CF - Garanties liées aux procédures de rectification - Garanties accordées lors d'un contrôle fiscal externe lorsque l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement en ne rectifiant pas certains points examinés - Notion de garantie fiscale
I. Principes généraux de la garantie fiscale
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La garantie fiscale participe de la volonté de rendre le contrôle fiscal plus transparent et d’en faire un vecteur de sécurité juridique pour les contribuables.
Elle résulte de la combinaison de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscale (LPF) et de l'article L. 49 du LPF et permet au contribuable de se prévaloir, pour l’avenir, des positions prises par l’administration à l’issue d’un contrôle fiscal externe, y compris sur les points du contrôle n'ayant pas donné lieu à rectification.
A. Garantie contre les changements d'interprétation d'un texte fiscal
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Les dispositions codifiées à l’article L. 80 A du LPF ont pour finalité de garantir une meilleure sécurité juridique au contribuable en le protégeant contre les changements d'interprétation formelle des textes fiscaux par l'administration.
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Cette garantie concerne :
- l’interprétation des textes fiscaux contenue dans la doctrine publiée (LPF, art. L. 80 A, al. 3) ;
- une prise de position formelle sur l'interprétation d'un texte fiscal au profit d’un contribuable (LPF, art. L. 80 A, al. 1 ; BOI-SJ-RES-10-10) ;
- les prises de position de l’administration sur les points d’une procédure de contrôle fiscal externe, que ces points donnent lieu ou non à une rectification (LPF, art. L. 80 A, al. 2).
B. Notification obligatoire des conclusions du contrôle fiscal externe
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En application du second alinéa de l’article L. 49 du LPF, tous les points du contrôle doivent être indiqués dans la proposition de rectification ou l’avis d’absence de rectification envoyé par l’administration à l’issue d’un contrôle fiscal externe, y compris s'ils ne sont pas rectifiés.
C. Notion de garantie fiscale
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La garantie fiscale résulte de la combinaison du secondalinéa de l'article L. 80 A du LPF et du deuxième alinéa de l'article L. 49 du LPF.
L’administration est tenue de porter expressément à la connaissance du contribuable, sur la proposition de rectification ou l’avis d’absence de rectification, les points contrôlés même non rectifiés.
Cela constitue une validation de l’administration, dont le contribuable pourra se prévaloir, sous certaines conditions, et empêchera l’administration de proposer des rectifications contraires à cette position sur toute période non prescrite, tant qu’elle n’a pas rapporté cette position.
II. Modalités d'application de la garantie fiscale
A. Le champ d’application de la garantie fiscale
1. Les procédures concernées
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Cette garantie s’applique seulement dans le cadre des procédures de contrôle fiscal externe visées par la loi :
- vérification de comptabilité (LPF, art. L. 13) ;
- examen de comptabilité (LPF, art. L. 13 G) ;
- examen contradictoire de la situation fiscale personnelle [ESFP] (LPF, art. L. 12).
La garantie fiscale ne s’applique pas aux points examinés dans le cadre d’autres procédures.
2. Les impôts concernés
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La garantie fiscale peut concerner tous les impôts et taxes susceptibles d’être examinés lors d’une vérification de comptabilité, d'un examen de comptabilité ou d'un ESFP.
Lorsqu'elle n'est pas contrôlée dans le cadre d'une procédure de contrôle fiscal externe (II-A-1 § 50), la contribution à l’audiovisuel public contrôlée dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 61 B du LPF n’est ainsi pas concernée. Il en est de même pour les droits d'enregistrement ou les revenus fonciers perçus par les sociétés civiles immobilières (SCI) de gestion qui ne sont pas contrôlés dans le cadre d'une procédure de contrôle fiscal externe.
B. Le périmètre de la garantie fiscale
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La garantie fiscale ne peut concerner que les points couverts par l’avis de vérification de comptabilité, d’examen de comptabilité ou d'ESFP, qui auront été effectivement examinés par le service de contrôle dans le cadre des procédures listées par la loi.
Un point exclu du périmètre des investigations de l’administration n'est pas considéré comme un point examiné.
1. Notion de point examiné
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Lorsque le point est inclus dans le périmètre du contrôle, il n'est considéré comme examiné au sens de la garantie fiscale que si l'administration dispose de toutes les informations nécessaires pour prendre position, en toute connaissance de cause, sur l’application d’une règle fiscale à une situation de fait (LPF, art. L. 80 A, al. 2).
En pratique, il s'agit des points qui ont fait l’objet d’un échange entre le contribuable et l'administration, c’est-à-dire qui ont donné lieu :
- à une interrogation précise de l'administration à l’attention du contribuable ;
- et à une réponse du contribuable permettant à l'administration de se prononcer en toute connaissance de cause, au regard des faits constatés et du droit applicable.
Un point sur lequel l'administration a interrogé le contribuable et n’a pas obtenu de réponse ou une réponse insuffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause n'est pas un point examiné au sens de la garantie fiscale.
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En outre, pour qu’un point soit considéré comme examiné au sens de la garantie fiscale, il faut qu’il puisse donner lieu à une prise de position de l’administration sur l’application d’une règle fiscale à une situation de fait.
Ainsi, une question sur une écriture comptable permettant à l'administration de se prononcer sur sa conformité au droit fiscal applicable vaut examen au sens de la garantie fiscale.
En revanche, une question sur une écriture comptable afin de comprendre sa comptabilisation ne vaut pas examen au sens de la garantie fiscale, puisque l'administration ne cherche pas à en tirer de conséquences fiscales.
La demande de communication de documents économiques, juridiques ou comptables de portée générale, qui n’impliquent pas automatiquement l’application d’une règle fiscale, ne constitue pas non plus examen au sens de la garantie fiscale dès lors qu’aucune conséquence fiscale précise ne peut en être tirée. Tel est le cas, notamment, des demandes de communication d’états de rapprochements comptables, de contrats, de conventions ou de comptes bancaires.
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Si le contribuable souhaite que l'administration prenne position sur un point inclus dans le champ de l'avis de vérification ou d'examen de comptabilité, mais qui n'a pas fait l'objet d'interrogation de l’administration, il lui appartient de demander un rescrit en cours de contrôle en application du 10° de l’article L. 80 B du LPF (BOI-CF-PGR-30-20).
2. Situations excluant par principe le bénéfice de la garantie fiscale
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Dans certains cas, le contrôle fiscal externe ne peut donner lieu à aucune garantie fiscale pour l’avenir.
Il en est ainsi lorsque l'administration établit que la comptabilité est irrégulière et non probante. Dans ce cas, la garantie est inapplicable pour tous les exercices concernés par le rejet de comptabilité. Toutefois, les points examinés afférents aux exercices au titre desquels la comptabilité n’a pas été rejetée peuvent bénéficier de la garantie fiscale, sous réserve que le contribuable ait communiqué tous les éléments permettant d'apprécier sa situation.
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De même, aucune garantie fiscale ne peut être octroyée si le contribuable est défaillant pour des périodes et impôts examinés dans le cadre du contrôle.
Exemple : Une entreprise au régime simplifié de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fait l’objet, en septembre N, d’un examen de comptabilité portant sur la TVA sur l’année N-1. Si elle n’a pas déposé de déclaration de TVA dans les délais légaux pour l'année N-1 et n’a pas déposé de déclaration au plus tard en début de contrôle fiscal, elle ne pourra pas bénéficier de la garantie fiscale. Toutefois, le fait que l’entreprise n’ait pas déposé de déclaration de résultat pour l’exercice N-1 ou de déclaration mensuelle de TVA en août N est sans incidence sur le bénéfice de la garantie fiscale.
C. L’information du contribuable en cours de contrôle
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La garantie fiscale est présentée dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié et le vérificateur pourra notamment évoquer la procédure lors de la première intervention sur place (vérification de comptabilité), lors du premier entretien (ESFP) ou au cours des échanges (examen de comptabilité).
Dans le cadre du débat oral et contradictoire et au plus tard à la fin des opérations de contrôle sur place, le contribuable est tenu informé des points qui se trouvent dans le périmètre du contrôle et sont donc susceptibles de bénéficier de la garantie fiscale à l’avenir.
Il est également tenu informé des points qui n’entrent pas dans le périmètre du contrôle alors que l’administration a cherché à les examiner, mais n’a pu obtenir les éléments d’information suffisants de la part du contribuable pour se prononcer.
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La garantie fiscale ne remet pas en cause le principe du débat oral et contradictoire en matière de contrôle fiscal externe. Elle ne doit pas conduire à formaliser systématiquement les échanges entre l’administration et le contribuable. Ainsi, l’administration n’est pas tenue de notifier au contribuable par courrier, en cours de contrôle, les points examinés ou les constats effectués sur place. Elle n’est pas non plus tenue de questionner le contribuable par écrit, ni d'exiger de lui des réponses écrites à ses questions.
D. La formalisation de la position de l’administration à l’issue du contrôle
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Pour bénéficier de la garantie fiscale, la position prise par l’administration n’a pas à être formelle au sens du 1° de l’article L 80 B du LPF ou du premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF, c’est-à-dire explicite, précise et non-équivoque.
L’administration doit néanmoins porter expressément à la connaissance du contribuable les points qu’elle a examinés mais qu’elle n’a pas rectifiés dans les propositions de rectification ou les avis d’absence de rectification (LPF, art. L. 49, al. 2).
L’administration est donc seulement tenue d’énumérer, dans les pièces de procédure, les points du contrôle bénéficiant de la garantie fiscale.
Exemple 1 : La réduction d’impôt correspondant à l’investissement locatif (désignation du bien) placé sous le régime fiscal de faveur « Pinel », déclarée au titre de l’année 2018, est conforme aux dispositions de l’article 199 novovicies du code général des impôts (CGI).
Exemple 2 : Les taux de TVA appliqués sur les produits (nature des produits) examinés sur la base d’un sondage n’appellent pas d’observation.
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Tous les points qui entrent dans le champ de l’avis d’engagement du contrôle, mais ne figurent pas dans la proposition de rectification (ou l’avis d’absence de rectification), sont par principe exclus du champ de la garantie fiscale.
En revanche, si aucun point n'est énuméré par le vérificateur dans la pièce de procédure, sans motivation de l'absence d'application de la garantie fiscale, celle-ci sera présumée s’appliquer à l’ensemble des points couverts par l’avis d’engagement du contrôle qui n'ont pas donné lieu à rectification.
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Le bénéfice de la garantie fiscale s’étend aux rectifications abandonnées pour des motifs de fond au stade du recours hiérarchique, de l’interlocution, de la commission ou du contentieux pré-juridictionnel. Le document informant le contribuable de l’abandon des rectifications ou du dégrèvement l’informe également du bénéfice de la garantie fiscale.
III. Portée de la garantie fiscale
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La garantie fiscale est un facteur de sécurité juridique supplémentaire pour le contribuable en cas de contrôles ultérieurs, puisqu’elle vient limiter le droit de reprise de l’administration sur les points examinés lors d’un contrôle fiscal externe antérieur dont il a personnellement fait l'objet, y compris si ces points n’ont pas donné lieu à rectification.
L'administration n'est toutefois engagée que par l'appréciation qu'elle a portée sur une situation de fait, au regard du seul texte fiscal en fonction duquel elle a pris position.
Exemple :
À l'occasion d'une vérification, l'administration a admis, dans une situation donnée, le bénéfice pour un contribuable d'un droit à déduction en matière de TVA et l’a expressément notifié au contribuable dans la proposition de rectification.
Cette prise de position ne lui interdit pas, à l'occasion d'un contrôle ultérieur, de remettre en cause, dans le délai de reprise, le taux de TVA applicable aux opérations effectuées dans la même situation de fait. En effet, la prise de position antérieure sur l'appréciation de la situation de fait n'a été effectuée qu'au regard du texte fiscal relatif au droit à déduction et non au regard du texte fiscal relatif au taux d'imposition applicable.
En outre la garantie fiscale n’est opposable que par le contribuable de bonne foi et peut prendre fin dans plusieurs cas.
A. La notion de bonne foi du contribuable
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La garantie fiscale est applicable au contribuable de bonne foi au sens du premier alinéa de l’article L. 80 A du LPF : ce dernier doit avoir exposé toute sa situation fiscale lors du contrôle initial sans omettre aucun élément, permettant ainsi à l’administration de prendre position en toute connaissance de cause sur l’application d’une règle fiscale à une situation de fait.
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L’application des majorations prévues à l’article 1729 du CGI en cas d’infraction exclusive de bonne foi sur un ou plusieurs chefs de rehaussements ne prive pas, en soi, le contribuable du bénéfice de la garantie fiscale sur les autres points ayant fait l'objet d'investigations dans le cadre du contrôle et qui sont conformes à la législation fiscale.
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La garantie fiscale n’est pas opposable à l’administration pour le passé, dans la limite du délai de reprise, si celle-ci établit que le contribuable n’était pas de bonne foi dans sa présentation du point mentionné sur la pièce de procédure comme bénéficiant de la garantie fiscale.
Par exemple, si l'administration est en mesure de démontrer qu’au titre du ou des points validés lors du premier contrôle, elle a été induite en erreur par le contribuable qui a omis de lui présenter l’intégralité de sa situation fiscale, la garantie fiscale ne s'applique pas et il est possible de rectifier l’ensemble des périodes non prescrites.
B. Cas de révocation de la position de l'administration
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La garantie s’applique en principe sans limitation de durée. Néanmoins, la prise de position de l’administration lors du premier contrôle fiscal n’est pas irrévocable puisqu’il faut que les faits et le droit soient identiques.
En outre, l’administration fiscale peut revenir sur ses positions et modifier son appréciation à faits et droit constants. Ce changement de position ne vaudra toutefois que pour l'avenir.
1. Changement dans la législation applicable
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La garantie fiscale n’est pas opposable à l’administration pour le passé, dans la limite du délai de reprise, si les circonstances de droit ont évolué. Dans ce cas, la prise de position de l'administration exprimée dans le contrôle fiscal antérieur perd toute valeur dès l'entrée en vigueur de la nouvelle législation, sans que l'administration soit tenue d'en aviser le contribuable concerné.
Si la prise de position de l'administration est périmée du fait d'un changement de la doctrine administrative concernant l'interprétation d'un texte fiscal ou du fait de l'évolution de la jurisprudence, la garantie fiscale continue à s'appliquer jusqu'au jour de la publication par l'administration de la nouvelle doctrine ou des conséquences qu'elle tire d'une décision juridictionnelle.
2. Changement dans la situation de fait
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La garantie fiscale n’est pas opposable à l’administration pour le passé, dans la limite du délai de reprise, si la situation de fait n'est plus strictement identique à celle ayant fait l'objet d'une appréciation par l'administration lors du contrôle fiscal antérieur.
La garantie fiscale cesse dès que la situation en cause n’est plus strictement identique à celle qui a été appréciée par l'administration et si le contribuable ne satisfait plus à l’ensemble des conditions d’application de la norme fiscale et dans tous ses termes portant sur un même objet.
Dans les cas où le bénéfice d’un dispositif fiscal implique de vérifier chaque année ses conditions d’octroi, la garantie fiscale n’a de portée pour l’avenir que si la situation validée lors du premier contrôle continue de se prolonger à l’identique, en faits et en droit, les années ultérieures.
3. Changement d’appréciation de l’administration fiscale
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L'administration peut toujours revenir sur l'appréciation portée sur les conséquences fiscales d'une situation de fait concernant un contribuable déterminé, à faits et droit constants.
Dans ce cas, l'appréciation antérieure n'est caduque que pour l’avenir, à compter du jour où le contribuable concerné a été avisé qu'elle était rapportée.