TVA - Opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles - Règles générales applicables aux opérations immobilières - Champ d'application - Livraisons d'immeubles réalisées par un assujetti agissant en tant que tel - Précisions sur la notion d'assujetti
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Pour déterminer si une personne qui réalise une livraison d'immeuble a la qualité d'assujetti, il convient de faire application du droit commun de la TVA qui vise les opérations réalisées par « un assujetti agissant en tant que tel ». Conformément à l'article 256 A du CGI, sont considérées comme assujetties les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa de cet article, quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-10-20).
Ainsi, la détermination de la qualité de la personne qui réalise la livraison de biens ou la prestation de services est déterminante dès lors qu'outre l'application de la TVA aux opérations portant sur les terrains à bâtir ou les immeubles bâtis, elle est susceptible de rendre exigible une livraison à soi-même lors de la construction d'un immeuble neuf.
Remarque : subsidiairement, elle conditionne l'éligibilité aux régimes de faveur en matière de droits de mutation.
I. Personnes effectuant des opérations immobilières à titre occasionnel
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L'article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA laisse aux États membres la liberté de considérer comme assujetti quiconque effectue à titre occasionnel la livraison d'un terrain à bâtir ou, selon les modalités d'application déterminées par l'État, la livraison d'un bâtiment achevé dans le délai de cinq ans.
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La France n'a pas transposé cette faculté pour les livraisons de terrains à bâtir.
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S'agissant des bâtiments, cette faculté n'a été mise en œuvre que pour des opérations particulières portant sur des constructions neuves réalisées en dehors d'une activité économique (article 257-I-3-2° du CGI : cf. BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 au II-A-2-a).
II. Personnes non assujetties par ailleurs réalisant des placements immobiliers ou des cessions d'immeubles
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Au regard de l'éclairage qu'il est permis de tirer des décisions communautaire et nationale, les précisions suivantes peuvent être apportées relativement aux placements immobiliers que sont amenées à réaliser des personnes qui ne sont pas assujetties par ailleurs, qu'il s'agisse de la qualification des revenus qu'elles en tirent ou de celle des investissements et des cessions qu'elles effectuent.
A cet égard, la Cour de justice ne manque jamais de rappeler que, bien que l'article 9 de la directive assigne un champ d'application très large à la TVA, visant à cet effet toute activité ayant un caractère économique définie en ce qu'elle comporte « l'exploitation d'un bien en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence », il ressort d'une jurisprudence constante que les paiements « qui résultent de la simple propriété du bien » ne constituent pas la contrepartie d'une opération ou d'une activité économique et n'entrent dès lors pas dans le champ de la taxe (cf. en ce sens, les points 47 à 49 de l'arrêt CJCE EDM du 29 avril 2004, aff. C-77/01, qui renvoie, lui-même, à diverses citations tirées d'arrêts antérieurs : CJCE 22 juin 1993, Sofitam, aff. C-333/91, CJCE 11 juillet 1996, Régie dauphinoise, aff. C-306/94, ou CJCE 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest, aff. C-142/99). Une distinction majeure est ainsi opérée entre l'activité d'un investisseur agissant à titre privé, qu'il soit individuel ou organisé en société civile, et qui tient au simple exercice du droit de propriété (qui demeure en dehors du champ de la directive), et celle d'un investisseur professionnel dont les opérations constituent une activité économique en ce qu'elles sont effectuées « dans le cadre d'un objectif d'entreprise ou dans un but commercial ».
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La Cour de Justice n'a jusqu'ici que peu été amenée à appliquer ces principes aux investisseurs immobiliers (cf. néanmoins l'arrêt du 4 décembre 1990, Van Tiem, aff. C-186/89). Toutefois, la même analyse transposée aux opérations immobilières conduit à admettre :
- d'une part, que l'administration ne saurait faire obstacle à ce qu'un investisseur immobilier qui entend placer ses opérations dans une logique économique ne puisse en tirer les conséquences au regard de la TVA, et notamment se voir enregistrer comme assujetti et exercer le droit à déduction de la taxe d'amont, ainsi que se prévaloir de sa qualité pour l'application des régimes de faveur en matière de droits de mutation ;
- mais que, d'autre part, pas plus que la perception d'intérêts ou de dividendes, l'encaissement de loyers ne suffit à caractériser une opération économique par nature imposable à la TVA. Ainsi, la présomption selon laquelle un investisseur qui loue un immeuble dont il est propriétaire n'agit qu'à ce titre demeure : en conséquence, il n'y a pas lieu d'assujettir d'office cet investisseur à raison de ces opérations alors même qu'il en tire des revenus à caractère permanent.
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Une approche identique vaut pour les cessions d'immeubles, notamment de terrains à bâtir, qu'est susceptible d'effectuer un propriétaire qui ne se trouve pas assujetti par ailleurs, qu'elles proviennent de son patrimoine ancien, voire d'acquisitions récentes.
Ainsi un particulier qui cède des terrains qu'il a recueillis par succession ou donation, ou encore qu'il a acquis pour son usage privé est présumé ne pas réaliser une activité économique. Le fait que, préalablement à la cession, l'intéressé procède au lotissement parcellaire du terrain pour en tirer un meilleur prix global n'est pas, à soi seul, de nature à remettre en cause cette présomption, non plus que le nombre de parcelles vendues, la durée sur laquelle s'étaleront les opérations ou l'importance des recettes qu'il en tire au regard de ses autres ressources. Il en va ainsi quand le cédant vend par lui-même des lots viabilisés tirés de son patrimoine dont l'aménagement a été réalisé par un professionnel, sous forme « d'obligation de faire », en rémunération du reste du terrain qu'il lui a cédé non aménagé.
En revanche, cette présomption pourra être renversée lorsque le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, acquérant les biens en dehors d'une pure démarche patrimoniale ou mobilisant des moyens qui le placent en concurrence avec les professionnels. Ainsi le fait de confier la vente d'un terrain à un notaire ou une agence rémunérés uniquement par une commission payable par l'acquéreur ne constitue pas une démarche active de commercialisation, alors que le fait d'engager des moyens propres (tels que l'ouverture d'un bureau de vente ou des commissions garanties versées à un agent mandaté) tend à révéler une approche professionnelle concurrentielle.
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On suivra donc la méthode du faisceau d'indices déjà classiquement utilisée pour la requalification de cessions réputées privées en opérations de marchands de biens : là où les critères d'importance et d'habitude ne suffisent pas à caractériser une activité économique, on pourra considérer celle-ci comme bien établie lorsqu'en outre le cédant se trouve engager des dépenses d'aménagement significatives, et a fortiori lorsque ces dernières sont prépondérantes dans la valeur des cessions réalisées. Sans remettre en cause la spécificité d'analyse propre à chaque impôt, la qualification de l'opération au regard du régime des plus-values peut aussi être utilement prise en considération.
III. Personnes assujetties par ailleurs réalisant des opérations immobilières dans un cadre patrimonial
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S'agissant des personnes déjà assujetties au titre de leur activité courante, il ressort également de la jurisprudence qu'elles « n'agissent pas en tant que telles » lorsqu'elles réalisent la cession d'un élément de leur patrimoine en dehors d'un objectif d'entreprise ou d'un but commercial (Cf. CE, 29 décembre 1995, n° 118754, Sté Sudfer). On distinguera donc entre celles des opérations de l'assujetti qui sont réalisées dans le cadre de son activité économique et celles qui sont réalisées dans un cadre patrimonial.
En ce sens, la cession d'un actif inscrit au bilan présente normalement le caractère d'une opération économique réalisée en tant que telle. Il en va ainsi si elle s'accompagne de dépenses de valorisation du bien cédé, si elle s'inscrit dans l'exploitation d'une activité d'achat en vue de la revente susceptible de produire des recettes récurrentes, ou plus généralement si elle constitue le prolongement direct de l'activité de l'entreprise. En revanche, la cession d'un immeuble (ou d'une fraction d'immeuble) réalisée par une entreprise qui, à cette occasion, vise seulement à mieux tirer parti d'un bien devenu étranger à son activité économique peut être considérée comme hors du champ d'application de la TVA.
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De même, un agriculteur, qui vend des terrains de son patrimoine foncier, n'agit ordinairement pas en tant qu'assujetti, notamment lorsque ces biens ne sont pas inscrits au bilan de son exploitation. A fortiori, en l'absence de bilan, quand l'exploitant est placé sous le régime du remboursement forfaitaire mentionné à l'article 298 bis du CGI, il n'agit pas non plus en tant qu'assujetti. Il en ira à l'inverse, dans ce cas, s'il réalise sur ces mêmes terrains des travaux significatifs, par exemple de viabilisation, et met en œuvre des moyens de commercialisation avérés (publicité, démarchage).
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Si la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA considère comme une livraison de biens la transmission réalisée à l'occasion d'une procédure d'expropriation, il y a lieu de supposer qu'elle ne constitue pas en principe une opération économique pour l'exproprié dès lors que la contrepartie reçue a le caractère d'une indemnité. Il en va autrement, toutefois, dès lors que l'exproprié établit que cette livraison répond par ailleurs aux besoins de son entreprise.
IV. Personnes morales de droit public réalisant des opérations immobilières
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Aux termes des dispositions de l'article 256 B du CGI, les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence (cf. BOI-TVA-CHAMP-10-20-10-10-II-C). Les opérations immobilières réalisées par ces personnes appellent les précisions suivantes.
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Les livraisons d'immeubles réalisées à titre onéreux par les opérateurs publics, et notamment les collectivités territoriales, entrent en concurrence avec celles des opérateurs privés lorsqu'elles s'inscrivent dans une démarche économique d'aménagement de l'espace ou de maîtrise d'ouvrage. Sont donc imposables, quand bien même le cédant les aurait réalisées en tant qu'autorité publique à raison des procédures mises en œuvre, les cessions de terrains à bâtir ou de constructions résultant de l'aménagement d'emprises acquises à cette fin, voire d'origine domaniale non établie, dès lors que le cadre administratif (notamment la motivation des actes en cause) fait apparaître une telle volonté de valoriser son activité et de répondre aux besoins des acquéreurs comme pourrait le faire un intervenant privé.
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En revanche, pas plus que pour tout autre assujetti, les cessions d'immeubles réalisées par l'État, une collectivité ou un organisme public n'ont à être soumises à la TVA lorsqu'elles s'inscrivent purement dans le cadre de la gestion de leur patrimoine.
Il en va notamment ainsi des cessions réalisées entre autorités publiques sans déclassement préalable de l'immeuble cédé, en application des procédures prévues par le code général de la propriété des personnes publiques.
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De même, peuvent constituer des opérations réalisées hors du cadre économique les cessions de terrains à bâtir ou de bâtiments qu'une personne morale de droit public détient dans son patrimoine sans les avoir acquis ou aménagés en vue de les revendre. Ainsi, la personne publique sera fondée à ne pas soumettre à la TVA les livraisons d'immeubles de cette nature lorsque la délibération par laquelle il est décidé de procéder à l'aliénation fait apparaître que celle-ci relève du seul exercice de la propriété, sans autre motivation que celle de réemployer autrement au service de ses missions la valeur de son actif.