ENR - Droits dus sur les actes relatifs à la vie des sociétés et assimilés - Notion de création d'une personne morale nouvelle
I. Principe applicable en matière de changement juridique d'une société
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Il est de règle que le changement du type juridique d'une société n'emporte pas création d'une personne morale nouvelle s'il est autorisé par la loi, lorsqu'il ne s'accompagne pas de modifications statutaires importantes non nécessitées par le changement de forme lui-même.
II. Autorisation de la loi
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L'article 1844-3 du code civil, applicable à l'ensemble des sociétés de droit, qu'elles soient civiles ou commerciales, dispose que la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation ou de toute autre modification statutaire.
Si la condition de régularité de la transformation n'est pas remplie, il convient de considérer que la transformation de la société emporte création d'une personne morale nouvelle.
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Les dispositions de l'article 1844-3 du code civil ne visent que la transformation d'une société en une société d'une autre forme et non la transformation d'une société en un autre type de groupement.
Toutefois, des dispositions spéciales prévoient de telles transformations sans que celles-ci entraînent la création d'une personne morale nouvelle.
Il en est ainsi pour :
- la transformation d'un groupement d'intérêt économique en société en nom collectif (code de commerce, art. L251-18) ;
- la transformation d'une société, d'une association ou d'un groupement d'intérêt économique en un groupement européen d'intérêt économique (code de commerce,art. L252-8) ;
- la transformation d'un groupement européen d'intérêt économique en un groupement d'intérêt économique de droit français ou une société en nom collectif (code de commerce, art. L252-8).
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L'article L210-6 du code de commerce prévoit également que la transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Cette disposition permet d'effectuer sans création d'une personne morale nouvelle, sous réserve qu'elle ait été décidée et réalisée conformément aux prescriptions légales et réglementaires, la transformation :
- d'une société à responsabilité limitée ou d'une société anonyme en société commerciale d'une autre forme (code de commerce, art. L223-43 et articles L225-243 du code de commerce à L225-245-1 du code de commerce) ;
- d'une société en commandite par actions en société anonyme ou en société à responsabilité limitée (code de commerce, art. L226-14).
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De même, le code de commerce prévoit la transformation :
- d'une société en nom collectif en société en commandite, en cas de décès d'un associé, si l'un au moins des héritiers est mineur non émancipé (code de commerce, art. L221-15) ;
- d'une société en commandite simple, en cas de décès de l'associé seul commandité, si ses héritiers sont tous mineurs émancipés (code de commerce, art. L222-10) ;
- d'une société à responsabilité limitée si le nombre des associés devient supérieur à 100 (code de commerce, art. L223-3) ;
- d'une société anonyme en société d'une autre forme lorsque le capital devient inférieur à à 37 000 € (code de commerce, art. L224-2) ;
- en société civile professionnelle d'une société d'une autre forme. Les sociétés civiles professionnelles peuvent être transformées en société de toute autre forme admise par la réglementation propre à la profession exercée.
Par ailleurs, les sociétés civiles professionnelles peuvent se transformer en sociétés d'exercice libéral.
III. Notion de modifications statutaires importantes
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Indépendamment du caractère régulier de la transformation, l'absence de création d'une personne morale nouvelle est subordonnée à la condition que la transformation ne s'accompagne pas de modifications statutaires importantes non nécessitées par le changement de forme lui-même et dont l'ensemble serait incompatible avec le maintien du pacte social primitif.
Le point de savoir si les modifications concomitantes à la transformation sont ou non de nature à entraîner la création d'une personne morale nouvelle est une question de fait qui doit être résolue dans chaque cas particulier.
À cet égard, il est précisé que même depuis l'insertion de l'article 1844-3 du code civil, la novation de la personne morale peut résulter de modifications statutaires importantes ou de modifications de fait apportées notamment à l'activité ou au fonctionnement de la société lorsque celles-ci accompagnent le changement de type juridique.
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Il a été jugé qu'une telle conséquence ne saurait résulter d'une simple augmentation de capital (Trib. civ. Rennes du 14 mars 1906) ou d'un changement de personnel, lui-même prévu par les statuts (Trib. civ. Hanoï, 31 décembre 1905).
En revanche, ont été considérées comme emportant création d'une personne morale nouvelle des modifications concomitantes dans l'objet, le capital et la durée de la société transformée (RM, n° 5931, à M. Legaret, JO, Débats AN du 15 août 1960, p. 2278).
À l'appui de cette doctrine, on citera notamment la jurisprudence ci-après relative à :
- une transformation accompagnée d'une longue prorogation de la durée de la société, d'une augmentation considérable de son capital et de l'admission d'un nouvel associé (Trib civ. Seine, 11 mai 1944) ;
- la transformation d'une société civile en une société anonyme, accompagnée d'un changement d'objet statutaire ;
- la transformation d'une société à responsabilité limitée en société anonyme accompagnée d'un transfert du siège social, d'une augmentation du nombre des associés, d'une modification de l'objet social ainsi que d'une extension de l'activité (Cass. com., 2 juillet 1979, n° 77-16035, M. G. L.) ;
- en raison des importantes modifications statutaires qu'elle implique, la transformation d'une société par actions ou à responsabilité limitée en une société civile de personnes ayant la qualité de société coopérative agricole.
En revanche, n'entraînent pas, en principe, la création d'une personne morale nouvelle :
- la transformation d'une société d'intérêt collectif agricole constituée sous la forme d'une société par actions ou à responsabilité limitée en société coopérative agricole (cf. décret n° 61-868 du 5 août 1961, art. 9) ;
- la transformation d'une société civile agricole en société coopérative agricole ;
- l'adoption, sans changement de forme, par une société anonyme du statut de société d'intérêt collectif agricole.
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De même, emporte création d'une personne morale nouvelle sauf dispositions expresses (cf. ci-dessus, II § 20), l'adoption, par un groupement n'ayant pas le caractère de société, de la forme juridique de société ou vice versa. Il en est ainsi notamment :
- pour la transformation d'un groupement d'intérêt économique en une société civile qui se traduit par une modification substantielle de la situation de droit et de fait ;
- pour la transformation d'une société en association régie par la loi du 1er juillet 1901.
IV. Cas particuliers
A. Transformation d'une société créée de fait ou d'une société en participation en société d'une autre forme
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B. Transformation de sociétés déjà dissoutes
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Le changement de forme d'une société dont la dissolution a déjà été prononcée entraîne toujours la création d'une personne morale nouvelle (Saint-Julien, 18 février 1913 ; Cass. Com., 16 juin 1952, D 1953, 509).
C'est ainsi qu'une société en commandite simple, dissoute par décision de justice, que ses anciens membres ont néanmoins cru pouvoir transformer en société anonyme plusieurs années après, doit être regardée comme ayant continué à subsister en tant que personne juridique pour les seuls besoins de sa liquidation jusqu'à la date de sa transformation, cette transformation comportant, par suite, la création d'une personne morale nouvelle (cf. en matière d'impôt sur le revenu, CE, 30 octobre 1974, n° 91126).
C. Non immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 des sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978
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Il convient de se reporter au BOI-ENR-AVS-40-40-VI.
D. Transformation des sociétés civiles à caractère immobilier (art.828 bis CGI)
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En vertu des dispositions de l'article 828 bis du CGI, sont exonérés des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du salaire des conservateurs des hypothèques les transferts de biens, droits et obligations résultant de la transformation :
- des sociétés civiles de placement immobiliers en organismes de placement collectif immobilier (OPCI) ;
- des sociétés civiles à objet strictement immobilier (SCI), dont les parts sont détenues par une entreprise d'assurance en représentation de provisions mathématiques relatives aux engagements exprimés en unités de compte de contrats d'assurance sur la vie ou de capitalisation, en sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV).
Remarque : Cette disposition s'applique à la transformation d'une SCI en SPPICAV .
RES N° 2010/54 (ENR)
Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) – OPCI – Transformation d'une SCI en SPPICAV. Exonération (CGI, art 828 bis).
Question :
La transformation d'une société civile immobilière (SCI) en société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) bénéficie-t-elle des dispositions des articles 202 ter A du CGI et 828 bis du CGI lorsque le capital de la SCI est détenu par deux entreprises d'assurance et que l'intégralité de ses parts ne sont pas détenues en représentation de provisions mathématiques relatives aux engagements exprimés en unités de compte d'assurance sur la vie ou de capitalisation ?
Réponse :
L'article 202 ter A du code général des impôts dispose que les plus ou moins-values mentionnées au premier alinéa du II de l'article 202 ter du CGI, incluses dans l'actif des sociétés civiles à objet strictement immobilier, dont les parts sont détenues par une entreprise d'assurance en représentation de provisions mathématiques relatives aux engagements exprimés en unités de compte de contrats d'assurance sur la vie ou de capitalisation, ne sont pas imposées à l'occasion de la transformation de ces sociétés civiles en SPPICAV.
Sous les mêmes conditions, l'article 828 bis du CGI prévoit que les transferts de biens, droits et obligations résultant de la transformation sont exonérés des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du salaire des conservateurs des hypothèques.
Il est admis que ces dispositions s'appliquent à la transformation d'une SCI en SPPICAV quand bien même son capital est détenu par deux entreprises d'assurance et que ses parts ne représentent pas en totalité des unités de compte.
Ces exonérations s'appliquent aux transformations intervenant dans le délai visé à l'article 214-84-2 du code monétaire et financier.