Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-ENR-DMTOI-10-70-40

ENR - Mutations de propriété à titre onéreux d'immeubles - Mutations autres que les échanges - Régimes spéciaux en faveur de l'agriculture - Opérations immobilières réalisées par les SAFER

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Les articles 1028 à 1028 ter du CGI prévoient un régime de faveur pour les opérations immobilières effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

Ces dispositions s'appliquent dans les départements d'outre-mer dans les mêmes conditions qu'en métropole.

I. Champ d'intervention des SAFER

A. Missions des SAFER

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Conformément aux dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime, les SAFER ont pour mission d'améliorer les structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles ou forestiers, par l'accroissement de la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières, par la mise en valeur des sols, et éventuellement, par l'aménagement et le remaniement parcellaires. Elles concourent à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique. Elles assurent la transparence du marché foncier rural.

Cette disposition consacre le rôle d'opérateurs fonciers des SAFER, chargées, au titre de leurs missions de service public, de contribuer au volet foncier de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire rural au sens de l'article L111-2 du code rural et de la pêche maritime .

B. Moyens d'action des SAFER

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Pour la réalisation de ces missions, les SAFER peuvent, en application de l'article L141-1 II du code rural et de la pêche maritime :

- acquérir, dans le but de les rétrocéder, des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières ;

- se substituer à un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés soit par une promesse unilatérale de vente, soit par une promesse synallagmatique de vente, portant sur les biens visés ci-dessus, dès lors que la substitution intervient dans un délai maximal de six mois à compter du jour où ladite promesse a acquis date certaine et, au plus tard, au jour de l'acte authentique réalisant ou constatant la vente ;

- acquérir, dans le but d'améliorer les structures foncières, des parts de sociétés civiles à objet agricole donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ou forestiers ou l'intégralité des parts ou actions de sociétés ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole, et notamment, par dérogation aux dispositions du chapitre II du titre II du livre III du code rural et de la pêche maritime, des parts de groupements fonciers agricoles ;

- se livrer ou prêter leur concours, en vertu d'un mandat écrit, à des opérations immobilières portant sur les biens d'autrui et relatives au louage régi par le livre IV du code rural et de la pêche maritime .

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Conformément aux dispositions de l'article L141-1 III du code rural et de la pêche maritime, le choix de l'attributaire se fait au regard des missions mentionnées à l'article L141-1 I du code rural et de la pêche maritime.

L'attributaire peut être tenu au respect d'un cahier des charges.

En cas de substitution, le cahier des charges comporte l'engagement du maintien pendant un délai minimal de dix ans de l'usage agricole ou forestier des biens attribués et soumet, pendant ce même délai, toute opération de cession à titre onéreux en propriété ou en jouissance à l'accord préalable de la SAFER.

II. Régime fiscal

Il convient de distinguer les opérations réalisées par les SAFER en application de l'article 1028 bis du CGI et celles relevant des dispositions de l'article 1028 ter du CGI.

A. Acquisitions réalisées par les SAFER

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Il résulte des dispositions de l'article 1028 bis du CGI que sont exonérées de toute perception au profit du Trésor toutes les acquisitions réalisées par les SAFER.

Sont ainsi exonérées toutes les acquisitions que les SAFER effectuent conformément à leur mission et à leurs moyens d'actions définis à l'article L141-1 du Code rural et de la pêche maritime. Tel est le cas des acquisitions :

- de biens ruraux, des terres, d'exploitations agricoles ou forestières. Il est précisé que le contrôle de la qualification des biens (rural, agricole, forestier) n'appartient pas aux services fiscaux, dès lors que cette qualification résulte de l'application des dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- de parts de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ou forestiers ;

- de la totalité des parts ou actions de sociétés ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole, et notamment des parts de groupements fonciers agricoles.

B. Les cessions effectuées par les SAFER

1. Champ d'application des cessions effectuées par les SAFER

50

L'article 1028 ter du CGI dispense de perception au profit du Trésor « toutes les cessions effectuées par les SAFER au titre de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime, dont la destination répond aux dispositions dudit article et qui sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants cause de conserver cette destination pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété », ainsi que, sous les mêmes conditions, les « acquisitions réalisées par une personne substituée dans les droits à l'achat conférés à une SAFER par une promesse de vente ayant acquis date certaine, dans les six mois de la conclusion de ladite promesse ».

Pour l'application de cet article, les conditions suivantes doivent être réunies : il faut que la cession soit effectuée en application de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime, et que les biens sur lesquels elle porte conservent une destination conforme aux dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété.

60

Les cessions effectuées par les SAFER au titre de l’article L 41-1 du code rural et de la pêche maritime portent sur des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles ou forestières. L’exonération visée à l’article 1028 ter du CGI concerne donc les cessions de tels biens (y compris notamment les parcelles forestières quelle que soit leur superficie).

70

L'exonération de toute perception au profit du Trésor s'applique également aux cessions de promesses de vente effectuées par les SAFER, qu'il s'agisse de promesses synallagmatiques ou unilatérales, qu'elles soient ou non contractées sous condition suspensive. De telles cessions permettent en effet à la SAFER de se substituer un ou plusieurs attributaires dans les conditions prévues à l'article L141-1, II-2° du code rural et de la pêche maritime.

a. Première condition : cession réalisée en application de l'article L141 du code rural et de la pêche maritime

80

Il s'agit de la cession réalisée en application de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime.

Sont examinées successivement :

- les mutations concernées ;

- les biens visés.

1° Mutations concernées

90

Conformément à l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime, la cession peut être réalisée soit directement par la SAFER, soit par son intermédiaire.

a° Cessions par la SAFER

100

L'article 1028 ter-I du CGI vise les cessions. Il ne s'applique donc pas aux apports, ni aux baux sauf s'il s'agit de baux emphytéotiques.

b° Cessions réalisées par substitution aux droits de la SAFER

110

L'exonération prévue à l'article 1028 ter-II du CGI concerne les cessions pour lesquelles le cessionnaire intervient par substitution dans les droits de la SAFER à l'achat des biens en cause et, lorsque la substitution est intervenue dans les six mois de la conclusion au profit de la SAFER de la promesse de vente.

120

- Acquéreur substitué dans les droits de la SAFER à l'achat du bien en cause :

Sont concernées les mutations pour lesquelles l'acquéreur apporte la preuve qu'il s'est substitué dans les droits à l'achat que détient la SAFER en vertu d'une promesse de vente.

Cette preuve est réputée apportée lorsque l'acquéreur produit, à l'appui de l'acte d'acquisition

  • la promesse de vente du bien en cause par le cédant à la SAFER, promesse ayant acquis date certaine, et

  • l'acte par lequel l'acquéreur se substitue à la SAFER dans ses droits à l'achat de l'immeuble résultant de la promesse de vente.

130

- Substitution intervenue dans le délai de six mois à compter de la date de la promesse de vente :

Il résulte de l'intention du législateur exprimée au travers de l'article L141-1 II-2° du code rural et de la pêche maritime qu'il y a lieu de retenir, comme date de conclusion de la promesse au sens de l'article 1028 ter-II du CGI, la date à laquelle la promesse a acquis date certaine.

Dans ces conditions, la preuve que la substitution intervient dans le délai de six mois à compter du jour où la promesse a acquis date certaine est apportée :

  • lorsque la mutation par acte authentique intervient dans ce délai, ou, à défaut,

  • lorsque l'acte de substitution a lui-même acquis date certaine dans ce délai.

140

Remarque : S'agissant de la date certaine, les précisions suivantes sont apportées. En cas de présentation à la formalité de l'enregistrement d'un acte sous seing privé portant conclusion d'une promesse synallagmatique de vente à la SAFER, la date certaine est obtenue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 660 du CGI,

Par ailleurs, il n'y a aucun obstacle à ce que la conclusion de la promesse de vente, la cession de la promesse et la vente aient la même date certaine.

2° Biens visés

150

Pour identifier les biens susceptibles de transmission, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime.

Ainsi, sont éligibles au bénéfice des dispositions de l'article 1028 ter-I et II du CGI les biens pouvant faire l'objet d'une cession par la SAFER en application de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime. Tel est le cas des biens ruraux, des terres, des exploitations agricoles et forestières, sans qu'il soit besoin de contrôler la qualification des biens

En outre, il résulte de l'intention du législateur que sont également visées les parts de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ou forestiers.

160

En revanche, selon les termes du deuxième alinéa de l'article 1028 ter-I du CGI, sont seuls visés les biens acquis par les SAFER depuis le 26 janvier 1990, date de publication de la loi du 23 janvier 1990. Les immeubles acquis avant cette date sont en principe éligibles aux dispositions de l'article 1028 du CGI.

Les cessions de tels immeubles sont soumises à la seule taxe de publicité foncière perçue au profit du département au taux réduit augmentée des frais d'assiette et de recouvrement, sans condition particulière.

b. Deuxième condition : maintien de la conformité des biens à la destination prévue à l'article L 141-1 du code rural et de la pêche maritime

170

Une telle condition est satisfaite lorsque l'acquéreur s'engage, pour lui et ses ayants cause, à conserver au bien acquis une destination conforme aux dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime pendant dix ans à compter du transfert de propriété.

Cette condition n'est remplie que lorsque l'acquéreur des biens a pris l'engagement de conserver la destination des biens pendant dix ans dans un cahier des charges établi par la SAFER.

L'article 1028 ter-I du CGI exonère de toute perception au profit du Trésor les cessions d'immeubles par les SAFER, sous réserve notamment que l'acquéreur s'engage, pour lui et ses ayants cause, à conserver, pendant une durée de dix ans à compter du transfert de propriété, une destination agricole aux immeubles acquis jusqu'au 31 décembre 1999, ou une destination conforme aux dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime aux immeubles acquis depuis le 1er janvier 2000.

Pour l'application de cette disposition, l'échange de l'immeuble opéré dans les conditions prévues à l'article L124-1 du code rural et de la pêche maritime ne constitue pas en tant que tel, à l'instar des autres mutations à titre onéreux, une cause de déchéance du régime de faveur, dès l'instant où l'affectation de l'immeuble, soit à destination agricole, soit à une destination conforme aux dispositions de l'article L141-1 du code rural et de la pêche maritime, est maintenue par le coéchangiste ou par tout autre propriétaire successif jusqu'à l'expiration du délai de dix ans à compter de la date d'acquisition initiale auprès de la SAFER. RM Vachet  63312, JO débats AN du 17 septembre 2004

180

La constatation de cette condition résulte de la référence, dans l'acte d'acquisition auquel participe la SAFER, à la souscription d'un tel engagement prévu par le cahier des charges. A défaut, les droits sont dus dans les conditions de droit commun.

190

Pour les mutations constatées antérieurement au 21 mai 2002, la preuve de la réalité de cet engagement est apportée, sur demande de l'administration fiscale, par la production du cahier des charges comprenant l'engagement de conservation de la destination du bien conformément à ses stipulations pour une durée de dix ans à compter de la date d'acquisition. A défaut, l'acquéreur dispose d'un délai de six mois à compter de la demande de l'administration pour conclure avec la SAFER un tel cahier des charges comprenant un engagement décennal de maintien de la destination du bien conformément à ses stipulations, avec effet rétroactif à la date d'acquisition.

200

S'agissant des cessions par les SAFER de parts de sociétés donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ou forestiers, l'engagement porte sur les biens auxquels les parts donnent droit et non sur les parts elles-mêmes.

2. Déchéance du régime de faveur

a. Cas de déchéance

210

La mutation à titre gratuit ou à titre onéreux du bien ne constitue pas, en tant que telle, une cause de déchéance du régime de faveur.

220

La déchéance du régime de faveur est encourue lorsque l'acquéreur ou ses ayants cause ne se conforment pas aux obligations de maintien de la destination des biens prévue par le cahier des charges pendant la période de dix ans courant à compter du transfert de propriété.

Il n'appartient pas à l'administration fiscale de contrôler la conformité de la destination du bien prévue par le cahier des charges, mais à la SAFER. Dès lors, l'action de l'administration se borne à tirer les conséquences de la constatation par la SAFER du non-respect par l'attributaire de la destination du bien prévue par le cahier des charges dans le délai de dix ans.

b. Portée de la déchéance

230

Lorsque l'engagement relatif à la destination des biens n'est pas respecté, l'acquéreur ou ses ayants cause sont tenus d'acquitter :

- la taxe de publicité foncière ou le droit d'enregistrement perçu au profit des départements, prévus par les articles 683 et 1594 D du CGI et le prélèvement pour frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs ;

-la taxe additionnelle communale ;

-le droit de timbre de dimension afférent à l'acte d'acquisition (si l'acquisition est antérieure au 1er janvier 2006) ;

-l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI.

240

A titre de règle pratique, il a été admis que la rupture partielle de l'engagement ne faisait pas encourir la déchéance totale du régime de faveur.

Par suite lorsque l'engagement n'a été rompu que pour une partie des biens en cause, la déchéance du régime de faveur n'atteint que la partie du prix afférente aux immeubles affectés par le changement de destination à usage autre qu'agricole.

c. Redevables des droits

250

Les compléments de droits et pénalités doivent être supportés par l'acquéreur ou ses ayants cause.

Dès lors, en cas de mutation du bien pendant le délai de dix ans, les ayants cause de l'acquéreur qui a pris l'engagement sont personnellement redevables des compléments de droits et pénalités en cas de déchéance du régime de faveur.

Les droits rappelés et l'intérêt de retard légalement exigibles doivent être acquittés dans le mois qui suit la rupture de l'engagement (CGI, art,1840 G ter), au-delà duquel l'administration peut mettre en œuvre la procédure de rectification contradictoire.

L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel les droits auraient dû être acquittés en l'absence du régime de faveur,