Date de début de publication du BOI : 04/10/2017
Identifiant juridique : BOI-REC-GAR-20-30-20-30

REC - Sûretés et garanties du recouvrement - Mesures conservatoires sur le fonds de commerce - Apport à une société d'un fonds de commerce

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L'apport à une société d'un fonds de commerce est le fait, pour le propriétaire de ce fonds, d'en transférer la propriété à une société. L'apport peut être à titre onéreux, pur et simple ou mixte.

L'article L. 141-21 du code de commerce (C. com.) et l'article L. 141-22 du C. com. prévoient un régime particulier de protection des créanciers en cas d'apport d'un fonds de commerce, qui s'exerce selon une procédure différente de l'opposition au prix de vente d'un fonds de commerce, présentée au BOI-REC-GAR-20-30-20-20.

Lorsque l'apport est pur et simple, l'apporteur ne reçoit en représentation du fonds que les droits sociaux. Dans ce cas, en l'absence d'un prix à distribuer, le régime de l'opposition au paiement du prix de vente ne peut être utilisé. Toutefois, lorsque l'apport est à titre onéreux, le propriétaire du fonds reçoit une somme d'argent en rémunération de son apport et il n'y a pas véritablement de différence avec la vente amiable du fonds, en sorte que les règles énoncées au BOI-REC-GAR-20-30-20-20 précité demeurent applicables.

En cas d'apport à titre onéreux ou mixte, la procédure consiste pour tout créancier non inscrit de l'associé apporteur, à déclarer sa créance au greffe du tribunal de commerce de la situation du fonds. Il s'agit du régime général.

Une variante de ce régime s'applique pour les apports de fonds de commerce réalisés dans le cadre d'une opération de fusion ou de scission, ou dans le cas d'un apport partiel d'actif d'une société à une autre société.

I. La déclaration de créances

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L'article L. 141-21 du C. com. dispose que tout apport de fonds de commerce doit être porté à la connaissance des tiers dans les conditions définies aux  articles L. 141-12 à L. 141-18 du C. com., présentées au BOI-REC-GAR-20-30-20-10.

Cette publication est faite à la diligence de la société bénéficiaire de l'apport. Ces mesures de publicité doivent être respectées scrupuleusement et en cas d'irrégularité, les mêmes sanctions que celles relatives à la cession du fonds s'appliquent.

Les créanciers de l'apporteur doivent faire leur déclaration de créances au greffe du tribunal de commerce.

Le greffier est tenu de délivrer un récépissé de sa déclaration au créancier (C. com., art. L. 141-22).

La formalité est accomplie à la diligence du comptable de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) chargé du recouvrement des impositions dues par l'apporteur.

A. Les modalités de la déclaration de créances

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La déclaration de créances est établie sur papier libre et déposée au greffe du tribunal de commerce de la situation du fonds dans les dix jours de la dernière des publications. Elle indique la somme due, mais la mention de la nature de la créance fiscale n'est pas exigée.

Les créanciers doivent se faire connaître au greffe du tribunal de commerce de la situation du fonds. Ce greffe leur est indiqué en tout état de cause dans les insertions.

Le greffier est tenu de leur délivrer un récépissé de leur déclaration (C. com., art. L. 141-22).

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Le comptable peut remplir cette formalité dès qu'il a eu connaissance de l'apport fait en société, même si le délai n'a pas commencé à courir puisque cet apport peut lui causer un préjudice (Cass. com., arrêt du 23 décembre 1968).

B. Les effets de la déclaration de créances

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Les associés de la société bénéficiaire de l'apport ont la faculté, au vu des déclarations déposées au greffe, soit de demander en justice la nullité de l'apport ou de la société si celle-ci est en voie de constitution, soit de laisser leur société se charger du passif déclaré.

L'action en nullité doit être formée dans la quinzaine qui suit l'expiration du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances. La nullité, si elle est prononcée, a un effet rétroactif : le fonds de commerce fait retour à l'apporteur et celui-ci est réputé n'avoir jamais cessé d'être propriétaire. Par suite, la société et ses associés se trouvent affranchis du passif déclaré.

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A défaut d'annulation de l'apport ou de l'acte de constitution, la société bénéficiaire de l'apport est tenue solidairement au paiement des créances régulièrement déclarées et justifiées, même si leur montant excède la valeur du fonds.

Lorsqu'une société se trouve obligée au paiement d'une dette fiscale en application des dispositions visées ci-dessus, le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de celui-ci après lui avoir notifié un avis de mise en recouvrement (livre des procédures fiscales (LPF), art. R*. 256-2).

C. Les conséquences du défaut de déclaration de créances

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Le créancier qui n'a pas souscrit sa déclaration ou qui l'a déposée au greffe tardivement est démuni de toute action à l'encontre de la société bénéficiaire de l'apport. Il conserve, néanmoins, le droit d'agir contre l'apporteur, redevable principal.

Cela étant, il a été jugé qu'une société peut être reconnue responsable des dettes contractées par l'associé qui a fait l'apport d'un fonds de commerce, bien que le créancier n'ait fait aucune déclaration de créances dans les conditions prévues à l'article L. 141-22 du C. com., s'il résulte des circonstances que la société a accepté cette dette.

Il en sera spécialement ainsi si l'acte d'apport a stipulé la prise en charge par la société du passif de l'apporteur. Il y a en effet lieu de considérer qu'il y a stipulation pour autrui accordant aux créanciers de l'apporteur un droit contre la société.

II. L'apport d'un fonds de commerce dans le cadre d'une opération de fusion, de scission

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Dans le régime général présenté au I § 10 et suivants, les créanciers se font connaître de la société bénéficiaire de l'apport ou de ses associés au moyen d'une déclaration de créances au greffe du tribunal de commerce. Cette déclaration a pour effet de rendre la société bénéficiaire de l'apport responsable du passif ainsi déclaré.

Selon l'article L. 141-21 du C. com. ce dispositif n'est pas applicable aux opérations de fusion ou de scission soumises aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 236-2 du C. com. et à celles codifiées aux articles L. 236-7 à L. 236-22 du C. com. ou lorsque l'apport du fonds de commerce est fait à une société détenue en totalité par le vendeur.

A. L'apport d'un fonds de commerce réalisé dans le cadre d'une opération de fusion ou de scission

1. Le champ d'application

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Les dispositions exposées au I § 10 et suivants s'appliquent à l'apport d'un fonds de commerce réalisé dans le cadre d'une opération de fusion ou de scission à laquelle participent :

- soit deux ou plusieurs sociétés anonymes ;

- soit deux ou plusieurs sociétés à responsabilité limitée ;

- soit une société à responsabilité limitée et une ou plusieurs sociétés anonymes ou vice versa.

Il faut assimiler aux sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions qui, en vertu de l'article L. 226-1 du C. com., sont régies par les dispositions concernant les sociétés anonymes dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec les dispositions qui leur sont propres.

Peu importe que l'apport soit pur et simple ou qu'il ait été fait à titre onéreux.

2. La publicité

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Le projet de fusion ou de scission fait l'objet d'un avis inséré dans un journal d'annonces légales du département du siège social, par chacune des sociétés participant à l'opération. Au cas où l'une au moins de ces sociétés fait publiquement appel à l'épargne, il doit, en outre, être inséré au bulletin des annonces légales obligatoires.

3. Les règles de la substitution de débiteur par l'effet de la loi

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Pour assurer la protection des créanciers de la société absorbée ou scindée, l'article L. 236-14 du C. com. et l'article L. 236-20 du C. com. ont prévu un système de substitution de débiteur n'entraînant pas novation.

En cas de fusion, la société absorbante devient débitrice des créanciers de la société absorbée aux lieu et place de celle-ci.

De même, en cas de scission, les sociétés bénéficiaires d'apports sont débitrices solidaires entre elles des créanciers de la société scindée, aux lieu et place de celle-ci.

Mais, dans les deux cas, cette substitution de débiteur n'emporte pas novation à l'égard des créanciers de la société absorbante ou scindée. Ces créanciers conservent donc leur recours contre leur société débitrice originaire tout en devenant, de plein droit, également créanciers de la société absorbante ou des sociétés bénéficiaires des apports consécutifs à l'opération de scission.

110

L'obligation de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport est une obligation solidaire. Il convient donc de publier ce privilège, dans les conditions habituelles, au nom de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport.

Lorsqu'en application des dispositions visées au II-A-3 § 100, une société se trouve obligée au paiement total d'une dette fiscale due originairement par une autre société, il convient de la mettre en cause au moyen d'un avis de mise en recouvrement procédant lui-même des avis de mise en recouvrement notifiés à la société absorbée ou scindée et faisant référence au texte en vertu duquel elle est tenue : l'article L. 236-14 du C. com., en cas de fusion, ou l'article L. 236-20 du C. com., en cas de scission.

120

L'article L. 236-21 du C. com. prévoit qu'une clause particulière peut écarter la solidarité entre les sociétés bénéficiaires de l'apport, lorsque celui-ci intervient à la suite d'une scission. Dans ce cas, le contrat de scission fixe la part du passif de la société incombant à chacune d'elles.

Lorsqu'une telle clause a été insérée dans l'acte de scission, il y a lieu de ne réclamer à chacune des sociétés bénéficiaires de l'apport que la partie du passif fiscal mise à sa charge et de viser l'article L. 236-21 du C.com au lieu de l'article L. 236-20 du C. com..

B. L'opposition des créanciers en cas de fusion ou de scission

1. L'opposition au projet de fusion

130

L'article L. 236-14 du C. com. confère aux créanciers, tant de la société absorbée que de la société absorbante, dont la créance est antérieure à la publicité donnée au projet de fusion, le droit de former opposition à celui-ci.

140

Si elle est accueillie, l'opposition aboutit soit au remboursement de la créance, ce qui prive la société débitrice du bénéfice du terme, soit à la constitution de garanties si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes.

L'opposition n'a pas de caractère suspensif. Même s'il y est fait droit, elle n'empêche pas les opérations de fusion de se poursuivre ; elle ne peut aboutir à la nullité de la fusion.

Son principal effet est de rendre la fusion inopposable au créancier opposant qui n'a pas été remboursé ou n'a pas obtenu les sûretés ou garanties fixées par le tribunal. En raison de cette inopposabilité, ce créancier peut faire exécuter son paiement en poursuivant les biens qui garantissaient le patrimoine de son débiteur initial sans subir le concours des créanciers de la société qui a fusionné avec lui.

2. L'opposition au projet de scission

150

En vertu de l'article L. 236-21 du C. com., les créanciers de la société scindée peuvent former opposition à la scission mais seulement si une clause particulière de l'acte de scission écarte la solidarité entre les sociétés bénéficiaires de l'apport.

Les conditions et les effets sont identiques à ceux exposés en matière de fusion.

III. L'apport partiel d'actif

160

Conformément à l'article L. 236-22 du C. com., la société anonyme qui apporte une partie de son actif, tel qu'un fonds de commerce, à une autre société anonyme peut décider, en commun accord avec celle-ci, de soumettre l'opération aux dispositions codifiées aux articles L. 236-16 à L. 236-21 du C. com..

Dans ce cas, les règles exposées au II § 70 et suivants en matière de scission sont applicables, étant entendu que dans la mise en demeure de payer, il y a lieu de viser l'article L. 236-22 du code de commerce.

Les dispositions de cet article s'étendent aux sociétés en commandite par actions. En revanche, elles ne concernent pas les apports partiels entre sociétés à responsabilité limitée, ni ceux entre sociétés anonymes et sociétés à responsabilité limitée qui, lorsque ces apports ont pour objet un fonds de commerce, demeurent soumis au régime des  articles L. 141-21 et L. 141-22 du C. com. exposés au I § 10 et suivants.