DJC - COVID19 - Adaptation par ordonnances des délais de procédures administratives et juridictionnelles - Incidences en matière de contrôle fiscal
Les nouveaux commentaires figurant dans le présent document font l'objet d'une consultation publique du 3 avril au 13 avril 2020 inclus pour permettre aux personnes intéressées d'adresser leurs remarques éventuelles à l'administration. Ces remarques doivent être formulées par courriel adressé à l'adresse suivante : bureau.jf2a@dgfip.finances.gouv.fr. Seules les contributions signées seront examinées. Dès la présente publication, vous pouvez vous prévaloir de ces commentaires jusqu'à leur éventuelle révision à l'issue de la consultation.
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La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du Covid-19.
L’administration fiscale est plus particulièrement concernée par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, publiée au journal officiel du 26 mars 2020, afin de tenir compte de certaines spécificités de l’action administrative.
L’article 10 du titre II de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit que sont suspendus les délais non échus au 12 mars 2020 ou commençant à courir au cours de la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
I. Suspension des délais de prescription
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Les délais de prescription suspendus sont applicables aux procédures de contrôle fiscal lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020. Cette suspension s’applique non seulement aux rectifications mais également aux intérêts de retard, majorations et amendes.
En pratique, sont concernés les délais de reprise arrivant à expiration le 31 décembre 2020 notamment pour :
- la prescription sexennale prévue à l’article L.186 du livre des procédures fiscales (LPF) ;
- la prescription triennale prévue au premier alinéa de l'article L.169 du LPF et de l'article L.176 du LPF et à l'article L.180 du LPF ;
- la prescription décennale prévue aux deuxième et cinquième alinéas de l’article L. 169 du LPF, au deuxième alinéa de l’article L. 176 du LPF et à l’article L. 181-0 A du LPF.
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Ainsi le délai de reprise de l’administration est suspendu pour la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire pour la seule année se prescrivant au 31 décembre 2020, et ce quelle que soit la date d’engagement du contrôle.
Les délais de reprise expirant postérieurement au 31 décembre 2020 ne sont pas concernés par la suspension, quand bien même le contrôle en cours porterait sur plusieurs années dont une pour laquelle le délai de reprise expirerait au 31 décembre 2020 (par exemple 2017, 2018 et 2019 avec application de la prescription triennale).
Exemple 1 :
Date théorique (utilisée pour l’exemple car non connue le 26 mars 2020) de la fin de l’état d’urgence sanitaire : 4 mai 2020.
Date de la fin de la suspension : 4 juin 2020.
Calcul de la durée comprise entre le 12 mars 2020 et le 4 juin 2020 : 85 jours
Pour interrompre valablement la prescription au titre de l’année 2017, la proposition de rectification devra parvenir au contribuable au plus tard le 26 mars 2021 (31 décembre 2020 + 85 jours).
Exemple 2 :
Une proposition de rectification adressée au contribuable le 15 décembre 2017 a valablement interrompu la prescription triennale au titre de l’année 2014 et ouvert un nouveau délai triennal pendant lequel l’administration peut mettre en recouvrement les impositions supplémentaires. Ce délai qui expirait normalement le 31 décembre 2020, expirera le 26 mars 2021 (2017 + 3 ans + 85 jours) compte tenu de la suspension liée à l’état d’urgent sanitaire.
II. Suspension des autres délais de procédure
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Le 2° du I de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 s'applique à tous les autres délais prévus par les différentes procédures de contrôle fiscal ou de recherche, ainsi qu'à ceux applicables en matière d'instruction sur place des demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : tous ces délais sont suspendus pour la durée de l’état d’urgence sanitaire plus un mois. Ce principe s'applique que les délais soient prévus par la partie législative du LPF ou par une de ses parties réglementaires.
Il s'agit des délais accordés tant à l'administration qu'au contribuable pour agir.
Sur le principe, la suspension d’un délai en arrête temporairement le cours, sans effacer le délai déjà couru. Ce délai recommencera à courir à l’issue de la période de suspension.
En conséquence, les délais ayant commencé à courir avant le 12 mars 2020 et non échus à cette date ne sont décomptés que pour la période s'achevant le 11 mars 2020, puis ne recommencent à courir qu’après la fin de la période de suspension (durée de l’état d’urgence sanitaire plus un mois).
Les délais qui auraient dû commencer à courir au cours de la période de suspension ne commenceront à courir qu'après la fin de celle-ci.
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Exemple 1 :
Lorsque le délai de vérification sur place de trois mois prévu à l'article L. 52 du LPF est applicable et que la première intervention sur place est intervenue le 4 mars 2020, la durée antérieure à la suspension à prendre en compte pour l'application de l'article L. 52 du LPF est de huit jours (soit du 4 au 11 mars 2020). Si l'état d'urgence sanitaire s'achève le 4 mai 2020, la période de suspension s'achèvera le 4 juin 2020. Dès lors, le premier mois à prendre en compte pour le calcul du délai de trois mois sur place sera considéré comme achevé lorsque trente jours auront été décomptés au titre de ce délai. Au cas particulier, huit jours ayant déjà été décomptés, le premier mois sera considéré comme achevé vingt-deux jours (30 jours - 8 jours) après la fin de période de suspension, soit à compter du 5 juin 2020. Le premier mois sera donc considéré comme achevé le 26 juin 2020 (soit à compter du 5 juin 2020 inclus, date à compter de laquelle sont ajoutés vingt-deux jours). Le délai de trois mois arrivera donc à expiration le 25 août 2020.
Remarque : Le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du LPF a pour point de départ le jour de la première intervention sur place de l'agent vérificateur tel qu'il est, en principe, indiqué sur l'avis de vérification adressé au contribuable. Le délai se calcule de quantième à quantième et le point d'arrivée se situe la veille du jour portant le même quantième que le jour de la première intervention (CE, arrêt du 23 juin 1993 n° 96477).
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Exemple 2 :
Lorsque le contribuable a reçu le 4 mars 2020 la réponse de l'administration à ses observations suite à l'envoi d'une proposition de rectification, la durée antérieure à la suspension à prendre en compte pour la détermination du délai de trente jours prévu à l'article R*. 59-1 du LPF pour saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CIDTCA) est de sept jours (soit du 5 au 11 mars 2020). Si, comme dans l'exemple 1, la période de suspension s'achève le 4 juin 2020, le délai de trente jours sera échu vingt-trois jours (30 jours - 7 jours) après la fin de cette période, soit le 27 juin 2020. Le contribuable pourra donc saisir la CIDTCA jusqu’au 28 juin 2020.
Remarque : Ce délai de trente jours doit être considéré comme un délai franc. Dès lors, pour son calcul, il doit être fait abstraction du jour du point de départ du délai et de celui de son échéance.
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Exemple 3 :
Les observations d'un contribuable suite à l'envoi d'une proposition de rectification sont reçues le 25 mars, alors que le délai de trente jours, éventuellement prorogé, pour adresser celles-ci, serait arrivé à expiration le 15 mars en l'absence d'entrée en vigueur des dispositions suspendant les délais applicables en cours de contrôle fiscal. Compte tenu de cette suspension, les observations du contribuable sont considérées comme adressées dans le délai de trente jours éventuellement prorogé. Au cas particulier, le délai de soixante jours prévu par l'article L. 57 A du LPF pour répondre aux observations du contribuable est applicable. Le point de départ de ce délai étant compris dans la période de suspension, ce délai de soixante jours ne commencera à courir qu'à compter de la fin de cette période. Si, comme dans l'exemple 1, cette période s'achève le 4 juin 2020, le délai de soixante jours sera échu soixante jours après la fin de cette période, soit le 4 août 2020. L'administration pourra donc répondre aux observations du contribuable jusqu'au 5 août 2020.
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Exemple 4 :
L'article L. 12 du LPF en matière d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) limite à un an la durée du contrôle. Ce délai maximum d'un an, calculé de quantième à quantième, a pour point de départ la date de réception ou de remise au contribuable de l'avis d' ESFP et pour point d'arrivée l'envoi de la proposition de rectification qui clôture la procédure de contrôle.
Dans ce cas, pour les ESFP engagés avant le 12 mars 2020 et pour lesquels la durée d’un an n’est pas expirée à cette date ainsi que ceux dont l’avis aurait été reçu à compter du 12 mars 2020, la durée d’un an sera prorogée du délai compris entre le 12 mars et la fin de l’état d’urgence plus un mois.
Le point de départ du délai est le 12 mars 2020 et le point d’arrivée est la date de la fin de l’état d’urgence sanitaire plus un mois.
Date de réception de l’avis d’ESFP : 15 décembre 2019
Date théorique de la fin de l’état d’urgence : 4 mai 2020.
Date de la fin de la suspension : 4 juin 2020.
Calcul de la durée comprise entre le 12 mars 2020 et le 4 juin 2020 : 85 jours.
Date limite d’envoi de la proposition de rectification : 10 mars 2021 (15 décembre 2020 + 85 jours).
III. Délais prévus par l'article 32 de la loi dite ESSOC
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Le 3° du I de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 étend la suspension aux délais prévus à l'article 32 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance (loi ESSOC), relatif à l’expérimentation de la limitation de la durée des contrôles administratifs sur certaines entreprises dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes.
En conséquence, sont en pratique suspendues les durées des contrôles compris dans la période de suspension qui sont pris en compte pour le calcul de cette durée cumulée de neuf mois.
Si un même établissement faisait l'objet de plusieurs contrôles non achevés au début de la période de suspension, le décompte de la durée de l'ensemble de ces contrôles est suspendu, que ces contrôles soit effectués par la même administration ou par des administrations différentes.
Exemple :
Une entreprise fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a débuté le 2 février 2020 et d'un contrôle par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) qui a débuté le 2 mars 2020. Ces deux contrôles étaient toujours en cours le 12 mars 2020. Aucun jour de contrôle ne doit être décompté du 12 mars 2020 jusqu'à la fin de la période de suspension définie supra pour le calcul de la limitation de la durée des contrôles. Si la période de suspension s'achève le 4 juin 2020, les jours de contrôle à prendre en compte pour le calcul de la limitation de la durée des contrôles ne devront recommencer qu'à compter du 5 juin 2020 inclus, tant pour la vérification de comptabilité que pour le contrôle effectué par la DGDDI.