles impositions mises à la charge tant du réclamant que des autres contribuables.
Le recours pour excès de pouvoir conduit, au contraire, à une annulation pour le passé et pour l'avenir et a une portée « erga omnes ». L'exception de recours parallèle ne peut donc, dans ce cas, être opposée au requérant.
De même, l'existence d'un recours ouvert au contribuable devant le juge de l'impôt pour contester son imposition individuelle à une taxe communale ne fait pas obstacle à la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir dirigé par ce contribuable contre la délibération du conseil municipal ayant institué ladite taxe (CE, 2 novembre 1938, RO, p. 452).
B. Actes non détachables de la procédure d'imposition
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Un recours pour excès de pouvoir n'est pas recevable, en matière fiscale, à l'encontre d'actes faisant partie intégrante d'une procédure d'imposition et dont la régularité est susceptible d'être critiquée par la voie d'un recours contentieux formé dans les conditions prévues aux articles R* 190-1 et suivants du LPF et tendant à la décharge ou à la réduction des cotisations effectivement mises en recouvrement à l'issue de ladite procédure.
Il s'agit des actes concourant à l'assiette de l'impôt et spécialement des décisions relatives à la mise en œuvre du contrôle fiscal.
1. Décisions relatives à la mise en œuvre du contrôle fiscal
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C'est ainsi qu'ont été considérés comme non détachables de la procédure d'imposition :
- la proposition de rectification (Conseil d'Etat, arrêt du 20 avril 1983, n° 29118) au sujet d'une notification de redressement, ancienne dénomination de la proposition de rectification) ;
- la lettre portant confirmation de rectifications (Conseil d'Etat, arrêt du 26 novembre 1971, n° 83409) sur une lettre portant confirmation de redressements) ;
- la lettre par laquelle l'administration invite un contribuable à produire ses déclarations (Conseil d'Etat, arrêt du 24 juillet 1981, n° 28959) ;
- la lettre par laquelle le directeur informe le contribuable qu'il fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (ESFP) et non d'une vérification de comptabilité et rejette sa prétention à voir interrompre ce contrôle fiscal (Conseil d'Etat, arrêt du 28 octobre 1985, n° 42931 au sujet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, dénomination initiale de l'ESFP).
- la décision portant motivation des pénalités (Conseil d'Etat, arrêt du 4 décembre 1985, n° 62141).
2. Autres décisions
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Ne sont pas non plus recevables par le juge de l'excès de pouvoir les recours dirigés contre les décisions ci-après :
- la décision du ministre de prescrire à une société la constitution d'un secteur d'activité distinct pour l'ensemble de ses opérations portant sur des produits pétroliers (Conseil d'Etat, arrêt du 14 février 1969, n° 74768) ;
- la décision du directeur refusant de transmettre une demande d'exonération de taxe d'apprentissage au comité départemental de l'enseignement technique (Conseil d'Etat, arrêt du 16 mars 1984, n° 32265) ;
- le refus de l'administration de déclasser des terres pour la détermination de la valeur locative servant de base à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (Conseil d'Etat, arrêt du 4 octobre 1989, n° 59244) ;
- la décision portant classement d'une exploitation agricole en vue de l'assiette du bénéfice agricole forfaitaire (Conseil d'Etat, arrêt du 9 février 1983, n° 31084).
II. Procédure devant le juge de l'excès de pouvoir
A. Règle de la décision préalable
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En application de la règle dite de la « décision préalable », le juge ne peut être saisi en premier ressort que par la voie d'une requête dirigée contre une décision de l'administration.
Lorsqu'un litige n'a pas encore donné lieu à une décision de l'administration, l'intéressé doit la provoquer avant de saisir le juge. La règle de la décision préalable ne doit pas être confondue avec celle du recours préalable.
Elle n'oblige pas nécessairement à réclamer devant l'administration avant de saisir le juge ; elle impose seulement de présenter au juge une décision à l'appui du recours.
Lorsque le recours est introduit contre une décision déjà prise par le pouvoir réglementaire ou l'administration (décrets, arrêtés, circulaires, instructions, etc.), un recours préalable n'a pas à être intenté devant l'administration contre cette décision.
B. Règles de compétence
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Le Conseil d'État est juge en premier et dernier ressort dans les matières que les textes lui attribuent. Il est juge unique pour les affaires les plus importantes.
Dans tous les autres cas, les recours pour excès de pouvoir relèvent, en première instance, de la compétence des tribunaux administratifs.
1. Compétence du Conseil d'État en premier et dernier ressort
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Le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours pour excès de pouvoir formés contre :
- les ordonnances du Président de la République et les décrets ;
- les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ;
- les décisions prises par les organes de certaines autorités (Code de justice administrative, art. R311-1-4°).
2. Compétence des cours administratives d'appel pour connaître des appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs
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Les cours administratives d'appel sont compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions réglementaires ou non.
C. Capacité du requérant
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Le requérant doit avoir la capacité d'ester en justice.
Les questions de capacité sont traditionnellement résolues dans un sens libéral par la jurisprudence.
D. Intérêt pour agir
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Le requérant doit justifier d'un intérêt personnel suffisamment caractérisé selon le principe de procédure « Pas d'intérêt, pas d'action ».
Il faut, dès lors, que le requérant prouve que la décision qu'il attaque est susceptible de faire grief.
Par ailleurs, il faut qu'il établisse en quelle qualité il a été lésé.
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Les intérêts dont la lésion justifie la recevabilité du recours peuvent ne pas être seulement personnels.
Ainsi, les groupements sont en droit d'attaquer les décisions qui lèsent les intérêts légitimes dont, en vertu de la loi ou de leurs statuts, ils ont la charge. Les décisions contestées doivent léser les intérêts de l'ensemble de leurs membres ou d'une partie d'entre eux, à condition dans ce dernier cas, que lesdits intérêts concernent un nombre significatif de membres et ne dégénèrent pas en intérêt purement personnel (CE, arrêt du 13 janvier 1950, Leb. p. 26).
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En tout état de cause, l'intérêt pour agir doit être suffisant.
C'est ainsi que des psychanalystes ni docteurs en médecine ni titulaires d'un diplôme de psychologie sont recevables à attaquer une instruction relative au régime fiscal applicable aux psychanalystes diplômés de psychologie, dès lors que les uns et les autres appartiennent au même « cercle d'intérêts » (Conseil d'Etat, arrêt du 4 mai 1990, n° 55124 et 55137).
De même, en raison de la distorsion de concurrence créée par la décision de l'administration, un établissement public exerçant des activités dans le domaine de la formation professionnelle continue et, à ce titre, exonéré de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions législatives en vigueur, justifie d'un intérêt suffisant à demander l'annulation d'une instruction accordant illégalement cette exonération à des organismes privés à raison des mêmes activités (Conseil d'Etat, arrêt du 8 août 1990, n° 68387).
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La qualité de contribuable d'État ne suffit pas à donner intérêt à agir par la voie du recours pour excès de pouvoir contre les mesures administratives qui ont une répercussion sur les finances publiques, que ces mesures consistent dans l'engagement de dépenses (Conseil d'État, arrêt du 25 juin 1920, Leb. p. 639) ou l'abandon de recettes (Conseil d'État, arrêt du 4 décembre 1936, Leb. p. 1065).
La solution opposée est, au contraire, traditionnellement adoptée pour les mesures visant les finances locales. Le contribuable local peut attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir tous les actes administratifs ayant une incidence sur les recouvrements fiscaux, qu'il s'agisse des délibérations des assemblées locales qui votent les taxes ou des décisions prises par l'administration d'État qui en assure l'assiette et le recouvrement. C'est ainsi qu'il a été jugé qu'un contribuable de la ville de Paris était recevable à demander l'annulation de l'acte d'homologation des rôles établis pour le recouvrement de l'ancienne contribution des patentes « lesquels sont susceptibles d'avoir une répercussion sur les finances municipales » (Conseil d'État, arrêt du 23 décembre 1938, Leb. p. 974).
La possibilité qui est ainsi ouverte au contribuable local d'obtenir l'intervention du juge de l'excès de pouvoir afin que soit assuré l'entier recouvrement des ressources fiscales des collectivités secondaires est complétée pour le contribuable communal, par le droit d'exercer, à ses frais et risques, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer, à condition toutefois que le tribunal administratif statuant en la forme administrative, l'ait autorisé à plaider (Code général des collectivités territoriales, art. L2132-5).
En effet, les communes sont habilitées à se pourvoir contre les mesures qui ont pour conséquence de réduire leurs recettes fiscales (Conseil d'Etat, arrêt du 10 juin 1983, n°18452 et 18562; Conseil d'Etat, arrêt du 4 juillet 1986, n°50789 et 50847 ; Conseil d'Etat, arrêt du 8 novembre 1989, n° 77721).
E. Délais
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La nécessité d'assurer la stabilité des situations de droit résultant des décisions administratives entraîne l'existence d'un délai limite pour introduire les recours contentieux. Les règles relatives aux délais sont fixées par les articles R421-1, R421-2, R421-3 et R421-4 du code de justice administrative.
Il convient de distinguer selon que le recours est dirigé contre une décision explicite ou contre une décision implicite.
1. Décision explicite
a. Principes : la publication ou la notification
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Le recours doit être formé dans le délai de deux mois suivant la notification ou la publication de la décision attaquée, sous réserve éventuellement des délais de distance prévus aux articles 643 et 644 du code de procédure civile.
En principe, la publication est suffisante pour les décisions à caractère réglementaire, alors que les décisions individuelles ou collectives doivent être notifiées.
Toutefois, s'agissant des décisions qui doivent être notifiées, le délai de recours n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision attaquée (Code de justice administrative, article R421-5). À défaut de cette mention, le délai ne court pas et l'administré peut se pourvoir en tout temps devant la juridiction compétente.
b. Cas particuliers : prorogation du délai
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En application d'un principe général de droit dégagé par la jurisprudence, les actes administratifs sont toujours susceptibles de faire l'objet d'un recours gracieux ou hiérarchique qui a notamment pour effet, s'il est effectué dans le délai du recours contentieux, de conserver ce délai au profit de son auteur. Dans le cas où plusieurs recours gracieux ou hiérarchiques ont été formés successivement, seul le premier de ces recours conserve le délai d'appel (Conseil d'Etat, arrêt du 9 avril 1976, n° 99434).
L'obligation d'indiquer les voies et délais de recours ne s'applique pas aux décisions prises sur les recours gracieux ou hiérarchiques (Conseil d'Etat, arrêt du 7 octobre 1988, n° 98868).
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Par ailleurs, lorsqu’un administré a formé un recours contentieux devant un tribunal incompétent, le point de départ du recours est la date de notification de jugement d’incompétence.
2. Décision implicite
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En cas de décision implicite de rejet, résultant du silence de l'administration pendant deux mois, le délai de saisine de deux mois commence à courir au jour de l'expiration de la période de deux mois suivant la réception de la demande par l'administration. Toutefois, une décision explicite survenue pendant le délai de deux mois fait à nouveau courir le délai.
Remarque 1 : Le délai au terme duquel le silence de l'administration vaut décision de rejet était de quatre mois avant l’entrée en vigueur, le 1er novembre 2000, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relation avec les administrations.
Remarque 2 : Le délai actuel de deux mois peut être porté à quatre mois en cas notamment de demande gracieuse et de demande d’agrément, sous conditions (cf. décret n° 2001-907 du 3 octobre 2001, article 2).
Il est précisé que l'écoulement de la période de deux mois susmentionnée, qui ne constitue pas un délai de recours, donne naissance à une décision implicite de rejet même si l'administration s'est abstenue d'accuser réception de la demande (Conseil d'Etat, arrêt du 20 juillet 1990, n° 104215).
En revanche, le délai de deux mois imparti au demandeur pour former un recours contentieux contre la décision implicite de rejet ne court qu'à la condition qu'un accusé de réception indiquant les voies et délais de recours ouverts en cas d'absence de réponse de l'administration lui ait été adressé (loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, article 19 et décret n° 2001-492 du 6 juin 2001, article 1). Si l'administration n'a pas respecté cette dernière formalité, le demandeur peut se pourvoir en tout temps devant la juridiction administrative (Conseil d'Etat, arrêt du 17 avril 1989, n° 82480), le délai de recours contentieux ne commençant éventuellement à courir qu'à la date de réception par l'intéressé d'un accusé de réception tardif mais régulier ou d'une décision explicite satisfaisant elle-même aux conditions de forme indiquées au n° 160 ci-dessus.
Lorsque la décision implicite de rejet est consécutive à un recours gracieux ou hiérarchique, la circonstance qu'il n'ait pas été accusé réception de ce recours ne fait pas obstacle à ce que le délai de recours contentieux commence à courir dès l'expiration de la période de deux mois suivant le dépôt de la demande (Conseil d'Etat, arrêt du 29 mars 1991, n° 101719).
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En définitive, l'acte administratif qui n'a pas été attaqué dans le délai de recours contentieux, n'est plus susceptible d'être annulé par le juge de l'excès de pouvoir.
Il reste toutefois aux intéressés la possibilité de former un recours de pleine juridiction dirigé contre les mesures individuelles d'application de l'acte, en excipant de l'illégalité de ce dernier par voie d'exception (Conseil d'Etat, arrêt du 11 mai 1973,n°82367).
Le Conseil d'État peut également soulever lui-même l'illégalité d'un texte réglementaire (Conseil d'Etat, arrêt du 31 octobre 1975, n° 97234).
Cependant, alors que l'illégalité d'un acte réglementaire peut toujours être invoquée par voie d'exception, il n'en est pas de même, en règle générale, pour les décisions individuelles devenues définitives faute d'avoir été contestées en temps utile devant le juge de l'excès de pouvoir (Conseil d'Etat, arrêt du 14 février 1975, n°93132 et 93133).
F. Formes
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Les recours pour excès de pouvoir sont dispensés du ministère d'avocat en première instance.
La requête doit contenir un exposé des motifs pour lesquels la décision paraît entachée d'excès de pouvoir ainsi naturellement qu'une demande formelle d'annulation. Une copie de la décision attaquée doit être jointe à la requête.
G. Référé-suspension
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Le recours pour excès de pouvoir ne comportant pas d'effet suspensif, la décision attaquée garde, en principe, toute sa force nonobstant l'introduction du recours.
Cependant, le juge des référés a le pouvoir de suspendre l'exécution de la décision administrative litigieuse (Code de justice administrative, article L521-1).