Date de début de publication du BOI : 03/07/2024
Identifiant juridique : BOI-IR-DOMIC-30

IR - Situations particulières liées au domicile - Contribuables prêtant leur concours à des personnes domiciliées ou établies hors de France

Actualité liée : 03/07/2024 : IR - IS - CF - CTX - Extension du champ d'application du dispositif prévu à l'article 155 A du CGI (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 10)

I. Champ d'application

A. Personnes concernées

1

L'article 155 A du code général des impôts (CGI) est susceptible de s'appliquer à toute personne physique ou morale qui prête son concours dans les conditions définies au I-B § 150 à 180 à une personne physique ou morale domiciliée ou établie hors de France.

1. Prestataire des services et concédant

20

Le prestataire des services ou le concédant peut être :

  • une personne physique domiciliée en France ou hors de France ;

La notion de domicile à retenir est celle du domicile fiscal tel qu'il est défini à l'article 4 B du CGI, sous réserve, le cas échéant, de l'application des conventions fiscales internationales (en ce qui concerne la notion de domicile fiscal, il convient de se reporter au BOI-IR-CHAMP-10).

  • une personne morale (société, association, etc.) dont le siège social est situé en France ou hors de France.

Pour l'application de ces dispositions, la France s'entend des départements métropolitains et des départements d'outre-mer.

2. Bénéficiaire de la rémunération

30

Le bénéficiaire de la rémunération peut être une personne physique domiciliée hors de France ou une personne morale ayant son siège hors de France.

L'article 155 A du CGI prévoit à cet égard des règles différentes selon que le bénéficiaire de la rémunération est ou non domicilié ou établi dans un pays à régime fiscal privilégié, au sens de l'article 238 A du CGI.

a. Bénéficiaire des rémunérations domicilié ou établi dans un pays ou territoire où il est soumis à un régime fiscal privilégié

40

Dans ce cas, l'imposition des sommes versées à ce bénéficiaire s'effectue de plein droit au nom du prestataire des services ou du concédant lorsqu'il a son domicile fiscal en France. Si le prestataire des services ou le concédant a son domicile fiscal hors de France, seules sont imposables à son nom les sommes correspondant à des services rendus ou tirées des concessions exploitées en France.

50

L'article 155 A du CGI fait référence à la notion de personne domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI.

Le champ d'application de l'article 155 A du CGI est, dès lors, étendu aux résidents de certains États ou territoires qui, bien que liés à la France par une convention destinée à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, peuvent être regardés à certains égards comme des pays à fiscalité privilégiée.

60

La notion de régime fiscal privilégié est explicitée au deuxième alinéa de l'article 238 A du CGI qui précise que les personnes domiciliées ou établies hors de France sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de 40 % ou plus à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies.

b. Bénéficiaire des rémunérations domicilié ou établi dans un pays ou territoire où il n'est pas soumis à un régime fiscal privilégié

70

Dans ce cas, l'article 155 A du CGI est applicable et l'imposition des sommes versées peut être effectuée au nom du prestataire des services ou du concédant dès lors que le bénéficiaire des rémunérations satisfait à l'une des deux conditions suivantes :

  • être placé sous le contrôle du ou des prestataires ou concédants ;
  • ne pas exercer de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ou l'exploitation de la concession.
1° Personnes placées sous le contrôle du prestataire des services ou du concédant

80

Plusieurs cas sont à distinguer, selon le bénéficiaire de la rémunération.

a° Personne morale contrôlée par le prestataire des services ou le concédant

90

L'existence d'une situation de contrôle doit être appréciée en fonction des données réelles. Le contrôle d'une société ou personne morale peut résulter :

  • soit de liens de dépendance juridique tels que la détention directe ou indirecte d'une partie importante du capital social ou l'exercice directement ou par personnes interposées de fonctions comportant le pouvoir de décision ;
  • soit de liens de dépendance de fait qui peuvent résulter des conditions dans lesquelles s'établissent les relations entre le prestataire des services ou le concédant et la personne morale étrangère (le prestataire des services ou le concédant se comporte en fait comme le véritable maître de l'entreprise étrangère, il fixe seul les conditions de ses interventions et leur rémunération, etc.).

C'est à l'administration qu'il incombe de prouver l'existence d'un contrôle du prestataire des services ou du concédant sur le bénéficiaire des rémunérations.

95

Pour faire échec à l'application de l'article 155 A du CGI, il appartient au prestataire qui contrôle le bénéficiaire des rémunérations d'établir que ces rémunérations trouvent une contrepartie réelle dans une intervention propre du bénéficiaire (CE, décision du 20 mars 2013, n° 346642, ECLI:FR:XX:2013:346642.20130320).

b° Personne physique placée sous la dépendance du prestataire des services ou du concédant

100

La notion de dépendance de la personne qui reçoit la rémunération des services ou des concessions doit s'entendre dans une acception large. Cette situation est caractérisée notamment par l'existence d'un contrat de mandat ou de représentation. Elle peut également résulter d'une situation de fait concrétisée par des liens personnels, familiaux ou économiques.

2° Personnes n'exerçant pas de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que celle donnant lieu au paiement des sommes
a° Généralités

110

Même lorsqu'il n'exerce pas le contrôle de la personne étrangère, le prestataire ou le concédant peut être soumis aux dispositions de l'article 155 A du CGI s'il n'établit pas que la personne qui reçoit la rémunération des services ou des concessions exerce, de façon prépondérante, une activité industrielle ou commerciale autre que celle donnant lieu au paiement des sommes. Cette preuve incombe donc au prestataire des services ou au concédant.

Le Conseil d'État a ainsi jugé que dès lors qu'il n'était pas établi ni même allégué qu'une société britannique, dont l'objet social était la promotion d'engagements musicaux d'artistes, exerçait une autre activité industrielle ou commerciale, l'article 155 A du CGI était applicable (CE, décision du 28 mars 2008, n° 271366).

120

La preuve de l'exercice d'une activité industrielle ou commerciale et celle de son caractère prépondérant peuvent être apportées par tous moyens.

En pratique, cette preuve est considérée comme apportée, lorsqu'il est établi que les recettes afférentes à l'activité industrielle ou commerciale autre que celle donnant lieu au paiement des sommes, représentent plus de 50 % du chiffre d'affaires total réalisé par le bénéficiaire de la rémunération.

b° Cas particulier des personnes morales étrangères ayant un établissement en France

130

Sauf dans le cas où une telle situation donnerait lieu à des abus, il y a lieu de considérer que ne sont pas visées par l'article 155 A du CGI les activités rattachées à un établissement que posséderait en France la personne morale étrangère dès lors que les revenus correspondants sont imposables en France.

c° Cas particulier des personnes morales étrangères ayant une activité de cabinet

140

Par mesure de tempérament, il n'y a pas lieu en principe d'appliquer le texte de l'article 155 A du CGI lorsque la réalité des services rendus ou de la concession exploitée par la personne morale étrangère est établie de façon indiscutable, notamment dans le cadre d'une activité de cabinet (expertise comptable, ingénieur conseil, conseil juridique ou comptable, courtage d'assurances, etc.). Cette mesure de tempérament doit cependant être refusée aux personnes morales :

  • établies dans un pays à régime fiscal privilégié ou ;
  • qui sont contrôlées par le prestataire de services ou le concédant (I-A-2-a-1°-a° § 90) lorsque ce dernier est domicilié en France.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, les prestations dont la rémunération est susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par la personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière (CE, décision du 20 mars 2013, n° 346642).

B. Prestations et concessions concernées et règles de territorialité

1. Nature des prestations et des concessions couvertes

a. Nature des prestations

150

D'une manière générale, sont visées toutes les activités, quelle qu'en soit la nature, par lesquelles une personne s'oblige à exécuter, moyennant une rémunération déterminée, un travail quelconque ou à exercer des activités qui donnent lieu à la perception de profits divers (commissions, participations, primes, redevances, etc.). Ainsi, si la nature de la prestation importe peu, l'article 155 A du CGI trouve plus souvent à s'appliquer dans le cas d'activités artistiques, littéraires ou sportives.

b. Nature des concessions

160

Les dispositions de l'article 155 A du CGI sont applicables aux sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en contrepartie de l'exploitation commerciale de droits attachés à l'image, au nom ou à la voix d'une ou de plusieurs personnes, de l'usage de droits d'auteurs ou de droits voisins ou de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés.

Sont ainsi concernés, à titre d'exemple, les contrats de licence de marques ou de brevets, ainsi que les rémunérations dues aux artistes visées à l'article L. 7121-8 du code du travail.

Exemple : Une personne physique cède un ensemble de marques et logos à une société installée aux îles Vierges britanniques dont elle détient l'intégralité des actions. Cette société conclut un contrat de licence avec une société de droit néerlandais. Les redevances tirées de l'exploitation commerciale des marques et logos précités pourront être imposées au nom de la personne physique conformément à l'article 155 A du CGI si l'ensemble des conditions d'application sont réunies.

2. Lieu d'exécution des prestations ou de l'exploitation des concessions

a. Prestataire ou concédant domicilié ou ayant son siège en France

170

Les dispositions de l'article 155 A du CGI sont applicables à toutes les sommes rémunérant des services rendus ou tirées de l'exploitation de concessions en France ou hors de France. Toutefois, lorsqu'elles sont rattachables à une exploitation (établissement) située hors de la France, ces sommes ne sont pas imposables en France si le prestataire ou le concédant est une société passible de l'impôt sur les sociétés (IS), conformément aux règles de territorialité établies par le I de l'article 209 du CGI.

b. Prestataire ou concédant domicilié ou ayant son siège hors de France

180

Lorsque le prestataire ou le concédant est domicilié ou a son siège hors de France, les dispositions de l'article 155 A du CGI ne s'appliquent qu'aux sommes rémunérant des services rendus ou tirées de concessions exploitées en France.

Pour l'application de ces dispositions, la France s'entend des départements métropolitains et des DOM.

C. Incidence des conventions fiscales internationales

190

D'une manière générale, le fait que la personne bénéficiaire des rémunérations ait son domicile fiscal ou son siège social dans un pays à fiscalité non privilégiée ayant conclu une convention fiscale avec la France ne s'oppose pas à l'application des dispositions de l'article 155 A du CGI lorsque l'une des deux conditions visées au I-A-2-b § 70 est remplie.

À cet égard, il est possible de recourir à l'assistance administrative prévue par les conventions fiscales pour demander aux administrations étrangères des renseignements permettant d'établir que le prestataire des services ou le concédant contrôle en droit ou en fait la personne bénéficiaire des rémunérations ou pour obtenir des précisions sur la nature de l'activité réellement exercée par ce bénéficiaire.

200

Il convient dans tous les cas d'examiner les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et l’État de résidence du prestataire ou du concédant afin de s'assurer qu'elles n'empêchent pas l'application du 155 A du CGI.

Ainsi, après avoir relevé que l'activité réalisée en France s'exerçait à partir d'une installation fixe d'affaires caractérisant un établissement stable, le Conseil d’État a considéré que les stipulations de l'article 5 de la convention franco-suisse ne s'opposaient pas à la mise en œuvre de l'article 155 A du CGI (CE, décision du 12 octobre 2018, n° 414383, ECLI:FR:CECHR:2018:414383.20181012).

210

En revanche, le contribuable imposé sur le fondement de l'article 155 A du CGI ne peut utilement invoquer la convention fiscale conclue entre la France et l’État où réside la personne qui perçoit les sommes, à moins que ce contribuable ne réside dans le même État que cette dernière.

Ainsi, après avoir relevé qu’aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l’article 19 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dans sa rédaction antérieure à l’avenant du 22 juillet 1997, les professionnels du spectacle et les sportifs sont imposables en France sur les revenus tirés de leurs activités exercées en France en cette qualité, le Conseil d'État a jugé que ladite convention ne faisait pas obstacle à l’imposition en France au nom d’un artiste de variété résident de Suisse de la somme versée par une société française à une société britannique en rémunération de la prestation musicale fournie lors d’un concert donné en France par cet artiste. L’application de la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni le 22 mai 1968 a été écartée dans la mesure où elle n'était applicable qu'à la seule société britannique et non à l’artiste (CE, décision du 28 mars 2008, n° 271366).

220

Certaines des conventions contiennent, en ce qui concerne l'imposition des artistes, des sportifs ou des mannequins, une stipulation comparable à l'article 155 A du CGI auquel elle se substitue (BOI-INT-DG-20-20-70). Dans ces conventions, la rémunération correspondant à l'activité exercée par l'artiste, le sportif ou le mannequin est imposable dans l'État où l'activité est exercée.

Ces clauses conventionnelles se bornent donc à réaffirmer le droit d'imposer en France les rémunérations correspondant à l'exercice d'une activité qui y est exercée, soit que l'artiste, le sportif ou le mannequin y ait également sa résidence, soit qu'il réside dans l'autre État contractant.

Lorsque l'activité est exercée dans l'autre État contractant, il convient de distinguer les deux situations suivantes :

  • l'artiste, le sportif ou le mannequin est résident de France : dans ce cas, la convention conserve à la France le droit d'imposer la rémunération de l'artiste, du sportif ou du mannequin. La double imposition est évitée par le mécanisme d’élimination de double imposition prévu par cette convention, qui est, de manière générale, l'imputation sur l'impôt français d'un crédit correspondant au montant de l'impôt effectivement payé à l'étranger ;
  • l'artiste, le sportif ou le mannequin est résident de l'autre État contractant : dans ce cas, la rémunération correspondant à l'exercice d'une activité dans l'autre État n'est pas imposable en France.

D. Incidence du droit européen

230

Le Conseil d’État a jugé que les dispositions de l’article 155 A du CGI étaient compatibles avec le principe européen de liberté d’établissement, dès lors qu’elles visent uniquement l’imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée en France et ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d’une personne établie ou domiciliée hors de France (CE, décision du 20 mars 2013, n° 346642).

II. Modalités d'imposition

A. Caractère des sommes imposables au nom des prestataires de services ou des concédants

240

L'article 155 A du CGI permettant de faire abstraction de l'existence du bénéficiaire des rémunérations, le prestataire de services ou le concédant doit être imposé à raison des sommes encaissées par ledit bénéficiaire.

Ces sommes sont imposées dans la catégorie des revenus (traitements et salaires, bénéfices non commerciaux, bénéfices industriels et commerciaux) correspondant à la nature de l'activité exercée, que le contribuable soit assujetti à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés.

B. Détermination du revenu imposable et modalités de recouvrement

1. Prestataires de services ou concédants domiciliés en France

250

En ce qui concerne les prestataires de services ou les concédants domiciliés en France, le revenu imposable est calculé dans les conditions de droit commun prévues pour la catégorie de revenus concernés. Dans le cas où la prestation ou la concession est assurée par une collectivité passible de l'impôt sur les sociétés, la cotisation doit être établie au titre de cet impôt.

L'imposition ainsi établie est mise en recouvrement par voie de rôle.

2. Prestataires de services ou concédants non domiciliés en France

260

Les rémunérations versées sont soumises aux retenues à la source selon les modalités prévues à l'article 182 A du CGI, à l'article 182 A bis du CGI, à l'article 182 B du CGI et à l'article 182 B bis du CGI (BOI-IR-DOMIC-10-20-20).

La retenue à la source effectivement acquittée est imputable sur l'impôt sur le revenu dû par le prestataire de services ou le concédant. La personne interposée est alors solidairement responsable du paiement de cet impôt.

S'agissant de la décharge en responsabilité solidaire, il convient de se reporter au BOI-CTX-DRS.

III. Solidarité en matière de paiement des impositions

270

Le III de l'article 155 A du CGI prévoit que la personne qui perçoit la rémunération des services ou de la concession est solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions dues par la personne qui les rend ou les donne.

IV. Élimination de la double imposition

280

Le IV de l'article 155 A du CGI prévoit l'élimination de la double imposition pour les cas où les sommes déjà imposées au titre de l'article 155 A du CGI sont reversées au prestataire ou au concédant.

En effet, les sommes perçues par la personne physique ou morale étrangère interposée sont imposées en France au nom du prestataire ou du concédant dans la catégorie de revenus correspondant à la nature de l'activité exercée.

Afin d’éviter la double imposition induite, le cas échéant, par l’impôt dû au titre des sommes reversées, la personne domiciliée ou établie en France peut bénéficier, par voie de réclamation, d’un dégrèvement à hauteur du montant de l’impôt acquitté sur le fondement de l’article 155 A du CGI.