REC – Sûretés et garanties du recouvrement – Mesures conservatoires sur le fonds de commerce- Publicité de la vente amiable et de l'apport en société d'un fonds de commerce
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L'information des créanciers du commerçant est assurée par des mesures de publicité particulières obligatoires en cas de cession du fonds de commerce, ou d'apport du fonds de commerce à une société.
A la diligence de l'acquéreur, toute vente ou cession de fonds de commerce, sauf si elle intervient en application de l'article L642-5 du code de commerce, est publiée, dans la quinzaine de sa date, sous forme d'extrait ou d'avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans l'arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité et, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
Les créanciers du cédant sont informés de la cession du fonds de commerce par une démarche de l'acquéreur ou de la société bénéficiaire de l'apport.
L'acquéreur qui n'a pas fait les publications dans les formes prescrites n'est pas libéré à l'égard des tiers (article L141-17 du code de commerce). En cas de défaut de publication, il y a lieu de considérer que les délais n'ayant pas couru, les créanciers conservent indéfiniment le droit de faire opposition et de réclamer un second paiement.
La publicité par voie de publication dans les journaux d'annonces légales doit faire référence à l'enregistrement préalable de la vente.
Il convient tout d'abord de déterminer le champ d'application de la publicité de la vente amiable du fonds de commerce et celui de l'apport d'un fonds de commerce avant d'en préciser les modalités.
I. I .L'obligation de publication d'une vente amiable et de l'apport en société du fonds de commerce
A. La vente amiable d'un fonds de commerce
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Le système institué par les articles L141-12 à L141-20 du code de commerce s'applique à toute vente ou cession d'un fonds de commerce consentie même sous condition ou sous la forme d'un autre contrat, ainsi qu'à toute attribution du fonds par partage ou licitation.
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Les mesures de publicité prescrites par les articles L141-12 et suivants du code de commerce doivent être obligatoirement respectées lorsque la cession ou le partage porte sur un fonds de commerce, c'est-à-dire sur une universalité comprenant des éléments corporels et des éléments incorporels parmi lesquels figure la clientèle sans laquelle un fonds ne saurait exister.
La doctrine et la jurisprudence s'accordent pour reconnaître que la clientèle est l'élément essentiel du fonds de commerce et que l'existence ou l'absence de la clientèle conditionne l'existence de la cession du fonds (Cass, com. 6 février 1973, n° 71-14076) et donc l'obligation de soumettre l'acte à la formalité de publication.
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Une vente portant sur un élément isolé du fonds de commerce autre que la clientèle n'est pas soumise à publicité.
Ainsi, la vente isolée d'un élément, tel que le droit au bail ou le matériel, ne peut être considérée comme emportant la vente du fonds en son entier que s'il résulte des circonstances de l'affaire que la clientèle est implicitement cédée avec cet élément. Dans ce cas, le paiement est inopposable aux tiers à défaut de formalité de publicité.
Doivent aussi être assimilées à des ventes en bloc du fonds, la cession de la licence de débit de boissons avec la clientèle.
Des ventes séparées, et quelquefois échelonnées, à un même acquéreur des différents éléments composant le fonds constituent a fortiori une cession portant sur tous les éléments composant ce fonds.
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Par ailleurs, l'article L 141-12 du code de commerce ne s'applique pas, sauf dissimulation, aux cas de cession de la majorité des parts d'une société exploitant un fonds de commerce (Cass. com. 22 janvier 1974, n° 72-14113).
De même, il a été jugé que la cession de toutes les parts d'une société à responsabilité limitée à un tiers est pleinement valable comme portant seulement sur des parts sociales et non pas sur un fonds de commerce dès lors que, d'une part, la réunion de toutes les parts ou actions en une seule main n'entraîne plus de plein droit la dissolution de la société, et que, d'autre part, il n'est pas établi que, dans l'esprit des parties, l'acte litigieux ait dissimulé la vente du fonds sous la forme d'une cession de parts (Cass. com. 4 janvier 1971, n° 69-14504).
En revanche, la publicité est nécessaire lorsque la cession des parts ou des actions d'une société dissimule la vente d'un fonds de commerce (Cass. com. 29 novembre 1971, n° 69-10863).
L'existence de la dissimulation de la vente de fonds de commerce relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com. 22 janvier 1974, n° 72-14113, précité).
B. L'apport en société d'un fonds de commerce
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L'apport en société d'un fonds de commerce est le fait, pour le propriétaire de ce fonds, d'en transférer la propriété à une société. L'apport peut être à titre onéreux, pur et simple ou mixte.
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L'apport est à titre onéreux si, en échange de son fonds, le propriétaire reçoit une somme d'argent ou lorsque la société prend en charge son passif. Dans ce cas, il n'y a pas véritablement apport en société mais vente du fonds et les règles énoncées ci-dessus demeurent applicables.
L'apport est pur et simple si l'apporteur ne reçoit en représentation du fonds que les droits sociaux. Dans ce cas, en l'absence d'un prix à distribuer, le régime de l'opposition ne peut être utilisé. Aussi un dispositif particulier de protection des créanciers de l'apporteur est-il prévu par les articles L141-21 et L141-22 du code de commerce.
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Ce dispositif consiste à informer les créanciers grâce à des mesures de publicité analogues à celles organisées pour la vente du fonds et à leur permettre de se faire connaître de la société bénéficiaire de l'apport ou de ses associés au moyen d'une déclaration de créance au greffe du tribunal de commerce. Cette déclaration a pour effet de rendre la société bénéficiaire de l'apport responsable du passif ainsi déclaré à moins que ses associés obtiennent en justice l'annulation soit de l'apport, soit de la société elle-même si celle-ci est en voie de constitution.
Les articles L141-21 et L141-22 du code de commerce ne faisant aucune distinction, cette règle s'applique à tous les apports quelle que soit la forme de la société bénéficiaire.
Toutefois, selon l'article L141-21 du code de commerce, ce dispositif n'est pas applicable aux opérations de fusion ou de scission soumises aux dispositions du 4ème alinéa de l'article L236-2 du code de commerce et des articles L236-7 à L236-22 du code de commerce.
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L'apport est mixte lorsqu'il est rémunéré, partie en espèces et partie en droits sociaux. Il y a lieu , dans un tel cas, d'appliquer les règles de la vente et celles de l'apport.
Cependant, il a été jugé qu'en vertu des dispositions des articles L141-12 à L141-17 du code de commerce dont le champ d'application ne s'étend pas aux apports et de celles des articles L141-21 et L141-22 du code de commerce qui vise «tout apport de fonds» et a une portée générale, il n'y a plus lieu de distinguer entre l'apport pur et simple et l'apport mixte. Ainsi, dans les deux cas, les créanciers non inscrits de l'apporteur doivent se faire connaître par voie de déclaration (Cour d'appel d'Orléans 29 juin 1954).
Par mesure de précaution, il convient, en cas d'apport mixte, d'appliquer à la fois les règles de la vente et celles de l'apport, lorsque l'opération a fait l'objet d'une publication dans les conditions visées ci- dessus, distincte de celle prévue par la publicité de l'apport pur et simple.
II. Les modalités de publicité
A. Les modalités de publicité de la vente amiable
1. Les formes de la publicité et le contenu des publications
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Elles sont prévues par les articles L141-12, L141-13 et L141-14 du code de commerce.
La publicité est obligatoire aux conditions de l'article L141-12 du code de commerce, sauf le cas du plan de cession prononcé par jugement du tribunal de commerce en vertu de l'article L642-5 du code de commerce, en matière de liquidation judiciaire.
La publicité prend la forme de publications dans des journaux d'annonces légales après que l'acte contenant mutation de propriété a été soumis à la formalité de l'enregistrement..
En vertu de l'article R141-1 du code de commerce, la publication au bulletin officiel d'annonces civiles et commerciales (BODACC) doit contenir les indications mentionnées à l'article R123-211 du code de commerce.
a. Les formes de la publicité
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La vente d'un fonds de commerce doit être publiée, sous forme d'extrait ou d'avis, successivement dans deux publications : un journal d'annonces légales, et au bulletin officiel d'annonces civiles et commerciales (BODACC) (article L141-12 du code de commerce) :
- l'insertion dans un journal d'annonces légales de l'arrondissement ou du département doit être faite dans la quinzaine du jour de la vente ;
- la publication au Bulletin Officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) doit également avoir lieu dans les quinze jours de la vente.
L'article R123-211 du code de commerce précise les indications qui doivent figurer dans les avis.
La publication de l'extrait ou de l'avis doit être, à peine de nullité, précédée soit de l'enregistrement de l'acte contenant mutation, soit, à défaut d'acte, de la déclaration prescrite par les articles 638 et 653 du code général des impôts (CGI) (article L 141-13 du code de commerce).
b. Le contenu de la publication
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La transmission de propriété d'un fonds de commerce doit être enregistrée au service des impôts des entreprises territorialement compétent dans le délai d'un mois à compter de sa date (article L141-13 du code de commerce et 5°du 2 de l'article 635 du CGI).
Les publications dans les journaux d'annonces légales doivent indiquer les références de cet enregistrement et l'indication du service des impôts des entreprises où a eu lieu la formalité.
A défaut d'enregistrement, ou même à défaut de mention dans les publications de cet enregistrement, la publicité est nulle. La vente reste toutefois valable.
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Le contenu de l'insertion doit rapporter, à peine de nullité, les dates, volume et numéro de la perception des droits d'enregistrement et l'indication du bureau où ont eu lieu ces opérations. L'extrait ou avis faisant l'objet de l'insertion énonce en outre (article L141-13 du code de commerce) :
- la date de l'acte ;
- les noms, prénoms et domiciles de l'ancien et du nouveau propriétaire ;
- la nature et le siège du fonds ;
- le prix stipulé, y compris les charges, ou l'évaluation ayant servi de base à la perception des droits d'enregistrement ;
- l'indication du délai fixé pour les oppositions ;
- une élection de domicile dans le ressort du tribunal.
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Aux termes de l'article R141-1 du code de commerce, la publication au BODACC contient les indications mentionnées à l'article R123-211 du code de commerce :
- le nom de l'ancien propriétaire et les références de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
- en ce qui concerne le nouveau propriétaire, les indications exigées aux articles R123-156 et suivants du code de commerce;
- le prix stipulé, y compris les charges ou l'évaluation ayant servi de base à la perception des droits d'enregistrement ;
- le titre du journal habilité à recevoir les annonces légales dans lequel la première insertion a été effectuée ainsi que la date de cette insertion ;
- une élection de domicile dans le ressort du tribunal où est situé l'établissement.
2. La sanction du défaut de publication ou de l'omission d'une insertion
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L'article L141-17 du code de commerce prévoit que l'acquéreur qui n'a pas fait, dans les formes prescrites, les publications ne sera pas libéré à l'égard des tiers.
Dès lors, en cas de défaut de publication, il y a lieu de considérer que les délais n'ayant pas couru, les créanciers conservent indéfiniment le droit de faire opposition et de réclamer un second paiement.
L'indisponibilité qui frappe le prix peut être invoquée par tous les créanciers du vendeur et elle se prolonge aussi longtemps que la vente n'a pas été publiée. Tout paiement, même partiel, du prix est inopposable à ces créanciers s'il intervient avant la publication de la vente, sans que l'acquéreur puisse d'ailleurs, pour se soustraire à cette sanction, faire valoir qu'il n'a reçu aucune opposition préalable de ces créanciers, puisque, à défaut de publicité, le délai des oppositions n'a pas commencé à courir (cf. Cass. com. 1er juin 1981, n° 79-14101).
Le fait que la vente n'ait pas été publiée n'est toutefois pas une cause de nullité, la seule sanction consistant dans la non-libération de l'acquéreur à l'égard des tiers s'il paye son vendeur sans avoir accompli les formalités.
S'agissant des irrégularités de forme de la publication, il a été jugé qu'en l'absence, dans l'avis de cession, de l'indication du délai légal de dix jours, l'opposition d'un des créanciers du vendeur au paiement du prix, ne peut, du seul fait qu'elle est formée hors de ce délai, être déclarée irrecevable (Cass. com. 16 janvier 1996, n° 92-19697).
B. Les modalités de publicité de l'apport de fonds de commerce
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Tout apport de fonds de commerce doit être publié, à la diligence de la société preneuse dans les conditions visées ci-dessus, mais, l'élection de domicile est remplacée par l'indication du greffe du tribunal de commerce où les créanciers de l'apporteur doivent faire leur déclaration de créance.
Ces mesures de publicité doivent être respectées scrupuleusement et en cas d'irrégularité, les mêmes conséquences que celles qui ont été examinées à propos de la vente s'appliquent.
Ainsi, en cas de publicité tardive, le délai imparti aux créanciers pour faire leur déclaration ne commence à courir que du jour de cette publication.
En cas d'omission ou de nullité des publications, le délai des déclarations de créances ne court pas et les créanciers peuvent, indéfiniment, procéder à cette déclaration.
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De même, lorsqu'en vertu des articles L141-21 et L141-22 du code de commerce, il est procédé à la publication de l'acte créant une société dans le même numéro d'un journal d'annonces légales que celui où un apport de fonds de commerce à ladite société est aussi publié, la création de la société, d'une part, l'apport fait à celle-ci, d'autre part, doivent faire l'objet non pas d'une mais de deux insertions distinctes, la seconde pouvant se limiter dans cette hypothèse et en ce qui concerne les informations communes aux deux publications, à une simple référence au premier avis. Si la publication n'est pas régulière, le délai de dix jours pour la déclaration de créances ne court pas. Une déclaration peut donc valablement être faite passé ce délai (Cass. com. 11 février 1969).