TVA - Champ d'application et territorialité - Opérations imposables par disposition expresse de la loi - Opérations réalisées par les personnes morales de droit public - Principes généraux
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Les activités hors du champ d'application de la TVA ayant un coefficient d'assujettissement égal à zéro en application du II de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts (CGI), il convient de distinguer les activités des personnes morales de droit public qui ne sont pas placées dans le champ d'application de la taxe, de celles qui sont exonérées ou imposées.
L'activité hors du champ d'application de la TVA, au sens de l'article 256 B du CGI, doit répondre à deux critères :
- elle doit être exercée par une personne morale de droit public ;
- elle doit être accomplie par cette personne en tant qu'autorité publique.
I. Notion de personnes morales de droit public
A. Généralités
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Les personnes morales de droit public concernées sont essentiellement :
- les administrations de l'État, au niveau central ;
- les collectivités territoriales (départements, communes, régions) et leurs groupements ;
- les établissements publics de l'État, y compris ceux ayant un caractère industriel ou commercial ;
- les établissements publics locaux ;
- les groupements constitués exclusivement entre des personnes morales de droit public, dès lors qu'ils assurent des missions de service public et fonctionnent avec la participation et sous le contrôle d'autorité publique et dont le financement est assuré en quasi-totalité par des fonds publics (subventions).
B. Précisions sur les établissements publics locaux
Deux catégories d'établissements peuvent être distinguées.
1. Établissements de coopération entre collectivités territoriales
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Ces établissements sont prévus par la cinquième partie du code général des collectivités territoriales (CGCT) relative à la coopération locale. Il s'agit notamment des organismes suivants :
- établissements de coopération intercommunale (CGCT, art. L. 5210-1-1 A) ;
- institutions ou organismes interdépartementaux (CGCT, art. L. 5421-1) ;
- ententes interrégionales (CGCT, art. L. 5621-1) ;
- syndicats mixtes (CGCT, art. L. 5721-2).
2. Établissements dépendant d'une collectivité territoriale
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Il s'agit notamment :
- des offices publics de l'habitat (code de la construction et de l'habitation, art. L. 422-1) ;
- des offices de tourisme (code du tourisme, art. L. 133-1) ;
- des services départementaux d'incendie et de secours (CGCT, art. L. 1424-1).
II. Activités accomplies en tant qu'autorité publique
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Les activités exercées en tant qu'autorité publique sont celles qu'accomplissent les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés (CJCE, 17 octobre 1989, aff. 231/87 et 129/88, communes de Carpaneto, Piacentino et de Rivergaro).
Ce sont donc les modalités d'exercice des activités qui permettent de déterminer la portée du non-assujettissement de ces organismes et non l'objet ou le but de leur activité.
Ce non-assujettissement peut donc concerner des activités économiques.
Il importe peu, par ailleurs, qu'à l'occasion de ces activités ou opérations, il soit perçu des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Pour apprécier si une activité exercée par une personne morale de droit public est placée ou non dans le champ d'application de la TVA il convient de déterminer parmi les trois catégories suivantes, celle dont relève l'activité en cause.
A. Activités exercées en vertu d'un pouvoir de souveraineté ou d'intérêt général
1. Activités exercées en vertu de prérogatives de puissance publique
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Il s'agit des tâches administratives fondamentales et obligatoires que l'État et les autres collectivités publiques exercent en vertu de leurs prérogatives de puissance publique (défense nationale, gendarmerie, éducation nationale, police, sécurité publique, justice, diplomatie, santé publique, état civil, recouvrement de l'impôt, etc.).
Les recettes perçues par les personnes morales de droit public dans le cadre de l'exercice de ces prérogatives de puissance publique sont hors du champ de la taxe et ne sont donc pas imposables.
Tel est le cas notamment :
- des impôts et taxes locaux ;
- des droits perçus en contrepartie du stationnement sur les voies publiques affectées à la circulation.
2. Activités exercées en tant qu'autorité publique
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Il s'agit des activités qui, bien que ne relevant pas de l'exercice de la souveraineté et n'impliquant pas l'exercice de pouvoirs coercitifs, sont exercées en tant qu'autorité publique par les personnes morales de droit public.
Tel est le cas des péages perçus en contrepartie de l'exploitation d'ouvrages de circulation routière.
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Sont notamment concernées les activités suivantes, qui peuvent toutefois être imposées par détermination expresse de la loi ou par exercice du droit d'option prévu à l'article 260 A du CGI :
- fourniture de l'eau ;
- assainissement ;
- abattoirs publics ;
- enlèvement et traitement des ordures ménagères ;
- marchés d'intérêt national.
B. Activités expressément imposées
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L'imposition de certaines activités des personnes morales de droit public est expressément prévue par la loi.
Ces activités désignées à l'article 256 B du CGI sont les suivantes :
- livraisons de biens neufs fabriqués en vue de la vente ;
- distribution de gaz, d'électricité et d'énergie thermique ;
- opérations des économats et établissements similaires ;
- transports de biens, à l'exception de ceux effectués par La Poste ;
- transports de personnes (y compris l'exploitation de remonte-pentes) ;
- opérations des organismes d'intervention agricole portant sur les produits agricoles et effectuées en application des règlements portant organisation commune du marché de ces produits ;
- organisation d'expositions à caractère commercial ;
- prestations de services portuaires et aéroportuaires ;
- entreposage de biens meubles ;
- organisation de voyages et de séjours touristiques ;
- diffusion ou redistribution de programmes de radiodiffusion ou de télévision ;
- télécommunications ;
- fourniture d'eau dans les communes d'au moins 3 000 habitants ou par les établissements publics de coopération intercommunale dont le champ d'action s'exerce sur un territoire d'au moins 3 000 habitants.
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Cette liste n'est pas limitative. Les activités économiques qui ne relèvent pas des services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs des organismes de droit public mais, notamment, de certains de leurs services à caractère industriel et commercial, sont soumises de plein droit à la TVA.
Il s'agit en particulier des opérations suivantes : location de locaux aménagés, location d'emplacements de stationnement (à l'exception des locations d'emplacement sur la voie publique, se reporter au BOI-TVA-CHAMP-10-10-30 au IV-B-2 § 190), exploitation de bars et buvettes, travaux d'études et de recherches, opérations agricoles lorsque la moyenne des recettes calculée sur deux années civiles consécutives excède le montant fixé par le 5° du II de l'article 298 bis du CGI.
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Par ailleurs, lorsqu'une collectivité territoriale confie l'exploitation d'un service à un tiers, la mise à disposition à titre onéreux des investissements que la collectivité a réalisés est constitutive d'une activité économique imposable. Par conséquent, la redevance d'affermage qui lui est versée par son délégataire en contrepartie de cette mise à disposition est soumise à la TVA.
A cet égard, il est rappelé que le lien direct entre un service et sa rémunération peut être établi sans pour autant que la rémunération corresponde à la valeur économique du service (BOI-TVA-CHAMP-10-10-10 au II-B § 90 et suivants). Néanmoins, lorsque la mise à disposition des investissements est effectuée contre une rémunération dont le niveau apparaît dérisoire ou symbolique, l'opération ne présente pas un caractère onéreux et la mise à disposition est alors considérée comme fournie à titre gratuit.
Sont visés, les contrats d'affermage par lesquels la collectivité, qui a financé les investissements nécessaires à la réalisation du service, en confie l'exploitation à un délégataire qui perçoit, pour son propre compte, les recettes sur les usagers du service.
Ainsi, alors même que le contrat serait qualifié de délégation de service public au motif que la rémunération du délégataire serait substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation du service en application des critères dégagés par la jurisprudence du Conseil d’État (arrêt du 30 juin 1999 n°198147 « Syndicat mixte du traitement des ordures ménagères du Centre-Ouest Seine et Marnais »), les contrats par lesquels le délégataire perçoit la rémunération sur l'usager au nom et pour le compte de la collectivité à laquelle il la reverse ne sont pas concernés.
En effet, dans cette hypothèse qui peut notamment correspondre à des contrats de régie intéressée, la collectivité reste l'exploitante du service et seule redevable à ce titre, lorsqu'il y a lieu, de la TVA. Le délégataire est alors considéré, pour l'application de la TVA, comme un prestataire de services de la collectivité dont la rémunération est soumise à la TVA.
Ne sont également pas visés les contrats de concession dans lesquels le concessionnaire a la charge de financer et réaliser les investissements nécessaires à la réalisation du service.
Ces règles s'appliquent à compter du 1er janvier 2014.
Pour les contrats en cours au 1er janvier 2014, dès lors que la TVA facturée par la collectivité sera déductible par son délégataire, les parties pourront réputer hors taxe le montant de la redevance initialement prévu par la convention, de sorte que l'équilibre économique du contrat ne sera pas remis en cause. Pour ces mêmes contrats, il est également admis que les collectivités puissent écarter l'assujettissement à la TVA, alors même que les conditions d'une mise à disposition des investissements moyennant une rémunération sont réunies, auquel cas, elles appliqueront alors les règles décrites au BOI-TVA-DED-40-30 au II § 100 et suivants.
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La redevance d'affermage peut, d'un point de vue contractuel, prendre plusieurs formes ou dénomination et notamment celle d'une « surtaxe » perçue sur l'usager par le délégataire et reversée à la collectivité délégante.
Dans ce type de situation, cette redevance constitue un élément du prix du service délivré par le délégataire à l'usager, qui fait partie intégrante de la base d'imposition du délégataire y compris lorsqu'elle fait l'objet d'une mention distincte sur la facture qu'il adresse à l'usager. Elle constitue également la rémunération du service de mise à disposition à titre onéreux des investissements, fourni au délégataire par le délégant, au moment où elle lui est reversée.
Ce dernier service, qui doit donner lieu à une facturation de la part de la collectivité, est soumis au taux normal de la TVA. La taxe ainsi facturée est, par hypothèse, déductible par le délégataire dès lors qu'elle correspond nécessairement à une dépense engagée pour les besoins de la réalisation du service fourni aux usagers.
Pour les hypothèses dans lesquelles le délégataire ne paierait pas de redevance en contrepartie de la mise à disposition des investissements de la collectivité, se reporter au BOI-TVA-DED-40-30 au II § 100 et suivants.
C. Activités des services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs dont le non-assujettissement est susceptible d'entraîner des distorsions dans les conditions de la concurrence
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La notion de concurrence à laquelle il convient de se référer pour savoir si un organisme de droit public est ou non assujetti à la TVA s'apprécie dans un cadre qui peut dépasser les limites territoriales de la circonscription dans laquelle s'exerce son activité. Il convient donc, suivant les cas, de situer au plan communal, départemental, ou même national, le domaine concurrentiel. Celui-ci peut, en effet, varier en fonction du champ d'action géographique de l'organisme concerné, de l'étendue du marché ou de la clientèle vers laquelle son activité est orientée.
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Le caractère concurrentiel de l'activité d'un organisme public ne peut être établi que par rapport à la même activité ou une activité semblable au titre de laquelle les entreprises privées sont soumises à la taxe. Il s'ensuit que l'organisme de droit public exerçant la même activité qu'un organisme de droit privé exonéré ne doit pas être recherché en paiement de la TVA.
Les services à caractère social exploités par les régies communales ou départementales, qui, en vertu de l'article L. 2221-9 du CGCT, sont exclus du nombre des régies à caractère industriel et commercial visées aux articles L. 2221-1 et suivants du CGCT ne sont pas, en principe, susceptibles d'entrer en concurrence avec les activités du secteur privé (régies d'hygiène ou d'assistance).
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À titre de règle pratique, il convient de considérer que sont plus particulièrement susceptibles d'entrer en concurrence avec le secteur privé, les services publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales qui peuvent être concédés à des entreprises privées.
Lorsqu'une personne morale de droit public est considérée comme assujettie, soit parce qu'elle exerce des activités qui sont obligatoirement soumises à la taxe, soit parce qu'elle se trouve en concurrence avec des entreprises privées, les opérations qu'elle effectue ne donnent effectivement lieu au paiement de la TVA que si elles ne bénéficient pas d'une exonération de caractère général.
Sauf circonstances particulières qui ne peuvent être appréciées que cas par cas, les activités des services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs des personnes morales de droit public également susceptibles d'être effectuées par des opérateurs privés peuvent être réparties en trois catégories.
1. Activités pour lesquelles la non-concurrence doit être présumée et qui sont alors placées hors du champ d'application de la TVA
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Il s'agit des activités suivantes :
- les opérations étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale. Sont notamment visées les activités fournies dans les maisons de retraite et les foyers logements, dès lors qu'en raison de leur mode de fonctionnement et de leur caractère social très marqué, le non-assujettissement de ces établissements n'est pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence, ainsi que l'exploitation des campings municipaux lorsqu'elle procure à la commune moins de 15 245 € de recettes annuelles ;
- l'hospitalisation, les soins médicaux ainsi que les activités qui leur sont étroitement liées ;
- les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à la protection de l'enfance et de la jeunesse (centres de loisirs, centres de vacances) ;
- les prestations sportives et culturelles. Sont concernés les droits d'entrée perçus au titre de l'exploitation d'une piscine, d'une patinoire, d'une bibliothèque, de musées, de monuments historiques, ainsi que les droits d'entrée perçus au titre de l'organisation d'expositions d'intérêt local et les recettes afférentes aux activités d'enseignement musical ou artistique ;
- les prestations télématiques effectuées dans le cadre d'une mission de service public (ex. : service télématique d'information municipale).
2. Activités pour lesquelles la concurrence doit être présumée et qui sont alors situées dans le champ d'application de la TVA
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Il s'agit des activités qui, par leur nature, leur étendue ou la clientèle à laquelle elles s'adressent et les moyens mis en œuvre (publicité, tarifs pratiqués) sont en concurrence directe avec des entreprises commerciales qui proposent des services similaires.
Exemple : Tel est le cas des recettes afférentes à l'exploitation d'un golf, d'un parc zoologique ou botanique, d'un parc d'attraction, d'une salle de spectacle ou de cinéma, d'établissements thermaux ou de thalassothérapie et d'organisation de spectacles de son et lumière ou de festival (musique, théâtre).
RES n° 2005-37 (TVA) du 6 septembre 2005
Organisation de spectacles par des personnes morales de droit public.
Question :
L’exploitation en régie de spectacles par des collectivités publiques peut-elle être considérée comme une activité située en dehors du champ d’application de la TVA sur le fondement du caractère non concurrentiel d’une telle activité au sens des dispositions de l’article 256 B du code général des impôts ?
Réponse :
L’article 256 B du code général des impôts dispose que les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non assujettissement n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence.
La notion de concurrence à laquelle il convient de se référer pour savoir si un organisme de droit public est ou non assujetti à la TVA s’apprécie dans un cadre qui peut dépasser les limites territoriales de la circonscription administrative. Le domaine concurrentiel peut, en effet, varier en fonction du champ d’action géographique de l’organisme concerné, de l’étendue du marché ou de la clientèle vers laquelle son activité est orientée.
Le caractère concurrentiel de l’activité d’un organisme public ne peut être établi que par rapport à la même activité ou une activité semblable au titre de laquelle les entreprises privées sont soumises à la TVA.
Conformément à la réglementation en vigueur, l’exploitation d’une salle de spectacles par une personne morale de droit public est une activité pour laquelle la concurrence doit être présumée et qui est alors, en principe, située dans le champ d’application de la TVA.
3. Autres activités
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Le régime de TVA applicable aux autres activités des personnes morales de droit public doit être apprécié au cas par cas compte tenu de la possibilité ou non pour le secteur privé de satisfaire les besoins concernés.
Lorsqu'une activité exercée par une personne morale de droit public n'est pas située hors du champ d'application de la TVA au regard des critères énoncés au II-C § 100 à 140, elle est nécessairement située dans le champ d'application de la taxe, c'est-à-dire soit taxée soit exonérée.
Par exemple, les établissements publics d'enseignement et les crèches publiques sont assujettis à la TVA mais peuvent être exonérés en application du a du 4° du 4 de l'article 261 du CGI ou du 8° bis du 4 de l'article 261 du CGI.
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Il convient en outre de souligner que les services de l'État doivent également acquitter la TVA lorsqu'ils réalisent des travaux d'études, de recherches, ou de conseils pour le compte de tiers, et notamment les collectivités locales. En effet, leur non-assujettissement entraînerait des distorsions de concurrence au détriment des bureaux d'études privés normalement soumis à l'impôt.
Il en est par exemple ainsi de certains concours techniques permanents (activités de gestion et de conseil technique pour les chambres de commerce et d'industrie) et occasionnels (missions de maîtrise d'œuvre pour le compte des collectivités territoriales, d'établissements publics, de sociétés ou de particuliers) apportés par les services extérieurs de l'État.
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L'imposition obligatoire de certaines catégories d'opérations et, notamment, des livraisons de biens neufs fabriqués en vue de la vente rend un certain nombre de services de l'État redevables de la TVA (manufactures nationales par exemple). En vertu du principe de concurrence, il en va de même par exemple des études effectuées par les services extérieurs de l'État pour le compte des collectivités locales ou des particuliers.