Date de début de publication du BOI : 26/11/2012
Date de fin de publication du BOI : 17/06/2013
Identifiant juridique : BOI-BIC-CHG-80-20

BIC - Frais et charges - Versements effectués dans les pays dont le régime fiscal est privilégié - Conséquences de la non déductibilité fiscale des versements

I. Conséquences pour la personne du débiteur

1

Lorsque les conditions mises à son application se trouvent réunies, l'article 238 A du CGI a pour effet d'écarter complètement l'apparence juridique créée par le contribuable (ou son auteur s'il s'agit d'un rehaussement en matière de mutation par décès). Ce dernier a, par suite, la charge d'apporter les éléments nécessaires à la reconstitution de la situation de droit ou de fait. Mais il conserve pour le surplus toutes ses garanties de droit commun.

Ces trois points seront successivement examinés.

A. Apparence juridique écartée

10

Le principe général du respect des situations de droit privé a, pour l'administration, une double conséquence : d'une part les conventions sont réputées sincères et, d'autre part, lorsqu'elles prévoient des obligations réciproques, ces obligations sont présumées être normalement équilibrées.

20

L'article 238 A du CGI prend le contrepied de ce principe. Les rapports contractuels qui obligent au paiement des charges en cause sont présumés fictifs et si la preuve de leur réalité est apportée, ils sont censés avoir fait peser sur le débiteur des obligations devant être qualifiées d'anormales ou d'exagérées.

30

Ainsi, lorsqu'un contribuable retranche de telles charges des sommes passibles de l'impôt, il doit apporter la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

40

Le reversement opéré par l'article 238 A du CGI va donc bien au-delà de la présomption légale posée par l'article 57 du CGI.

Cet article autorise l'administration à rattacher aux résultats imposables des entreprises françaises les bénéfices que ces dernières transfèrent indirectement à des entreprises étrangères auxquelles elles sont agrégées.

Mais sa mise en œuvre oblige le service à apporter préalablement la preuve que des avantages particuliers ont été consentis par l'entreprise française à l'entreprise étrangère et ce n'est que lorsque l'existence de tels avantages est démontrée que la présomption de transfert de bénéfices est appelée à jouer (BOI-BIC-BASE-80).

50

Si la situation de fait est telle que pour justifier un rehaussement le service a le choix entre l'article 57 du CGI et l'article 238 A du CGI , le second terme de l'alternative doit être préféré comme étant de nature à mieux assurer la sauvegarde des intérêts du Trésor.

60

Il est observé au surplus que l'article 238 A du CGI n'a pas dans tous les cas une incidence immédiate. Celle-ci peut se produire à terme, lorsque la simulation ou l'anomalie n'exerce qu'une action indirecte et différée sur l'établissement de l'impôt. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu'une dépense, indûment déduite pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, s'est bornée à aggraver un déficit reporté. Il en va de même si des redevances payées à une personne établie dans un pays étranger où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ont été regardées par son cocontractant imposé en France comme constituant le prix d'achat d'une immobilisation ; l'article 238 A du CGI ne pourra être invoqué qu'à l'encontre des charges futures déterminées à raison de ce prix c'est-à-dire à l'égard des amortissements, des provisions pour dépréciation ainsi que des moins-values de cession.

B. Situation de droit et de fait devant être reconstituée

70

L'obligation de procéder à cette reconstitution incombe définitivement au contribuable. Les preuves doivent être complètes mais leur administration dépourvue de tout formalisme.

1. Reconstitution devant être faite par le contribuable lui-même

80

L'article 238 A du CGI a pour but et pour résultat de faire supporter au contribuable, à tous les niveaux de la procédure, la charge des preuves nécessaires à cette reconstitution. Il ne dispose d'aucun moyen pour échapper à cette obligation. Il ne saurait, en particulier, pour se dispenser de prouver au contentieux la normalité ou le défaut d'exagération, soulever cette question devant la commission départementale ou nationale et se prévaloir ensuite de l'avis qu'elle aurait émis. En tant qu'il porterait sur le caractère anormal ou exagéré des charges en litige, l'avis devrait être regardé comme sans intérêt pour le règlement du désaccord.

2. Complétude des preuves

90

La démonstration doit se développer successivement sur deux plans : le contribuable doit d'abord faire tomber la présomption légale de déguisement ; il doit ensuite établir que l'opération ne présente pas un caractère anormal ou exagéré.

100

La démonstration de la situation réelle ne saurait se borner à la production des écrits par lesquels le débiteur s'est engagé à payer les dépenses qu'il a portées dans les charges déduites pour l'assiette de l'impôt. Ces écrits, qu'il s'agisse d'actes sous seing privé ou authentiques sont présumés non sincères. Il faut donc prouver la matérialité de l'opération qu'ils constatent et pour cela, apporter tous éléments de nature à établir que les engagements réciproques qu'ils relatent ont été effectivement exécutés ou, lorsqu'il y a des prestations échelonnées dans le temps, sont sur le point de l'être. S'il s'agit, par exemple, d'un louage d'ouvrage, la preuve de l'absence de déguisement ne peut résulter du paiement du prix ; il faut établir que le cocontractant a fourni réellement son travail ou son industrie. S'il y a eu prêt à intérêt, l'emprunteur ne doit pas seulement prouver qu'il a souscrit l'engagement de rembourser le principal et de payer les intérêts ; il doit également justifier avoir reçu et conserver les fonds qu'il rémunère.

110

De même, il y a lieu de démontrer l'utilisation effective ou l'utilité réelle des brevets cédés ou concédés ainsi que, de façon générale, chaque fois qu'il y a cession ou concession d'éléments de la propriété industrielle, à la fois l'originalité des connaissances techniques transférées et l'intérêt qui s'attache à leur acquisition.

120

La preuve de l'absence de caractère anormal ou exagéré oblige le contribuable à démontrer que le contrat dont il a établi la sincérité est, en outre, normalement équilibré. Il doit à cette fin apporter toutes justifications et précisions sur l'importance réelle des avantages qu'il a retirés du contrat et montrer que les charges qui en sont la contrepartie en représentent la juste rémunération, compte tenu des débours habituellement exposés pour obtenir des services analogues.

C'est ainsi que pour des redevances payées à raison de l'acquisition d'un brevet ou de la concession d'une licence d'exploitation, le débiteur des redevances ne devra pas se borner à produire la convention constatant l'accord sur la chose et sur le prix, à fournir les titres officiels délivrés pour les protéger et à prouver qu'ils correspondent vraiment à une invention. Il lui appartiendra également d'établir que cette transaction s'inscrit dans le cadre d'une gestion normale et que son coût ne peut être regardé comme excessif.

130

Il est observé, d'autre part, que les dispositions prévoyant la possibilité d'une répartition forfaitaire des frais communs d'un groupe d'entreprises dont certaines sont installées à l'étranger ne sont pas applicables lorsque le paiement de la participation est effectuée à une société établie dans un pays visé par larticle 238 A du CGI.

Dans ce cas, en effet, une double preuve incombe à l'entreprise débitrice : l'existence des services ou travaux dont elle a bénéficié en contrepartie de ses paiements ne saurait être présumée ; il appartient à l'intéressée d'en démontrer la réalité. Cette démonstration étant faite, la société débitrice ne saurait se borner à faire valoir que la clé de répartition adoptée constitue un système logique et vraisemblable. Elle doit apporter la preuve que ce mode de calcul forfaitaire aboutit à lui faire payer le juste prix des services effectivement obtenus.

3. Non formalisme de la reconstitution

140

L'article 238 A du CGI ne limite pas les moyens de preuve ; il ne fixe pas non plus la date limite de leur admission. C'est donc le droit commun qui s'applique. Sont, dès lors, recevables tous les modes de preuve compatibles avec les règles de la procédure écrite. Les justifications peuvent être annexées à la déclaration ou produites ultérieurement, par exemple en réponse à une proposition de rectifications, ou même fournies devant la juridiction contentieuse à toute hauteur de l'instance.

C. Subsistance des garanties du contribuable

150

L'article 238 A du CGI est une disposition à caractère dérogatoire et il doit, dès lors, être appliqué limitativement à la situation qu'il vise exactement.

Or, il s'agit d'un texte touchant aux règles de fond relatives à l'établissement de l'impôt ; il ne peut, par suite, que rester sans influence sur la procédure d'imposition ainsi que sur le régime des sanctions.

1. Procédure d'imposition

160

Sur ce point il convient de se rapporter au BOI-CF-PGR.

2. Sanctions

170

Sur ce point il convient de se rapporter au  BOI-CF-INF.

II. Conséquences fiscales de la réintégration des sommes indûment déduites

180

Lorsque les conditions mises à son application se trouvent réunies, l'article 238 A du CGI autorise la réintégration dans l'assiette de l'impôt dû par le débiteur des charges qui ont été indûment déduites.

Le montant des sommes ainsi réintégrées, le régime fiscal auquel elles sont soumises, enfin, les pénalités s'ajoutant aux droits éludés appellent les observations suivantes.

A. Montant des réintégrations

190

Lorsque la réalité même de l'opération ne peut être établie, c'est évidemment l'intégralité de la dépense non justifiée qui doit être rapportée aux bases de l'impôt.

200

Il en est de même, en principe, lorsque la sincérité de l'opération n'étant plus contestable, la dépense qui s'y rattache est seulement anormale ou exagérée. En effet, l'application littérale du texte conduirait, dans ce cas aussi, à exclure des charges déductibles la totalité de la dépense et non pas seulement la fraction reconnue excessive.

Il a toutefois paru conforme à l'esprit de la loi d'admettre de ne réintégrer dans la base d'imposition que la partie apparaissant en définitive anormale ou exagérée.

B. Régime fiscal des sommes réintégrées

210

Le sort des charges réintégrées par application de l'article 238 A du CGI doit être réglé du point de vue fiscal en tenant compte des distinctions suivantes :

1. Débiteur passible de l'impôt sur les sociétés

220

Sur ce point il convient de se rapporter aux BOI-IS-BASE-30 et suivants relatifs aux charges.

2. Débiteur non passible de l'impôt sur les sociétés

230

La qualification donnée, antérieurement à leur réintégration, aux sommes exclues des charges déductibles n'a pas à être rectifiée au regard des retenues à la source.

C. Pénalités

240

Sur ce point il convient de se rapporter au BOI-CF-INF.