CF - Prescription du droit de reprise de l'administration - Effets, interruption et suspension de la prescription et exceptions aux règles générales
I. Effets de la prescription
A. Principes
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La prescription a pour effet d'éteindre l'obligation du contribuable par le seul écoulement du délai et équivaut, lorsqu'elle est acquise, au paiement de l'impôt.
Elle n'opère pas, cependant, de plein droit et doit être invoquée en justice par le débiteur, l'article 2247 du code civil (C. civ) interdisant aux juges de soulever d'office le moyen résultant de la prescription.
Mais elle peut être invoquée à tout moment de la procédure contentieuse, même pour la première fois en appel, à moins que les circonstances ne fassent présumer que le contribuable qui l'oppose avait antérieurement renoncé à s'en prévaloir (C. civ., art. 2248).
Toutefois, le moyen tiré de la prescription étant mélangé de fait et de droit, ne peut pas être soumis à la Cour de cassation s'il n'a pas été antérieurement invoqué devant les juges du fond.
La prescription s'applique à la partie de l'impôt encore due. Les acomptes versés à valoir sur des droits ultérieurement atteints par la prescription ne sont pas restituables.
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Si les droits prescrits ne doivent pas être réclamés, le paiement spontané des droits simples prescrits, effectué en exécution d'une obligation naturelle, doit toutefois être accepté. Par contre, le paiement des pénalités prescrites doit être refusé.
B. Renonciation à la prescription
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Les contribuables ne peuvent pas renoncer d'avance à la prescription, mais peuvent renoncer à la prescription acquise (C. civ., art. 2250). Cette renonciation peut être expresse ou tacite (C. civ., art. 2251).
Le paiement spontané de droits simples prescrits constitue une renonciation tacite. Toute demande de restitution ultérieure concernant les droits ainsi acquittés est irrecevable, le contribuable ayant exécuté volontairement une obligation naturelle, que la prescription laissait subsister (C. civ., art. 1235).
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Par contre, l'action en restitution du contribuable est recevable lorsque les droits simples prescrits ont été versés à la demande expresse de l'administration, l'exécution, dans ce cas, n'ayant pas été volontaire.
De même, sont restituables les pénalités acquittées après l'échéance de la prescription, volontairement ou non, car il n'y a pas d'obligation naturelle à leur paiement.
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La renonciation ne produit d'effet qu'à l'égard du contribuable qui a renoncé. Elle ne peut être invoquée à l'encontre de ses codébiteurs ou de ses cautions.
II. Exceptions aux règles générales de la prescription
A. Déchéance du bénéfice d'avantages fiscaux résultant d'un agrément administratif ou d'une convention passée avec l'État
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Aux termes du 1 de l'article 1649 nonies A du code général des impôts (CGI), lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies les contribuables sont déchus du bénéfice des avantages fiscaux attachés à l'agrément. Les effets de la déchéance peuvent toutefois, être limités, par décision ministérielle, à une fraction des avantages obtenus du fait de l'agrément.
Le 2 de l'article 1649 nonies A du CGI précité édicte la même déchéance lorsque les bénéficiaires d'avantages fiscaux accordés du fait d'un agrément administratif ou d'une convention passée avec l'État se rendent coupables d'une infraction fiscale reconnue frauduleuse par une décision judiciaire ayant autorité de chose jugée.
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Dans les deux cas, les impôts dont les contribuables ont été dispensés, soit depuis la date de l'agrément, soit depuis celle de l'infraction, deviennent immédiatement exigibles nonobstant toutes dispositions contraires.
Sur le délai de prescription applicable, le Conseil d’État fait application des dispositions de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales (LPF) :
En ce sens : CE, arrêt du 4 avril 2012, n° 326760, ECLI:FR:CESSR:2012:326760.20120404.
Sur les conséquences de la déchéance de l'agrément, il convient de se reporter au III § 300 BOI-SJ-AGR-10.
B. Compensations opposées par l'administration aux contribuables dans le cas de réclamations contentieuses
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Aux termes de l'article L. 203 du LPF, lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande (BOI-CTX-DG-20-40).
C. Prorogation des délais de reprise
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Le délai général de reprise peut être prorogé dans les cas :
- d'agissements frauduleux.(LPF, art. L. 187 ; BOI-CF-PGR-10-50) ;
- de recours à l'assistance administrative internationale (LPF, art. L. 188 A ; BOI-CF-PGR-10-60) ;
- de lutte contre la fraude fiscale par le biais des paradis fiscaux (LPF, art. L. 169, al. 4 ; BOI-CF-PGR-10-50) ;
- de flagrance fiscale (LPF, art. L. 169, al. 5 ; BOI-CF-PGR-10-70) ;
- d'activités occultes (LPF, art. L. 169, al. 2 et 3 ; BOI-CF-PGR-10-70) ;
- de dépôt de plainte pour fraude fiscale (LPF, art. L. 188 B ; BOI-CF-PGR-10-50).
III. Interruption de la prescription du droit de reprise de l'administration
A. Modes d'interruption de la prescription
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Aux termes de l'article L. 189 du LPF, la prescription est interrompue :
- par la notification d'une proposition de rectification ;
- par des déclarations ou notifications de procès-verbaux ;
- par tous actes comportant reconnaissance des redevables ;
- ou par tous autres actes interruptifs de droit commun.
Pour les règles particulières concernant la prescription des pénalités fiscales, il convient de se reporter au BOI-CF-PGR-10-80.
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Par ailleurs, les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (LPF, art. L. 274)
Les autres actes interruptifs du droit commun sont ceux visés à l'article 2241 du code civil et à l'article 2244 du code civil, c'est-à-dire la citation en justice, le commandement et la saisie.
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Seuls seront examinés ci-après les modes d'interruption de prescription du droit de reprise de l'administration, à l'exclusion des actes de poursuites, tels que le commandement et la saisie qui n'ont d'effet interruptif qu'à l'égard de la prescription de l'action en recouvrement des comptables des finances publiques (BOI-REC-EVTS-30).
1. Proposition de rectification
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Une proposition de rectification peut être adressée, par pli recommandé avec avis de réception, au contribuable dans les cas suivants :
- soit, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire (BOI-CF-IOR-10) ;
- soit, lorsque le service a procédé à la taxation ou à l'évaluation d'office des bases d'imposition (BOI-CF-IOR-50).
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La proposition de rectification fait, en principe, courir une prescription semblable à celle qu'elle a pour effet d'interrompre.
Il a été cependant jugé, à plusieurs reprises, qu'une proposition de rectification faite dans les délais a pour effet d'ouvrir à l'administration un nouveau délai dont la durée est régie par les textes en vigueur lors de son point de départ, c'est-à-dire dans leur rédaction applicable au moment où est intervenue la proposition de rectification (CE, arrêts des 5 octobre 1973, n° 83169, 4 juin 1975 n° 92483 et 28 novembre 1979, n° 10150).
Il a été également jugé que, dans le cas où le service a adressé au contribuable, dans le délai de répétition, plusieurs propositions de rectification se rapportant à la même période d'imposition, l'administration dispose, pour mettre en recouvrement l'imposition afférente à ces rehaussements, d'un délai courant à compter de la dernière proposition, alors même que certains rehaussements n'ont pas été mentionnés à nouveau dans les actes interruptifs successifs (CE, arrêt du 28 novembre 1979, n° 10150).
En revanche, la prescription n'est interrompue :
- ni par l'envoi d'une lettre postérieure confirmant les rectifications précédemment notifiées ;
- ni par la notification au contribuable de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de la commission départementale de conciliation, de la commission nationale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, ou du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche.
De fait, pour que la prescription soit interrompue, la proposition de rectification ne doit pas être entachée d'irrégularité et doit parvenir à son destinataire dans le délai de reprise.
Par ailleurs, la prescription demeure interrompue même en cas de changement ultérieur des motifs du rehaussement.
a. La proposition de rectification ne doit pas être entachée d'irrégularité
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Pour que la prescription soit interrompue, la proposition de rectification doit être conforme aux conditions légales de validité (BOI-CF-IOR-10-30 et BOI-CF-IOR-10-40).
À cet égard, elle doit, notamment, satisfaire aux exigences posées par l'article L. 57 du LPF qui dispose qu'une proposition de rectification doit être motivée de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
Ainsi, une proposition de rectification adressée dans le cadre de la procédure contradictoire n'est interruptive de la prescription que si, non seulement elle désigne l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition mais aussi si elle énonce les motifs des rehaussements envisagés (CE, arrêts des 19 mars 1984, n° 44402 et 4 décembre 1985, n° 41123).
Il en est de même pour les propositions de rectification opérées, à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable dans le cadre de la taxation d'office prévue par l'article L. 69 du LPF en cas de défaut de réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications.
En effet, contrairement aux autres cas de procédures d'office, les rehaussements effectués sur la base de ce texte ne peuvent pas être seulement portés à la connaissance du contribuable pour qu'il en soit simplement informé ; ils doivent lui être notifiés de façon motivée afin de lui permettre d'exprimer son accord ou de présenter des observations et, le cas échéant, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
En cas d’imposition d'office prévue à l’article L. 76 du LPF, les bases ou éléments servant au calcul des impositions et leurs modalités de détermination doivent être portées à la connaissance du contribuable 30 jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions.
b. La proposition de rectification doit parvenir à son destinataire en temps opportun
1° Principes généraux
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Pour pouvoir se prévaloir des effets attachés à une proposition de rectification, dont l'interruption de la prescription, l'administration doit être en mesure d'apporter la preuve de l'envoi du pli recommandé avec avis de réception à l'adresse indiquée par le contribuable ainsi que sa réception par le destinataire (CE, arrêt du 23 février 1987, n° 56362).
En cas de contestation, l'administration est tenue de présenter, devant le juge de l'impôt, l'avis de réception postal, dûment daté et signé, qui fait foi de l'adresse à laquelle le pli a été envoyé, de la date de remise de la lettre (CE, 7 novembre 1986, n° 56167) et de la qualité du destinataire (CE, arrêts du 29 juin 1981, n° 26228 et 13 novembre 1998, n° 164143) [voir également BOI-CF-IOR-10-30-II-B § 60].
160
L'interruption de la prescription prend effet :
- le jour de la remise du pli recommandé ;
- à la date de la présentation à domicile (avis d'instance BOI-CF-IOR-10-30 au II-B § 60) de ce pli, lorsque la distribution ne peut avoir lieu du fait du destinataire.
Lorsque la proposition de rectification est remise directement au contribuable, qui en accuse réception sur le double conservé par le service, la prescription est interrompue à cette date (CE, arrêt du 1er décembre 1982, n° 27387).
2° Sur le destinataire
170
La proposition de rectification doit être adressée au contribuable lui-même ou à la personne désignée par lui à cet effet et à l'adresse indiquée par lui.
En principe, l'avis de réception doit donc être signé par le contribuable lui-même -ou son représentant légal s'il s'agit d'une personne morale - ou, à défaut par son fondé de pouvoir.
Toutefois, le Conseil d'État admet, sous certaines conditions, la régularité d'une proposition de rectification dont l'avis de réception n'est pas signé par le contribuable lui-même ou par son fondé de pouvoir, mais par un tiers qui n'a pas cette qualité juridique (BOI-CF-IOR-10-30 au III-A § 190).
3° Sur le temps opportun
180
Pour interrompre le délai de prescription, la proposition de rectification doit parvenir au contribuable au plus tard le 31 décembre de la dernière année de ce délai.
Ainsi, s'agissant du délai général de reprise prévu au premier alinéa de l'article L. 169 du LPF, au premier alinéa de l'article L. 176 du LPF et au premier alinéa de l'article L. 180 du LPF, la proposition de rectification n'est interruptive de prescription que si elle est reçue par le contribuable avant le 31 décembre de la troisième année qui suit celle :
- au titre de laquelle l'imposition est due (LPF, art. L. 169, al. 1) ;
- au cours de laquelle la taxe est devenue exigible (LPF, art. L. 176, al. 1) ;
- au cours de laquelle l'exigibilité des droits a suffisamment été révélée (LPF, art. L. 180).
190
À cet égard, le délai de prescription a été considéré comme valablement interrompu dans les espèces suivantes :
- lorsqu'une lettre recommandée portant proposition de rectification a été adressée au contribuable, avant l'expiration du délai de répétition, mais n'a pu être remise à son destinataire par l'administration des postes qui a laissé au domicile de celui-ci une note l'avisant que le pli était à sa disposition au bureau de poste ; l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que, se trouvant en voyage, il n'a pu retirer ladite lettre que quelques jours après, à une date où le délai de répétition était expiré, dès lors qu'il n'avait pas pris les mesures utiles pour que son courrier lui fût transmis (CE, arrêt du 5 novembre 1971, n° 77470). Dans le même sens : CE, arrêt du 29 juin 1988, n° 61551 et CE, arrêts du 23 juin 2000, n° 185477 et n° 185478 ;
- lorsqu'une proposition de rectification a été envoyée par pli recommandé à l'adresse figurant dans la déclaration souscrite par le contribuable et est parvenue à cette adresse avant l'expiration du délai de reprise bien que, le contribuable ayant entre-temps changé d'adresse sans en avertir le service, le pli ne l'ait pas atteint et ait été retourné à l'expéditeur (CE, arrêt du 5 octobre 1973, n° 83169). Dans le même sens : CE, arrêt du 27 mai 1988, n° 79834.
Ont été pareillement regardées comme interruptives de prescription :
- une proposition de rectification envoyée au contribuable par pli recommandé lorsque l'avis de mise en instance lui a été délivré avant l'expiration du délai de reprise, et ce bien que l'intéressé n'ait été en mesure de retirer le pli au bureau de poste qu'après expiration de ce délai (CE, arrêt du 19 janvier 1983, n° 33831) ;
- une proposition de rectification, présentée au siège social d'une entreprise et réexpédiée ensuite, sur indication d'une employée de la société, à l'adresse de la gérante, quel que soit le signataire de l'avis de réception du pli réexpédié (CE, arrêt du 2 juillet 1990, n° 44340).
À l'inverse, l'administration n'apporte pas la preuve de l'interruption de la prescription lorsqu'elle ne justifie pas, notamment par la production d'un avis de passage du service des postes, qu'une proposition de rectification datée du 29 décembre est bien parvenue au contribuable le 31 au plus tard (CE, arrêt du 26 juillet 1985, n° 40103).
Jugé également que n'interrompt pas la prescription, la proposition de rectification comportant une adresse partiellement inexacte et renvoyée au service des impôts, dès lors qu'il ne résulte pas avec certitude de l'instruction qu'elle a été effectivement présentée au domicile du contribuable avant l'expiration du délai de prescription (CE, arrêt du 13 mai 1992, n° 82759).
200
Pour éviter l'irrégularité de la proposition de rectification, il conviendra, lorsqu'une lettre recommandée sera retournée au service expéditeur sans que l'enveloppe fasse mention de la date de la présentation à domicile ou de celle de l'avis d'instance (cf. III-A-1-b-1° § 150), soit de réclamer au service des postes une attestation répondant aux conditions fixées par le Conseil d'État, soit de renouveler la notification.
c. Changement ultérieur des motifs contenus dans une proposition de rectification
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La proposition de rectification n'interrompt la prescription que dans la limite du montant des rehaussements notifiés (CE, arrêts des 27 avril 1960, n° 47013, RO, p. 64 ; 17 mai 1982, nos 19338 et 19339 ; 20 mai 1985, n° 45829 et n° 45700).
220
Par ailleurs, l'effet interruptif de la prescription qui découle d'une proposition de rectification est indépendant des motifs qui justifient ce rehaussement.
Par suite, lorsque ayant reconnu l'inexactitude de ces motifs, l'administration procède, après l'expiration du délai normal de reprise, à une nouvelle proposition de rectification des mêmes rehaussements en invoquant un autre fondement, ce changement de motifs ne prive pas la première proposition de l'effet interruptif de prescription qui lui est attaché (CE, arrêts des 19 mars 1975 n° 89867 et 28 février 1983, n° 28794 et 29 avril 1986, n° 44758).
D'autre part, l'interruption de prescription reste acquise même dans le cas où, après avoir mis en recouvrement l'imposition correspondant au rehaussement notifié, l'administration en accorde ultérieurement d'office la décharge, ; elle est alors en droit de procéder, dans la limite dudit rehaussement, à une nouvelle imposition jusqu'à l'expiration du délai de reprise qui a recommencé à courir à compter de la proposition de rectification (CE, arrêts des 20 octobre 1982, nos 31759 et 31760 et 15 mai 1985, n° 37889).
d. Changement ultérieur des éléments de la base imposable
230
La circonstance que, dans une proposition de rectification ultérieure, l'administration substitue un nouvel élément de base imposable à celui visé par la première, ne prive pas celle-ci de son effet interruptif de prescription dès lors que les bases ont été limitées aux montants initialement notifiés (CE, arrêt du 12 juin 1992, n° 72194).
2. Déclarations ou notifications de procès-verbaux
240
Les notifications de procès-verbaux n'interrompent la prescription que dans la limite du montant des droits fraudés ou compromis dont l'omission est constatée et à l'égard des seuls impôts et taxes qui y figurent (CE, arrêt du 22 mars 1961, req. n° 47860).
3. Actes comportant reconnaissance des redevables
a. Principes
250
Alors que les propositions de rectification et les procès-verbaux n'interrompent que la prescription de l'action en reprise de l'administration, les actes comportant reconnaissance par les contribuables de leur dette envers le Trésor, actes qui peuvent intervenir aussi bien avant qu'après l'émission des rôles et avis de mise en recouvrement, sont susceptibles d'interrompre tous les délais de prescription, qu'il s'agisse de ceux de l'action en reprise ou de ceux de l'action en recouvrement.
La reconnaissance peut être expresse ou tacite. Expresse, elle peut être donnée sous une forme quelconque, dans une simple lettre missive ou déclaration tardive par exemple ; tacite, elle résulte de tout acte du débiteur impliquant sans équivoque son aveu de la créance de l'administration (versement d'un acompte, demande de délais de paiement, pétition en remise de pénalités, demande de transaction, offre ou constitution de garanties, etc.).
Mais, dans tous les cas, la reconnaissance n'a d'effet interruptif qu'à l'égard des créances que le débiteur désigne sans ambiguïté, ni réserve. Il importe, en particulier, que le versement d'un acompte soit accompagné d'une déclaration du redevable précisant la ou les créances auxquelles il entend affecter cet acompte. Il a été jugé, cependant, que le versement des droits simples interrompait la prescription de l'action de l'administration à l'égard des pénalités dues en sus desdits droits, dûment acquittés (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 67556).
D'une manière générale, chaque fois que le document remis au service, le versement, la demande de délais, etc., est assorti de réserves, il y aura lieu, pour éviter toute contestation éventuelle quant à la régularité de la procédure d'imposition, d'envoyer une proposition de rectification.
Il est rappelé, d'autre part, que les actes de reconnaissance et, notamment, les acomptes, n'interrompent la prescription que s'ils sont effectués par le débiteur lui-même, son représentant ou son mandataire.
On soulignera enfin que l'acceptation par le contribuable de tout ou partie des rehaussements inclus dans une proposition de rectification irrégulière ne constitue pas un « acte comportant reconnaissance » au sens de l'article L. 189 du LPF (CE, arrêts du 17 février 1988 n° 56129 et n° 56130 ; BOI-CF-IOR-10-40 au III § 240).
b. Cas particulier de l'inscription d'une dette de TVA au bilan
260
Pour l'application de l'article L. 189 du LPF, le Conseil d'État a jugé que l'interruption de la prescription par une reconnaissance de dette ne peut résulter que d'un acte ou d'une démarche par lesquels le redevable se réfère clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l'identité du créancier.
Par suite, en l'absence de tout autre acte du redevable ayant cet objet, ne peut constituer une reconnaissance de dette interruptive de prescription, la seule inscription au passif du bilan du premier exercice non prescrit :
- d'une somme qui figure sous la rubrique « Dette de taxe sur la valeur ajoutée due à l'État ». Cette inscription, si elle détermine le montant de la créance et son bénéficiaire, ne permet pas de définir son objet avec une précision suffisante (CE, arrêt du 8 juin 1990, n° 76775) ;
- d'une somme inscrite en « Frais à payer » et sous la rubrique « État - TVA due » alors que l'inscription ne correspond pas elle-même au montant en litige (CE, arrêt du 8 juin 1990, n° 72156).
Cette jurisprudence n'exclut pas dans tous les cas qu'une inscription au passif du bilan d'une dette de TVA puisse être considérée comme valant reconnaissance de dette interruptive de prescription.
Elle limite seulement la possibilité d'invoquer l'interruption de prescription aux cas où, compte tenu des circonstances de fait, l'administration peut apporter suffisamment de précisions sur la nature de la dette de TVA.
Pour motiver le rehaussement, le service doit s'attacher à identifier sans ambiguïté l'origine de la taxe due (minorations de recettes, déductions pratiquées à tort, etc.) ainsi que son fondement légal (TVA due au titre du régime de droit commun, TVA due en matière immobilière en application de l'article 257 du CGI, etc.).
Lorsque le rappel de TVA n'est pas possible, il convient d'en tirer les conséquences pour la détermination du résultat.
La dette de TVA doit être réintégrée en tant qu'élément non exigible du passif dans les bases imposables de l'exercice au cours duquel intervient la prescription de la TVA ou, si cet exercice est lui-même atteint par la prescription, au titre du premier exercice non prescrit, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État sur l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit (CE, arrêt du 14 novembre 1990, n° 67001).
4. Citation en justice
270
Toute demande en justice tendant à faire reconnaître le droit de celui contre lequel on prescrit a un effet interruptif, même si cette demande est faite devant un juge incompétent.
La prescription courant contre l'action en reprise de l'administration n'est qu'exceptionnellement susceptible d'être interrompue par ce moyen.
Il en sera ainsi dans le cas de citation directe des contribuables passibles des amendes fiscales de caractère répressif qui doivent être prononcées, soit par le tribunal administratif ou le tribunal de grande instance pour refus de communication (CGI, art. 1734), soit par le tribunal correctionnel pour opposition à fonctions (CGI, art. 1746, 1) ou contravention à la réglementation des récépissés de consignation (CGI, art. 1788).
Peuvent également interrompre la prescription, des conclusions reconventionnelles présentées par le directeur, en cours d'instance, conformément à l'article R*. 200-15 du LPF, et tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision qu'il a prise sur la réclamation du contribuable.
5. Notification d'un avis de mise en recouvrement
280
L'avis de mise en recouvrement est l'acte administratif d'authentification de la créance fiscale pour les impôts autres que ceux visés à l'article 1730 du CGI et dont le recouvrement est assuré par les comptables de la Direction générale des finances publiques.
Il est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, il peut également être signifié par ministère d'huissier si le recours à la voie postale est impraticable ou aléatoire. Sa notification, dès l'instant qu'elle a été faite régulièrement, est interruptive de prescription pour le montant des droits et pénalités qui y sont mentionnés. Toutefois, l'interruption n'est pas limitée au montant de l'impôt qui y est consigné lorsque, à défaut de déclaration permettant la liquidation des droits, et la taxation d'office n'étant pas autorisée, l'avis de mise en recouvrement a été décerné pour une somme arbitrée provisoirement avec la réserve : « sauf à augmenter ou à diminuer suivant la déclaration à souscrire ».
Enfin, dans le cas de notification par la voie postale, la prescription est interrompue dès l'instant où cette notification est censée avoir été réalisée.
À cet égard, les dispositions de l'article R*. 256-6 du LPF et de l'article R*. 256-7 du LPF prévoient qu'un avis de mise en recouvrement est réputé notifié :
- le jour de la remise du pli recommandé renfermant l'ampliation ou l'extrait de l'avis ;
- à la date de la présentation à domicile de ce pli, lorsque la distribution ne peut avoir lieu du fait du redevable.
B. Effets de l'interruption
290
L'interruption a pour effet d'annuler la prescription commencée et de faire courir, à compter de l'acte interruptif, une prescription nouvelle de même nature et de même durée ou du moins calculée de la même manière, que celle à laquelle elle se substitue (cf. III-A-1 § 120).
Le délai général de reprise prévu au premier alinéa de l'article L. 169 du LPF, au premier alinéa de l'article L. 176 du LPF et au premier alinéa de l'article L. 180 du LPF étant fixé à trois ans, une proposition de rectification adressée au contribuable, le 15 juillet N, a pour effet d'interrompre la prescription à l'égard d'une imposition établie en matière d'impôt sur le revenu au titre de N-3 et d'ouvrir un nouveau délai de prescription venant à terme le 31 décembre N+3. L'imposition supplémentaire établie à raison des rehaussements ainsi notifiés devra donc faire l'objet d'un rôle mis en recouvrement au plus tard le 31 décembre N+3.
300
Lorsque l'acte interruptif est une demande en justice ou un avis de mise en recouvrement, ses conséquences sont différentes.
Il est de règle, en effet, que l'interruption de la prescription par une demande en justice prolonge son effet pendant toute la durée de l'instance, le temps couru sur l'ancienne prescription étant effacé, mais la nouvelle prescription ne prenant cours qu'après la solution de l'instance (Cass. civ., 7 octobre 1953, B. civ. n° 291, III, p. 205).
Quant à la notification d'un avis de mise en recouvrement, elle a pour effet d'interrompre la prescription courant contre l'administration et d'y substituer la prescription quadriennale.
La notification de ce titre exécutoire représente la dernière phase de l'action en reprise de l'administration pour les droits qui y sont mentionnés et donne ouverture à une action nouvelle, l'action de recouvrement des comptables de la Direction générale des finances publiques qui se prescrit par quatre ans (LPF, art. L. 274).
310
L'interruption de la prescription à l'égard de l'un des débiteurs solidaires vaut également à l'encontre des autres (C. civ., art. 2245).
De même, l'interruption de la prescription à l'égard du principal obligé a effet à l'égard de sa caution (C. civ., art. 2246) ; inversement, il est admis que la prescription interrompue à l'égard d'une caution solidaire l'est également à l'égard du débiteur principal.
IV. Suspension de la prescription
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Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la convention européenne 90/436/CEE du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices des entreprises associées, le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes, sauf si les bénéfices ou revenus rectifiés ont bénéficié d'un régime fiscal privilégié dans l'autre État ou territoire au sens de l'article 238 A du CGI (LPF, art. L. 189 A, abrogé au 1er janvier 2014).
Remarque : L'article L. 189 A du LPF demeure néanmoins applicable aux procédures amiables ouvertes avant le 1er janvier 2014.