REC – Sûretés et garanties du recouvrement - Hypothèques fluviales
L'hypothèque fluviale, comparable sur de nombreux points à l'hypothèque maritime, n'est susceptible de grever que les bateaux de navigation intérieure, c'est-à-dire ceux qui pratiquent la navigation sur les fleuves, rivières, canaux et lacs.
Elle est organisée par les articles L 4122-1 à L 4122-10 du code des transports et par les articles 97 et suivants de code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure.
I. Nature de l'hypothèque fluviale
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Aux termes de l'article L 4122-1 du code des transports tout bateau immatriculé est susceptible d'hypothèque. Les bateaux ne peuvent être hypothéqués que par la convention des parties.
L'hypothèque fluviale étant conventionnelle, la possibilité d'inscrire l'hypothèque légale du Trésor sur un bateau s'en trouve exclue.
II. Assiette de l'hypothèque fluviale
A. Biens susceptibles d'être hypothéqués
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Seuls certains bateaux soumis à l'immatriculation obligatoire sont susceptibles d'hypothèque.
Tout bateau de marchandises, d'un port en lourd égal ou supérieur à vingt tonnes ou tout autre bateau dont le déplacement égale ou excède dix mètres cubes, circulant en France, doit être immatriculé par son propriétaire. Il ne peut faire l'objet de plusieurs immatriculations simultanées (article L 4111-1 du code des transports).
L'hypothèque s'étend à tous les objets qui, sans faire partie intégrante du bateau, lui sont attachés à demeure par leur destination, à l'exception de ceux qui n'appartiennent pas au propriétaire du bateau (C. des transports, art. L 4122-2). Elle garantit également trois années d'intérêts en plus de ceux de l'année courante (C. des transports, art. L 4122-7).
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De même l'hypothèque fluviale peut être consentie sur un bateau en construction. Mais, dans ce cas, l'hypothèque doit être précédée d'une déclaration à l'autorité compétente visée à l'article L 4111-4 (C. des transports, art. L 4122-1). Cette déclaration indique les caractéristiques principales du bateau en construction ainsi que les lieu et date de la mise en chantier.
B. Transformation de l'assiette de l'hypothèque
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Les dispositions de la loi du 19 février 1889, relatives à la subrogation légale de l'indemnité d'assurance au bateau, sont applicables en faveur des créanciers hypothécaires (C. des transports, art. L 4122-9).
Par ailleurs, dans l'hypothèse où un bateau serait détruit par faits de guerre, il appartiendrait au directeur de l'office national de la navigation de transférer, sur le bateau de remplacement, l'hypothèque fluviale constituée sur le bateau détruit.
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En vue de garantir les créanciers bénéficiant d'une hypothèque fluviale, l'article L 4143-1 du code des transports édicte que tout fait tendant à détourner frauduleusement un bateau grevé d'hypothèque régulièrement inscrite est puni des peines prévues aux articles 314-1 et 314-10 du code pénal.
III. Inscription de l'hypothèque fluviale
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L'hypothèque est, à peine de nullité, constituée par écrit.
La constitution d'hypothèque doit résulter d'un acte, authentique ou sous seing privé.
Tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou autres droits réels sur un bateau défini à l'article L4111-1 du code des transports, est rendu public par une inscription faite à la requête de l'acquéreur ou du créancier, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation. Il n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette inscription (C. des transports, art. L 4121-2)
L'inscription hypothécaire est opérée sur présentation au greffe du tribunal de commerce de l'un des originaux du titre constitutif d'hypothèque, qui y reste en dépôt s'il est rédigé sous seing privé ou reçu en brevet ; s'il en existe une minute, c'est une expédition qui reste déposée au greffe.
Le tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation est seul compétent pour procéder à l'inscription de l'hypothèque.
L'inscription, faite à la requête du créancier ou de l'acquéreur, est portée sur un registre spécial tenu au greffe dudit tribunal.
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Le requérant joint au titre constitutif de l'hypothèque deux bordereaux, signés par lui, qui contiennent :
- les noms, prénoms, professions, domiciles et nationalités du créancier et du débiteur ;
- la date et la nature du titre ;
- le montant de la créance exprimée dans le titre ;
- les conventions relatives aux intérêts et aux remboursements ;
- le nom et la désignation du bateau, la date et le numéro de l'immatriculation ou de la déclaration visée ci-dessus n° 20 ;
- l'élection de domicile par le créancier dans la localité où siège le Tribunal de commerce.
L'inscription hypothécaire reprend les mentions du contenu des bordereaux.
Si le titre constitutif d'hypothèque est un acte authentique, le greffier du tribunal de commerce en remet l'expédition au requérant, ainsi que l'un des bordereaux au bas duquel il est certifié que l'inscription requise a été faite.
En cas de transfert d'immatriculation, le greffe du tribunal de commerce assure le transfert des inscriptions, s'il en existe, avec leurs dates respectives, sur le registre spécial du greffe du tribunal compétent pour le nouveau bureau d'immatriculation. En outre il est tenu de délivrer, à tous ceux qui le demandent, l'état des inscriptions hypothécaires subsistant sur le bateau ou un certificat qu'il n'en existe aucune (C. des transports, art. L 4121-4).
IV. Rang des hypothèques fluviales entre elles
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Le rang des hypothèques fluviales est déterminé par l'ordre de priorité des dates d'inscriptions. Celles d'entre elles inscrites le même jour viennent en concurrence sans tenir compte de leur heure d'inscription (C. des transports, art. L 4122-6).
Les hypothèques consenties à l'étranger n'ont d'effet à l'égard des tiers (notamment des autres créanciers), comme celles consenties en France, que du jour de leur inscription sur le registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu d'immatriculation (C. des transports, art. L 4122-4).
V. Effets de l'hypothèque fluviale
Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus n° 10 l'hypothèque consentie garantit trois années d'intérêts en sus de l'année courante dans le cas où ceux-ci sont prévus au contrat constitutif d'hypothèque et au même titre que le principal de la créance. Elle ne produit ses effets qu'autant qu'elle est inscrite.
Par ailleurs le créancier, outre le droit de préférence déterminé en fonction des inscriptions, bénéficie d'un droit de suite.
A. Droit de préférence
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Les hypothèques sur les bateaux de navigation intérieure, à l'instar des hypothèques maritimes, sont primées par certains privilèges spécifiques au droit fluvial de l'article L 4122-16 du code des transports.
Ces privilèges, qui s'exercent avant tous autres, sont :
- en cas de saisie, les frais de conservation postérieurs ;
- les créances résultant du contrat d'engagement du conducteur, des membres d'équipage et des autres personnes engagées par le propriétaire ou le conducteur pour le service du bord et pour une durée de six mois au plus, s'agissant des traitements, salaires ou autres rémunérations analogues ;
-les rémunérations dues pour sauvetage et assistance, ainsi que la contribution du bateau aux avaries communes ;
- les indemnités dues pour dommages causés par abordage ou autre accident de navigation à des navires ou bateaux, à des personnes ou biens autres que les personnes ou biens se trouvant à bord du bateau, y compris les dommages causés aux ouvrages et installations des ports et du domaine public fluvial, à condition que les faits constitutifs de ces créances soient antérieurs à l'inscription de l'hypothèque.
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En revanche les privilèges mobiliers prévus aux articles 2331, 2332 et 2332-1 à 2332-3 du code civil ne prennent rang avant les hypothèques fluviales que lorsqu'ils concernent une créance née de faits antérieurs à l'inscription de l'hypothèque et si, de plus, le créancier privilégié a, avant cette inscription, pratiqué une saisie conservatoire sur le bateau ou est en possession de ce dernier (C. des transports, art. L 4122-15).
On notera qu'il pourrait être soutenu, en l'absence de dispositions législatives contraires, que les privilèges fiscaux s'exercent dans tous les cas avant les hypothèques fluviales ; toutefois, afin de ne pas gêner le financement de la construction des bateaux, l'Administration n'entend se prévaloir de son rang préférentiel par rapport à celui des créanciers hypothécaires que lorsque son privilège a pris naissance antérieurement à l'inscription d'hypothèque.
B. Droit de suite
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Les créanciers hypothécaires sur un bateau le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés, suivant l'ordre de leurs inscriptions et après les créanciers privilégiés au titre de l'article L4122-16 (C. des transports, art L4122-8).
Le droit de suite du créancier bénéficiant d'une hypothèque fluviale s'exerce au moyen de la procédure de saisie, qui fait l'objet des développements ci-avant (cf.BOI-REC-FORCE-50-20).
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Si la procédure de saisie est engagée, la vente du bateau en constitue l'aboutissement normal.
Toutefois l'acquéreur d'un bateau hypothéqué, pour se garantir des poursuites inhérentes à cette sûreté réelle, peut avoir recours à sa purge.
A cet effet il est tenu, dans le délai de quinze jours de la dénonciation de la saisie (et même avant la poursuite s'il le désire), de notifier à tous les créanciers inscrits sur le registre du greffe du tribunal de commerce, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions :
- un extrait de son titre limité à la date et la nature de celui-ci, aux nom, numéro d'immatriculation, espèce et tonnage du bateau, ainsi qu'aux charges incluses dans le prix ;
- un tableau sur trois colonnes, la première contenant la date des inscriptions, la seconde le nom des créanciers et la troisième le montant des créances inscrites ;
- la déclaration d'engagement d'acquitter sur le champ les dettes hypothécaires jusqu'à concurrence de leur prix, sans distinction des dettes exigibles ou non ;
- l'indication du lieu d'amarrage permanent du bateau jusqu'à l'expiration du délai dont disposent les créanciers pour requérir la mise aux enchères et, si dernière est requise, jusqu'à l'adjudication qui s'ensuivra (la modification du lieu d'amarrage indiqué entraîne la nullité de la notification) ;
- constitution d'un avocat près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le bateau.
Dans le cas de déplacement momentané du bateau pour cause de force majeure ou en exécution d'un ordre administratif, les délais donnés aux créanciers pour requérir la mise aux enchères ou, si cette mise aux enchères est requise, jusqu'à l'adjudication, cessent de courir pendant que le bateau se trouve hors du lieu indiqué dans la notification faite aux créanciers.
S'il l'estime utile, tout créancier inscrit peut requérir la mise aux enchères du bateau en offrant de porter le prix à un dixième en sus et de donner caution pour le paiement du prix et des charges. Cette réquisition doit être signée du créancier, signifiée à l'acquéreur dans les dix jours de la notification effectuée par ce dernier et contenir assignation devant le tribunal de grande instance du lieu où se trouve le bateau pour voir ordonner qu'il sera procédé aux enchères requises.
La vente aux enchères a alors lieu à la diligence soit du créancier, soit de l'acquéreur, dans les conditions indiquées précédemment (cf. BOI-REC-FORCE-50-20).
VI. Transmission, péremption et radiation de l'hypothèque fluviale
A. Transmission
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L'hypothèque fluviale peut se transmettre suivant les mêmes modalités que les autres hypothèques. Elle peut notamment se transmettre, lorsque le titre constitutif de la sûreté est à ordre, par voie d'endossement (C. des transports, art. L 4122-3, al.2).
B. Péremption
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L'inscription opérée au greffe du Tribunal de commerce conserve l'hypothèque pendant dix ans à compter du jour de sa date. Au terme de ce délai et à défaut de renouvellement avant son expiration, ses effets cessent immédiatement (C. des transports, art. L 4122-5).
C. Radiation
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Les inscriptions hypothécaires peuvent être radiées, soit par consentement des parties intéressées ayant capacité à cet effet, soit en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée (C. des transports, art. L 4122-10).
La radiation volontaire, totale ou partielle, ne peut être opérée que par dépôt d'un acte de consentement à la radiation, donné par le créancier ou son concessionnaire justifiant de ses droits.
L'acte constitutif d'hypothèque, s'il est sous seing privé ou si, sous la forme authentique, il a été reçu en brevet, est communiqué au greffe du Tribunal de commerce qui, séance tenante, y fait mention de la radiation requise.
En revanche, si l'acte constitutif d'hypothèque ne peut être représenté ou s'il n'est pas rédigé « à ordre », la déclaration en est faite par les deux parties dans l'acte de mainlevée.