Date de début de publication du BOI : 19/08/2020
Identifiant juridique : BOI-REC-SOLID-10-10-30

REC - Solidarités diverses et actions patrimoniales - Actions contre les dirigeants - Responsabilité pécuniaire civile des dirigeants - Mise en œuvre

 

1

L'engagement de la procédure de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales (LPF) par le comptable de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) nécessite une décision de justice destinée à poursuivre le dirigeant en solidarité du paiement de la dette fiscale de la société sur ses biens personnels. C'est à l'issue d'une action devant le président du tribunal judiciaire que le dirigeant peut être déclaré solidairement responsable des dettes fiscales de la personne morale.

La responsabilité solidaire des dirigeants n'est pas de droit, elle doit être prononcée par le juge. Tant qu'il n'est pas condamné en responsabilité solidaire, le dirigeant n'est pas tenu pour débiteur de la dette fiscale de la société.

Les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal judiciaire ne font pas obstacle à ce que le comptable prenne des mesures conservatoires à l'encontre du dirigeant, en vue de préserver la créance du Trésor sur la base du jugement. L'appel est sans effet sur les mesures conservatoires obtenues dès l'assignation du dirigeant.

I. Les conditions préalables à l'engagement de l'action

A. Les délais d'engagement

10

L'exercice de l'action ouverte aux comptables publics par l'article L. 267 du LPF est possible tant que les poursuites tendant au recouvrement des créances fiscales ne sont pas atteintes par la prescription, telle que fixée par l'article L. 274 du LPF (Cass. com. décision du 5 décembre 2000, n° 98-11593).

La Cour de cassation a considéré que la notion d'engagement de l'action en responsabilité solidaire dans des délais satisfaisants est opposable à l'administration. Elle a estimé que ce délai satisfaisant, nécessairement inférieur au délai de prescription quadriennale courant à l'encontre du redevable légal, devait être apprécié souverainement par les juges du fond, tenus de justifier leur décision par une motivation suffisante. Dans une affaire, il a été relevé que les juges d'appel avaient constaté que l'état d'impécuniosité de la société était établi depuis 1991 et que l'assignation n'avait été délivrée qu'en janvier 1996 (Cass. com. décision du 26 mai 2004 n° 01-02838).

B. La décision de l'autorité hiérarchique

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Sur un plan strictement procédural, le comptable public territorialement compétent est seul investi du mandat de représentation de l'État pour exercer l'action en justice, alors même qu'il agit sous l'autorité hiérarchique de ses supérieurs. Ce principe n'est pas remis en cause par la règle prévoyant que l'engagement de la procédure est subordonné à l'autorisation préalable signée du responsable départemental de la DGFiP.

1. L'autorisation d'engager l'action

30

Dans un arrêt du 28 juin 1988 (Cass. com. décision du 28 juin 1988 n° 87-10591), la Cour de cassation a clairement indiqué qu'en application des dispositions de l'article L. 252 du LPF, qui sont d'ordre public, le comptable public territorialement compétent est personnellement investi d'un mandat de représentation de l'État pour exercer en justice les actions liées au recouvrement de l'impôt.

Il s'ensuit que le directeur général des Finances publiques et le directeur départemental des Finances publiques ne sont pas, en l'absence d'une habilitation légale formelle, recevables à agir en la matière (Cass. com. décision du 5 mai 1981n° 79-11292 ; Cass. com., décision du 6 mai 1986 n° 84-14966 ; Cass. com., décision du 22 juillet 1986 n° 84-16944).

40

La procédure visée à l'article L. 267 du LPF relative à la responsabilité des dirigeants sociaux ne doit être mise en œuvre que sur décision personnelle du responsable départemental des Finances publiques et cette compétence ne peut être déléguée (Cass. com., décision du 24 septembre 2013, n°12-20960). Cette décision est prise nonobstant les attributions spécifiques éventuellement conférées au comptable public pour suivre les instances. Un exemplaire de la décision en est notifié au comptable et conservé au dossier.

50

Par un arrêt du 23 novembre 1993 (Cass.com., décision du 23 novembre 1993, n° 92-11138), la Cour de cassation a précisé que la décision hiérarchique constitue une garantie pour les contribuables.

60

Par conséquent, il y a lieu de produire la copie de cette autorisation avec les pièces venant à l'appui de l'assignation. La justification de cette autorisation en cours d'instance est possible jusqu'à la clôture de l'instruction (Cass. civ., décision du 1er février 1994 n° 92-11781) selon la procédure de communication à partie prévue à l'article 132 du CPC.

70

Le comptable public intervient à l'instance en produisant des conclusions respectant la formule protocolaire suivante : « Pour le comptable du service des impôts des entreprises ou du service des impôts des particuliers ou du pôle de recouvrement spécialisé de..........., dont les bureaux sont situés (adresse du service) ».

2. L'absence de motivation de l'autorisation hiérarchique

80

L'autorisation préalable n'a pas à être motivée si elle a été prise en connaissance de cause (Cass. com., décision du 26 novembre 2003 n° 01-15324).

Il est normalement satisfait à cette exigence lorsque l'autorisation mentionne qu'elle a été délivrée au vu du projet d'assignation, ce dont il se déduit que la décision a été prise en connaissance de la situation particulière du contribuable (Cass. com., décision du 20 novembre 2001 n° 98-17333 ; Cass. com., décision du 18 décembre 2001 n° 99-11994 et Cass. com., décision du 26 novembre 2003 n° 01-15324).

C. Les mesures conservatoires

90

Les mesures conservatoires peuvent être demandées avant l'assignation au fond. Le juge compétent pour autoriser la mesure conservatoire est le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur (code des procédures civiles d'exécution (CPC exéc.), art. R. 511-2 et BOI-REC-GAR-20-10-10).

Si la mesure a été demandée avant l'assignation, celle-ci doit intervenir dans le délai d'un mois suivant l'exécution de la mesure conservatoire (CPC exéc., art. R. 511-7).

100

L'objectif de cette action d'ordre patrimonial est d'obtenir un titre à l'encontre du dirigeant afin de poursuivre le recouvrement des sommes impayées par la personne morale. Dans ce cadre, le comptable public peut être conduit à prendre des mesures conservatoires à l'encontre du dirigeant.

Les mesures conservatoires consistent à obtenir du juge de l'exécution l'autorisation de prendre des garanties sur les biens du dirigeant sans attendre que la solidarité soit prononcée (CPC exéc., art. L. 511-1).

110

Le comptable public doit démontrer qu'il détient une créance paraissant fondée en son principe et justifier de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. À cette fin, la requête fait référence à l'assignation en cours et démontre que la demande au fond est établie sur des moyens sérieux correspondant aux exigences du texte. Toutefois, le débat sur le fond n'a pas à être anticipé dans le cadre de cette instance.

120

S'agissant des sûretés judiciaires, l'inscription de la publicité définitive doit intervenir dans le délai de deux mois qui court du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée (CPC exéc., art. R. 533-4). Une décision rendue par une juridiction civile est passée en force de chose jugée lorsque les voies de recours ordinaires (opposition et appel) sont épuisées.

II. Le déroulement de l'instance

A. L'assignation à jour fixe

130

En vertu de l'article L. 267 du LPF , le dirigeant est déclaré responsable « par le président du tribunal judiciaire ».

Selon l'article R*. 267-1 du LPF, la procédure applicable est la procédure à jour fixe prévue de l'article 840 du CPC à l'article 844 du CPC. Elle nécessite la représentation du comptable par un avocat régulièrement constitué.

Il s'agit d'une procédure d'urgence dont le dispositif est le suivant :

- le demandeur adresse une requête au président du tribunal ;

- le président statue par une ordonnance ;

- le demandeur fait délivrer une assignation à la personne du dirigeant ;

- le demandeur saisit le tribunal par le dépôt de l'assignation ;

- au jour fixé, l'affaire est plaidée.

La désignation de son avocat par le demandeur dans le texte de l'assignation équivaut à la formalité de constitution. S'agissant d'une procédure à jour fixe, le défendeur est tenu de constituer avocat avant la date de l'audience (CPC, art. 842). Il ne saurait être dérogé à l'utilisation de cette procédure.

1. La demande en justice

140

En pratique, l'avocat, agissant au nom du comptable public, dépose devant le président du tribunal judiciaire une requête tendant à être autorisé à assigner le défendeur à jour fixe. Cette requête doit être accompagnée d'une copie de l'assignation, motivée, à faire délivrer au dirigeant concerné et viser les pièces justificatives. Le comptable public territorialement compétent assigne le dirigeant devant le tribunal judiciaire du siège social ou du siège réel de la personne morale.

150

La formule protocolaire qui devra figurer dans l'assignation en justice et sur la déclaration d'appel éventuelle est la suivante:

« Pour le comptable du service des impôts des entreprises ou du service des impôts des particuliers ou du pôle de recouvrement spécialisé de..........., dont les bureaux sont situés (adresse du service) ».

L'action du comptable est dirigée contre le dirigeant personnellement.

2. L'assignation

160

C'est l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge lorsque l'utilisation de la procédure à jour fixe a été autorisée par ordonnance (CPC, art. 55).

Les mentions obligatoires sont celles des actes d'huissier (CPC, art. 648) et celles de toute citation en justice (CPC, art. 55).

L'assignation à jour fixe indique à peine de nullité les jour et heure fixés par le président, auxquels l'affaire sera appelée ainsi que la chambre à laquelle elle est distribuée. Une copie de la requête est jointe à l'assignation.

L'assignation informe le défendeur qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience celles dont il entend faire état.

B. La phase contradictoire

170

Il s'agit d'une procédure contradictoire comportant un échange de conclusions.

Le dirigeant doit être en mesure de présenter sa défense à l'action engagée par l'administration sur des éléments de preuves soumis à contradiction.

1. Les principales exceptions de procédure

a. La prescription

180

Dans de nombreuses espèces, les dirigeants concernés ont tenté d'opposer au comptable une prescription qui leur aurait été propre, distincte du délai général de recouvrement. D'autres ont discuté la prescription de la créance à l'égard du débiteur principal, soit dans le cas d'une procédure de faillite, soit en mettant en cause la valeur interruptive de prescription de l'assignation dirigée contre le représentant légal de la société.

190

Une imposition qui n'est pas prescrite à l'égard de la société redevable principale ne l'est pas davantage à l'égard du débiteur solidaire. Aucun délai de prescription particulier ne s'attache à l'article L. 267 du LPF et la mise en œuvre de la procédure qu'il prévoit s'intègre dans le cadre plus large de l'action en recouvrement exercée par les comptables publics à l'encontre de la société. Ce délai peut être interrompu dans les conditions visées à l'article L. 274 et suivants du LPF.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement telle que prévue à l'article L. 274 du LPF peut être examinée par le juge du fond (Cass. com., décision du 16 novembre 1999 n° 96-18570 ).

200

La notification au dirigeant des mesures conservatoires prises sur son patrimoine n'a pas d'effet interruptif de prescription à l'encontre de la société redevable principale, dès lors que la responsabilité solidaire n'a pas été encore prononcée par le juge (Cass. com. arrêt du 31 octobre 2006, n° 04-15720 et n° 04-15497).

210

Le jugement de première instance établissant le principe de solidarité, même frappé d'appel, constitue un acte interruptif de prescription à l'égard de la société redevable légale (Cass. com. arrêt du 8 juillet 1997, n° 95-16757).

Au contraire, l'effet suspensif de l'appel ne peut avoir pour conséquence de transformer un jugement défavorable en acte interruptif ou suspensif puisqu'il a rejeté l'assignation qui n'avait elle-même aucun effet sur la prescription.

b. La contestation d'assiette

1° La réclamation d'assiette régulièrement formée par le redevable légal de l'impôt (la société)

220

Il appartient au juge saisi d'une action fondée sur l'article L. 267 du LPF d'examiner l'opportunité d'un sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge de l'impôt, dès lors que l'issue du litige sur le bien-fondé ou la régularité de l'imposition peut avoir une influence sur la responsabilité encourue par le dirigeant.

En l'absence d'un tel contentieux, les juges civils ne peuvent que se prononcer dans le cadre strict de leur compétence, au vu des titres exécutoires qui s'imposent à eux.

2° La réclamation d'assiette formée par le dirigeant

230

Au sens du droit fiscal et de la jurisprudence administrative rendue en la matière, le dirigeant social n'a qualité pour déposer une réclamation, à titre personnel, qu'à compter du jour où il est déclaré débiteur solidaire par une décision de justice, le jugement rendu constituant un titre exécutoire (LPF, art. R*. 197-4).

(240)

3° La recevabilité de l'exception invoquée en cours d'instance par le dirigeant poursuivi

250

Dans la mesure où le dirigeant condamné a la qualité de débiteur solidaire de la dette fiscale, il peut opposer à l'administration, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs (code civil (C.civ.), art. 1315).

Dès lors, la Cour de cassation considère que le dirigeant poursuivi, même s'il n'est pas encore condamné par une décision du tribunal de grande instance, peut dès l'origine contester l'existence et le montant de la dette fiscale dans le cadre de l'instance en cours (Cass. com., décision du 11 mars 2003 n° 00-15604 ; Cass. com., décision du 3 mars 2004 n° 01-12882 , Cass. com., décision du 3 mars 2004, n° 02-14882 et Cass. com., décision du 3 mars 2004, n° 02-17372).

260

Ce dirigeant peut demander le renvoi préjudiciel devant le juge de l'impôt.

Selon le deuxième alinéa de l'article 49 du CPC, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente.

Dans ce cas, il appartient en principe au juge civil de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue du litige sur cette question préjudicielle.

Le dirigeant est alors dispensé de la phase administrative préalable devant le directeur départemental des Finances publiques.

270

Le juge auquel est opposée une exception de procédure fondée sur une question préjudicielle n'est tenu de surseoir à statuer que si cette exception présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution peut avoir une influence sur le litige (Cass. com. décision du 25 avril 2001 n° 98-12244 ).

III. La décision de justice et ses conséquences

A. La notification

280

L'exécution de la décision de justice ne peut intervenir qu'après sa signification et à l'expiration du délai prévu pour exercer les voies de recours. Le délai d'appel est d'un mois à compter de la notification du jugement (CPC, art. 538) ; ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie.

290

En dépit de la procédure judiciaire qui a permis son prononcé, la décision n'opère pas novation de la créance qui reste de nature fiscale. En effet, le juge se borne à prononcer la solidarité au paiement des impositions dues par la société et déjà authentifiées à l'encontre de cette dernière par des titres exécutoires délivrés par l'administration elle-même (avis de mise en recouvrement ou rôle supplémentaire).

La Cour de cassation a ainsi estimé que « la décision judiciaire, exécutoire, qui déclare un dirigeant de société solidairement responsable avec celle-ci du paiement des impositions et pénalités dues par cette dernière, seule redevable au sens de l'article L. 256 du LPF, constitue un titre exécutoire suffisant pour fonder l'action du comptable public à l'égard de ce dirigeant » (Cass. com.. décision du 20 novembre 2001, n° 98-22648).

Le comptable de la DGFiP fait signifier au dirigeant la décision de justice. L'engagement des poursuites est possible à l'expiration du délai imparti après l'envoi d'une mise en demeure de payer, au sens fiscal.

B. Les effets de la solidarité

1. A l'égard des codébiteurs

300

La solidarité instituée par l'article L. 267 du LPF est « parfaite », les codébiteurs étant dans la même situation juridique à l'égard du créancier : le ou les dirigeants qui ont été déclarés solidairement responsables, avec la société, deviennent débiteurs directs des droits et pénalités au même titre que la société elle-même (C. civ., art. 1313).

310

Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation : « attendu que la solidarité entre la société et son dirigeant résultant de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 267 du LPF oblige ceux-ci à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère l'autre envers le créancier » (Cass. com., décision du 23 juin 2004, n° 01-11821).

320

La condamnation en responsabilité solidaire emporte les conséquences suivantes :

- la créance n'étant pas divisible, le comptable public peut réclamer l'intégralité de la créance au débiteur de son choix ;

- le paiement fait par l'un des codébiteurs libère les autres. Toutefois, en exerçant son action contre l'un d'eux, le comptable public ne renonce pas pour autant à agir contre les autres ;

- la prescription interrompue par le créancier à l'égard de l'un des codébiteurs se trouve interrompue à l'égard de tous ;

- le codébiteur poursuivi peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs (C. civ., art. 1315).

330

La solidarité instituée par l'article L. 267 du LPF a le caractère d'une solidarité « parfaite ». Elle n'écarte pas les effets accessoires de la solidarité, issue du principe de représentation mutuelle des codébiteurs.

La créance n'étant pas divisible, le comptable public chargé du recouvrement est en droit de réclamer le tout au débiteur de son choix sans que ce dernier puisse opposer le bénéfice de la division (C. civ., art. 1313) ; le juge n'a d'ailleurs pas le pouvoir d'établir un partage entre les personnes concernées. Le créancier évite ainsi de supporter les conséquences de l'insolvabilité de l'un des codébiteurs.

Le paiement fait par l'un des codébiteurs libère les autres (C. civ., art. 1313). En effet, le créancier ne peut réclamer plus que le montant de la dette.

Toutefois, en exerçant son action contre l'un deux, le comptable ne renonce pas pour autant à agir contre les autres et n'épuise pas ses droits (C. civ., art. 1313).

2. En matière de prescription de la créance

340

La prescription interrompue par le créancier à l'égard de l'un des codébiteurs se trouve interrompue à l'égard de tous (C. civ., art. 2245).

Ce principe concerne tous les actes ou événements à caractère interruptif : mesures de poursuites, reconnaissance de dette ou paiements, production ou déclaration au passif d'une procédure collective.

350

Par ailleurs, l'article 2244 du C. civ. dispose que le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée, qu'il s'agisse d'une saisie sur biens mobiliers, corporels ou incorporels, ou d'une sûreté judiciaire (CPC exéc., art. L.521-1 et CPC exéc. art. L. 531-1).

Dès lors, tout acte conservatoire délivré à l'encontre d'un codébiteur aura pour effet d'interrompre la prescription à l'égard des autres coobligés.

En revanche, l'impossibilité d'agir résultant de la suspension des poursuites provoquée par la situation particulière d'un débiteur ne profite qu'à celui-ci dès lors qu'il s'agit d'une exception purement personnelle n'affectant que le droit de poursuite à l'encontre du débiteur et non l'existence ou l'étendue de la créance (C. civ., art. 1315).

C'est pourquoi, en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société redevable légale, l'effet suspensif de prescription qui en résulte ne s'applique pas au dirigeant qui a été condamné par une décision de justice définitive et exécutoire avant la clôture des opérations de liquidation de la société.

Toutefois, l'effet interruptif qui se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure vaut pour tous (CE, décision du 9 février 2014, n° 344228).

3. Les suites de la mise en œuvre de la solidarité

a. Le contentieux

360

Le dirigeant peut engager un contentieux par voie d'opposition à l'acte de poursuite délivré contre lui, conformément à l'article L. 281 du LPF et à l'article R*. 281-1 et suivants du LPF.

La contestation portera soit sur la régularité en la forme de l'acte, soit sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette de l'impôt.

Bien entendu, le débiteur solidaire ne peut remettre en cause le principe ou l'étendue de sa solidarité, points sur lesquels le juge civil s'est définitivement prononcé.

Il a la possibilité, en revanche, de critiquer les conséquences que l'administration tire de la décision du juge quant au recouvrement de l'impôt ; par exemple, une méconnaissance des limites de l'obligation résultant du jugement, l'existence de paiements déjà effectués, l'obtention du sursis de paiement en vertu d'une réclamation d'assiette, la prescription de l'action en recouvrement.

370

Un dirigeant condamné ne peut se pourvoir en cassation sans avoir au préalable commencé d'exécuter la décision de justice en procédant au paiement des sommes exigibles au titre de la solidarité.

b. Le privilège du Trésor et les garanties du recouvrement

380

Du fait même qu'il devient débiteur direct au même titre que le redevable légal, le dirigeant condamné voit ses biens meubles grevés du privilège du Trésor (BOI-REC-GAR-10-10-20).

Ses immeubles peuvent également être grevés de l'hypothèque légale du Trésor (CGI, art. 1929 ter ; BOI-REC-GAR-10-20-20).

Lorsque cette dernière ne peut être requise, notamment à la suite d'un jugement de condamnation qui n'a pas acquis force de chose jugée (CPC, art. 500), le comptable public a toujours la possibilité d'inscrire l'hypothèque judiciaire résultant d'une décision de justice même frappée d'appel (C. civ., art. 2412 ; BOI-REC-GAR-10-20-10-20).

L'hypothèque judiciaire prend rang au jour de son inscription. Elle ne doit pas être confondue avec l'hypothèque provisoire conservatoire inscrite en application de l'article L. 511-1 du CPC exéc. et de l'article L. 531-1 du CPC exéc.

(390)

400

Le prononcé du jugement statuant au fond entraîne nécessairement des conséquences sur les mesures conservatoires qui ont été prises antérieurement sur le patrimoine du dirigeant social en vue de garantir la créance fiscale.

Dans les cas où la décision a acquis force de chose jugée, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, il appartient au comptable public de reprendre les poursuites en veillant à l'exécution des saisies antérieures prises à titre conservatoire ou en procédant à l'inscription définitive des hypothèques provisoires.

L'inscription définitive doit impérativement intervenir dans les deux mois à compter du jour où la décision statuant au fond a force de chose jugée, sur présentation de la grosse de cette décision. Elle se substitue alors à l'inscription provisoire et prend rang rétroactivement à la date d'inscription de celle-ci.

410

Dans le cas où le dirigeant condamné a interjeté appel de la décision de première instance, le comptable public peut continuer à prendre des garanties sur son patrimoine.

En effet, conformément à l'article L. 511-2 du CPC exéc., tout créancier est habilité, sans autorisation préalable du juge de l'exécution, à prendre des mesures conservatoires lorsqu'il se prévaut d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire.

c. Les poursuites en cas de procédure collective

420

Les poursuites résultant de l'exécution de la décision de justice devenue définitive doivent être entreprises avant l'expiration du délai de prescription de l'action en recouvrement, prévu par l'article L. 274 du LPF.

Celui-ci court à compter de la date à laquelle le jugement ou l'arrêt a acquis force de chose jugée, c'est-à-dire, s'agissant du jugement, à l'expiration du délai de recours ordinaire si ce dernier n'a pas été exercé.

Dans cette hypothèse, l'existence d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la personne morale, redevable légale de l'impôt, n'a aucun effet suspensif à l'égard du délai de l'action en recouvrement contre le dirigeant.

Cela étant, l'effet interruptif dure jusqu'à la clôture de la procédure collective (CE, dddécision du 19 février 2014, n° 344228).

430

La situation est différente si le débiteur solidaire est lui-même placé sous le régime d'un redressement judiciaire.

Dès lors que le jugement de condamnation est devenu exécutoire avant l'ouverture de la procédure collective, la créance de solidarité doit être déclarée à titre définitif comme une créance normale contre le dirigeant.

Si la décision de justice n'est pas en état d'être exécutée (jugement non rendu ou frappé d'appel), les dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce (C. com.) et de l'article L. 622-22 du C. com. trouvent à s'appliquer. La créance de solidarité sera déclarée à titre provisionnel dans l'attente de sa confirmation par le juge.

d. La décharge de responsabilité

440

Par ailleurs, les juges qui prononcent la condamnation ne sont pas habilités à accorder des délais pour le règlement des sommes mises à la charge du dirigeant, en vertu du principe de la séparation des fonctions administrative et judiciaire interdisant aux magistrats de l'ordre judiciaire d'entraver les mesures de recouvrement exercées par l'administration fiscale. En revanche, le dirigeant condamné peut solliciter directement de tels délais auprès du comptable public chargé du recouvrement.

Le dirigeant débiteur solidaire de l'imposition due par la société peut demander à être déchargé de sa responsabilité dans le cadre d'un recours gracieux en application du 3° de l'article L. 247 du LPF (BOI-CTX-GCX-10).