REC - Procédures amiables et procédures collectives de règlement du passif - Procédures judiciaires - Rétablissement professionnel
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La procédure de rétablissement professionnel introduite par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives est une procédure rapide (4 mois) et allégée, alternative à la liquidation judiciaire, qui s’adresse aux débiteurs professionnels personnes physiques, dépourvus de patrimoine et de salariés et exerçant une activité de faible importance, qui se trouvent en état de cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
L'ordonnance du 12 mars 2014 entre en vigueur le 1er juillet 2014 et s'applique aux procédures ouvertes à compter de cette date. Elle n'est donc pas applicable aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur, à l'exception des dispositions de l'article L. 643-9 du code de commerce et de l'article L. 643-13 du code de commerce relatives respectivement à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif et à la reprise de cette procédure.
C’est une procédure à la seule initiative du débiteur.
Le tribunal désigne un juge commis et un mandataire judiciaire qui invite, notamment, les créanciers à lui communiquer leurs créances. Après analyse de la situation du débiteur, sur rapport du mandataire judiciaire, le juge commis renvoie l’affaire devant le tribunal.
Les deux issues possibles sont :
- soit un jugement de clôture de la procédure de rétablissement professionnel qui conduit, à un effacement de certaines des dettes du débiteur ;
- soit à l’ouverture d’une liquidation judiciaire.
I. Ouverture de la procédure de rétablissement professionnel
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Les conditions d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel sont fixées par l'article L. 640-2 du code de commerce (C.com), l'article L. 645-1 du code de commerce, l'article L. 645-2 du code de commerce et l'article R. 645-1 du code de commerce.
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Peut bénéficier d’un rétablissement professionnel, tout débiteur, personne physique, mentionné à l’article L. 640-2 du code de commerce, exerçant une activité commerciale ou artisanale, agricole ou professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
Remarque : Sont exclus du dispositif les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée [EIRL] (C. com., art. L. 645-1, al. 2) et les personnes morales.
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Pour prétendre à un rétablissement professionnel, le débiteur professionnel personne physique ne doit pas être en procédure collective et ne doit pas avoir fait l’objet, dans les cinq ans précédents, d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture de rétablissement professionnel au titre de l’un quelconque de ses patrimoines.
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Les débiteurs personnes physiques, professionnels, sollicitant un rétablissement professionnel ne doivent pas avoir employé de salarié au cours des 6 derniers mois, ni être impliqués dans une instance prud’homale en cours ni déclarer un actif réalisable de plus de 5 000 € (C. com., art. R. 645-1).
Remarque : L'actif réalisable s'entend de la valeur liquidative brute de l'ensemble des biens du débiteur, sans prise en compte du passif.
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Le ministère public peut faire appel du jugement d'ouverture de la procédure (C. com., art. L. 661-11 et C. com., art. R. 661-1), qui ne fait pas l’objet d’une publicité au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). L'appel du ministère public est suspensif. La décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
II. La procédure de rétablissement professionnel : alternative à la liquidation judiciaire à l’initiative du seul débiteur
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En application de l'article L. 645-3 du code de commerce, de l'article R. 645-2 du code de commerce et de l'article R. 645-3 du code de commerce, le débiteur a seul l’initiative de la procédure de rétablissement professionnel, dans la mesure où il déclare son état de cessation des paiements et demande l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, dans le même acte.
Remarque : Le tribunal ne peut être saisi d’une simple demande d’ouverture de rétablissement professionnel, en ce sens qu’il ne constitue pas une procédure indépendante mais est envisagé comme une alternative à la liquidation judiciaire. Le rétablissement professionnel ne peut donc pas résulter de l’assignation d’un créancier.
Le tribunal (tribunal de commerce ou tribunal de grande instance selon l’activité exercée) ouvre la procédure après avoir requis l’avis du ministère public. Lorsque le tribunal ouvre la procédure de rétablissement professionnel à la demande du débiteur, il sursoit à statuer sur la demande d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire faite par ce dernier et, le cas échéant, sur l’assignation du créancier ou sur la requête du ministère public aux mêmes fins (C. com., art. R. 645-2).
Si le débiteur ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de la procédure de rétablissement professionnel, le tribunal rejette sa demande et statue sur sa demande d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (C. com., art. R. 645-3).
III. Déroulement de la procédure de rétablissement professionnel
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La procédure débute par une enquête et produit des effets à l’égard du débiteur et de ses créanciers.
A. Le jugement d'ouverture de la procédure
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Conformément à l'article L. 645-4 du code de commerce, dans le jugement d’ouverture, le tribunal désigne un juge commis chargé de recueillir les renseignements sur la situation patrimoniale du débiteur (montant du passif, valeur des actifs, etc.) qui dispose des mêmes moyens d’investigation que le juge commissaire dans toute procédure collective. Il nomme également un mandataire judiciaire pour assister le juge commis.
La procédure est ouverte pour une période de 4 mois, sans prorogation possible (C. com., art. L. 645-4, al. 3).
B. Rôle du mandataire judiciaire
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Le mandataire judiciaire peut faire tout acte nécessaire à la préservation des droits du débiteur ; il en rend compte sans délai au juge commis (C. com., art. L. 645-7).
Il informe, en application de l’article L. 645-8 du code de commerce, sans délai par lettre simple, les créanciers connus de l’ouverture de la procédure (C. com., art. R. 645-10). Il les invite à lui communiquer, dans le délai de 2 mois à compter de la réception de cet avis, le montant de leurs créances avec indication des sommes à échoir, de la date des échéances et de toute information sur les droits patrimoniaux dont ils sont titulaires à l’égard du débiteur (hypothèque, privilège, nantissement sur fonds de commerce, autre garantie). La lettre du mandataire comprend, en annexe, copie de l’inventaire des biens du débiteur et la liste des créances déclarées par ce dernier. Le débiteur peut compléter cette liste dans les quinze jours suivant le jugement d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel (C. com., art. R. 645-9).
En réponse à la sollicitation du mandataire, les créanciers doivent lui communiquer, par lettre simple, les créances échues, assorties de leur privilège et sûreté, et à échoir détenues à l’encontre du redevable à la date d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel.
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Le mandataire judiciaire informe, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel, les cautions et les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté un bien en garantie, dont l'existence a été portée à sa connaissance par le débiteur ou par un créancier (C. com. art. R. 645-11).
C. Possibilité d’ouverture d’une liquidation judiciaire à tout moment de la procédure
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L’article L. 645-9 du code de commerce dispose qu’à tout moment, le tribunal peut, sur rapport du juge commis, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire demandée simultanément à la procédure de rétablissement professionnel par le débiteur si l’une des conditions ci-après est remplie :
- il est établi que le débiteur qui a sollicité le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel n’est pas de bonne foi ;
- l’instruction a fait apparaître l’existence d’éléments susceptibles de donner lieu des à sanctions prévues par le titre V du livre VI du code de commerce (C. com., art. L. 650-1 et suivants) [action en responsabilité pour insuffisance d’actif, faillite personnelle ou interdiction de gérer, etc.] ou à l’application des dispositions de l'article L. 632-1 du code de commerce, de l'article L. 632-2 du code de commerce et de l'article L. 632-3 du code de commerce (nullités de droit ou facultatives de la période suspecte) ;
- il apparaît que les conditions d’ouverture du rétablissement professionnel n’étaient pas réunies à la date à laquelle le tribunal a statué sur son ouverture ou ne le sont plus depuis.
Le tribunal peut, aussi, être saisi en ouverture de liquidation judiciaire sur requête du ministère public, sur assignation d’un créancier ou par le débiteur.
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Le jugement par lequel le tribunal ouvre la liquidation judiciaire met fin de plein droit au rétablissement professionnel sans que les dettes soient effacées.
Il ne s’agit pas d’une conversion d’un rétablissement professionnel en une liquidation judiciaire mais de l’ouverture d’une liquidation judiciaire. Ce sont donc les règles de la liquidation judiciaire normale ou simplifiée qui s’appliquent selon la procédure ouverte.
Les créanciers doivent donc, notamment, procéder à une déclaration de leurs créances.
IV. Effets de la procédure de rétablissement professionnel
A. Effets à l’égard du débiteur
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Le débiteur n’est pas dessaisi. Il conserve le pouvoir de disposition de ses biens.
B. Effets à l’égard des créanciers
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Les créanciers ne sont pas frappés par la règle de l’interdiction des poursuites individuelles.
Toutefois, si un créancier poursuit ou met en demeure de payer le débiteur au cours de la procédure, le juge commis peut, sur demande du débiteur, reporter le paiement des sommes dues dans la limite de 4 mois et ordonner, pour cette même durée, la suspension des mesures d’exécution qui auraient pu être engagées par le créancier (C. com., art. L. 645-6 et C. com., art. R. 645-7).
V. Issue de la procédure de rétablissement professionnel
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Le juge commis choisit soit la clôture de la procédure, soit l’ouverture d’une liquidation judiciaire. Pour ce faire, il renvoie l’affaire devant le tribunal (C. com., art. L. 645-10).
Le juge commis ne peut siéger dans la formation collégiale, ni participer à son délibéré, sous peine de nullité du jugement (C. com., art. R. 645-16).
A. Clôture de la procédure de rétablissement professionnel
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Après avis du ministère public et sur rapport du mandataire judiciaire, le juge-commis renvoie l’affaire devant le tribunal aux fins de voir prononcer la clôture de la procédure.
Un avis du jugement de clôture est publié au BODACC et dans un journal d'annonces légales du lieu ou le débiteur a son adresse professionnelle (C. com., art. R. 645-19). Le greffier procède d’office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement de clôture. Un avis est également mentionné aux registres ou répertoires prévus à l’article R. 621-8 du code de commerce.
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La clôture de la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de certaines dettes (C. com., art. L. 645-11).
L’effacement des dettes a lieu sans distinction entre dettes professionnelles et dettes non professionnelles, dès lors qu’elles remplissent cumulativement les critères suivants :
- être nées antérieurement au jugement d’ouverture du rétablissement professionnel ;
- avoir été portées à la connaissance du juge commis par le débiteur ;
- avoir fait l’objet de l’information du mandataire judiciaire aux créanciers, information prévue à l’article L. 645-8 du code de commerce.
Les dettes effacées sont mentionnées dans l’ordonnance de clôture (C. com., art. L. 645-11). À leur demande, les créanciers dont les dettes sont effacées peuvent obtenir du greffier un extrait certifié conforme du jugement.
En application de l’article L. 645-11 du code de commerce, ne peuvent être effacées les dettes salariales, les dettes alimentaires ainsi que les dettes mentionnées aux 1 et 2 du I et au II de l’article L. 643-11 du code de commerce, c’est-à-dire celles :
- nées d’une infraction pénale dont l’auteur est le débiteur ;
- liées aux biens acquis au titre d’une succession ouverte pendant la liquidation judiciaire ;
- portant sur des droits attachés à la personne du créancier ;
- de remboursement des coobligés ou personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie lorsque ceux-ci auront payé le créancier à la place du débiteur.
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La clôture de la procédure de rétablissement professionnel n’empêche pas l’ouverture ultérieure d’une liquidation judiciaire s’il apparaît que le débiteur a obtenu le bénéfice de cette procédure par une description incomplète de son actif ou de son passif (C. com., art. L. 645-12).
La décision du tribunal fait alors recouvrer leurs droits aux créanciers dont les créances avaient été effacées en vertu de l’article L. 645-11 du code de commerce.
Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l'article L. 645-12 du code de commerce dispense les créanciers dont les créances ont été effacées d’avoir à déclarer ces créances au passif de la liquidation judiciaire. Ces créances sont réputées déclarées pour le montant pour lequel elles ont été effacées.
La date de cessation des paiements est fixée à la date d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel sans qu’elle puisse être antérieure de plus de 18 mois à la date de ce jugement (C. com., art. L. 645-12).
B. Ouverture d’une liquidation judiciaire
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Dans son rapport, le juge commis peut proposer au tribunal d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire.
Il ne s’agit pas d’une conversion d’un rétablissement professionnel en une liquidation judiciaire mais de l’ouverture d’une liquidation judiciaire. Ce sont donc les règles de la liquidation judiciaire normale ou simplifiée qui s’appliquent selon la procédure ouverte.
Le jugement par lequel le tribunal ouvre la procédure de liquidation judiciaire en application de l’article L. 645-9 du code de commerce met fin de plein droit à la procédure de rétablissement professionnel sans que les dettes soient effacées (C. com., art. R. 645-22).