Date de début de publication du BOI : 12/09/2012
Identifiant juridique : BOI-REC-FORCE-40-40

REC – Saisie immobilière - Vente par adjudication des immeubles dans le cadre d'une liquidation judiciaire

Le chapitre est consacré aux dispositions particulières applicables aux ventes d'immeubles lorsqu'elles sont réalisées dans le cadre d'une liquidation judiciaire. Ces dispositions qui figurent dans la partie du code de commerce relative à la liquidation judiciaire, renvoient partiellement au droit de la saisie immobilière, pour autant que ce dispositif ne soit pas contraire aux règles qu'elles édictent.

La procédure mobilise successivement la juridiction commerciale – le juge commissaire désigné dans le jugement d'ouverture de la procédure collective – et le juge de l'exécution pour le suivi de l'adjudication elle-même.

Il est précisé que la vente des immeubles d’un débiteur en liquidation judiciaire peut avoir lieu selon trois modalités à la discrétion du juge-commissaire : par adjudication judiciaire, par adjudication amiable ou de gré à gré. Le juge-commissaire peut, en effet, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, soit ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe, soit autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine. Le code de commerce spécifie les dispositions applicables du code civil en cas d'adjudication amiable et précise qu'il peut toujours être fait surenchère.

Toutefois, seule la procédure de vente des immeubles par adjudication judiciaire fait l'objet des développements suivants.

I. Vente d'immeubles par adjudication judiciaire

L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 et le décret n° 2009-160 du 12 février 2009 ont précisé l’articulation entre la procédure de liquidation judiciaire et le droit de la saisie immobilière.

A. Particularités des adjudications dans le cadre de la liquidation judiciaire

1

La vente par voie d’adjudication judiciaire, est régie, outre l’article L642-18, par les articles R642-22 à R642-29-2 et R642-36-1 à R642-37-1 du code de commerce. Ces articles se réfèrent partiellement aux dispositions régissant la saisie immobilière tout en posant le principe que celles-ci ne sont applicables que dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celles du code de commerce.

10

Aux termes de l’article L642-18 du code de commerce, lorsqu'une procédure de saisie immobilière engagée avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire a été suspendue par l'effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue (cf. BOI-REC-FORCE-40-10).

20

S'agissant des immeubles d'une personne en liquidation judiciaire qui n'ont pas fait l'objet d'une saisie immobilière avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, ils ne peuvent plus être mis en vente dans le cadre d'une saisie immobilière. La procédure à mettre en œuvre est décidée par voie d'ordonnance du juge-commissaire.

30

Le tribunal de grande instance reste compétent pour connaître de la radiation des inscriptions à la demande de l'acquéreur dans le cadre d'une procédure de distribution en cours lors du prononcé du jugement d'ouverture, mais n'ayant pas encore produit d'effet attributif (Code de commerce, art. R622-19). Sous cette réserve, le juge de l'exécution connaît de la généralité des demandes de radiation dans le cadre des opérations de liquidation (Code de commerce, art. R643-8)

B. Rôle du juge-commissaire

Le juge-commissaire statue par ordonnance sur la vente après avoir recueilli les observations des contrôleurs et entendu ou dûment appelé le débiteur, son conjoint, lorsque la vente porte sur un bien de la communauté ou un bien indivis du fait de la dissolution de la communauté devenue opposable aux tiers au cours de la procédure, ainsi que le liquidateur (Code de commerce, art. R642-36-1 et R641-30).

Cette ordonnance a les effets du commandement de payer de la saisie immobilière.

1. Contenu de l'ordonnance

40

En application du premier alinéa de l’article L642-18 et des articles R642-22 et R622-24 du code de commerce, la décision du juge-commissaire qui ordonne la vente des immeubles par voie d’adjudication judiciaire détermine :

- la mise à prix de chacun des biens à vendre et les conditions essentielles de la vente (lorsque la vente est poursuivie par un créancier, en application de l’article L643-2 du code de commerce, la mise à prix est déterminée en accord avec le créancier poursuivant mais le juge-commissaire peut préciser qu’à défaut d’enchères atteignant cette mise à prix la vente pourra se faire sur une mise à prix inférieure qu’il fixe) ;

- les modalités de la publicité compte tenu de la valeur, de la nature et de la situation des biens ;

- les modalités de visite des biens.

50

En application de l’article R642-28 du code de commerce, l’ordonnance comporte en outre certaines mentions prescrites par l’article 15 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 pour le commandement valant saisie immobilière (cf. BOI-REC-FORCE-40-20), à savoir :

- la constitution d’avocat du poursuivant, laquelle emporte élection de domicile ;

- la désignation de chacun des biens ou droits sur lesquels porte la saisie immobilière, telle qu’exigée par les règles de la publicité foncière ;

- l’indication qu’un huissier pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de description de l’immeuble.

60

L’article R642-29 du code de commerce précise enfin les conditions dans lesquelles le juge-commissaire peut autoriser à poursuivre simultanément la vente de plusieurs immeubles, même situés dans des ressorts de tribunaux de grande instance différents.

2. Notification et effets de l'ordonnance

70

L’ordonnance du juge-commissaire est notifiée à la diligence du greffier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au débiteur et aux créanciers inscrits à domicile élu dont les noms sont indiqués dans l’ordonnance ; les contrôleurs en sont avisés par le greffier (Code de commerce, art. R642-23).

80

L'ordonnance est susceptible d’un recours formé devant la cour d’appel (Code de commerce, art. R642-37-1). En dehors d’un tel recours, la décision du juge commissaire est revêtue de l' autorité de chose jugée qui interdit au juge de l’exécution de la remettre en cause à l’occasion des opérations d’adjudication.

90

En application de l’article R642-23 du code de commerce, l’ordonnance produit les effets du commandement de payer valant saisie immobilière (cf. BOI-REC-FORCE-40-20), qui sont prévus par les articles 2198 à 2220 du code civil et les articles 25 à 31 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.

II. Procédure aux fins de vente par voie d’adjudication judiciaire

100

Depuis la publication de l’ordonnance jusqu’à l’audience d’adjudication, la procédure de vente par voie d’adjudication judiciaire s’éloigne de la procédure applicable en matière de saisie immobilière. Elle est régie par l’article R642-29-1 du code de commerce, qui exclut l’application des dispositions du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 relatives à l’audience d’orientation (assignation et tenue de l’audience), aux déclarations de créance et à la vente amiable. Du fait de l’ordonnance du juge-commissaire, qui impose la vente par adjudication et précise désormais toutes les conditions nécessaires à cette adjudication, la tenue d’une audience d’orientation n’est pas nécessaire et une audience ne s’impose qu’en cas de contestation éventuelle d’un acte de procédure.

A. Actes préparatoires à l’adjudication

1. Publication de l'ordonnance

110

La procédure aux fins de vente par voie d’adjudication judiciaire est menée à la diligence du liquidateur, ou du créancier poursuivant dans le cas prévu à l’article L 643-2 du code de commerce.

Dans les deux mois suivant la notification de l’ordonnance du juge-commissaire, le poursuivant la publie au bureau des hypothèques de la situation des biens, dans les conditions prévues par les articles 18 et 19 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.

120

Par exception aux articles 21 et 22 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, le conservateur des hypothèques procède à la formalité de publicité de l’ordonnance même si des commandements ont été antérieurement publiés ; dans ce cas, ces commandements cessent de produire effet à compter de la publication de l’ordonnance.

Toutefois, lorsque le liquidateur reprend une procédure de saisie immobilière suspendue par l’effet de la procédure collective, l’ordonnance du juge-commissaire est simplement mentionnée en marge de la copie du commandement publié à la conservation des hypothèques. Dans ce cas, le créancier qui avait engagé la procédure de saisie immobilière remet au liquidateur, contre récépissé, les pièces de la poursuite (Code de commerce, art. R642-24).

2. Dépôt du cahier des conditions de vente

130

Le poursuivant établit un cahier des conditions de vente qu’il dépose au greffe du juge de l’exécution du tribunal de grande instance compétent dans un délai de deux mois suivant la publication de l’ordonnance du juge-commissaire (Code de commerce, art. R642-25 et R642-29-1).

140

Par exception à l’article 44 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, ce cahier des conditions de vente contient :

- l’énonciation de l’ordonnance qui a ordonné la vente avec la mention de sa publication ;

- la désignation de l’immeuble à vendre, l’origine de propriété, les servitudes grevant l’immeuble, les baux consentis sur celui-ci et le procès-verbal de description dressé dans les conditions prévues par les articles 35 à 37 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;

- la mention de la mise à prix, des conditions de la vente et des modalités de paiement du prix selon les règles prévues au deuxième alinéa de l’article R 643-3 du code de commerce.

150

En application de l’article 45 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, le cahier des conditions de vente peut être consulté au greffe du juge de l’exécution, ainsi qu’au cabinet de l’avocat du poursuivant.

3. Fixation de la date de l'audience d'adjudication

160

Au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant le dépôt du cahier des conditions de vente, le poursuivant avise, par acte d’huissier, les créanciers inscrits à domicile élu et, si la vente porte sur un bien de la communauté, le conjoint du débiteur, de la date de l’audience d’adjudication. La date est fixée, à sa diligence, dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant celle de l’avis.

170

Outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier, l’avis contient, à peine de nullité, les indications prévues à l'article R642-29-1 du code de commerce.

L’avis vaut notification du cahier des conditions de vente.

180

Seules les contestations relatives à un acte de procédure postérieur à l'ordonnance du juge-commissaire peuvent être soulevées, dans les quinze jours de l'acte ou, le cas échéant, de sa notification, par conclusions d'avocat déposées au greffe du juge de l'exécution.

Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience par le greffe du juge de l’exécution par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, conformément à l’article 7 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.

Les autres dispositions générales du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 trouvent également à s’appliquer de sorte que la contestation ne suspend pas le cours de la procédure, les parties sont tenues de constituer avocat et le juge de l’exécution statue après avoir entendu les parties, par une décision rendue, sauf disposition contraire, en premier ressort, sans que l’appel ne présente d’effet suspensif.

190

Lorsque les délais pour déposer le cahier des conditions de vente et celui pour signifier l’avis ont été dépassés, le juge de l’exécution déclare l’ordonnance du juge-commissaire non avenue, à moins qu’il ne soit justifié d’un motif légitime.

B. Adjudication et suites

1. Adjudication

200

En application de l’article 2204 du code civil, auquel il est renvoyé par l’article L642-18 du code de commerce, l’adjudication a lieu aux enchères publiques à l’audience du juge de l’exécution.

L’article R642-29-2 du code de commerce énumère de façon exhaustive les dispositions du chapitre VI du titre Ier du décret du 27 juillet 2006 relatives à la vente forcée (contenant les articles 59 à 106 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006), qui sont applicables à la cession des immeubles du débiteur placé en liquidation judiciaire.

2. Conditions préalables pour enchérir et déroulement des enchères

210

L’adjudication se déroule dans les conditions prévues par le décret du 27 juillet 2006 dans sa partie relative aux enchères, comportant les articles 72 à 82 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.

220

Toutefois, en plus des incapacités pour enchérir résultant des articles 2205 du code civil et 72 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, l’article R642-26 du code de commerce prévoit que le liquidateur ne peut, en qualité de mandataire, être déclaré adjudicataire des immeubles du débiteur.

3. Jugement d'adjudication

230

Le jugement d’adjudication vise l’ordonnance du juge-commissaire ayant ordonné la vente, les jugements tranchant les contestations et le cahier des conditions de vente ; il désigne le poursuivant et mentionne les éléments énumérés par l’article 87 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, à savoir les formalités de publicité et leur date, la désignation de l’immeuble adjugé, les date et lieu de la vente forcée, l’identité de l’adjudicataire, le prix d’adjudication et le montant des frais taxés, ainsi que les éventuelles contestations qu’il tranche.

240

Ce jugement d’adjudication est notifié par le poursuivant au débiteur, aux créanciers inscrits, à l’adjudicataire, ainsi qu’à toute personne ayant élevé une contestation tranchée par la décision.

250

Conformément au deuxième alinéa de l’article 88 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel, de ce chef, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification.

4. Suites de l'adjudication

260

L’adjudication ne peut donner lieu à déclaration de command, en application de l’article 2207 du code civil, auquel il est renvoyé par l’article 642-18 du code de commerce. En revanche, elle est susceptible d’une surenchère, dans les conditions prévues par les articles 94 à 99 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.

Remarque: une déclaration de command est une déclaration par laquelle une personne qui s'est portée acquéreur d'un bien, révèle les noms et qualités de celle pour qui elle a agit, et qui est la véritable acquéreur.

270

Le titre de vente est régi par les articles 89 à 91 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006. Il n’est délivré à l’adjudicataire que sur justification du paiement des frais taxés, en application de l’article 2209 du code civil, auquel il est renvoyé par l’article L642-18 du code de commerce, et de l’article 86 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.

280

Le paiement du prix est régi par l’article R643-3 du code de commerce à l’exclusion des dispositions des articles 83 et 84 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006. En tout état de cause, l’article 85 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, relatif au paiement provisionnel du créancier de premier rang, n’est pas applicable en liquidation judiciaire, s’agissant d’une disposition se rattachant à la distribution.

290

Il est fait application de l’article 2213 du code civil et des articles 100 à 106 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, sanctionnant la défaillance de l’adjudicataire et organisant la réitération des enchères.

III. Effets de la vente par voie d’adjudication judiciaire

300

Le premier alinéa de l’article L642-18 du code de commerce rend applicable l’article 2208 du code civil qui dispose que l’adjudication emporte vente forcée et transmet la propriété du bien, sans conférer à l’adjudicataire plus de droits que ceux qui appartenaient au débiteur, lequel est tenu à la délivrance du bien et à la garantie d’éviction.

A. Pour l'adjudicataire

310

En application du quatrième alinéa de l’article L642-18 du code de commerce, l’adjudicataire ne peut, avant d’avoir procédé au paiement du prix au liquidateur et des frais de la vente, accomplir un acte de disposition sur le bien à l’exception de la constitution d’une hypothèque accessoire à un contrat de prêt destiné à l’acquisition de ce bien (disposition alignée sur celle du second alinéa de l’article 2211 du code civil).

320

En revanche, dès que ces paiements sont effectués, ils emportent purge des hypothèques et de tout privilège du chef du débiteur.

B. Pour le saisi

330

En application des articles 2210 du code civil (rendu applicable par l’article L642-18 du code de commerce), le jugement d’adjudication constitue un titre d’expulsion à l’encontre du débiteur et de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit opposable à l’adjudicataire. En application de l’article 92 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, auquel renvoie l’article R642-29-2 du code de commerce, l’adjudicataire peut mettre à exécution son titre d’expulsion dès consignation du prix et paiement des frais taxés.