Date de début de publication du BOI : 26/06/2024
Identifiant juridique : BOI-INT-DG-20-25-20-20

INT - Dispositions communes - Droit conventionnel - Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - Effet des options retenues par la France sur ses conventions fiscales bilatérales - Mesures visant à éviter le contournement artificiel du statut d’établissement stable

Actualité liée : 26/06/2024 : INT - Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - Réorganisation formelle des commentaires

I. Mesures visant à éviter le contournement artificiel du statut d’établissement stable par des accords de commissionnaire et autres stratégies similaires (article 12 de la CML)

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L’article 12 de la de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (PDF - 275 Ko) (CML) insère une mesure relative aux schémas visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable (pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-INT-DG-20-20-10), notamment dans le cadre des accords dits de commissionnaire et autres stratégies similaires.

Il modifie ainsi la définition des agents dépendants et indépendants figurant à l’article « Établissement stable » des conventions fiscales couvertes afin, d’une part, que des arrangements de pure forme ne permettent pas d'écarter la qualification d’« établissement stable » et, d’autre part, que le statut d’agent indépendant ne soit pas reconnu à une personne agissant exclusivement ou quasi-exclusivement pour des entreprises qui lui sont étroitement liées.

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À l’exception du cas où l’autre État formule une réserve, les nouvelles définitions des agents dépendants et indépendants seront insérées dans les conventions fiscales couvertes à la place des définitions existantes notifiées par les deux États contractants.

A. Définition de l’agent dépendant (1 de l’article 12 de la CML)

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Le 1 de l’article 12 de la CML (PDF - 275 Ko) stipule dans quelles conditions une entreprise résidente d’un État est considérée comme ayant un établissement stable dans l’autre État contractant du fait des activités d’une personne y agissant pour son compte, quand bien même elle ne dispose pas dans cet État d’une installation fixe d’affaires.

Les conditions suivantes doivent ainsi être remplies pour que cette nouvelle définition d’agent dépendant soit regardée comme satisfaite et que l’existence d’un établissement stable soit constatée :

  • une personne agit dans un État contractant pour le compte d’une entreprise ;
  • cette personne conclut habituellement des contrats, ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise ;
  • et ces contrats soit sont au nom de l’entreprise, soit prévoient le transfert de la propriété, ou la concession du droit d’utiliser, des biens appartenant à cette entreprise ou des biens que l’entreprise a le droit d’utiliser, soit concernent la prestation de services par cette entreprise.

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Cette nouvelle définition prévoit donc que, pour que l'activité d'une personne dans un État conduise à considérer qu'une entreprise a un établissement stable, celle-ci doit, dans la définition prévue au I-A § 20, excéder une simple activité de promotion ou de publicité.

L’emploi de l’expression « habituellement » suppose que la conclusion de contrats par cette personne, ou de contrats résultant directement des actions de cette personne, ait lieu de manière répétée et pas seulement dans des cas isolés.

Exemple 1 : Une société Xco dont le siège est situé dans un État X, appartenant à un groupe de sociétés liées entre elles, encaisse des sommes payées par des clients professionnels d'un autre État Y, diffuseurs d'annonces publicitaires sur internet. Dans l’hypothèse où cette activité de vente de publicité est réalisée par l’intermédiaire d’une société Yco située dans l’État Y, que la société Yco est placée sous la dépendance de la société Xco et que les salariés de Yco disposent de pouvoirs leur permettant de conclure habituellement des contrats au nom de la société Xco, il peut être considéré que la société Xco a un établissement stable dans l’État Y.

Exemple 2 : Une personne agissant dans un État X sollicite et reçoit, sans les finaliser formellement, des commandes qui sont transmises directement à un entrepôt d'une entreprise située dans un État Y à partir duquel les marchandises appartenant à cette entreprise sont livrées. Si l’entreprise approuve ces transactions de façon routinière, c'est-à-dire qu'elle n’en modifie pas les aspects fondamentaux, la personne remplirait les critères conditionnant la reconnaissance de l’existence d’un agent dépendant de l'État X et permettrait de qualifier l'existence d'un établissement stable de l'entreprise dans cet État.

Exemple 3 : Une personne qui se limite, dans un État X, à promouvoir et à faire le marketing des biens ou des services d’une entreprise située dans un État Y, sans que cette activité n’aboutisse directement à la conclusion de contrats entre les personnes cibles et l’entreprise, ne répondrait pas à la condition de « rôle principal menant à la conclusion de contrats », de sorte que l'entreprise ne serait pas regardée comme ayant un établissement stable dans l'État X.

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Par ailleurs, la qualification d’un commissionnaire comme agent dépendant ne peut être écartée du seul fait que le commissionnaire conclut un contrat avec un tiers en son nom propre, et non au nom du commettant. Une telle situation de représentation indirecte modifie seulement l’étendue de la responsabilité respective des parties à l’égard des tiers, mais est sans incidence sur la qualification du lien entre le commettant et le commissionnaire.

Exemple : Au titre d’un accord de commissionnaire conclu avec une entreprise étrangère et prévoyant que le commissionnaire agit pour le compte de cette entreprise, un commissionnaire conclut en France, en son nom propre, des contrats avec une tierce partie. Ces contrats ne créent pas de droits et d’obligations juridiquement contraignants entre l’entreprise étrangère et les tierces parties, mais l’accord entre le commissionnaire et l’entreprise étrangère est tel que l’entreprise étrangère transfère directement à ces tierces parties la propriété ou l’usage de biens que l’entreprise possède ou a le droit d’utiliser. Les activités ainsi exercées en France par le commissionnaire sont alors couvertes par la définition de l’agent dépendant prévue au 1 de l’article 12 de la CML.

B. Définition de l’agent indépendant (2 de l’article 12 de la CML)

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Les stipulations du 1 de l’article 12 de la CML (PDF - 275 Ko) ne s’appliquent cependant pas en présence d’un agent indépendant.

Cette exclusion posée à la détermination d’un « établissement stable » requiert que la personne agisse comme un intermédiaire indépendant dans le cadre ordinaire de son activité, mais aussi qu’elle n’exerce pas cette activité de manière exclusive ou quasi exclusive pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises auxquelles elle est étroitement liée.

Exemple 1 : Une personne qui exerce des activités commerciales pour le compte d’une seule entreprise (ou d’un groupe d’entreprises étroitement liées entre elles) et qui est soumise à des instructions détaillées de celle-ci ou à un contrôle général par cette entreprise ne peut être considérée comme indépendante de l’entreprise.

Exemple 2 : Un courtier dans le secteur financier, qui exerce diverses activités d’intermédiation en tant qu’agent pour le compte d'entreprises, et parfois pour son propre compte, sera réputé agir en tant qu'agent indépendant dans le cadre ordinaire de ses activités de courtier.

II. Mesures visant à éviter le contournement artificiel du statut d’établissement stable par le recours aux exceptions applicables à certaines activités spécifiques (article 13 de la CML)

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L’article relatif aux établissements stables des conventions fiscales contient généralement une liste d’activités qui constituent des exceptions à la qualification de l'existence d’un établissement stable (II-B-4 § 70 du BOI-INT-DG-20-20-10). L’article 13 de la CML (PDF - 275 Ko) maintient ces exceptions en offrant sur option la possibilité d’apprécier le caractère « auxiliaire ou préparatoire » de chacune des activités visées (option A) ou des seules activités qui ne seraient pas expressément visées ou de l’exercice cumulé des activités visées (option B). La France a retenu l’option B.

L’article 13 de la CML prévoit également une stipulation permettant d’écarter ces exceptions relatives à la qualification d’établissement stable dans des situations où une entreprise ou un groupe d’entreprises étroitement liées fragmente un ensemble cohérent d’activités en plusieurs opérations, afin de prétendre que ces opérations exercées isolément ont un caractère préparatoire ou auxiliaire (règle dite « anti-fragmentation d’activités »).

A. Application du caractère auxiliaire et préparatoire aux activités non expressément visées ou à l'exercice cumulé d'activités (option B du 3 de l'article 13 de la CML)

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Proche de la rédaction figurant déjà dans la majorité des conventions fiscales conclues par la France, cette option permet de garantir l'application de l’exception à la qualification d’établissement stable pour certaines activités, sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’elles revêtent un caractère préparatoire ou auxiliaire.

C’est notamment le cas des installations utilisées par une entreprise aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises lui appartenant, mais également des installations d'entreposage de marchandises aux seules fins de leur transformation par une autre entreprise ou des installations utilisées aux seules fins d’acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l’entreprise.

Pour les activités non expressément visées, ou en cas d'exercice cumulé de plusieurs des activités expressément visées, le bénéfice de cette exception à la qualification d’un établissement stable demeure conditionné au caractère préparatoire ou auxiliaire de l’activité ou des activités exercées.

Afin de déterminer si une activité non visée revêt un caractère préparatoire ou auxiliaire, il convient d’analyser si les activités de l’installation fixe d’affaires constituent en elles-mêmes une part essentielle et notable des activités de l’ensemble de l’entreprise.

Remarque : À l’exception du cas où l’autre État formule une réserve, les stipulations du 3 de l’article 13 de la CML (option B) s’appliqueront aux stipulations d’une convention fiscale bilatérale si l’autre État a également retenu la même option.

B. Règle d’anti-fragmentation des activités entre parties étroitement liées (4 de l’article 13 de la CML)

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Cette stipulation a pour objet d’éviter qu’une entreprise ou un groupe d’entreprises étroitement liées fragmentent un ensemble cohérent d’activités en plusieurs opérations qui, prises isolément, revêtiraient un caractère préparatoire ou auxiliaire et échapperaient ainsi à la qualification d’établissement stable.

En vertu de cette règle, les exceptions à la qualification d’établissement stable ne s’appliquent pas à une installation fixe d’affaires en France utilisée ou détenue par une entreprise si la même entreprise ou une entreprise qui lui est étroitement liée exerce, dans la même installation ou dans une autre installation située en France, d’autres activités complémentaires qui s’inscrivent dans un ensemble cohérent d’activités et que soit l'une de ces installations constitue déjà un établissement stable en France, soit l'activité d’ensemble résultant du cumul de ces activités ne revêt pas un caractère auxiliaire ou préparatoire.

Exemple : Une activité bancaire de prêts associée à une activité d’analyse des informations fournies par les demandeurs de prêts constituent des fonctions complémentaires qui s’inscrivent dans un ensemble cohérent d’activités d’entreprise.

La règle d’anti-fragmentation d’activités s’applique si une des deux conditions suivantes est remplie :

  • au moins une des installations fixes d’affaires dans lesquelles les activités sont exercées constitue un établissement stable ;
  • ou la combinaison des activités ne revêt pas un caractère préparatoire ou auxiliaire.

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À l’exception du cas où l’autre État formule une réserve, cette règle s’appliquera si l’autre État la notifie également.

III. Définition d’une personne étroitement liée à une entreprise (article 15 de la CML)

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La définition de l’expression « personne étroitement liée à une entreprise » qui est utilisée dans les articles 12, 13 et 14 de la CML (PDF - 275 Ko), est exposée à l'article 15 de la CML (PDF - 275 Ko).

Une personne est considérée comme étroitement liée à une entreprise si, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents, l’une contrôle l’autre ou toutes deux sont sous le contrôle des mêmes personnes ou entreprises.

Cette définition s’applique notamment dans la situation où l’une détient directement ou indirectement plus de 50 % des droits ou participations effectifs dans l’autre ou si une autre personne détient directement ou indirectement plus de 50 % des droits ou participations effectifs dans la personne et dans l’entreprise. Dans le cas d’une société, cette dernière condition est considérée comme remplie si une personne détient directement ou indirectement plus de 50 % du total des droits de vote et de la valeur des actions de la société ou des droits ou participations effectifs dans les capitaux propres de la société.

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Cette définition sera insérée dans les conventions fiscales couvertes par la France, sauf si un État a formulé une réserve au motif qu’il n’a retenu aucune des mesures précitées visant à lutter contre le contournement artificiel du statut d’établissement stable.