REC - Sûretés et garanties du recouvrement - Hypothèque légale du Trésor - Extinction réduction et contentieux
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Le terme juridique « extinction » signifie la perte d'un droit venu à expiration. Le libellé du 1° de l’article 2488 du code civil (C. civ.), en débutant l'énumération des causes d'extinction de l'hypothèque par l'extinction de l'obligation principale, souligne la dualité de la créance et du droit conféré par l'hypothèque prise pour garantir cette créance.
En effet, selon la définition de l'article 2393 du C. civ., l'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation (BOI-REC-GAR-10-20-10-10).
L’hypothèque légale du Trésor procède d'une part de la disposition légale l'instituant et du titre de créance, d'autre part de la procédure d'inscription par son titulaire. Étant « de sa nature, indivisible », elle subsiste en entier sur tous et chacun des immeubles affectés. Dès lors, l'extinction de l'obligation à l'égard de l'administration fiscale n'entraîne l'extinction de l'hypothèque légale du Trésor qu'à la condition de porter sur la totalité de la créance.
Lorsque l'extinction est totale, elle donne lieu à radiation, sinon elle peut donner lieu à réduction.
La radiation est l'opération consistant à supprimer l'inscription hypothécaire au moyen d'une mention en marge, à la diligence du service de la publicité foncière. La réduction est l'allégement de la charge hypothécaire par voie de restriction des inscriptions, soit par un cantonnement aux immeubles suffisants, soit par une diminution des sommes garanties.
Les autres motifs d'extinction visés au même texte sont la renonciation du créancier à l’hypothèque, l’accomplissement des formalités et conditions prescrites aux tiers détenteurs pour purger les biens qu’ils ont acquis et la prescription.
Les comptables des Finances publiques sont en effet habilités à accorder mainlevée de l'hypothèque légale du Trésor sans paiement ni dégrèvement préalable, sous leur seule responsabilité, dans la mesure où la radiation de l'inscription est favorable au recouvrement ultérieur de la créance du Trésor.
La purge est un moyen ouvert à l'acquéreur d'un immeuble d'affranchir cet immeuble des hypothèques qui le grèvent, en offrant aux créanciers hypothécaires son prix d'acquisition ou la valeur estimative de l'immeuble.
L'autorité judiciaire est seule compétente pour connaître d'une demande de levée d'une sûreté prise par le Trésor sur un immeuble appartenant au redevable pour garantir le paiement d'une créance fiscale.
I. Radiation suite à l’extinction ou la réduction de la créance
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L’hypothèque, en tant que droit accessoire, s’éteint en même temps que la créance qu’elle garantit. Elle ne s'éteint que si la créance disparaît en totalité. En raison du principe de l'indivisibilité, un paiement partiel laisse subsister l'hypothèque tout entière pour la garantie du surplus.
De l'extinction totale de l'hypothèque peut résulter la radiation de l'inscription, alors que l'extinction partielle entraîne la réduction.
Les dispositions de l'article 2440 du C. civ. à l'article 2445 du C. civ. s'appliquent en matière de radiation et de réduction de l'hypothèque légale du Trésor.
A. Conditions de radiation
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La demande tendant à la radiation d'une hypothèque légale du Trésor inscrite à la requête d'un comptable des Finances publiques intervient à l'initiative :
- du contribuable lorsque l'impôt a été payé (pour la totalité en cas de paiement total ou pour la partie payée en cas de paiement partiel) ;
- du comptable chargé du recouvrement lorsque l'impôt a fait l'objet d'un dégrèvement (pour la partie dégrevée).
La demande, assortie de la mainlevée, est déposée au service de la publicité foncière du lieu de la situation des biens.
Ces dispositions s'appliquent en particulier en cas de dégrèvement partiel, le contribuable intervenant alors pour la partie laissée à sa charge et non soldée et l'administration intervenant pour les créances dont le recouvrement est abandonné.
Remarque : Lorsque l'inscription a été prise pour une durée brève ou qu'elle expire peu de temps après l'apurement de la dette, le comptable peut laisser courir le délai de péremption, sauf si le contribuable exige la radiation de l'inscription.
B. Acte de mainlevée
Donner mainlevée correspond au formalisme par lequel est levé l'obstacle juridique à l'exercice d'un droit. Appliquée à l'hypothèque légale du Trésor, la mainlevée est l'acte qui anéantit ou qui réduit les effets de la sûreté.
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Dans tous les cas, l'accord du comptable est donné en la forme administrative.
L'acte de mainlevée totale ou partielle comprend :
- les références de publication de l'inscription à radier totalement ou partiellement et, le cas échéant, celles de ses éventuels renouvellements ;
- les références du titre de créance et son montant ;
- le motif et l'étendue de la radiation (paiement ou dégrèvement total ou partiel de la créance) ;
- la désignation complète du débiteur.
Il donne décharge de la totalité ou d'une partie de l'inscription hypothécaire en précisant, dans ce dernier cas, la somme acquittée ou dégrevée. En outre, dans l'hypothèse d'une réduction de gage, les immeubles dégrevés par l'acte de mainlevée doivent être désignés individuellement.
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Le comptable chargé du recouvrement est compétent pour signer l'acte. Sa signature est suivie de l'indication de son nom et de l'apposition du cachet comportant le code du poste comptable. Il ne doit fournir les pièces justificatives de ses état, qualité et capacité que si le service de la publicité foncière lui en fait la demande expresse.
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En application des dispositions figurant à l'article 2441 du C. civ., l'acte de mainlevée totale ou partielle est déposé en double exemplaire au service de la publicité foncière du lieu de la situation des biens, par le contribuable ou par le comptable, ainsi qu'il est précisé au I § 1.
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Le service de la publicité foncière appose sur l'un des exemplaires une mention attestant de l'exécution de la formalité. Ce document est ensuite adressé au comptable des Finances publiques concerné.
II. Radiation volontaire des hypothèques
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La mainlevée volontaire avant paiement de la créance garantie, qui équivaut à une renonciation à l'hypothèque (C. civ., art. 2488, 2°) ne peut être donnée, suivant la jurisprudence, que par celui qui a la capacité de disposer de la créance et même de disposer d'un droit réel immobilier.
Les comptables des Finances publiques sont habilités à accorder mainlevée sans paiement ni dégrèvement de l'hypothèque légale du Trésor, sous leur seule responsabilité et à charge pour eux d'en justifier éventuellement devant le juge des comptes. Les services de la publicité foncière n'ont donc pas à subordonner la radiation à la justification des motifs pour lesquels la mainlevée est consentie sans paiement.
L'exercice de cette faculté est bien entendu subordonné à la condition que la radiation de l'inscription ne mette pas en péril le recouvrement ultérieur de la créance du Trésor.
Il est donné mainlevée des hypothèques, sans paiement ni dégrèvement, essentiellement dans le cadre d'une cession amiable de l'immeuble, lorsqu'il apparaît que l'inscription abandonnée ne vient pas en rang utile.
A. Conditions requises
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Le prix de cession de l'immeuble ne doit pas être inférieur au prix qu'il serait possible d'obtenir dans le cadre d'enchères publiques ouvertes à la suite d'une procédure de purge.
Cette première condition consiste à s'assurer que la transaction envisagée garantit aux créanciers et spécialement au Trésor, un produit qui ne pourrait être amélioré par la procédure de purge dont l'économie est ainsi faite.
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Pour les cessions de forme amiable, réalisées par le liquidateur, en vertu de l'article L. 642-1 du code de commerce (C. com.) l'appréciation du niveau du prix, par rapport au produit pouvant être escompté d'une vente aux enchères, est soumise à l'avis du service des domaines.
L'avis du service des domaines est, par ailleurs, nécessaire chaque fois que l'administration ne devrait être désintéressée qu'en partie car, dans cette hypothèse, elle serait la première à bénéficier d'une éventuelle augmentation du prix, à la suite de l'ouverture d'enchères publiques.
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Certaines aliénations sont considérées comme emportant purge : expropriation pour cause d'utilité publique, vente sur saisie immobilière, adjudication sur surenchère, adjudications réalisées par liquidateur dans les formes de l'article L. 644-2 du C. com.. Dans ces procédures, le produit de la cession revêt le caractère de juste prix, et la première condition est considérée comme satisfaite.
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En ce qui concerne les intérêts moratoires, l'article 2432 du C. civ. dispose que le créancier hypothécaire a le droit d'être colloqué, pour trois années seulement, au même rang que pour le principal.
Pour le surplus, il devra requérir ultérieurement une nouvelle hypothèque qui prend rang à compter de sa date d'inscription. Par ailleurs, si le taux des intérêts n'est pas mentionné au bordereau d'inscription, le taux garanti est limité au taux légal (décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pour l'application du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, art. 57).
En ce qui concerne les accessoires de la créance, ils doivent être évalués dans l'inscription et ne peuvent être réglés au rang de celle-ci que pour le montant indiqué.
Enfin, la vente de l'immeuble ne dispense pas le créancier de renouveler éventuellement son inscription hypothécaire jusqu'au paiement ; à défaut, il perdrait son droit préférentiel dans la répartition du prix. De même, s'il y a eu redressement judiciaire du débiteur, le créancier hypothécaire ne peut faire valoir ses droits qu'autant qu'il a déclaré ses créances et a été admis à ce titre.
B. Modalités de la radiation
1. Le Trésor est le seul créancier inscrit
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La déclaration de mainlevée pourra être établie dans les conditions prévues au I § 10 à 60. Il en est de même lorsque le comptable est en concours avec un autre comptable public.
2. Le Trésor est en concours avec des créanciers hypothécaires privés
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Dans ce cas, la participation du comptable concerné à une procédure particulière est requise.
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L'existence de créanciers privés conduit à prévoir la rédaction d'un acte notarié pour permettre la radiation de toutes les hypothèques.
Dès lors, le soin sera laissé à l'officier public et ministériel de rédiger l'acte authentique indispensable constatant les paiements effectués aux premiers créanciers, dont ceux-ci donnent quittance, et les mainlevées amiables des hypothèques consenties par les créanciers qui ne viennent pas en rang utile.
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Cette procédure amiable requiert l'accord de tous les intéressés : saisi ou vendeur (généralement le débiteur), adjudicataire ou acquéreur, et de tous les créanciers inscrits.
Le comptable ne peut donner seul, unilatéralement, la mainlevée de sa sûreté réelle. La participation à cette opération d'ensemble peut seule permettre au comptable, qui aura préalablement vérifié la situation relative de sa créance au vu des pièces déjà réunies, de s'assurer que le prix est réellement réparti dans les conditions prévues en fonction de la réglementation applicable et des droits de chacun et que tous les créanciers ne venant pas en rang utile acceptent, comme lui, de renoncer à leur hypothèque.
En cas de doute sur la portée de l'acte notarié quant au respect des droits du Trésor, le comptable peut différer ou même refuser sa signature.
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Généralement, un acquéreur consigne le prix de vente entre les mains du notaire. Celui-ci propose une répartition pour désintéresser les créanciers inscrits, moyennant mainlevée des inscriptions, ce qui suppose l'accord de tous (BOI-REC-FORCE-70-20). Ce n'est qu'en cas de désaccord qu'il est procédé à la purge des hypothèques (C. civ., art. 2475).
En effet, la procédure de distribution du prix concerne la vente d’un immeuble après procédure d’exécution forcée mais également la vente d’un immeuble en dehors de toute procédure d’exécution, après purge des inscriptions.
Il y a donc une première phase d'accord entre les parties. Si celui-ci est trouvé, il n'est pas nécessaire de rentrer dans la phase « légale » de la procédure de distribution proprement dite qui comprend elle-même une phase de distribution amiable et, le cas échéant, une phase de distribution judiciaire. Dans ce cas d'accord conventionnel, il n'y a pas de purge puisque les créanciers procèdent aux mainlevées et l'acquéreur se trouve propriétaire d'un bien libre d'hypothèque.
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Cette procédure trouve son fondement à l'article 2475 du C. civ. : « lorsque, à l'occasion de la vente d'un immeuble hypothéqué, tous les créanciers inscrits conviennent avec le débiteur que le prix en sera affecté au paiement total ou partiel de leurs créances ou de certaines d'entre elles, ils exercent leur droit de préférence sur le prix et ils peuvent l'opposer à tout cessionnaire comme à tout créancier saisissant de la créance de prix.
Par l'effet de ce paiement, l'immeuble est purgé du droit de suite attaché à l'hypothèque.
À défaut de l'accord prévu au premier alinéa, il est procédé aux formalités de purge conformément aux articles ci-après ». En matière immobilière, la pratique est donc une procédure conventionnelle, la procédure de distribution (amiable ou, le cas échéant, judiciaire) constituant l'exception. En effet, si un créancier refuse (ou si un accord n'a pas été recherché et trouvé), la procédure de purge doit être mise en œuvre puisque le bien reste grevé des hypothèques (C. civ., art. 2477). L'acquéreur peut alors purger le bien des hypothèques en mettant en œuvre les dispositions de l'article 2478 du C. civ. et de l'article 2479 du C. civ..
Si un créancier estime que le prix proposé n'est pas satisfaisant, il peut faire procéder à une vente sur adjudication sur une mise à prix supérieure du dixième au prix proposé (C. civ., art. 2480). Mais dans un tel cas, à défaut d'enchérisseur, il se retrouvera adjudicataire pour un montant supérieur du dixième au prix proposé initialement.
L'ensemble du dispositif de la procédure de purge est détaillé à l'article 2475 et suivants du C. civ..
III. Formalités de purge
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La purge est un moyen ouvert à l'acquéreur d'un immeuble, d'affranchir cet immeuble des hypothèques qui le grèvent, en offrant aux créanciers hypothécaires son prix d'acquisition ou la valeur estimative de l'immeuble et en payant ou consignant la somme offerte, pour prévenir ou arrêter les poursuites auxquelles l’exposerait le droit de suite.
Toutefois, les comptables qui ne trouveraient pas les offres suffisantes ont le droit de requérir la mise aux enchères de l'immeuble en s'engageant à en porter ou à en faire porter le prix à un dixième en sus de la somme proposée par le tiers détenteur.
La purge est ouverte aux acquéreurs à titre onéreux et aux acquéreurs à titre gratuit. Les créanciers ne peuvent purger pour améliorer leur rang hypothécaire, à l’exception des sociétés de crédit foncier.
Toutes les acquisitions peuvent donner lieu à purge, qu'elles soient à titre onéreux ou à titre gratuit.
Cependant, il est des cas où la purge est inutile, voire impossible.
A. Cas pour lesquels la purge ne peut être retenue
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En effet, il existe des cas où l'acquisition elle-même emporte purge de plein droit :
- les expropriations pour cause d'utilité publique. Le droit des créanciers privilégiés et hypothécaires est transporté sur l'indemnité d'expropriation ;
- les ventes sur saisie immobilière ;
- les redressements et liquidations judiciaires ;
- les adjudications sur surenchères, en application de la règle selon laquelle « surenchère sur surenchère ne vaut ».
Pour que la purge soit possible, il faut que le bien grevé puisse être vendu aux enchères.
B. Procédure de purge
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L'acquéreur qui veut purger doit notifier son titre aux créanciers inscrits au plus tard dans le mois de la première sommation (C. civ., art. 2478). Cette notification doit préciser la situation hypothécaire de l'immeuble. Elle fait courir le délai de quarante jours imparti par l'article 2480 du C. civ. au créancier pour faire signifier la réquisition de surenchère à l'acquéreur (BOI-REC-GAR-10-20-10-40 au I-B-2-d-2° § 300 à 320)
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L'article 1281-14 du code de procédure civile prévoit que le créancier qui poursuit la mise aux enchères de l'immeuble en application de l'article 2480 du C. civ. doit obligatoirement constituer avocat.
À défaut de réquisition de surenchère dans le délai de quarante jours, le prix est définitivement fixé à l'égard du créancier, et l'acquéreur de l'immeuble est valablement libéré par le versement de ce prix aux créanciers qui sont en ordre de le recevoir.
IV. Contentieux de la validité et de la radiation de l'hypothèque légale du Trésor
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Si la contestation concerne l'hypothèque, en dehors de tout acte de poursuite, le juge compétent est le tribunal judiciaire.
La contestation est portée directement devant celui-ci.
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Si la contestation de l'hypothèque est soulevée à l'occasion de la contestation de poursuite, il convient de faire application des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales (LPF) et de l'article R*. 281-1 et suivants du LPF, notamment en ce qui concerne le juge compétent.
La contestation de l'hypothèque, dans ce contexte, se rattache à la contestation de la régularité de l'acte de poursuite (CE, décision du 13 juin 1980, n° 10 219 et 11 497).