CTX - Bouclier fiscal - Modalités d'exercice du droit à restitution - Procédures de restitution et obligations déclaratives - Autoliquidation du plafonnement
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L'article 38 de la loi de finances pour 2009, dont le I complète à cet effet d'un 9 l'article 1649-0 A du CGI, a mis en place une nouvelle modalité d'exercice du droit à restitution.
Ainsi, les bénéficiaires du bouclier fiscal peuvent désormais procéder eux-mêmes à l'imputation sur le paiement des impositions à venir de la créance qu'ils détiennent sur l'État à raison du plafonnement d'impositions déjà versées, c'est-à-dire de la créance dite « bouclier » égale au montant du droit à restitution auquel les bénéficiaires du plafonnement pourraient prétendre.
Cette procédure d'imputation, dite d'autoliquidation du plafonnement, est assortie de l'obligation de déposer, auprès du service chargé du recouvrement de l'imposition qui fait l'objet de cette imputation, une déclaration faisant état du montant total des revenus et des impositions pris en compte, de celui de la créance et, enfin, de l'imposition sur laquelle la créance est imputée. L'imputation ne peut notamment pas être effectuée sur l'impôt sur le revenu, dont le montant ne peut en principe, à lui seul, être supérieur à la moitié des revenus.
Par son caractère déclaratif, cette procédure se distingue de la procédure actuelle, qui est par ailleurs maintenue.
I. Détermination du montant de la créance imputable
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La créance imputable est égale au montant du droit à restitution. Les modalités de détermination du droit à restitution, et donc de la créance dite « créance bouclier » égale au montant de ce droit, restent inchangées.
La créance, acquise au 1er janvier N, correspond donc à la fraction du montant total de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux versés en N-2 et N-1 au titre des revenus de l'année N-2, des impôts locaux afférents à l'habitation principale et de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) établis en N-1, qui excède la moitié des revenus de l'année N-2.
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Le deuxième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI précise que la créance, dont le montant est égal à celui du droit à restitution mentionné au 1 de l'article 1649-0 A précité, est acquise à la même date que ce droit.
En application des dispositions du 1 de l'article 1649-0 A du CGI, le droit à restitution, et donc la créance correspondante, sont acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement. Ainsi, pour le plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010, la créance est acquise au 1er janvier 2012.
II. Modalités d'imputation de la créance
A. Impositions susceptibles de donner lieu à imputation de la créance
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Aux termes du premier alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI, la créance peut être utilisée pour le paiement des impositions mentionnées aux b à e du 2 du premier alinéa du 9 de l'article 1649-O A du CGI exigibles au cours de cette même année.
Il s'agit donc :
- de l'impôt de solidarité sur la fortune (b du 2 de l'article 1649-0 A du CGI) ;
- des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties afférentes à l'habitation principale du contribuable ainsi que des taxes additionnelles à ces taxes, à l'exception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (c du 2 de l'article 1649-0 A du CGI) ;
- de la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable ainsi que des taxes additionnelles à cette taxe (d du 2 de l'article 1649-0 A du CGI) ;
- des contributions et prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et contributions additionnelles à ce prélèvement) sur les revenus du patrimoine (e du 2 de l'article 1649-0 A du CGI).
Seules les impositions mentionnées ci-dessus (ISF, contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et impôts locaux afférents à l'habitation principale) peuvent donner lieu à imputation de la créance.
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Par suite, l'imputation ne peut être effectuée ni sur l'impôt sur le revenu, qu'il soit calculé selon le barème progressif ou à taux proportionnel (prélèvement forfaitaire libératoire sur certains revenus de capitaux mobiliers, impôt proportionnelle sur les plus-values immobilières…), ni sur les autres impositions susceptibles d'être plafonnées, c'est-à-dire sur les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus d'activité et de remplacement et sur les produits de placement.
L'imputation ne peut pas non plus être effectuée sur la redevance audiovisuelle, devenue la « contribution à l'audiovisuel public » (article 29 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision), bien qu'elle figure sur le même avis d'imposition que la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable.
B. Impositions exigibles au cours de l'année au titre de laquelle le droit à restitution est acquis
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En application du premier alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI, seules les impositions exigibles au cours de l'année au titre de laquelle le droit à restitution est acquis peuvent donner lieu à l'imputation de la « créance bouclier » se rapportant à ce droit.
Exemple : Ainsi, le contribuable pourra imputer la créance acquise au 1er janvier N sur les impositions mentionnées au II-A § 30 exigibles au cours de l'année N, y compris sur les impositions correspondantes exigibles en N se rapportant à une année antérieure, par exemple faisant suite à une rectification opérée par l'Administration fiscale. L'imputation peut également porter sur les pénalités d'assiette ou de recouvrement dont sont, le cas échéant, assorties les impositions en principal concernées.
En revanche, l'imputation ne pourra intervenir sur les impositions exigibles au cours des années antérieures ou ultérieures.
Exemple :
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009, telle que calculée par le bénéficiaire : 60 000 €
Montant dû au titre de l'ISF 2009 : 75 000 €
Imputation de cette créance en 2009 sur l'ISF 2009 : 60 000 €
Montant versé au titre du solde de l'ISF 2009 : 15 000 €
Solde de la créance 2009 restant à imputer : 0 €
C. Dépôt d'une déclaration lors de chaque imputation de la créance
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Les troisième et quatrième alinéas du 9 de l'article 1649-0 A du CGI précisent que l'imputation est assortie de l'obligation de déposer, auprès du service chargé du recouvrement de l'imposition qui fait l'objet de cette imputation, une déclaration faisant état :
- du montant total des revenus et des impositions pris en compte ;
- de celui de la créance correspondant au droit à restitution (« créance bouclier ») ;
- et, enfin, de l'imposition sur laquelle la créance est imputée.
La déclaration doit être déposée par le contribuable au service de recouvrement dont il dépend au moyen de l'imprimé n° 2041-DRBF. Cette déclaration, disponible sur le portail fiscal : www.impots.gouv.fr, doit parvenir au service de recouvrement à partir de la date d'exigibilité de l'impôt et jusqu'à la date limite de paiement.
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Les règlements tardifs (après la date limite de paiement) au moyen de l'imprimé n° 2041-DRBF seront retenus, à la condition qu'ils interviennent avant le 31 décembre de l'année au cours de laquelle le droit à restitution a été acquis.
L'utilisation de l'imprimé n° 2041-DRBF ne fait pas obstacle à l'application, le cas échéant, des pénalités d'assiette ou de recouvrement relatives aux dépôts ou paiements tardifs.
Le cinquième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI précise que lorsque le contribuable procède à l'imputation de la « créance bouclier » sur des impositions distinctes, la déclaration doit également comporter :
- le montant des imputations déjà pratiquées au cours de l'année ;
- ainsi que les références aux impositions qui ont déjà donné lieu à une imputation.
Dans une telle situation, la déclaration n° 2041-DRBF devra donc récapituler les imputations déjà effectuées.
III. Caractère déclaratif de la nouvelle procédure
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En application des dispositions du sixième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI, les documents déposés à l'appui des imputations pratiquées constituent des déclarations qui sont soumises aux mêmes règles de contrôle et de prescription que celles prévues en matière d'impôt sur le revenu, même lorsque les revenus pris en compte pour la détermination du plafonnement sont issus d'une période prescrite.
Par son caractère déclaratif, cette procédure se distingue de la procédure actuelle, par ailleurs maintenue, qui constitue quant à elle une réclamation contentieuse au sens de l'article L190 du LPF.
Le délai de reprise s'exerce jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle le droit a été acquis.
Exemple :
Revenus 2008 (y compris revenus exonérés) : 400 000 €
Impôt sur le revenu et prélèvement sociaux dus au titre des revenus de l'année 2008 : 100 000 €
Impôts locaux 2009 afférents à l'habitation principale : 5 000 €
ISF 2009 : 170 000 €
Somme des impositions prises en compte : 275 000 €
Seuil de plafonnement (50 % des revenus de 2008) : 200 000 €
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2010 telle que calculée par le bénéficiaire : 75 000 €
Montant total des imputations pratiquées en 2010 au titre de cette créance : 75 000 €
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2010, telle que rectifiée en 2013 par l'Administration fiscale par suite de la rectification du montant des revenus 2008 (420 000 €, au lieu de 400 000 €) : 65 000 €
Demande de reversement en 2013 de l'insuffisance de versement constaté en 2010 : 10 000 €
Dans cette situation, l'imputation pratiquée en 2010 peut être remise en cause jusqu'au 31 décembre 2013. Cette remise en cause pourra notamment porter sur les revenus perçus en 2008, même si le droit de reprise de l'Administration ne peut alors plus être exercé sur l'impôt correspondant.
Ainsi, cette prescription ne prive pas l'Administration fiscale de la possibilité de rectifier, en 2013, le montant des revenus 2008, s'agissant des conséquences du montant de ces revenus sur le calcul du « bouclier 2010 », et donc sur les imputations de la « créance bouclier » pratiquées en 2010 par le contribuable.
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Le III de l'article 38 de la loi de finances pour 2009 complète les dispositions de l'article L10 du LPF en intégrant les déclarations déposées par le contribuable dans le cadre de la procédure d'imputation parmi les déclarations, actes ou documents sur lesquels s'exerce le pouvoir de contrôle de l'Administration.
La reprise des sommes indûment imputées est demandée selon les mêmes règles de procédures et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu (sixième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI).
IV. Sanction spécifique en cas d'imputation excessive
A. Majoration égale à 10 % de l'insuffisance de versement constatée en cas d'imputation excessive
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Le II de l'article 38 de la loi de finances pour 2009 insère dans le CGI un nouvel article 1783 sexies qui prévoit l'application d'une sanction spécifique en cas d'imputation excessive par le contribuable au regard de son droit à restitution.
En application de ce nouvel article, le contribuable est redevable d'une majoration égale à 10 % de l'insuffisance de versement constatée, lorsque le montant total des imputations pratiquées en application du 9 de l'article 1649-0 A du CGI excède de plus d'un vingtième le montant du droit à restitution auquel elles se rapportent, c'est-à-dire du montant du droit à restitution auquel le contribuable peut effectivement prétendre.
Ainsi, le contribuable dispose d'une marge d'erreur dans le calcul de sa créance et des imputations correspondantes, sur le modèle de la tolérance légale prévue au 4 du II de l'article 1727 du CGI.
B. Articulation avec les sanctions de droit commun
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L'application de la majoration spécifique prévue à l'article 1783 sexies du CGI ne fait pas obstacle à l'application, le cas échéant, des sanctions de droit commun.
L'intérêt de retard fait l'objet d'une liquidation distincte pour chacune des cotisations acquittées par voie d'imputation, à hauteur des imputations effectivement effectuées et à partir de la date limite de paiement des impositions en cause.
Exemples :
Exemple 1 :
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009, telle que calculée par le bénéficiaire : 62 000 €
Montant total des imputations pratiquées en 2009 au titre de cette créance : 62 000 €
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009, telle que rectifiée par l'Administration fiscale : 60 000 €
Demande de reversement de l'insuffisance de versement : 2 000 €
Pénalité spécifique (article 1783 sexies du CGI) : Néant
Dans cet exemple, le reversement ne donne pas lieu à l'application de la majoration prévue à l'article 1783 sexies dès lors que l'insuffisance de versement n'excède pas le vingtième du montant du droit à restitution au titre duquel les imputations ont été pratiquées (ici 1/20ème de 60 000 €, soit 3 000 €).
Exemple 2 :
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009, telle que calculée par le bénéficiaire : 60 000 €
Montant total des imputations pratiquées en 2009 au titre de cette créance : 60 000 €
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009, telle que rectifiée par l'Administration fiscale : 50 000 €
Demande de reversement de l'insuffisance de versement : 10 000 €
Pénalité spécifique (article 1783 sexies du CGI) : 1 000 €
Dans cet exemple, le reversement donne lieu à l'application de la majoration prévue à l'article 1783 sexies du CGI dès lors que l'insuffisance de versement excède le vingtième du montant du droit à restitution au titre duquel les imputations ont été pratiquées (ici 1/20ème de 50 000 euros, soit 2 500 euros).
V. Maintien de la procédure de demande de restitution
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Le premier alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI prévoit que, par dérogation à la procédure actuelle de demande de restitution mentionnée au 8 de l'article 1649-0 A du CGI , le contribuable peut, sous sa responsabilité, utiliser la créance qu'il détient pour le paiement de certains impôts. Le recours à la nouvelle procédure ne constitue donc pas une obligation, mais une faculté offerte au contribuable qui ne supprime pas la procédure contentieuse actuelle de demande de restitution.
Le recours à la nouvelle procédure s'effectue sous la responsabilité du contribuable. Elle est, à ce titre, assortie d'une sanction spécifique (cf. IV) en cas d'imputation excessive.
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En outre, le septième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI précise que lorsque le contribuable pratique une ou plusieurs imputations en application des nouvelles dispositions, il conserve la possibilité de déposer une demande de restitution, dans les conditions actuelles, pour la part non imputée de la « créance bouclier ». Cette demande de restitution est également effectuée au moyen de l'imprimé n° 2041-DRBF.
Le contribuable peut imputer sa créance en totalité ou en partie.
A cet égard, la circonstance que le caractère partiel de l'imputation résulte d'un choix ou d'une impossibilité matérielle (cas où les impositions exigibles sont insuffisantes pour permettre d'imputer la totalité de la créance) est sans incidence.
Dans tous les cas, le contribuable conserve la possibilité de demander la restitution de sa « créance bouclier » (ou du solde non imputé de celle-ci), y compris lorsque certaines impositions, qui auraient pu permettre cette imputation, deviendront ultérieurement exigibles au cours de l'année considérée.
Le même septième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI précise toutefois que lorsque le contribuable dépose une demande de restitution pour le reliquat de sa créance, il ne peut plus, à compter de cette demande et au titre de l'année considérée, procéder à une imputation complémentaire selon les nouvelles modalités.
Remarque : De la même manière, le fait pour le contribuable de déposer une demande de restitution de sa créance acquise au titre d'une année préalablement à toute imputation, le prive de la possibilité de pratiquer par la suite une telle imputation au titre de l'année considérée.
Exemple :
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009 : 60 000 €
Imputation sur l'impôt de solidarité sur la fortune exigible le 15 juin2009 : 45 000 €
« Créance bouclier » acquise au 1er janvier 2009 : 60 000 €
Imputation sur l'impôt de solidarité sur la fortune exigible le 15 juin2009 : 45 000 €
Demande de restitution déposée le 15 juin 2009 pour le solde de la créance, soit : 15 000 €
A partir du dépôt de la demande de restitution, soit le 15 juin 2009, le solde non imputé de la « créance bouclier » (15 000 €) ne peut plus faire l'objet d'une imputation. La demande de restitution, qui doit donc porter sur la totalité du solde de la « créance bouclier », est alors instruite par l'Administration fiscale selon la procédure contentieuse.
VI. Régime de la « créance bouclier » au regard de l'assiette de l'ISF et du droit au plafonnement des impositions directes au titre de l'année suivante
A. Absence de prise en compte de cette créance dans l'actif taxable à l'ISF
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L'article 885 E du CGI prévoit que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année considérée, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables du redevable.
RES n°2008/29 (ENR)
Il est admis qu'en raison de la nature particulière du droit à restitution résultant du plafonnement des impositions directes en fonction du revenu et par mesure de simplification, il n'y a pas lieu de prendre en compte le montant de ce droit à l'actif de la déclaration d'ISF.
Le recours à la procédure d'imputation de la créance décrite dans la présente documentation ne remet pas en cause la solution retenue dans cette décision de rescrit, laquelle s'applique indifféremment au droit à restitution ou à la créance correspondante.
B. Prise en compte des impositions payées au moyen de cette créance pour le calcul du plafonnement des impositions directes de l'année suivante
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En application du 2 de l'article 1649-0 A du CGI, les impositions ne peuvent être prises en compte pour le calcul du plafonnement qu'à condition qu'elles aient été effectivement payées.
Le deuxième alinéa du 9 de l'article 1649-0 A du CGI précise que le contribuable peut, sous sa responsabilité, utiliser la créance qu'il détient sur l'État à raison du droit à restitution acquis au titre d'une année, pour le paiement de certaines impositions exigibles au cours de cette même année.
Cette imputation, qui présente ainsi le caractère d'un paiement, n'affecte donc pas le calcul du plafonnement des impôts directs de l'année suivante. Les impositions payées au moyen de cette créance seront donc prises en compte pour le calcul du plafonnement, et donc de la « créance bouclier » de l'année suivante.