BIC - Amortissements - Régimes particuliers - Amortissement des constructions et aménagements sur sol d'autrui
Les constructions et aménagements qu'une entreprise possède sans être propriétaire du sol sont amortissables sous certaines conditions et limites.
Avant d'examiner la limitation édictée par l'article 39 D du Code Général des Impôts (CGI), il convient d'évoquer les conditions liées aux constructions et aménagements susceptibles d'être amortis.
I. Conditions liées aux biens amortissables
Pour être susceptibles d'être amortis, les constructions et aménagements édifiés par une entreprise sur sol d'autrui doivent être inscrits à l'actif du bilan et correspondre à une gestion commerciale normale.
A. L'inscription des constructions et aménagements à l'actif de l'entreprise qui édifie sur sol d'autrui
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L'entreprise qui édifie des constructions ou aménagements sur le sol d'autrui doit en porter le prix de revient à l'actif de ses bilans, alors même que ses droits sur ces constructions ou aménagements ne sont pas ceux d'un propriétaire (CE, arrêt du 7 février 1979, req. n° 08475, RJ n° Il, p. 12). L'entreprise ne peut donc déduire immédiatement de telles dépenses et, après inscription à son actif, elle ne peut que pratiquer un amortissement dont le taux tienne compte de leur durée normale d'utilisation.
Les améliorations apportées aux locaux loués par le locataire en dehors de ses obligations contractuelles ne constituent pas, au sens de l'article 23-3 du décret modifié n° 53-960 du 30 septembre 1953, un facteur d'augmentation de la valeur locative en cas de renouvellement du bail, lorsqu'elles n'ont pas été prises en charge par le bailleur directement ou indirectement notamment par l'acceptation d'un loyer réduit.
Bien qu'elles s'incorporent à la propriété du bailleur au fur et à mesure des travaux, ces améliorations donnent naissance, au profit du locataire, à un élément incorporel dont le prix de revient ne peut être retranché de ses résultats imposables que sous la forme d'un amortissement sur la durée normale d'utilisation des biens correspondants.
En revanche, les travaux de remplacement de clôtures incombant à l'occupant aux termes du contrat de bail constituent une charge immédiatement déductible lorsqu'ils ont pour seul objet de pourvoir à l'entretien des clôtures.
Bien entendu, dans le cas contraire et si le preneur est tenu de remettre gratuitement au bailleur les clôtures dans l'état où elles se trouvent en fin de bail, la propriété des travaux réalisés par le locataire est acquise au bailleur au fur et à mesure de leur réalisation en vertu du droit d'accession prévu à l'article 555 du code civil. La valeur d'actif correspondante a, pour le preneur, le caractère d'un droit incorporel de jouissance ne pouvant faire l'objet que d'un amortissement financier, selon le mode linéaire, réparti sur la durée d'utilisation des aménagements réalisés.
B. Les travaux de construction et d'aménagement doivent être réalisés dans le cadre d'une gestion commerciale normale
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Principalement dans le cas où il existe une communauté d'intérêts entre le preneur et le bailleur, et notamment lorsque le contrat de bail comprend une clause de retour gratuit à ce dernier, l'amortissement des travaux ne sera admis que si ceux-ci ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise et ne constituent pas une libéralité envers le bailleur.
Pour l'application de ce principe, le Conseil d'État a rendu, entre autres, les arrêts suivants :
- des travaux effectués par une société peu de temps avant la fin du bail, sur des immeubles que lui donne en location son principal associé et qui doivent revenir gratuitement à ce dernier à la fin du bail, ne sont pas étrangers à une gestion commerciale normale dès lors qu'ils ont pour but de mieux adapter les locaux loués aux besoins de l'entreprise et, qu'en outre, la société est assurée d'obtenir le renouvellement du bail et de bénéficier d'un loyer modéré (CE, arrêt du 10 juillet 1981, req. n° 12864). A cet égard, l'avantage procuré au bailleur par ces travaux réalisés en exécution d'une clause du bail constitue un revenu foncier imposable l'année d'expiration du bail même si celui-ci fait l'objet, conformément à la législation sur les baux commerciaux, d'une reconduction tacite ;
- des bâtiments industriels nécessaires à l'exploitation d'une entreprise et affectés à cette fin, construits sur un terrain mis à sa disposition par son dirigeant, propriétaire dudit terrain, en vertu d'une convention verbale régularisée par un contrat de location, doivent figurer à l'actif pour la valeur correspondant au prix de revient et peuvent être amortis à compter de la première année suivant leur mise en service. Il est précisé que les dépenses de construction ont été assumées par la société soit par un remboursement immédiat du propriétaire des sommes exposées par celui-ci, soit par un paiement direct aux entrepreneurs (CE, arrêt du 27 février 1984, req. n° 19462).
Dans le cas d'une société anonyme ayant effectué, dans des locaux à usage industriel, commercial et d'habitation qu'elle tient à bail de son président-directeur général, détenteur de 90 % du capital social, d'importants travaux de démolition de bâtiments anciens et de construction de bâtiments nouveaux, ces améliorations restant sa propriété jusqu'à la fin du bail, date à laquelle elles doivent revenir sans indemnité au bailleur, le Conseil d'État a jugé que lesdits travaux doivent, eu égard à l'étroite communauté d'intérêts existant entre la société et son dirigeant être regardés, dans la mesure où ils n'ont pas un caractère locatif, comme ayant été effectués dans l'intérêt personnel de ce dernier. Dès lors, aucun amortissement ne peut être pratiqué par la société sur le montant de ces travaux (CE, arrêt du 13 mars 1967, req. n°s 65126 à 65128, RJCD, 1re partie, p. 75). Bien entendu, la valeur des travaux constitue, pour le président-directeur général, un avantage en nature taxable comme revenu distribué.
Le fait, pour une société, d'avoir inscrit à son bilan, en immobilisation, des dépenses diverses qu'elle avait engagées à l'occasion de la mise en location d'un appartement par son président-directeur général, ne l'autorise pas à pratiquer l'amortissement de ces dépenses dès lors que la société n'a acquis aucun bien mobilier ou immobilier, ni aucun droit dont la dépréciation pourrait justifier les amortissements litigieux (CE, arrêt du 15 décembre 1976, req. n° 1208, RJ II, p. 119). Les dépenses en cause correspondaient à la « reprise » versée au précédent locataire ainsi qu'à des travaux d'aménagement effectués dans l'appartement. Leur montant a été regardé comme une libéralité consentie par la société à son dirigeant, taxable comme revenu distribué au nom de celui-ci.
II. Limitation de l'amortissement
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L'article 39 D du CGI dispose que, l'amortissement des constructions et aménagements sur sol d'autrui doit être réparti sur leur durée normale d'utilisation. Il en va donc ainsi, même lorsque les constructions ou aménagements doivent revenir sans indemnité au propriétaire du sol, à l'expiration d'un bail dont la durée est inférieure à celle qui est normalement prévue pour l'utilisation des immobilisations en cause.
Les dispositions de cet article s'appliquent à toutes les entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu.
Elles concernent les constructions et aménagements effectués sur sol d'autrui, à l'exclusion des constructions édifiées par le preneur d'un bail à construction conclu dans les conditions prévues par les articles L. 251-1 à L. 251-9 du code de la construction et de l'habitation.
Les constructions édifiées sur des terrains pris à bail dans les conditions prévues aux articles précités sont amorties, soit sur la durée du bail lorsque les constructions sont transférées gratuitement au propriétaire des terrains, soit sur la durée normale d'utilisation lorsque le transfert a lieu contre indemnités. Dans l'hypothèse où la durée du bail est supérieure à la durée normale d'utilisation des biens, le preneur peut répartir l'amortissement sur cette dernière durée sans qu'il y ait lieu de s'attacher à la nature des clauses réglant le transfert des constructions en fin de bail.
Les dispositions de l'article 39 D du CGI jouent notamment à l'égard des aménagements effectués dans les locaux pris à bail, même si ces derniers ne se traduisent pas par l'édification de véritables constructions (créations de salles de bains dans un hôtel, installation de chauffage central, améliorations importantes, ne pouvant être réputées s'analyser en de simples frais d'exploitation notamment).
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En ce qui concerne les entreprises hôtelières, lorsque des travaux sont effectués dans un immeuble dont une telle entreprise n'est que locataire, il convient de distinguer entre les deux cas suivants.
- Cas où les travaux effectués aboutissent à la création d'installations ne s'incorporant pas à l'immeuble et peuvent être retirés sans grave détérioration. Dans cette hypothèse, et dans la mesure où les conventions passées prévoient, explicitement ou tacitement, la faculté -et a fortiori l'obligation- pour le preneur de procéder au retrait ou à la démolition des travaux en cause, le locataire demeure propriétaire des aménagements réalisés par lui. Dès lors, il est fondé à les inscrire à l'actif de son entreprise et peut, s'agissant d'investissements hôteliers, en constater la dépréciation en pratiquant l'amortissement dégressif sur la durée normale d'utilisation de chaque élément.
Si, au contraire, il résulte des conventions passées que le preneur a la faculté, ou est tenu, de réaliser des travaux de la nature envisagée au présent paragraphe mais n'a pas le droit ensuite de les retirer ou de les démolir, et se trouve ainsi tenu de les remettre gratuitement au bailleur en fin de bail, la propriété de ces travaux est acquise au bailleur au fur et à mesure de leur réalisation en vertu de son droit d'accession prévu à l'article 555 du code civil. Dans ce cas, la valeur d'actif correspondante a, pour le preneur, le caractère d'un droit incorporel de jouissance ne pouvant faire l'objet que d'un amortissement financier selon le mode linéaire.
- Cas où les travaux aboutissent à la création d'installations s'incorporant à l'immeuble et ne pouvant être retirés sans détérioration. Dans une telle situation, de même que dans celle qui précède, le bailleur acquiert nécessairement la propriété des aménagements au fur et à mesure de leur réalisation ; le locataire peut alors pratiquer, selon le mode linéaire, l'amortissement financier du droit de jouissance qu'il détient sur la durée normale d'utilisation de chaque élément.
Le calcul des annuités d'amortissement déductibles doit uniformément être opéré en fonction de la durée normale d'utilisation des biens, même si celle-ci est supérieure à la durée du bail.
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Le retour des installations transférées en fin de bail entraîne les conséquences ci-après :
- en cas de retour gratuit, la valeur résiduelle des installations transmises par le locataire au propriétaire du sol est normalement déductible des produits d'exploitation du locataire. Toutefois, l'Administration peut s'opposer à une telle imputation s'il apparaît que l'exécution de la clause constitue de la part du preneur un acte de gestion anormale. Il en va ainsi en particulier s'il s'avère que le coût des constructions transférées gratuitement est disproportionné par rapport à la valeur des services effectivement rendus sous forme de mise à la disposition des sols pendant la durée du bail, ou s'il existe une étroite communauté d'intérêts entre le bailleur et le preneur ;
- en cas de retour contre indemnité, l'opération s'analyse en une cession d'éléments d'actif immobilisé ; l'Administration est fondée à rectifier la prise en compte chez le locataire de la moins-value à court terme pouvant découler du transfert, s'il apparaît que l'indemnité convenue entre le bailleur et le locataire est sans rapport avec l'avantage réel accordé au propriétaire des sols.
Dans l'hypothèse d'installations implantées sur le domaine public maritime en vertu d'une permission d'occupation de quinze ans révocable à tout moment, le prix de revient total desdites installations constitue un élément d'actif amortissable sur la période restant à courir à compter de la mise en service (CE, arrêt du 25 mars 1983, req. n°s 18298 et 29365).