ENR - Mutations à titre gratuit - Successions - Assiette - Passif et autres déductions - Dettes non déductibles
I. Non-déductibilité des dettes présumées remboursées ou fictives
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Les dettes visées à l'article 773 du code général des impôts (CGI) ne sont pas déductibles de l'actif imposable. Il s'agit de dettes qui sont présumées soit remboursées, soit fictives.
A. Dettes échues depuis plus de trois mois avant l'ouverture de la succession
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Ces dettes sont présumées remboursées mais la preuve contraire peut être apportée au moyen de l'attestation du créancier visée à l'article L. 20 du livre des procédures fiscales (LPF). L'existence de la dette doit alors être justifiée dans les conditions de droit commun.
B. Dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes réputées interposées
1. Principe
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Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes réputées interposées (I-B-1-a § 30 et 40) sont présumées fictives (CGI, art. 773, 2°). Elles ne peuvent être déduites de l'actif et la preuve contraire ne peut être apportée que si ces dettes résultent d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes (I-B-1-c § 80).
a. Qualité d'héritier ou de personne réputée interposée
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La qualité d'héritier s'entend des héritiers proprement dits ainsi que des légataires universels, à titre universel ou particulier.
Sont réputées personnes interposées, dans tous les cas, les père et mère, les enfants et descendants et l'époux de l'héritier, donataire ou légataire (code civil [C. civ.], art. 911).
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Il convient de se placer au jour du décès pour déterminer si la qualité d'héritier ou de personne interposée, d'une part, et celle de créancier du défunt, d'autre part, sont réunies. Ainsi, la dette consentie au profit d'un héritier non réservataire exclu par testament est déductible. Toutefois, pour qu'il en soit ainsi, il faut que l'exclusion soit absolue et qu'il ne subsiste aucune possibilité pour l'héritier d'appréhender la succession.
Il en est de même de la dette consentie à un héritier appelé à la succession par suite de la renonciation d'héritiers d'un rang plus proche du défunt.
b. Nature des dettes
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La non-déductibilité prévue au 2° de l'article 773 du CGI ne vise que les dettes consenties par le défunt. Elle ne porte pas sur celles qu'il n'a pas consenties ou qu'il a consenties à une personne qui n'est ni héritier ni une personne réputée interposée.
Peuvent ainsi être déduites :
- les dettes consenties par le mari seul commun en biens s'il s'agit de la succession de la femme ;
- les dettes contractées par un tuteur au nom de son pupille s'il s'agit de la succession de ce dernier ;
- les dettes résultant d'une décision judiciaire, d'un quasi-délit ou d'un quasi-contrat ;
- les dettes consenties au profit d'un tiers et échues à un héritier par succession ou par cession.
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Enfin, la prohibition du 2° de l'article 773 du CGI n'est applicable qu'aux seules dettes d'origine contractuelle et ne peut viser celles résultant d'un quasi-usufruit qui trouve sa cause dans la loi (C. civ., art. 587) (Cass. com., arrêt du 4 décembre 1984).
Remarque : En l'espèce, la défunte avait consenti à ses enfants une donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble, tout en se réservant l'usufruit de celui-ci. À la suite d'une déclaration d'utilité publique, ce bien a ultérieurement été vendu à l'État et le prix intégralement versé à la mère. Les droits des intéressés se sont donc trouvés reportés sur cette somme d'argent (application de l'article L. 13-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique).
Ainsi, après transformation de l'usufruit portant sur un immeuble en un quasi-usufruit, les enfants de nus-propriétaires sont devenus créanciers. Ils pouvaient donc déduire de l'actif de la succession de leur mère, dans les conditions prévues par l'article 768 du CGI, le solde de l'indemnité d'expropriation qui leur restait dû à son décès.
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En revanche, c'est à bon droit qu'un tribunal a écarté du passif successoral une dette consentie par le défunt à son fils, dette qui était établie uniquement par des documents comptables auxquels se référait un acte de constitution de société enregistré avant le décès (Cass. com., arrêt du 15 avril 1986, n° 84-15.539).
c. Dettes résultant d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes
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Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées ne sont déductibles de l'actif successoral que si elles ont été consenties par un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès d'une des parties contractantes.
À cette condition seulement, les héritiers, donataires, légataires, ou personnes interposées ont le droit de prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession.
La présomption de fictivité de telles dettes ne peut être écartée par des preuves contraires si ces dettes n'ont pas été constatées selon les formes prescrites par le 2° de l'article 773 du CGI (Cass. com., arrêt du 10 juin 1997, n° 95-14.543).
Remarque : Par cet arrêt, la Cour de cassation interprète strictement les dispositions du 2° de l'article 773 du CGI. Au cas particulier, le tribunal de grande instance énonçait, à tort, que la présomption de fictivité de la dette pouvait être écartée par des preuves contraires comme, en l'espèce, selon lui, l'émission de chèques correspondant au paiement, par le de cujus, de factures de construction de sa maison à la même époque que le versement du prêt litigieux à ce dernier, sans que cette dette ait été constatée selon les formes prescrites par ledit article.
À cet égard, l'acte sous seing privé par lequel le de cujus se reconnaissait débiteur des sommes versées n'avait pas été enregistré et n'avait donc pas date certaine au sens de l'article 1328 du C. civ., autrement que du fait du décès.
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Pour l'application des dispositions du second alinéa du 2° de l'article 773 du CGI, seul peut être pris en considération un acte sous seing privé ayant acquis date certaine dans les conditions fixées par l'article 1377 du C. civ., c'est-à-dire enregistré avant le décès.
La perception par le service d'un prélèvement sur les intérêts versés en vertu de l'acte litigieux ne saurait lui conférer date certaine. En l'espèce, l'héritière avait consenti, par acte sous seing privé non enregistré, un prêt au défunt ; sa créance avait été prise en compte par l'administration pour l'établissement du prélèvement libératoire sur les intérêts des placements à revenu fixe en matière d'impôt sur le revenu. La partie adverse arguait de cette circonstance pour soutenir que la dette du de cujus était opposable au service dès lors qu'il en avait eu connaissance et qu'accepter de prélever une cotisation afférente à un acte vaut renonciation à prétendre que cet acte n'aurait pas existé à l'époque de la perception des droits (Cass. com., arrêt du 11 juin 1985).
Remarque : Cet arrêt confirme la jurisprudence aux termes de laquelle, à l'occasion d'une affaire similaire, la Cour a confirmé le caractère strictement limitatif des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 773 du CGI (Cass. com., arrêt du 26 juin 1961, n° 57-10.595).
De même, méconnaît les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 773 du CGI, le tribunal qui, pour admettre qu'un époux légataire universel séparé de biens de la défunte était recevable à prouver la sincérité de la dette contractée par celle-ci à son égard en vue du paiement partiel d'un appartement, relève qu'il résulte, d'une part, des reçus délivrés par le notaire ayant dressé l'acte de vente que cet officier ministériel a bien perçu les fonds en deux chèques tirés par le mari et, d'autre part, de l'acte notarié, qu'une partie du prix a été réglée par la défunte « en plusieurs chèques », alors qu'il ressort de ces constatations que l'avance prétendue n'a pas été consentie dans les conditions de forme prévues par la loi (Cass. com., arrêt du 14 avril 1975, n° 74-10.673).
De la même manière, ne donne pas date certaine à la dette du défunt envers son épouse au titre d'un prêt qu'elle lui avait consenti, un document bancaire intitulé « compte-rendu de réalisation d'un emprunt n'ayant pas le caractère d'investissement direct contracté à l'étranger par un résident auprès d'un non-résident » et adressé à la Direction du Trésor. Dès lors que les fonds des héritiers ayant servi à financer l'achat d'un immeuble dépendant de la succession de leur mère provenaient de la vente d'un bien dont ils étaient propriétaires en indivision avec elle, il en résulte que cette vente et le versement des fonds à la défunte n'avaient pu avoir lieu qu'avec leur accord et qu'elle n'avait pu en disposer que pour les leur avoir empruntés. Méconnaît en conséquence le 2° de l'article 773 du CGI le tribunal qui, en dehors des formes définies par ce texte, accorde pour la liquidation des droits de mutation par décès, la déduction, au titre de passif successoral, de la quote-part de la valeur de cet immeuble au jour du décès correspondant à la fraction du prix acquittée au moyen des deniers ainsi empruntés. (Cass. com, arrêt du 9 avril 1991, n° 89-16.780).
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Il résulte du 2° de l'article 773 du CGI que ne sont pas déductibles de l'actif imposable aux droits de mutation par décès les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées à moins que, consentie par un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes, la sincérité de cette dette et son existence au jour du décès ne soient prouvées par les héritiers, légataires ou personnes interposées.
Au cas particulier, les fonds ayant servi à financer l'acquisition réalisée par la de cujus en son nom propre provenaient de la cession d'un bien immobilier appartenant à l'indivision formée entre elle-même et ses enfants. Il ressortait ainsi des circonstances de l'espèce que l'emploi par la de cujus des fonds en cause n'avait pu avoir lieu qu'au titre d'un emprunt. Mais ce prêt familial n'ayant donné lieu à la rédaction d'aucun acte dans les formes prescrites au 2° de l'article 773 du CGI, les héritiers n'étaient donc pas autorisés à administrer la preuve de la sincérité de la dette en résultant et de son existence au jour du décès. Celle-ci était donc, en tout état de cause, non déductible de l'actif héréditaire soumis aux droits de mutation par décès (Cass. com., arrêt du 21 mars 2000, n° 97-17.288).
2. Exception pour le salaire différé des descendants d'exploitation agricole
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L'article L. 321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime (C. rur.) prévoit, au profit de certains descendants d'exploitants agricoles qui sont restés à la terre et ont travaillé sur le domaine familial sans être rémunérés autrement qu'en nature, une présomption d'existence du contrat de travail à salaire différé qui leur permet de réclamer le montant de leurs salaires, lors de l'ouverture de la succession de leur auteur.
Ce droit, qui peut être caractérisé comme un droit de créance contre la succession, constitue une charge de celle-ci sans que la prise en compte du salaire pour la détermination des parts successorales ne puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.
Les conditions de déduction de l'actif successoral des dettes résultant de l'application de l'article L. 321-13 et suivants du C. rur. sont fixées par l'article 774 du CGI, qui institue une exception au principe de la non-déduction des dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées, prévu au 2° de l'article 773 du CGI.
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L'existence de cette dette peut être attestée, à l'égard de l'administration, par tous actes et écrits, même postérieurs au décès d'un exploitant agricole, susceptibles de faire preuve en justice entre les cohéritiers ou représentants de l'exploitant. L'héritier créancier de la succession est toutefois tenu de fournir, dans les formes et suivant les règles déterminées par l'article L. 20 du LPF (I-A § 10), une attestation, datée et signée par lui, mentionnant le montant de sa créance sur la succession de l'exploitant.
Le montant de la créance attribuée à l'héritier est égal pour chaque année de participation, sans que le nombre des années retenues ne puisse excéder dix, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant.
C. Dettes reconnues par testament
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Ces dettes, présumées fictives, ne sont déductibles que si leur existence est prouvée dans les conditions de droit commun par un moyen autre que le testament (CGI, art. 773, 3°).
D. Dettes hypothécaires garanties par une inscription périmée depuis plus de trois mois lors de l'ouverture de la succession
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Dans la mesure où elles sont échues, ces dettes sont présumées remboursées et les héritiers ne sont pas admis à apporter la preuve contraire.
Si elles ne sont pas échues, elles sont déductibles sur production de l'attestation du créancier (I-A § 10).
Les dispositions du 4° de l'article 773 du CGI ne sont pas applicables si l'inscription a été renouvelée avant le décès. Dans ce cas, la dette est garantie par une inscription en cours de validité.
Si l'inscription n'est pas périmée, mais si le chiffre en a été réduit, l'excédent seul peut être déduit.
E. Dettes prescrites
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Les dettes prescrites, capital et intérêts, ne sont pas déductibles (CGI, art. 773, 5°). L'administration est en droit d'invoquer la prescription même si les héritiers ne la soulèvent pas.
Dans ce cas, il faut que la dette soit prescrite au sens de la loi civile dans les différents délais prévus notamment à l'article 2262 du C. civ., à l'article 2270 du C. civ., à l'article 2271 du C. civ., à l'article 2272 du C. civ., à l'article 2273 du C. civ. et à l'article 2277 du C. civ..
Les redevables peuvent établir que la prescription ayant été interrompue n'est pas acquise.
(140-150)
II. Non-déductibilité de la récupération des aides sociales
A. Définition et principes
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L’aide sociale se définit comme l’ensemble des prestations constituant une obligation mise à la charge des collectivités publiques, notamment du département, et destinées à faire face à un état de besoin pour des bénéficiaires dans l’impossibilité d’y pourvoir.
Il s’agit notamment, à titre d'exemple, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, de l’aide sociale à l’hébergement en maison de retraite ou de l’aide sociale ménagère.
L’aide sociale revêt un caractère subsidiaire. Elle n’est accordée qu’à défaut de moyens du demandeur et de la solidarité familiale et présente le caractère d’une avance.
C’est pourquoi l’article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles (CASF) prévoit que certaines de ces aides sociales peuvent être récupérées, lorsque le demandeur revient à une meilleure fortune, sur une donation faite par ce dernier ou sur sa succession.
B. Nature de la récupération des prestations sociales
170
En droit civil, une distinction est établie entre les dettes successorales, nées antérieurement au décès, et les charges successorales, nées au moment de la succession ou postérieurement.
Au regard de ces principes, la récupération des prestations sociales qui intervient postérieurement au décès doit s'analyser comme une charge de la succession, au même titre que les frais funéraires.
Ainsi, s'agissant des aides versées par le département, leur éventuelle récupération doit être décidée, dans son principe comme dans son montant, par le président du conseil départemental ou le préfet (CASF, art. R. 132-11) qui apprécie au cas par cas l'opportunité d'une récupération sur la succession.
C. Déduction fiscale
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Au plan fiscal, l’article 768 du CGI n’autorise que la déduction des dettes qui existent au jour du décès. Cette disposition interdit donc la déduction au passif des charges de succession qui sont, par nature, nées postérieurement au décès.
Remarque : La déduction des frais funéraires n’est admise qu'à titre dérogatoire, conformément à la tolérance légale expressément prévue à l'article 775 du CGI.
En conséquence, la déduction au passif de la récupération des aides sociales n’est pas permise.
190
Toutefois, la déduction de sommes ayant donné lieu à récupération dans les conditions visées au II-B § 170 est admise à hauteur du montant effectivement reversé sur sa part successorale par l'héritier ou le légataire qui a effectué le reversement.
Cette déduction n’est autorisée que si elle est justifiée par une attestation du comptable constatant le reversement ou de l'huissier en charge du recouvrement.
III. Non-déductibilité des dettes de restitution portant sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit
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L’article 774 bis du CGI, dans sa rédaction résultant de l'article 26 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, prévoit que, par dérogation aux dispositions de l'article 1133 du CGI, la créance exigible par le nu-propriétaire au titre de la restitution d'une somme d’argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit donne lieu à la perception des droits de mutation par décès par le nu-propriétaire.
Ces dispositions s’appliquent aux successions ouvertes à compter du 29 décembre 2023.
A. Champ d'application
1. Principe de non-déductibilité
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En application des dispositions du premier alinéa du I de l’article 774 bis du CGI, les dettes de restitution exigibles afférentes à une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit ne sont pas déductibles de l’actif successoral.
Les circonstances de constitution de l’usufruit que le défunt s'est réservé sont sans incidence.
Cette disposition concerne ainsi les dettes de restitution résultant du don de la nue-propriété de somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit.
Elle concerne également toute dette de restitution résultant de la cession d’un bien dont le défunt s’était préalablement réservé l’usufruit, ou de toute autre opération assimilable par laquelle le bien sur lequel le défunt s’était réservé l’usufruit est liquidé sous forme d’une somme d’argent (exemples : paiement ou remboursement d’une créance, rachat d’un contrat de capitalisation, etc.), avec report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de la liquidation, sous réserve des précisions apportées au III-A-2 § 230 à 260.
En revanche, lorsque les droits d’usufruit réservé et de nue-propriété du bien démembré sont, postérieurement à la cession, reportés par subrogation réelle, légale ou conventionnelle, sur un bien autre qu'une somme d’argent (tel qu’un contrat de capitalisation, des valeurs mobilières, des crypto-actifs, un compte courant d'associé, etc.), le report ne crée pas de dette de restitution portant sur une somme d’argent au sens des dispositions de l’article 774 bis du CGI.
La notion de somme d’argent s’entend au sens de l’article 790 G du CGI (I-B-1 § 140 du BOI-ENR-DMTG-20-20-20).
De même, lorsqu’un bien démembré autre qu’une somme d’argent fait l’objet d’une convention de quasi-usufruit, la dette de restitution ne porte sur une somme d’argent au sens de l’article 774 bis du CGI qu’en cas de cession du bien démembré ou d’opération assimilable à une telle cession avec report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de la liquidation.
(220)
2. Dettes déductibles sous réserve
230
Le second alinéa du I de l’article 774 bis du CGI prévoit que sont déductibles les dettes de restitution contractées sur le prix de cession d’un bien dont le défunt s’était réservé l’usufruit, sous réserve qu’il soit justifié qu’elles n’ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal.
Sont concernées notamment par ces dispositions les donations de biens avec réserve d’usufruit suivies de la cession de ces biens avec report de l’usufruit sur tout ou partie du prix de vente.
240
Pour prétendre au bénéfice de cette exception, il incombe au redevable d’être en mesure de justifier que la dette n’a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal.
Remarque : La notion d'objectif principalement fiscal est plus large que celle de but exclusivement fiscal au sens de l’article L. 64 du LPF, relatif à l’abus de droit fiscal (BOI-CF-IOR-30).
Il est admis que la preuve de l’absence d’objet principalement fiscal puisse être apportée à l’égard des dettes de restitution résultant d’opérations assimilables à des cessions au sens du III-A-1 § 210.
250
L’absence de but principalement fiscal peut ainsi être caractérisée par un faisceau d’indices tenant compte notamment :
- du temps écoulé entre le démembrement de propriété et la cession du bien démembré ou de l'opération assimilable. En effet, plus la durée écoulée entre le démembrement et la cession ou la liquidation des biens démembrés est longue, moins la dette de restitution sur la somme d’argent résultant de cette liquidation est susceptible d’être regardée comme poursuivant un but principalement fiscal. Cette durée est également à apprécier à la lumière de la variation à la baisse de la valeur des biens démembrés (exemples : valeurs mobilières non garanties, contrat de capitalisation en unités de comptes) ;
- des motivations patrimoniales de la cession du bien ou de l'opération assimilable. Par exemple, le report de l’usufruit sur la somme d'argent constituant le prix de cession ou le produit de la liquidation du bien démembré peut s’expliquer par la motivation patrimoniale de pallier l’insuffisance de liquidités nécessaires pour s’acquitter de dépenses d’hébergement de l’usufruitier ;
- du degré de latitude de l’usufruitier à décider du report de l’usufruit sur le prix de cession ou sur le produit de l'opération assimilable à la cession. À cet égard, en cas de cession de la nue-propriété d'un bien au prix du marché avec réserve d'usufruit par le cédant, l’exercice par le nu-propriétaire de ses droits pour permettre, tant la cession ultérieure du bien que le report de l’usufruit sur le produit de la cession permettent de déduire que la dette de restitution à son profit n’a pas été contractée dans un objectif principalement fiscal.
260
En revanche, la preuve de l’absence de but principalement fiscal ne pourra pas être apportée lorsque la donation de la nue-propriété d’un bien avec réserve d’usufruit suivie de la cession du bien a été qualifiée d’abusive en application de l’article L. 64 du LPF et sous le contrôle du juge.
3. Dettes non concernées par la non-déductibilité
270
Les dispositions du second alinéa du I de l’article 774 bis du CGI ne remettent pas en cause la déductibilité de la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit en exerçant le choix qu’il tenait de la loi en qualité de conjoint survivant, en application de l’article 757 du C. civ. ou d’une disposition entre époux prévue par l’article 1094-1 du C. civ., mais aussi en exerçant un avantage matrimonial ou un préciput (C. civ., art. 1515) convenu dans le contrat de mariage.
Les dettes de restitution exigibles au décès et portant sur des sommes d’argent que le défunt s’était réservé ne sont pas incluses dans le champ de l'article 774 bis du CGI lorsque le recours à cette opération n’a pas été principalement motivé par un objectif d’optimisation fiscale.
Les dispositions de l’article 774 bis du CGI ne sont ainsi pas applicables lorsque la somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit constitue le produit d’une cession ou d’une opération assimilable dont le défunt n’a pas été à l’initiative.
Tel est en principe le cas si la dette de restitution portant sur une somme d’argent au décès de l’usufruitier résulte du versement à son profit :
- d’une indemnité d’expropriation d’un bien démembré ou d’une indemnité d’assurance faisant suite à la destruction du bien démembré ;
- de la distribution de dividendes prélevés sur les réserves.
275
Les dispositions de l’article 774 bis du CGI concernent les dettes de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit.
Par suite, ces dispositions ne s’appliquent pas à la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt détenait l’usufruit pour avoir été institué :
- par le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie comme bénéficiaire en usufruit des sommes dues au titre du dénouement de ce contrat ;
- en tant que légataire ou donataire à cause de mort de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou de son concubin prédécédé.
B. Incidences sur la liquidation des droits de mutation par décès
280
Il résulte du II de l’article 774 bis du CGI que, par dérogation au principe posé par l’article 1133 du CGI, la valeur correspondant à la dette de restitution non-déductible de l’actif successoral mentionnée au I de l’article 774 bis du CGI donne lieu à la perception de droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire et calculés d’après le degré de parenté existant entre ce dernier et l’usufruitier, au moment de la succession ou de la constitution de l’usufruit, si les droits dus sont inférieurs.
Cette règle, combinée au principe de non-déductibilité posé au I de l’article 774 bis du CGI, conduit, en présence de plusieurs héritiers qui sont créanciers de cette dette de restitution, à réduire l'actif successoral taxable du montant correspondant à la dette de restitution.
La somme correspondant à la dette de restitution est imposable entre les mains du nu-propriétaire qui en est créancier.
Cette réintégration de la dette de restitution à l’actif successoral ne pèse ainsi que sur le nu-propriétaire et non sur les éventuels autres héritiers.
De même, lorsque le nu-propriétaire ne vient pas à la succession de l’usufruitier, la valeur correspondant à la dette de restitution vient en diminution de l'actif taxable entre les héritiers, et n'est imposable qu’entre les mains du nu-propriétaire.
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Exemple : Le créancier nu-propriétaire est héritier de la succession.
Le 1er janvier 2015, M. X, âgé de 75 ans, consent à sa fille une donation, hors part successorale, de la nue-propriété d’une somme d’argent de 150 000 € et s’en réserve l’usufruit.
La liquidation des droits de donation s’effectue comme suit :
- valeur de la nue-propriété de la somme d’argent donnée : 70 % x 150 000 € = 105 000 € ;
- abattement personnel : 100 000 € ;
- masse taxable : 5 000 € ;
- montant des droits à payer : 5 000 € x 5 % = 250 €.
M. X décède le 1er janvier 2024, laissant pour lui succéder ses deux enfants, une fille et un fils, héritiers de la succession chacun pour moitié. L’actif brut s’élève à 500 000 €. Le passif comprend uniquement la dette de restitution due à sa fille d’un montant de 150 000 €.
Aux termes de l’article 774 bis du CGI, cette dette de restitution de 150 000 € n’est pas déductible de l’actif taxable.
Conformément au premier alinéa du II de l'article 774 bis du CGI, la valeur correspondant à la dette de restitution non déductible est imposée aux droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire (au cas présent la fille de M. X), calculés d’après son lien de parenté avec le défunt.
Le solde de l’actif successoral taxable s’élève ainsi à : 500 000 € - 150 000 € soit 350 000 € et se répartit pour moitié entre les deux enfants de M. X.
Dès lors, la liquidation des droits de mutation par décès s’effectue comme suit :
- s’agissant de la fille de M. X :
- part successorale taxable de la fille de M. X : 175 000 € + 150 000 € = 325 000 € ;
- abattement personnel (application du deuxième alinéa du II de l'article 774 bis du CGI) : 100 000 € ;
- masse taxable : 225 000 € ;
- montant des droits à payer : (8 072 € x 5 %) + (4 037 € x 10 %) + (3 823 € x 15 %) + (209 068 € x 20 %) = 43 194 € ;
- montant des droits de mutation par décès à payer après imputation des droits de donation ayant été acquittés en 2015 (CGI, art. 774 bis, II-al. 3) : 43 194 € - 250 € = 42 944 € ;
- part successorale taxable de la fille de M. X : 175 000 € + 150 000 € = 325 000 € ;
- s’agissant du fils de M. X :
- part taxable du fils de M. X : 175 000 € ;
- abattement personnel : 100 000 € ;
- masse taxable : 75 000 € ;
- montant des droits à payer : (8 072 € x 5 %) + (4 037 € x 10 %) + (3 823 € x 15 %) + (59 068 € x 20 %) = 13 194 €.
- part taxable du fils de M. X : 175 000 € ;
La non-déductibilité de la dette n’a pas de conséquence sur le montant des droits à payer par le fils de M. X. Le montant correspondant à la dette de restitution est uniquement imposé entre les mains de la nue-propriétaire, à savoir la fille de M. X.
300
Le II de l'article 774 bis du CGI prévoit que les droits de mutation par décès correspondant à la dette de restitution et dus par le nu-propriétaire sont calculés d'après le degré de parenté existant entre ce dernier et l'usufruitier, au moment de la succession ou de la constitution de l'usufruit, si les droits dus sont inférieurs.
Ce second cas peut trouver à s'appliquer dans l'hypothèse où les ayants cause du nu-propriétaire prédécédé ne viennent pas en représentation de ce dernier à la succession de l’usufruitier.
310
L’obligation de rapport fiscal prévue à l’article 784 du CGI ne s’applique ni sur la valeur des sommes d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit, ni sur celle des biens dont le défunt s’était réservé l’usufruit du prix de cession.
Cette dispense de rapport fiscal n’a pas vocation à s’appliquer aux donations postérieures à celle portant démembrement de la somme d’argent. Il n’en est tiré de conséquences que pour la liquidation des droits de succession.
Exemple : Le 1er janvier 2015, M. X, âgé de 75 ans, consent à sa fille une donation de la nue-propriété d’une somme d’argent de 170 000 € en s’en réservant l’usufruit.
La liquidation des droits de donation s’effectue comme suit :
- valeur de la nue-propriété de la somme d’argent donnée : 70 % x 170 000 € = 119 000 € ;
- abattement personnel : 100 000 € ;
- masse taxable : 19 000 € ;
- montant des droits à payer : (8 072 € x 5 %) + (4 037 € x 10 %) + (3 823 € x 15 %) + (3 068 € x 20 %) = 1 994 €.
Le 1er janvier 2016, M. X consent à sa fille une donation d’un immeuble d’une valeur de 200 000 €.
La liquidation des droits de donation s’effectue comme suit :
- abattement disponible : 0 € ;
- masse taxable : 200 000 € ;
- montant des droits à payer : 200 000 € x 20 % = 40 000 €.
M. X décède le 1er janvier 2024, laissant pour lui succéder sa fille unique et un actif successoral qui s’élève à 500 000 €. Aux termes de l’article 774 bis du CGI, la dette de restitution de 170 000 € n’est pas déductible de l’actif taxable.
La liquidation des droits de mutation par décès s’effectue comme suit :
- masse taxable : 500 000 € - 170 000 € + 170 000 € = 500 000 € ;
- abattement disponible : 100 000 € ;
- masse taxable après abattement : 500 000 € - 100 000 € = 400 000 € ;
- montant des droits de succession avant imputation : (8 072 € x 5 %) + (4 037 € x 10 %) + (3 823 € x 15 %) + (3 068 € x 20 %) + [(536 392 € - 3 068 € - 200 000 €) x 20 %] + (47 676 x 30 %) = 82 962 € ;
- droits de donation imputables : 1 994 € ;
- montant des droits de succession après imputation : 82 962 € - 1 994 € = 80 968 €.
320
Lorsque la donation a été consentie depuis plus de quinze ans, les dispositions de l’article 784 du CGI ne sont pas applicables.
330
Les droits déjà acquittés lors de la donation avec réserve d’usufruit sont imputés sur les droits de mutation par décès auxquels le nu-propriétaire est assujetti. Cette imputation est applicable même si les droits de donation ont été acquittés par le donateur.
340
Dans le cas où les droits déjà acquittés lors de la donation seraient supérieurs aux droits dus à raison du décès de l’usufruitier, le surplus ne fait l’objet d’aucune restitution.
350
Dans l’hypothèse où l’actif successoral ne permet pas au nu-propriétaire de recouvrer totalement sa créance ou, à tout le moins, ne lui permet de la recouvrer que partiellement, celle-ci ne sera pas imposable à concurrence du montant irrécouvrable.